- Titre :
- Un autre Internet est-il possible ? Naviguer sans Google, Gmail, Microsoft et consorts.
- Intervenants :
- Adrienne Charmet-Alix - Eric Léandri - Lionel Allorge - Stanislas Sabatier - Louis Bozon - Yannick Hillair - Lénora Krief - Guillaume Erner - Des auditeurs
- Lieu :
- France Inter - Émission Service public
- Date :
- Octobre 2014
- Durée :
- 51 min
- Écouter le podcast
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- transcription réalisée par nos soins.
Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.
Description
Vivre sans Google, Microsoft ou Yahoo, c’est possible, sans pour autant se passer d’ordinateur ... Oui, il est possible de se passer de se passer de ces géants pas forcément sourcilleux de votre vie privée, vivant de la publicité d’une manière ou d’une autre…
Transcription
Guillaume Erner : Laetitia, on va tout vous expliquer ; on va vous expliquer comment vous allez pouvoir surfer sur Internet en vous passant des géants du Net, car vous savez que ceux-ci sont dangereux et représentent une menace pour votre vie privée et quelle vie privée !
Laetitia : Donc vous pensez que je suis la seule ? D’accord, super, merci.
Guillaume Erner : On vous retrouve à 11 heures pour une autre page d’informations et, pendant ce temps-là, on va parler du Net, des logiciels libres, des boîtes mail qui ne sont pas forcément sur Gmail ou sur Hotmail, avec vos questions et vos témoignages au 0145247000, sur le site internet de France Inter, franceinter.fr et sur Twitter, car nous sommes sur Twitter, nous nous appelons « service public FI ».
[Musique]
Guillaume Erner : L’accident de Michael Schumacher révèle une nouvelle fois l’état catastrophique des médias. Vous vous demandez quel lien peut bien exister entre l’accident de ski du champion automobile et l’information que l’on nous sert. Eh bien voilà : depuis cette chute de ski, personne ne comprend comment un choc à priori peu violent, en tout cas en apparence, a pu provoquer un traumatisme crânien et plonger le pilote de F1 dans un coma aussi profond. Or aujourd’hui, quelques mois après le drame, une hypothèse surgit mezza voce : le cerveau de Schumacher n’aurait pas été endommagé par la chute directement, il n’aurait été endommagé qu’indirectement par cette chute. La pierre, initialement montrée du doigt, ne serait pas l’unique coupable. C’est la caméra qu’il portait sur son casque, une Go Pro et même, plus précisément, le pilier de la Go Pro, le petit tube de métal qui maintient la caméra sur le casque, qui aurait causé le traumatisme. Alors je suis évidemment incapable de vous dire si la Go Pro est effectivement responsable de l’état actuel du champion, mais ce que je sais c’est que les journaux se sont bien gardés de l’écrire. Et pour une bonne raison : Go Pro est aujourd’hui un gros annonceur ; enquêter sur les dommages causés par la caméra aurait fait désordre et ce, d’autant plus que Go Pro a été introduit en bourse en juin dernier, soit trois mois après le drame. Attention, je ne dis pas qu’un complot Go Pro existe, mon hypothèse est bien plus pessimiste que cela : les médias du monde entier se sont autocensurés pour ne pas s’aliéner un gros annonceur. Tout cela pour vous dire que si un jour un homme meurt parce qu’il a avalé son Iphone, ou bien devient idiot à cause de Netflix, nous ne le saurons jamais. Comme dans le cas de Schumacher, on accusera les pierres, parce que, pour l’instant, aucun gros acteur du marché publicitaire ne vend des pierres.
Voix off : France Inter – Service public – Guillaume Erner
[Musique]
Guillaume Erner : Un autre Internet est-il possible ? Peut-on naviguer sans Google, Gmail, Microsoft et consorts ? Pour en parler je suis en compagnie tout d’abord d’Éric Léandri. Bonjour.
Éric Léandri : Bonjour.
Guillaume Erner : Éric Léandri, vous êtes cofondateur de qwant.com, un moteur de recherche européen alternatif, qui ne vous traque pas, alternatif évidemment à Google. Vous nous expliquerez comment ça fonctionne, comment vous vivez et quels sont les bénéfices que l’on peut attendre, donc, d’utiliser Qwant [1] plutôt que Google. En face de vous Stanislas Sabatier. Bonjour.
Stanislas Sabatier : Bonjour.
Guillaume Erner : Vous êtes fondateur de Mailden [2], une société qui commercialise des comptes e-mails sécurisés et privés, sécurisés et privés pour que l’on conserve donc une vie privée et, en échange de quoi, vous ne vivez pas de la publicité mais des sommes que l’on vous verse. Là aussi, vous nous expliquerez comment tout ceci fonctionne. Lionel Allorge vous êtes président de l’association April [3] qui fait de la promotion et de la défense du Logiciel libre.
Lionel Allorge : Bonjour.
Guillaume Erner : Un logiciel libre, c’est la preuve que, finalement, on peut surfer, on peut travailler sur un ordinateur sans avoir recours aux produits Microsoft ? C’est ça ?
Lionel Allorge : Voilà, tout à fait. Les logiciels libres proposent une vaste alternative de logiciels qui sont respectueux des libertés des utilisateurs.
Guillaume Erner : Ces logiciels sont, par exemple, un traitement de texte, un tableur ?
Lionel Allorge : Tout à fait. Vos auditeurs connaissent peut-être Firefox qui est un navigateur sur Internet. On peut citer aussi VLC qui est un lecteur de fichiers audio et vidéo, qui est assez réputé, et tout ça ce sont des logiciels libres.
Guillaume Erner : Donc ils sont gratuits et on peut à la fois les utiliser lorsqu’on est un néophyte, évidemment ils sont accessibles, il ne faut pas être informaticien pour les utiliser. Et il est également possible de les améliorer, là, cette fois-ci, si on est informaticien ; tout le monde peut participer à l’élaboration de ces logiciels libres.
Lionel Allorge : Voilà, tout à fait. Ce sont des logiciels qui permettent aux utilisateurs de s’impliquer dans le développement des logiciels et, a minima, de vérifier ce que font les logiciels, donc ce qui est important pour ce qui nous concerne aujourd’hui.
Guillaume Erner : Et puis, au cœur de tout cela,il y a évidemment la notion même de vie privée, puisque ce que l’on peut d’abord reprocher à Google, Facebook et consorts, c’est d’utiliser la vie privée des individus dans la manière donc dont ils se servent de leur boîte mail, de leurs messages Facebook. La vie privée est-ce si important que cela ? Bonjour Adrienne Charmet-Alix. Vous êtes coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net [4], association de défense des libertés numériques. Si on n’est pas un terroriste, en quoi a t-on à redouter ce que Google ou ce que Facebook font de nos données privées ?
