- Titre :
- Commission des lois - Débat au sujet des amendements concernant le logiciel libre
- Intervenants :
- M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président - Monsieur Luc Belot, rapporteur - Madame Batho - Madame Attard - Madame Chapdelaine - Monsieur Martin-Lalande
- Date :
- 13 janvier 2016
- Durée :
- 11 min 30
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Le compte-rendu officiel de la réunion du 13 janvier 2015
Transcription de 00:18:40 à 00:30:10
- Président :
- Nous en venons, toujours après l’article 9, à trois amendements identiques, le premier de la série des signataires. Madame Batho, vous êtes la première, vous le présentez.
- Delphine Batho :
- Monsieur le Président, en fait les trois amendements ne sont pas identiques et le premier dans la liasse, le 393, est un amendement de repli par rapport au 412 et au 408, en faveur desquels je suis. Donc peut-être que ce serait mieux que les deux autres soient présentés d’abord ou ?
- Président :
- Ils sont en discussion commune.
- Delphine Batho :
- À ce moment-là, dans ma première intervention, je vais soutenir les autres amendements, par rapport au 412. C’est un amendement qui vise à soutenir le développement des logiciels libres dans l’ensemble des services de l’État, des administrations, des établissements publics et entreprises du secteur public, donc avec une rédaction…
- Président :
- Delphine Batho, je m’excuse mais comme vous n’êtes pas signataire de ce deuxième amendement. Donc je dois impérativement, à ceux qui l’ont fait d’abord de le présenter.
- Delphine Batho :
- C’est ce que je vous proposais monsieur le Président.
- Président :
- D’accord. Dans ce cas-là, vous avez présenté votre premier amendement. Je vais donner la parole à chacun des autres signataires des autres amendements pour qu’ils les défendent, et on reviendra, peut-être…
- Delphine Batho :
- C’est ce que je proposais.
- Président :
- Le 2e amendement le CL412 rectifié, il n’est pas défendu, c’est pour ça que j’ai posé la question. Et le troisième amendement, le CL408, madame Attard, je suppose.
- Madame Attard :
- Tout à fait.
- Président :
- Qui est le même que celui de madame Batho.
- Madame Attard :
- Qui est le même.
- Président :
- Il y a deux amendements, en fait, qui sont identiques.
- Monsieur Coronado :
- Non, non, ce n’est pas le même ! Le CL408 « donne la priorité ».
- Président :
- Allez-y ! Défendez votre amendement.
- Madame Attard :
- Nous rappelons par cet amendement que le Logiciel Libre doit être priorisé dans l’administration, de la même façon que nous avions ensemble, monsieur le rapporteur et moi-même, essayé et réussi à faire évoluer la législation en ce qui concerne l’Enseignement supérieur et la Recherche. Il s’agit, évidemment, par cet amendement de généraliser cette priorité qui, actuellement, ne concerne qu’un secteur de notre vie publique.
- Président :
- Nous avons deux amendements en examen le CL393 et le CL408. Ils ont été présentés. Je vais donner la parole au rapporteur. On reviendra sur le débat. Monsieur le rapporteur.
- Le rapporteur :
- Je propose qu’on puisse, peut-être, aller vers l’amendement de repli qu’évoquait tout à l’heure Delphine Batho. D’abord, parce que « donne la priorité » n’est pas très clair dans les attentes, ou alors, il faudrait que ce soit inscrit dans le code des marchés publics, et là, pour le coup, je ne pourrais y être favorable. Je vous propose, madame Attard, le retrait de cet amendement pour pouvoir donner un avis favorable à l’amendement de repli, CL393 de Delphine Batho.
- Président :
- Merci. Donc vous donnez un avis favorable à l’amendement CL393, qui aurait de toute façon, pour effet, s’il était adopté, de faire tomber le 408, je précise. Madame la ministre.
- Madame la ministre Axelle Lemaire :
- L’expression « donne la priorité » emporterait, sans doute, un risque constitutionnel, dans la mesure où il pourrait contrevenir à la liberté d’entreprendre, puisque l’État ferait un choix d’emblée de type de logiciel au détriment des autres formats. C’est la raison pour laquelle le gouvernement n’est pas favorable à cette formulation. En revanche, il l’est concernant l’encouragement et la promotion à l’utilisation par l’État, par les administrations, par toutes les entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des logiciels libres et ouverts. Vous savez, peut-être, que je suis sensible à ce sujet du Libre et de l’open source. Il s’agit d’une filière économique importante pour la France, qui génère un chiffre d’affaires de plus de 4 milliards d’euros par an, avec un taux de croissance, pour 2015, de 9 %. Qui crée des emplois, aujourd’hui ce sont 50 000 emplois concernés par la filière, avec des champions français qui ont la capacité de devenir des champions mondiaux, en plus de toute la culture d’innovation technologique, mais aussi d’usages qu’emporte le recours aux logiciels libres, tant concernant les modèles économiques que les modèles sociétaux.
Jusqu’à présent c’est une circulaire qui était applicable, en ce domaine, qui a été adoptée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le 19 septembre 2012. Il me semble opportun d’élever, au niveau législatif, cet encouragement à la promotion du Libre. Pourquoi aussi ne pas aller plus loin ? Eh bien, parce qu’il ne faut pas méconnaître la réalité des entreprises qui fournissent des logiciels propriétaires. Là c’est un marché de 50 milliards d’euros, potentiellement, qui se déploie chaque année en France. Et puis, que ces autres types de logiciels, ils répondent aussi techniquement à des demandes, ou des besoins, auxquels ne répondent pas toujours les logiciels libres lorsque, par exemple, il n’y a pas de communauté de développeurs sur certains secteurs, ou lorsque la maintenance ne peut pas être assurée en continu. Je pense, en particulier, à certains logiciels métier qui sont développés en interne au sein de certaines administrations, et que l’on ne retrouve pas dans le domaine du Libre. Mais sous cette réserve, vous aurez compris que je suis extrêmement favorable à l’amendement 393.