Adrienne Charmet : Bonjour. Alors il n’y a pas besoin d’être un terroriste pour avoir envie et besoin d’avoir une vie privée. Ça semble être une notion élémentaire. Vous ne vivez pas dans un appartement avec des murs en verre, vous avez envie d’avoir votre intimité ; vous n’avez pas envie que votre facteur ouvre votre courrier, vous n’avez pas forcément envie qu’on vous propose : imaginez, si vous avancez dans la rue et, en permanence, suivant ce que vous avez dans la tête ou les conversations que vous avez eues avec des gens précédemment on vous envoie des pubs ciblées, et on analyse tout ce que vous pensez, tout ce que vous dites, tout ce que vous écoutez comme musique, etc. La vie privée c’est simplement avoir sa part de tranquillité, d’intimité, et on n’a pas besoin d’avoir quelque chose à cacher pour avoir le droit à ça.
Guillaume Erner : Avez-vous l’impression que ce combat, votre combat puisque c’est celui que vous menez à La Quadrature du Net, est un combat qui commence à se diffuser dans l’opinion ? Ou bien a t-on encore tendance à croire qu’il faut être, encore une fois, Ben Laden pour avoir quelque chose à cacher ?
Adrienne Charmet : Non, je pense qu’un des avantages paradoxaux de l’affaire Snowden.
Guillaume Erner : L’affaire Snowden, donc cet homme.
Adrienne Charmet : Cet homme qui a révélé l’importance et le côté très massif des écoutes des services secrets américains sur les internautes du monde entier.
Guillaume Erner : Dévoilant qu’il y avait une collaboration étroite entre ces grandes entreprises du Net et des services de renseignement.
Adrienne Charmet : Voilà, qui avaient accès, de manière directe, aux services de Google, aux services de Microsoft, etc., selon la loi américaine. Paradoxalement, cette affaire-là qui semble assez lointaine, a fait prendre conscience aux gens, de manière massive, qu’ils avaient beaucoup de données qui intéressaient beaucoup de gens et qu’il fallait peut-être réfléchir à ce qu’on allait en faire.
Guillaume Erner : Eh bien figurez-vous qu’on a justement un extrait d’un message diffusé par Edward Snowden ; c’était en Noël dernier. Voici la voix d’Edward Snowden.
Voix d’Edward Snowden : A child born today will grow up with no conception of privacy allow. He will never know what it means to have a private moment for himself, an unrecorded an unanalyzed record. And that’s a problem because privacy is major. Privacy is what allows us to determine who we are and who we want to be.
Guillaume Erner : Que dit Snowden dans ce message ? Il dit : « Un enfant qui naît aujourd’hui grandira sans aucune notion de vie privée. Il ne saura jamais ce que signifie d’avoir un moment privé pour lui-même, une pensée non enregistrée et non analysée . Et c’est un problème parce que la confidentialité est importante. La vie privée est ce qui nous permet de déterminer qui nous sommes et qui nous voulons être ». Il y a la vie privée par rapport aux pouvoirs publics, il y a la vie privée par rapport aux multinationales et on peut se battre, peut-être faut-il même se battre pour la conserver. On écoute SBTRKT, New Dorp, New York, et tout de suite après on continue à évoquer les possibilités qui nous sont offertes pour surfer sans le secours des géants du net.
[Musique]
Guillaume Erner : Service public sur France Inter. Comment continuer à surfer sur Internet sans le secours des géants d’Internet ? Comment protéger sa vie privée ? Comment aussi protéger son porte-monnaie ? Nous sommes en compagnie de plusieurs acteurs de ce mouvement. Tout d’abord Lionel Allorge, président de l’association April qui milite pour le Logiciel libre ; Éric Léandri, cofondateur de Qwant, Qwant est un moteur de recherche qui concurrence Google ; Stanislas Sabatier, fondateur Mailden, une société qui vous propose un e-mail sécurisé et privé ; et puis enfin, Adrienne Charmet-Alix, de La Quadrature du Net, une association qui combat pour les libertés sur le Net. Et, pour vous montrer que tout ceci est très simple, on a fait un test, on a pris quelqu’un que vous connaissez bien, que nous connaissons bien, Louis Bozon et on lui a montré comment on se servait de Qwant pour montrer que tout le monde pouvait se servir de Qwant, même quand on n’a pas toujours l’habitude d’Internet. C’est le test du jour dans Service public.
[Musique]
Voix off féminine : Un deux, un deux. J’ai testé pour vous la pilule Nobab, je ne peux rien dire encore, mais il n’est pas impossible qu’il faille la prendre deux fois par jour. Un deux, un deux.
Voix off masculine : Nous allons maintenant faire le test de capacité à l’autorégulation thermique, mettez vos casques.
[Musique]
Guillaume Erner : Bonjour Lénora.
Lénora Krief : Bonjour Guillaume.
Guillaume Erner : Alors comment ça c’est passé avec Louis Bozon ? Vous l’avez fait surfer ?
Lénora Krief : Tout à fait. je l’ai fait surfer sur le Net. Louis Bozon qui anima durant 13 ans sur notre station Le Jeu des 1 000 euros et qui fait aujourd’hui partie de la bande originale de Nagui, a donc accepté de se lancer dans cette aventure informatique. Louis Bozon a un usage modéré d’Internet, il préfère la lecture papier au numérique et surtout, ne souhaite pas y passer trop de temps. Sur la toile, il recherche avant tout la simplicité. Avec votre collègue Yannick Hillair, responsable marketing de Qwant, nous sommes allés chez lui pour installer ce moteur de recherche sur son ordinateur. Est-ce que vous compterez bientôt Louis Bozon parmi vos nouveaux utilisateurs ? La réponse dans ce reportage.
[Toc-toc]
Louis Bozon : Entrez.
Lénora Krief : Bonjour monsieur Bozon.
Louis Bozon : Entrez. Bonjour.
Lénora Krief : C’est un service à domicile pour rendre votre ordinateur libre et indépendant.
Louis Bozon : Eh bien écoutez, je n’attends que ça. Bonjour.
Yannick Hillair : Bonjour monsieur Bozon.
Louis Bozon : Entrez par là. Alors moi Internet je m’en sers pour tout ce qui est évidemment mail, e-mail. J’écris mes livres là-dessus, je consulte Wikipédia, tout ce qui est renseignement, la bande originale de Nagui. Il faut toujours que j’ai une information qui m’ait passionnée dans la semaine. Donc je cherche. Voila comment j’utilise mon ordinateur.
Lénora Krief : Est-ce que vous utilisez Google pour faire vos recherches ?
Louis Bozon : Oui, oui, c’est vraiment le principe pour moi, je suis Google incontestablement.
Lénora Krief : Vous utilisez Google et vous avez même Google Chrome comme navigateur
Louis Bozon : À dire vrai, tout ça, je joue avec ça sans trop savoir ce que j’utilise.
Yannick Hillair : Et la boîte mail.
Lénora Krief : La boite de messagerie c’est Gmail. C’est la boîte de messagerie de Google.
Louis Bozon : Voilà exactement.
Lénora Krief : Alors qu’est-ce que vous en pensez, justement, Yannick ?
Yannick Hillair : Qu’est-ce que j’en pense ? En fait, en réalité, ce sont souvent des choses qui sont installées par défaut. Mais en général, quand on clique et que ça apparaît tout de suite, c’est qu’il y a peut-être quelque chose de caché derrière.
Louis Bozon : C’est même sûr !
Yannick Hillair : Et c’est pour cela que nous avons lancé notre moteur de recherche qwant.com qui est, à notre sens, une brique, une solution pour permettre aux utilisateurs, aux gens, de pouvoir se protéger au quotidien.
Lénora Krief : Justement vous allez nous montrer à quoi ressemble ce moteur de recherche Qwant.
Yannick Hillair : Avec grand plaisir, je vais vous entrer l’adresse Q,W,A,N,T, point com.
Louis Bozon : Q,W,A,N,T, point com.
Lénora Krief : Nous y voici. On fait un test ?
Louis Bozon : Faisons un test.
Lénora Krief : Tapons par exemple « prix Nobel ».
Louis Bozon : Je le tape.
Yannick Hillair : Ici, dans la barre de recherche.
Louis Bozon : On tape « prix Nobel », alors ?
Lénora Krief : Eh bien on tape « prix Nobel ».
Louis Bozon : Qu’est-ce qui apparaît ?
Yannick Hillair : On arrive ici sur ce qu’on appelle la vue colonne, parce que nous avons choisi de séparer le web en cinq, comme je vous l’ai dit. D’une part, vous avez le web classique avec les sites institutionnels. Vous avez l’actualité. Tout ce qui est dit dans la presse, dans les médias, remonte ici.
Louis Bozon : Très utile.
Yannick Hillair : Nous avons le social, toutes les mentions du terme « prix Nobel » dans les réseaux sociaux remontent là.
Lénora Krief : Donc il y a une colonne réservée aux réseaux sociaux.
Yannick Hillair : Tout à fait.
Lénora Krief : Vous tweetez monsieur Bozon ?
Louis Bozon : Non je ne tweete pas. Je ne suis pas à Facebook. Là encore, ça ne m’intéresse pas du tout ; ce n’est pas la peine. J’ai mes rapports quotidiens avec mon monde. Non, je ne sais pas. Alors disons que je ne suis pas du tout, je suis en marge d’une société, incontestablement.
Lénora Krief : Alors cette colonne, réseaux sociaux, n’intéresserait pas monsieur Bozon.
Yannick Hillair : Oui et non.
Louis Bozon : Je pourrais m’y mettre, je pourrais m’y mettre, mais bon pourquoi pas ?
Lénora Krief : On a des vidéos aussi sur Qwant ?
Yannick Hillair : Exact. Un nom, un artiste qui vous plairait ?
Louis Bozon : Alors Schubert ; Allez, on met Schubert. Schubert.
[Musique de Schubert]
Louis Bozon : C’est bien Schubert. Je ne sais pas si j’écouterais. Je recherche plutôt des documentations plutôt que d’écouter de la musique ; j’ai des disques, c’est vrai. C’est bien, c’est bien ! C’est très vivant !
Yannick Hillair : Pour terminer on ferme et on retourne à la page de Qwant,
Lénora Krief : Est-ce que ça vous plaît, justement, qu’on sépare en cinq colonnes ?
Louis Bozon : Je vais m’y habituer. C’est plus vivant, c’est beaucoup plus vivant. Écoutez, très sincèrement, moi je suis assez fermé, je suis assez victime d’habitudes comme tout le monde, mais là ça ne me fait pas peur du tout, ça me fait plaisir, vraiment. Qu’est-ce qu’il faut je fasse, moi, pour utiliser Qwant ? Parce que je me l’ai pas Qwant. Il faut que j’adapte quelque chose à mon ordinateur ?
Yannick Hillair : Du tout. Pas du tout !Vous avez accès sur tous les navigateurs, qwant.com, quand vous le tapez de n’importe où, ça fonctionne.
Lénora Krief : Même Google accepte ?
Yannick Hillair : Même Google accepte Qwant.
Louis Bozon : Il aurait pu le refuser.
Yannick Hillair : Il aurait pu le refuser.
Louis Bozon : Il ne se protège pas bien finalement. Mais alors quand je me sers de Qwant, quand j’envoie mes e-mails, ils seront plus protégés parce que je me sers de Qwant ?
Yannick Hillair : Du tout. Qwant c’est un moteur de recherche. Gmail envoie des mails.
Louis Bozon : Donc je suis encore le seul dans la nature.
Yannick Hillair : Mais justement, c’est de là que vient la curiosité de se dire quelles sont les alternatives à Gmail par exemple.
Lénora Krief : Bientôt Qwant aura sa messagerie ?
Yannick Hillair : Tout à fait.
Lénora Krief : Et vous pourrez passer de Gmail à Qwant mail.
Yannick Hillair : Tout à fait. Qmail.
Louis Bozon : Écoutez je vais me lancer. Si vous entendez des hurlements demain matin, vous ne serez pas là, tant mieux pour vous !
[Son du logiciel qui se referme]
Guillaume Erner : Merci Louis Bozon, merci Lénora Krief. Maintenant, grâce à vous Lénora, Louis Bozon a appris à se servir de Qwant. Qwant c’est donc ce moteur de recherche alternatif à Google. Comment ça fonction Éric Léandri ? Quels sont les capitaux que vous avez utilisés pour monter ce moteur de recherche ?
Éric Léandri : On a utilisé plusieurs millions d’euros. En fait d’abord français pour la plupart et ensuite internationaux et aujourd’hui on a rajouté encore plusieurs millions d’euros, on va mettre dans la dizaine, pour continuer l’aventure avec des capitaux, cette fois, venant d’Allemagne.
Guillaume Erner : Mais ces millions ils viennent d’où ? De qui ?
Éric Léandri : Ils viennent d’investisseurs privés, tous privés, tout ça c’est de l’argent privé.
Guillaume Erner : On est tous privés à un moment ou à un autre !
Éric Léandri : Oui, sauf l’argent public, mais, pour le reste, on est tous privés.
Guillaume Erner : Qui nous dit qu’il n’y a pas derrière Qwant un autre géant du Net qui ne voudrait pas se faire connaître ?