Président : Merci. Alors il y a plusieurs demandes de prendre la parole. Madame Batho, madame Chapdelaine, madame Attard et monsieur Martin Lalande On a un avis favorable du gouvernement. Madame Batho.
Delphine Batho : La raison de l’amendement 397 (393, NdT.) c’est que je sais qu’il n’y avait aucune chance que les autres rédactions de ce texte soient adoptées, parce que je connais les arguments de la Direction des Affaires juridiques de Bercy, même si je n’y adhère pas. Je veux le préciser tout de suite. Et donc, le mot « encourage », j’ai été le chercher dans ce qu’on a fait sur une problématique comparable par rapport à toutes les questions de concurrence et de code des marchés publics, ce qu’on a fait sur les circuits courts dans la loi d’Avenir agricole, où on a cherché à contourner en mettant ce terme d’ « encourage ». Donc je considère que si cet amendement est adopté, ce sera déjà un premier pas, une première étape qui donnera un début de base législative. Mais la rédaction, je préfère le dire moi-même, même si j’en suis l’auteur, n’est pas satisfaisante.
Et depuis le dépôt de cet amendement, j’ai creusé et j’ai trouvé des dispositions dans le code de l’Éducation, qui font qu’on aura, je pense sur le terme, de nouveau un débat en séance, parce que, dans le code de l’Éducation, figurent les termes « les logiciels libres sont utilisés en priorité ». Je mets de côté la question du protocole signé entre l’Éducation nationale et Microsoft, pour ne pas ouvrir d’autres discussions. Mais donc, il y a bien cette notion de priorité, actuellement dans la loi, dans le code de l’Éducation. Il serait utile, je pense, dans les échanges d’ici la séance, qu’on en sache plus, en fait, sur l’ensemble du raisonnement juridique qui nous dit que c’est impossible de mettre le mot priorité dans la loi numérique. Donc, c’est une bonne chose si l’amendement est adopté, mais, sans doute, on pourra prolonger le débat en séance.
- Président :
- Merci. Madame Chapdelaine. Je vous donne la parole
- Madame Chapdelaine :
- Compte-tenu de l’avis favorable du rapporteur et du gouvernement…
- Président :
- Madame Attard.
- Madame Attard :
- Oui, nous allons retirer cet amendement au profit de celui de madame Batho, et nous verrons ce que nous redéposons pour la séance. Quelques petits points de précision cependant. Je pense que c’est utile lorsqu’on parle de logiciels libres. Le premier c’est qu’on ne parle pas, justement, d’un type de logiciel, on parle d’un type de licence légale. Il n’y a aucune différence technologique entre un logiciel libre ou non.
Ensuite, d’un point de vue de l’argumentaire, j’aimerais beaucoup que l’on puisse prendre aujourd’hui, je ne sais pas si madame la Ministre ou monsieur le rapporteur peuvent prendre ce genre d’engagement, de rendre publique la note juridique qui développe les arguments du gouvernement, en ce qui concerne la priorité ou non du logiciel libre. Et je ne vois pas du tout en quoi « priorité » empêcherait de faire appel à du non libre si le libre n’existe pas. C’est évident que lorsqu’il n’y a pas de logiciel libre, on ne peut pas avoir de la priorité, on revient au logiciel prioritaire. D’un point de vue de rédaction, ce n’est absolument pas gênant.
Pour finir, ne jamais oublier que dans votre consultation, et je vous remercie encore de l’avoir fait de cette manière aussi innovante, dans toute la communauté des internautes et autres, d’une façon beaucoup plus large, la question des logiciels libres, la priorité au logiciel libre, je maintiens ce mot, la priorité au logiciel libre a été plébiscitée par les personnes qui ont participé à cette consultation. Largement correspond aux propositions qui ont été le plus plébiscitées par les internautes, c’est la priorité au logiciel. On ne parle pas de détails technologiques. Air France ou Aéroport de Paris, lorsqu’il y a eu les problèmes de maintenance, vous parliez de maintenance, à l’instant, par rapport aux logiciels libres, je pose la question de la maintenance des logiciels Microsoft lorsqu’il y a eu les problèmes au niveau des aiguilleurs du ciel avec des logiciels qui n’avaient jamais été mis à jour. Donc, je pense que sur cette question il y a beaucoup de « on dit », il y a beaucoup de préjugés, et beaucoup de choses qui ne sont absolument pas exactes, et qui sont véhiculées par les lobbies. Je vous remercie.
- Président :
- Merci. Monsieur Martin-Lalande, je vous prie.
- Monsieur Martin-Lalande :
- Merci monsieur le président. Deux remarques. D’abord le mot encourage a une valeur juridique que nous savons faible, on peut dire c’est un euphémisme. Deuxièmement, ce matin on a longuement discuté sur le côté exemplaire de l’Assemblée nationale pour l’ouverture des données. Dans la précédente législature nous avions des logiciels libres à l’Assemblée nationale. Est-ce que nous allons déposer un amendement pour imposer le logiciel libre à l’Assemblée nationale, comme sous la précédente législature ? Point d’interrogation.
- Président :
- Merci chers collègues. Je vous propose de mettre aux voix cet amendement. Nous sommes au CL393 qui a reçu un avis favorable de notre rapporteur et du gouvernement. Merci de voter. Qui est pour ? Qui est contre ? Amendement adopté. Les autres, un était non défendu, l’autre était retiré.