Éric Léandri : Deux choses. Et une des choses qui est la plus intéressante c’est le dernier investisseur, Axel Springer, qui lui est très connu, qui est un grand groupe de médias allemands, nous a obligés, et on en est très heureux, on l’a signé des deux mains, à écrire dans son investissement que tant qu’on préservait la tranquillité de nos internautes, tant qu’on préservait la vie privée de nos internautes, il serait au capital. Si jamais on changeait de politique, si jamais on changeait notre politique générale depuis le début, il sortirait du capital et il arrêterait de nous aider et de nous financer.
Guillaume Erner : Et quel est son intérêt à lui ?
Éric Léandri : Son intérêt à lui : le CIO [Chief Information Officer] d’Axel Springer est la personne qui a fait l’article expliquant que maintenant il commençait à avoir vraiment peur de Google. Et quelle est sa peur ? Sa peur est très simple. Aujourd’hui vous avez chez Google une envie de verticaliser. C’est-à-dire que quand Google fait Google Shopping, il détruit des milliers de sites qui faisaient du classement pour le shopping. Quand ils font du Google Travel, ils détruisent les sites qui faisaient tout simplement du classement pour vos voyages, comme TripAdvisor ou d’autres. Donc aujourd’hui, quand Google commence à faire des niches, quand Google commence à être concurrent des propres sites qui sont sur l’Internet, ça commence à être très difficile de jouer contre le numéro un.
Guillaume Erner : C’est le premier danger de Google le fait qu’aujourd’hui sa position de monopole absolu sur Internet peut lui permettre, effectivement, de tuer tous les autres acteurs et donc d’atteindre une taille telle qu’il deviendrait, peut-être, l’une des sociétés les plus puissantes qui n’ait jamais existé. Et puis il y a la question de la vie privée. La question de la vie privée elle n’est absolument pas abstraite, elle est même très concrète. Si on fouille dans ces conditions d’utilisation des services internet, c’est-à-dire quelque chose qu’on ne fait évidemment jamais, mais que vous, vous avez faite pour nous, Stanislas Sabatier, fondateur de Mailden.
Stanislas Sabatier : Oui. Par exemple, si on regarde les conditions générales d’utilisation de Google, vous pouvez voir marqué, noir sur blanc, « nos systèmes automatisés analysent vos contenus, y compris les e-mails. Cette analyse aura lieu lors de l’envoi, de la réception et du stockage des contenus. Vous accordez à Google une licence, dans le monde entier, d’utilisation, etc. ». On peut faire la même chose chez Yahoo. Yahoo analyse votre courrier électronique ; c’est dans les conditions générales d’utilisation de ses services.
Guillaume Erner : Pourquoi analysent-ils notre courrier électronique ? Qu’est-ce qu’ils font de toutes ces données qui, aujourd’hui, sont récupérées par les moteurs de recherche ou les fournisseurs d’adresses e-mail ?
Stanislas Sabatier : En fait, c’est leur modèle économique. Ils vendent de la publicité, donc ils ont besoin de récolter le plus d’informations possibles sur les utilisateurs de leurs services. Donc plus ils vont fournir de services, plus ils vont pouvoir récolter de données. C’est pour ça qu’ils se lancent dans les voyages, dans ceci, dans cela. Et quel est le service qui vous donne le plus d’informations sur vos utilisateurs ? Eh bien c’est le mail, parce que quand vous ouvrez tous les e-mails, toutes les pièces jointes et que vous scannez tout et que vous gardez une copie de tous ces éléments-là pour pouvoir faire du profilage marketing, vous avez le plus d’informations possibles sur les personnes que vous hébergez.
Guillaume Erner : Google gagne de l’argent, il en gagne énormément. Il gagne de l’argent en mettant de la publicité, évidemment, sur Internet, de la publicité qui est associée à vos goûts, c’est-à-dire que quand vous cherchez poussette une fois sur Google, eh bien vous aurez beaucoup de publicités de poussettes ensuite quand vous naviguerez.
Stanislas Sabatier : C’est même plus vicieux, parce qu’il suffit que vous discutiez avec vos proches, dans des e-mails, que vous disiez que untel attend un enfant ; machin c’est bientôt son anniversaire, qu’est-ce qu’on pourrait lui faire comme cadeau, etc., comme par hasard, vous allez avoir des publicités ciblées, qui vont apparaître, et peut-être des publicités de poussettes, sans même que vous ayez pensé le mot poussette. Donc c’est ça le risque.
Guillaume Erner : Et puis l’autre modèle économique de Google, toujours sur le même mode, on va dire, eh bien ce mode consiste à analyser ces données et à les vendre à d’autres sociétés.
Stanislas Sabatier : À les vendre, il s’en défendent, donc on ne veut pas savoir exactement ce qu’ils en font. Le problème c’est qu’on ne sait pas ce qu’ils en font et qu’ensuite, le problème du numérique, c’est qu’à partir du moment où vous avez d’énormes bases de données d’informations personnelles, eh bien un jour ou l’autre ces informations personnelles vont se retrouver sur Internet. Et donc ces masses de données sur vous-même, vous n’avez jamais la garantie qu’à un moment ou un autre elles ne vont pas se retrouver dans les mains d’une agence gouvernementale, d’une autre entreprise commerciale, de je ne sais qui d’autre.
Guillaume Erner : Alors il y a donc ce risque-là avec les moteurs de recherche. On se dit que lorsqu’on achète un traitement de texte à Microsoft, on n’a plus ce risque et pourtant on ne sait pas si ce risque n’existe pas. Lionel Allorge, on ne sait pas ce qui se passe quand on utilise un traitement de texte Microsoft, expliquez-nous pourquoi.
Lionel Allorge : Parce que ce n’est pas un logiciel libre, donc ça veut dire que c’est une sorte de boîte noire. On y entre des données, des données en ressortent, mais on ne sait pas comment c’est traité à l’intérieur et on n’a pas le droit d’aller voir. Donc le gros intérêt des logiciel libres, c’est de proposer des alternatives où des gens compétents, bien sûr, pas l’utilisateur lambda, mais des gens qui ont un petit peu d’expérience dans l’ informatique vont pouvoir aller vérifier que le logiciel fait bien ce qu’il prétend faire.
Guillaume Erner : Ce qu’il y a d’un peu effrayant et aussi d’extrêmement utile dans l’informatique c’est que lorsque vous travaillez sur votre ordinateur vous savez ce que vous faites, mais vous ne savez pas ce que l’ordinateur fait.
Lionel Allorge : Voilà. Sauf à installer un système complet de logiciels libres, ce qui est aujourd’hui très facile à faire et ce qui permet, à ce moment-là, de garder la maîtrise de son informatique.
Guillaume Erner : Nous avons un auditeur au 0145247000, Félix, qui nous appelle de Paris. Bonjour Félix.
Auditeur Félix : Bonjour France Inter.
Guillaume Erner : Nous vous écoutons Félix, vous allez parler librement.
Auditeur Félix : D’accord. Alors moi ce qui m’énervait un petit peu c’est, notamment quand on circule sur Internet, avec les vidéos, c’est-à-dire que depuis quelques années, notamment via YouTube, mais d’autres, on nous impose entre quinze à vingt secondes de publicités, de messages, etc., et qu’on n’a pas moyen, à part à installer des, comment dire, des extensions ou d’autres logiciels, de bloquer, justement, ces publicités. Et ça, franchement, je ne comprends pas comment on a réussi à se laisser imposer ces quinze secondes ou vingt secondes de pubs obligatoires.
Guillaume Erner : Comment a t-on réussi à imposer cela aux internautes, Stanislas Sabatier ?
Stanislas Sabatier : Tout simplement parce que c’est un service gratuit. Il faut bien que ce service soit payé par quelqu’un. Fournir des vidéos, entretenir des serveurs de vidéos, etc., c’est un coût énorme. Donc le seul moyen de financer ces services-là c’est de faire via la publicité. Si vous ne voulez pas de publicité, il faut aller vers des modèles alternatifs et pas uniquement des modèles publicitaires.
Guillaume Erner : C’est effectivement très important d’insister là-dessus : la gratuité ça n’existe pas. Si quelqu’un vous propose un service gratuit cela signifie que quelqu’un paye.
Éric Léandri : Non. Le monsieur, en face, vient de nous prouver exactement l’inverse. Linux c’est gratuit, c’est totalement gratuit et vous n’êtes pas le service. Qwant c’est gratuit, c’est totalement gratuit et vous n’êtes pas le service. Ça c’est encore la bonne nouvelle histoire pour nous servir une nouvelle sauce.
Guillaume Erner : Alors, attendez, parce que si on essaye de reprendre cette notion de gratuité, ce qui est fait avec le logiciel libre, Lionel Allorge, c’est tout simplement qu’il y a des bénévoles qui, en quelque sorte, payent de leur temps eux-mêmes pour développer ces logiciels ?
Lionel Allorge : Il n’y a pas que des bénévoles, c’est une des manières de développer le logiciel libre, mais il y a aussi beaucoup des structures qui payent des salariés, des professionnels, des informaticiens qui vont développer ces logiciels. Ça peut être des associations, ça peut être des fondations, par exemple, donc qui font appel à des dons pour financer ce qu’ils font, notamment la fondation Mozilla [5] qui fait Firefox dont on parlait tout à l’heure, fonctionne sur ce modèle-là.
Guillaume Erner : Et Qwant ? Quel est le modèle économique ?
Éric Léandri : Qwant c’est très simple le modèle économique. On va revenir il y a cinq ans en arrière, on va revenir à l’époque où rajouter des cookies, vous traquez absolument partout sur Internet.
Guillaume Erner : Les cookies, ce sont les petits programmes qui viennent se glisser sur votre ordinateur.
Stanislas Sabatier : Ce sont des tout petits fichiers, qui viennent se mettre sur votre ordinateur, dans lesquels on va remplir tout ce que vous êtes en train de faire, au fur et à mesure de votre navigation sur Internet. Mais encore une fois le cookie, c’est encore un mauvais mot. On utilise des cookies c’est juste pour changer la couleur en haut dans Qwant, et chez nos amis de chez Google, par exemple, j’appelle ça des cheesecakes, parce qu’ils sont tellement pleins de tout ce que vous faites à droite, à gauche.
Guillaume Erner : Des gros cookies.
Éric Léandri : Exactement, d’énormes cookies et c’est très différent. Donc en fait, le cookie c’était un système technique qui aidait à améliorer votre navigation et c’est devenu un tracker. A côté de ça, il y a cinq ans, personne ne vous traquait comme aujourd’hui. Personne ! Et pourtant, ces géants de l’Internet valaient déjà des centaines de milliards, Ils sont juste passés à traquer tout pour valoir encore plus d’argent. Il y a cinq ans c’était de la filiation. Vous cliquiez sur un lien comme du shopping, et si jamais vous achetiez quelque chose ou un voyage, on vous reversait un peu d’argent. On est resté sur ces vieux modèles qui ont fait leurs preuves et sur lesquels les gens font déjà énormément d’argent.
Guillaume Erner : On écoute M, Monde Virtuel, un disque choisi par Thierry Dupin, avec Stéphanie Texier à la réalisation.
[Musique]
Voix off : C’est la mode Facebook, tu fais un truc et tac !, tu vas écrire ce que t’as fait. Tu vois. Donc ça donne par exemple, je ne sais pas : « Quinze heures, Jean-Jacques a mangé un paquet de Pépito. Quinze heures trente, Jean-Jacques n’a plus faim ». Et maintenant, il y a les loisirs Facebook. Alors ce que ça donne puisqu’on te le propose : « Jérôme, alors tu as une petite vignette, Jérôme veux-tu faire partie du groupe de ceux qui veulent prendre l’apéro le matin ? — Un instant, je finis de m’inscrire au groupe de ceux qui apprennent par cœur les horaires du RER B et je vais vous rejoindre ».
Guillaume Erner : Service public sur France Inter, un Service public consacré à un autre Internet. Cet Internet qui est possible : naviguer sans Google, Gmail, Microsoft et consorts. Nous sommes en compagnie de Lionel Allorge qui promeut le logiciel libre ; Éric Léandri de Qwant, un moteur de recherche concurrent de Google ; Stanislas Sabatier qui propose Mailden, un mail qui vous permet de sauvegarder votre vie privée ; et Adrienne Charmet-Alix, de La Quadrature du Net, une association qui milite pour la vie privée, et selon vous, Adrienne, on en a bien besoin.
Adrienne Charmet : Oui, on en a besoin. On a besoin même de façon un peu plus large, parce qu’on ne milite pas que pour la vie privée mais plus généralement pour les libertés fondamentales sur Internet, de savoir un peu de quel Internet on a envie et de quel modèle on a envie. Là on a parlé un peu d’alternatives ou de questions d’argent, de questions de pourquoi est-ce qu’on est souvent le produit au lieu d’être la personne servie ? Il faut peut-être revenir un peu à l’histoire d’Internet, d’un Internet qui était très décentralisé et puis qui s’est concentré, au fur et à mesure des années, sur quelques grosses plates-formes, quelques gros services, comme Microsoft, Google, Facebook, Yahoo, etc. Et ces services ont donc, comme on l’a dit précédemment, basé leur modèle économique sur l’exploitation de nos données. Ce qui est important peut-être de réfléchir c’est de savoir si la solution n’est pas de revenir à une décentralisation, si l’alternative à la surveillance n’est pas cette décentralisation ; la reprise en main par les utilisateurs de leurs données, de leurs outils, de ce qu’ils veulent faire, de ce qu’ils veulent partager, pas partager. Et on est vraiment dans des enjeux très politiques, en fait, qui concernent même les gouvernements, de savoir ce qu’ils vont pousser ou pas pousser, qu’est-ce qu’ils font, eux, de la surveillance.
Guillaume Erner : C’est de la politique, mais c’est aussi de l’économie, tout simplement, parce que ces acteurs du Net, on le voit bien, sont aujourd’hui parmi les premières capitalisations boursières et, par conséquent, il n’est pas anodin, évidemment, de faire de la politique sur ces terrains, quand même.
Adrienne Charmet : Oui. Et puis on se retrouve avec une situation où ces acteurs, qui sont absolument monstrueux et énormes, sont toujours traités un petit peu à part. On se dit « oui, c’est compliqué, l’Internet c’est une nouvelle technologie, on n’arrive pas trop à savoir comment ça fonctionne », mais ça n’est plus vrai ! Ça fait plus de vingt que l’Internet est grand public, ça fait des années qu’on devrait arriver à avoir une vision politique et économique sur ces sujets-là.
Guillaume Erner : Néanmoins, il y a beaucoup de questions auxquelles on n’a pas de réponses. On ne sait pas, par exemple, si Microsoft utilise d’une manière ou d’une autre ce que l’on tape sur son traitement de texte. On dit donc que Google ne vend pas ses données, on ne sait pas s’il les loue ou pas, ou s’il n’y a pas un artifice, tout simplement, pour gagner de l’argent avec ça. C’est quand même un monde très opaque !
Adrienne Charmet : C’est un monde très opaque, mais ça tient quand même à nous de faire en sorte qu’il soit moins opaque. Si les internautes, les utilisateurs, exigent de ces entreprises qui sont à leur service, comme n’importe quelle entreprise, on est des clients de ces entreprise, si on décide de s’en aller, si on décide d’exiger d’avoir plus de transparence, et si on décide de reprendre la main sur les outils qu’on utilise, ils vont être obligés de changer. Facebook a changé un certain nombre de choses sur ses conditions d’utilisation.
Guillaume Erner : Lesquelles par exemple ?
Adrienne Charmet : Sur les réglages de confidentialité, par exemple. Ils avaient un moment où ils étaient partis sur « tout est public par défaut ». Les gens se retrouvaient en disant « mais comment ça se fait, je n’avais pas voulu que ce soit public ! » Ils ont été obligés de revenir en arrière. Ce n’est rien du tout et on continue à être largement pisté de partout. Mais la pression du consommateur, comme dans n’importe quel domaine économique, devrait pouvoir faire bouger ces entreprises.
Guillaume Erner : Nous avons Brigitte 0145247000. Bonjour Brigitte, nous vous écoutons.
Auditrice : Oui, bonjour. Je vous remercie de prendre ma question. J’aurais aimé savoir comment fonctionne le référencement sur le moteur de recherche Qwant.
Guillaume Erner : Eh bien on va poser la question à Éric Léandri qui est cofondateur de Qwant. Comment ça fonctionne Qwant ?
Éric Léandri : En fait on a des robots, donc des crawlers, qui se baladent sur Internet, qui viennent voir vos sites Internet, et puis derrière on a un ranking qui s’appelle your rank. En fait, on a utilisé des réponses du social ou des commentaires ou des choses dans les blogs et autres pour ranker vos différents sites. Et puis, derrière tout ça, si jamais votre site n’est pas référencé, vous pouvez aussi nous écrire et avec plaisir on fera passer nos crawlers chez vous pour voir si vous terminez dans la catégorie news, social ou vidéos, photos et sinon Internet bien évidemment.
Guillaume Erner : Ranker ça veut dire classer ?
Éric Léandri : Classer, ouais.
Guillaume Erner : Et c’est évidemment essentiel dans les moteurs de recherche, puisqu’il est non seulement important de trouver ce que l’on veut, mais aussi d’ordonner ce que l’on trouve en faisant des classements. Et sur Twitter, il y a beaucoup de trolls qui s’attaquent à Qwant. Les trolls, vous savez, ce sont des petits animaux qui écrivent des choses pas forcément toujours gentilles, alors on dit : « Qwant ça ne marche pas ! Vous faites de la pub à Qwant, c’est très lent ». Qu’avez-vous à répondre à ces critiques, Éric Léandri ?
Éric Léandri : Très lent. Comme on fait partie des 90 % de sites les plus rapides sur la toile complète, il va falloir peut-être passer sur Qwant, comme ça, ça va permettre de faire le test. Pour le reste, Qwant ça a un an et demi, c’est en train de faire son petit bonhomme de chemin, c’est en train d’indexer Internet progressivement. On essaye de faire au mieux, et avec plaisir pour toutes les critiques constructives pour nous expliquer ce qu’on fait de moins bien, ce qu’on pourrait faire de mieux, et avec grand plaisir pour améliorer le service tous les jours. D’ailleurs on a énormément de critiques qu’on a souvent prises en considération et on va continuer comme ça. Donc n’hésitez pas à nous écrire, si vous avez de meilleurs idées on les écoutera.
Guillaume Erner : Qwant c’est Q, W, A, N, T, je le précise pour ceux qui nous écoutent. Comment gagnez-vous votre vie, je vous ai posé la question tout à l’heure. Qu’est-ce qui vous fait courir ? Si vous avez fondé une entreprise pour gagner de l’argent, c’est bien naturel. Google, on a compris comment ils gagnaient de l’argent. Comment vous, vous gagnez le vôtre ?
Éric Léandri : Sur Qwant, vous avez une partie shopping qui a sa place dans shopping. Donc si vous cliquez sur un iPad et que vous achetez un iPad, j’aurai gagné un peu d’argent. Mais c’est sur shopping, ça n’est pas dans web, ça n’est pas dans social et si cette partie shopping ne vous intéresse pas, vous pouvez même la désactiver ; donc à vous de voir. Voilà très simplement comment on va gagner de l’argent en laissant les gens voir s’ils veulent acheter quelque chose.
Guillaume Erner : Stanislas Sabatier, vous, vous gagnez de l’argent avec Mailden en vendant une adresse pendant un an, c’est trente euros pour un an. Expliquez-nous comment ça fonctionne.
Stanislas Sabatier : C’est un service de mail qui fonctionne pour l’utilisateur comme n’importe quel autre service de mail, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de changement à la façon dont on utilise son mail. Il y a deux différences fondamentales, c’est un, vous l’avez dit, on paye, donc on a un contrat de service et Mailden s’engage dans le contrat qu’elle signe avec ses clients, du coup, puisque ce sont vraiment des clients, à protéger ses données personnelles et sa vie, enfin, et le peu de données qu’on peut se retrouver à collecter, puisque, malgré tout, comme on opère un service de e-mail, on collecte quelques données techniques. Et le deuxième aspect, c’est que nous avons mis en place une technologie de chiffrage à la volée des e-mails, qui font qu’une fois qu’un e-mail est arrivé dans votre boîte mail, vous n’êtes dès lors que la seule personne à pouvoir l’ouvrir et le lire puisqu’il est chiffré et que, pour le déchiffrer, il faut votre mot de passe. Donc c’est une différence fondamentale avec les autres services, c’est que, contrairement aux autres services où les e-mails qui sont des petits fichiers finalement qui circulent en clair sur Internet, se retrouvent en clair sur des serveurs et sont passés à la moulinette de logiciels de profilage, etc., nous, à partir du moment où votre e-mail arrive dans la boîte mail, il est chiffré et vous n’êtes, dès lors, plus que le seul à pouvoir l’ouvrir.
Guillaume Erner : La conséquence de cela, en quelque sorte la faiblesse de cette force qui consiste donc à avoir des mails cryptés, qui ne peuvent pas être lus par quelqu’un d’autre que vous, c’est que si d’aventure vous oubliez votre mot de passe, eh bien là vous êtes fichu !
Stanislas Sabatier : Vous perdez tout. Oui. C’est le contrat, c’est le deal.
Guillaume Erner : Vous perdez tout, tout simplement parce que personne d’autre ne peut ouvrir.
Stanislas Sabatier : On ne pourra pas ouvrir. Voilà.
Guillaume Erner : Et vous n’avez pas le mot de passe ?
Stanislas Sabatier : On n’a pas le mot de passe, donc on ne pourra pas ouvrir les e-mails.
Guillaume Erner : C’est trente euros pas an pour quelle capacité et par rapport à Google, ça donne quoi par exemple ? Par rapport à Gmail ?
Stanislas Sabatier : C’est trente euros pour trente gigas de stockage et cinquante alias, donc ça nous situe à peu près au niveau des prix de Google Apps, qui est la version pro de Google, version pro qui n’empêche pas que, dans les conditions générales de la version pro, ils ont toujours accès à vos mails.
Guillaume Erner : Qu’est-ce qu’il y a sous mon pouce, eh bien il y a un Rolling Stones, Under my Thum, et tout de suite après on continue à évoquer ce nouvel Internet qui pointe son nez.
[Musique]
Guillaume Erner : Service public sur France Inter. Un autre Internet est possible. Une émission préparée par Chantal Le Montagner, Élodie Piel, Ariane Ahmadi, et nous avons une possibilité pour qu’un autre Internet soit possible, c’est le Logiciel Libre, représenté ici par Lionel Allorge. Alors il faut démystifier ce qu’est le Logiciel Libre. On peut aujourd’hui, quand on ne connaît rien ou vraiment pas grand-chose à Internet, utiliser un logiciel libre, gratuit et sûr. Expliquez-nous comment Lionel.
Lionel Allorge : Oui. Eh bien les logiciels libres peuvent s’installer sur votre système habituel, que ça soit Windows ou Mac OS. Donc vous pouvez en trouver facilement sur Internet et vous les installez comme n’importe quel autre logiciel.
Guillaume Erner : Quels sont leurs noms, par exemple ?
Lionel Allorge : On a cité tout à l’heure Firefox qui est un navigateur pour aller sur Internet. On peut citer LibreOffice [6] qui est une suite bureautique pour faire vos tableurs, vos mails, vos courriers pardon. Donc tout ça, ça peut être trouvé facilement.
Guillaume Erner : Ou vos présentations.
Lionel Allorge : Ou vos présentations.
Guillaume Erner : On retrouve la suite bureautique classique de Microsoft, mais gratuite sous forme OpenOffice.
Lionel Allorge : Classique ; c’est ça.
Guillaume Erner : Et si on veut aller un peut plus loin, là c’est probablement un peu plus compliqué, si on veut utiliser un système d’exploitation qui soit un système d’exploitation libre, comme Linux, ça, est-ce que c’est envisageable aujourd’hui pour le néophyte ?
Lionel Allorge : Oui, c’est envisageable, parce que un peu partout en France, vous avez des groupes d’utilisateurs de logiciels libres qui font régulièrement des réunions où ils aident les gens à installer ces systèmes sur leur ordinateur. On appelle ça des install-parties ; vous en trouvez régulièrement un peu partout en France et là c’est le meilleur moyen de faire, c’est de se faire accompagner.
Guillaume Erner : Ça marche aussi bien sur PC que sur Mac ?
Lionel Allorge : Ça marche sur PC et sur Mac, mais là encore, le mieux c’est de demander à quelqu’un qui l’a déjà fait et qui va pouvoir vous guider dans les différentes manipulations.
Guillaume Erner : On a parlé de la vie privée, on a parlé de la manière dont les multinationales vendaient des données. On a peu parlé du piratage et de tout ce qui est virus. Lorsqu’on est sur un système d’exploitation Linux, on a moins de chance d’avoir des virus ?
Lionel Allorge : Beaucoup moins ! En pratique il n’y en a aucun, donc c’est vraiment un système qui est beaucoup plus sécurisé, essentiellement parce que, dès le départ, il a été basé sur un système sécurisé, ce qui n’était pas le cas de Windows, notamment.
Guillaume Erner : Et puis parce que les gens qui lancent des virus s’attaquent à la majorité, c’est-à-dire à ceux qui sont sous Windows, peut-être aussi ?
Lionel Allorge : Bien sûr, oui. Il y a un effet de masse qui fait que si on s’attaque à Windows, on a plus de chances d’arriver à toucher un certain nombre de gens.
Guillaume Erner : Nous avons Guylaine au 0145247000. Bonjour Guylaine.
Auditrice : Bonjour France Inter et merci de prendre ma question. Tout d’abord, je n’ai pas Internet chez moi, donc je consulte Internet dans une bibliothèque et afin de mieux préserver mes données personnelles, je les saisissais sur une clef USB, et on m’a conseillé de les stocker sur Dropbox, donc un site gratuit de Google. La question est de savoir les limites de confidentialité de ce site et si mes données peuvent être, justement, utilisées par Google.
Guillaume Erner : Il y a beaucoup de réactions dans le studio. Je ne sais pas qui veut répondre ? Éric Léandri ?
Éric Léandri : Je ne sais qui vous l’a conseillé, mais c’était très bien la première idée. Votre clef USB c’était vraiment le meilleur endroit et, dans votre poche, c’était sûrement le meilleur endroit, en plus si vous pouvez la crypter, c’est encore mieux.
Guillaume Erner : Eh bien moi je sais qui l’a proposé à Guylaine, vous êtes toujours en ligne Guylaine, vous pouvez réagir, mais on est de plus en plus incités à utiliser des clouds, c’est-à-dire un stockage sur la toile, et on l’est de manière, aujourd’hui je dirais, implicite, c’est-à-dire que vous arrivez, vous allumez votre ordinateur et vous voyez qu’on vous propose un cloud.
Adrienne Charmet : Oui, par exemple l’affaire qu’on a entendue il y a quelques semaines, de stars qui ont vu leurs photos diffusées sur Internet, c’est ce type de problème. Leur téléphone se synchronise automatiquement avec un cloud dont les conditions d’utilisation ne sont pas claires, et ils ne se rendent même pas compte que leurs données ne sont plus seulement sur le téléphone mais sont également ailleurs, et un piratage de ce cloud fait que tout se retrouve sur Internet. Il y a vraiment un problème d’information et de prise de conscience des gens de ce qu’ils signent réellement et de ce qui est fait de leurs données. Donc c’est vraiment un des problèmes fondamentaux.
Guillaume Erner : Stanislas Sabatier, c’est important de rappeler qu’un cloud c’est de l’espace disque dur que vous avez quelque part sur la toile ; cet espace disque dur coûte cher et donc, si on ne vous le fait pas payer directement, c’est qu’on vous le fait le payer indirectement ?
Stanislas Sabatier : Oui, et puis il y a un problème de où se retrouve ce stockage. En l’occurrence Dropbox est une société de droit américain. Donc ça veut dire que les données que vous sauvegardez sur Dropbox se retrouvent sur des serveurs aux États-Unis, sous la juridiction américaine, ce qui fait que vos données ne sont pas du tout protégées par les règles de droit que nous avons en France, qui ne sont pas les meilleures du monde, enfin qui sont déjà un peu plus protectrices. Donc au-delà de l’aspect purement contractuel — quel rapport j’ai avec le fournisseur de service —, au-delà de l’aspect technique — comment les données sont-elles protégées —, il y a l’aspect juridique : sous quelle juridiction je suis ?
Guillaume Erner : Oui Lionel Allorge.
Lionel Allorge : On peut citer aussi une alternative intéressante qui est l’association Framasoft [7] qui, depuis peu de temps, propose un certain nombre de services en ligne, équivalents aux grandes firmes, mais qui eux, à la différence de ces firmes, se financent par des dons des utilisateurs et, en plus, ont mis en ligne une charte de respect des droits des utilisateurs, ce qui est vraiment l’opposé de ce que font les grands groupes qu’on vient d’évoquer.
Guillaume Erner : Donnez-nous des exemples, justement.
Lionel Allorge : Eh bien, par exemple, ils vous proposent de pouvoir rédiger des textes à plusieurs sur ce qu’on appelle un pad et ce service il est gratuit mais en échange on vous propose de donner à l’association pour pouvoir financer ces utilisations ; et ils ont des centaines de milliers de pads qui sont ouverts pour les utilisateurs.
Guillaume Erner : Une question d’Odile. On a beaucoup parlé de soft. Si on parle, cette-fois-ci, de matériel, est-ce qu’il y a un matériel, autrement dit est-ce qu’il vaut mieux être PC ou Mac dans l’optique de préserver sa vie privée, sa confidentialité ? Ou est-ce que c’est Charybde et Scylla ?
Lionel Allorge : Pour l’instant on n’a pas encore de ce qu’on pourrait appeler le matériel libre, c’est-à-dire on n’a pas accès à des ordinateurs dont on connaisse tous les plans et les structures. Il y a des travaux qui sont faits dans ce sens, mais j’aurais tendance à dire que les PC sont, pour l’instant, la meilleure direction possible, parce qu’il y a de très nombreux fabricants, ce qui fait que des gens un petit peu connaisseurs peuvent assembler leur PC eux-mêmes à partir de pièces détachées, alors qu’un Mac, on est obligé d’acheter chez Apple.
Guillaume Erner : Et pour les smartphones ?
Lionel Allorge : Et pour les smartphones, il y a des alternatives qui commencent à arriver ; la fondation dont on parlait tout à l’heure, Mozilla, commence à proposer un système d’exploitation libre pour smartphone.
Guillaume Erner : Très rapidement, Adrienne Charmet-Alix, Jean qui est en Alsace et qui est inspecteur des impôts, nous dit : « Quels ont les liens entre Internet et les gouvernements ? Le gouvernement français regarde nos mails ? » Vous lui avez demandé ?
Adrienne Charmet : Alors, ça, on n’en sait rien, c’est fort probable.
Adrienne Charmet : C’est fort probable. On a beaucoup tapé sur les Américains, je pense qu’on serait assez inquiets.
Stanislas Sabatier : Le Monde a sorti un article cet été sur ce sujet sur les rapports entre Orange,
Adrienne Charmet : Entre la DGSE et Orange, tout à fait.
Stanislas Sabatier : Et les ingénieurs d’Orange, tous plus ou moins acoquinés avec La DGSE.
Adrienne Charmet : Voilà. Je pense qu’il ne faut pas se faire d’illusions sur ce qui ce qui se passe. Et puis il y a un certain nombre de législations en cours de vote actuellement qui montrent que le gouvernement français a très envie de surveiller, de contrôler ce qui se passe. Ça fait quelques années que les législations sur tout ce qui est services de renseignement, surveillance, terrorisme, etc., vont dans un sens de contrôle et de surveillance de l’Internet. Je crois qu’il ne faut malheureusement pas se leurrer et en avoir bien conscience dans nos choix politiques.
Guillaume Erner : Donc dans dans nos choix politiques, il y a le Logiciel Libre. C’est important, en conclusion, Lionel Allorge, de rappeler que c’est un choix politique.
Lionel Allorge : Oui, c’est un choix politique et on l’a vu récemment avec un accord qui a été passé par le ministère de la Défense français et Microsoft. C’est un accord qu’on appelle Open Bar, qui autorise les services à prendre les logiciels qu’ils souhaitent. Et ça c’est très problématique, parce que ça veut dire que le ministère de la Défense se livre pieds et poings liés à une société américaine.
Guillaume Erner : Merci beaucoup d’avoir été là ce matin. Je rappelle donc très rapidement qwant.com, un moteur de recherche. Mailden, ce système d’e-mail sécurisé et Les logiciels libres grâce à april.org.
Vous êtes un logiciel libre Nagui…