Bonjour. Je m’appelle Jean-Baptiste Forêt. Je suis technicien informatique installé à mon compte. Ma clientèle, c’est l’intitulé de ma conférence, est majoritairement une clientèle de retraités. Je suis orienté logiciels libres, autodidacte, donc à mon compte. J’habite et je travaille à la campagne et je suis handicapé de naissance. Ce sont donc tous les paramètres de ma vie. Je vais vous parler un peu de tout cela, si ça vous intéresse, si vous voulez faire un peu la même chose, le même travail.
J’ai illustré la première diapo avec un pingouin, parce que, là où j’habite, on a un des plus gros carnavals de France et, une année, ils avaient fait un pingouin comme char fleuri.
Quelques caractéristiques du lieu où je suis installé.
Je suis dans le centre de la France, dans le département de l’Allier, tout au milieu, il y a trois villes principales : Moulin, la préfecture, qui est la troisième en population, suivie par Vichy et Montluçon, la première. Dans l’Allier, il y a, au total, 335 628 habitants, vous voyez que c’est très rural, on n’a pas de grandes villes, la plus grande ville la plus proche, c’est Clermont-Ferrand à 100 km. J’habite à Ygrande, environ 800 habitants, située à mi-chemin entre Moulins et Montluçon, nous sommes quand même assez à l’écart des villes et c’est très rural.
Comme c’est un département rural, la part des plus de 65 ans est, bien sûr, beaucoup plus élevée que la moyenne nationale, donc, quand on a moins de 40 ans, on est un dans la minorité.
Je commence au début, chronologiquement.
Je vous ai dit que je suis handicapé, ça ne se voit pas. Je suis né avec une malformation du cœur : cela n’est pas un cœur normal, c’est un cœur comme le mien. Avec la flèche, je vais vous montrer, je vais emmener la flèche : là c’est l’aorte, juste en dessous, c’est l’artère pulmonaire, normalement elles sont inversées, l’aorte est sur le ventricule gauche et l’artère pulmonaire est sur le ventricule droit, là les deux sont inversées, c’est ce qu’on appelle une transposition des gros vaisseaux. Il y a un trou entre les deux ventricules, ici, c’est ce qu’on appelle une communication interventriculaire, et il y a un rétrécissement de l’artère pulmonaire, ici, ce qu’on appelle une sténose. Moi j’ai tout ça, j’ai donc eu de la chirurgie. On a permuté les deux artères principales. On coupe, on permute et on recoud, ça marche bien. Pour le trou entre les deux ventricules, on met une rustine, ça marche bien aussi, il faut un chirurgien bon en couture, et, pour la sténose, on met un tube qui contourne, une sorte de pontage, mais là c’est sur une grosse artère.
C’est ce que j’ai, ça ne voit pas, c’est un handicap pour le travail, donc, dans le domaine professionnel, ça gêne : je ne peux pas porter de trucs lourds, je ne peux pas courir, faire des sports intensifs, par contre j’ai une bonne endurance au niveau de la marche et du vélo sur le plat. Au niveau du temps de travail, je ne peux pas faire un plein temps, je suis fatigable davantage que la moyenne, j’ai donc le statut de travailleur handicapé par la MDPH départementale des personnes handicapées. Pour moi, le travail de technicien informatique est un peu facultatif parce que je ne suis pas obligé de travailler, mon handicap me donne droit à des allocations et je pourrais en vivre correctement, sans être trop gourmand, sans acheter du Apple !
J’ai dit que je suis autodidacte. J’ai commencé à l’adolescence, dans ma chambre, à m’intéresser à l’informatique, à monter des ordinateurs par moi-même. À l’époque, je ne connaissais pas Linux, les logiciels libres commençaient à exister, je ne crois pas qu’il y avait d’interface graphique sur Linux et, dans ma famille, personne ne faisait d’informatique. J’ai donc appris avec Windows, ce qui était le plus répandu. À l’époque, le premier ordinateur qu’on a eu était avec Windows 3.11 et, après, le premier que j’ai monté, c’était avec Windows 95. À l’époque, on récupérait des CD copiés avec Windows et on l’installait. Pour les logiciels c’était pareil, on récupérait une version piratée d’un Microsoft Office, on l’installait. C’est comme ça que j’ai commencé.
Après, j’ai fait d’autres choses, bien sûr. Comme c’est une passion, on ne veut pas en faire son métier, j’ai donc essayé d’autres choses. À cause de mes problèmes de santé, je n’ai pas pu faire d’études, j’ai fait un CAP de coutellerie et, après, j’ai fait un bac pro Maintenance informatique dans un centre de formation pour les gens qui sont reconnus travailleur handicapé, mais je n’ai pas appris grand-chose parce que je savais déjà beaucoup de choses, que j’avais apprises avant, tout seul. J’ai trouvé que toutes ces formations pour adultes c’était un peu de la garderie, c’était plutôt ennuyeux, beaucoup de temps passé dans le centre, dans les salles de cours pour pas grand-chose à la fin. Ça me permet d’avoir un diplôme qui ne me sert à rien en tant qu’auto-entrepreneur. Dans ce que je fais, on ne me le demande jamais, bien sûr. Je vous ai mis ma carte de visite, j’en ai aussi là si vous en voulez.
Sur ma carte de visite, j’explique un peu ce que sont les logiciels libres parce que les gens ne connaissent pas.
J’ai illustré mes diapos avec des photos que j’ai faites de certains de mes clients devant leur poste de travail.
En haut, c’est une dame d’environ 80 ans, qui habite en zone blanche, donc, elle ne peut pas avoir de connexion internet et le téléphone portable passe très mal. Elle est seule, elle n’y connaît rien en informatique, du coup, elle vient chez moi régulièrement et elle fait tout. Je lui donne un cours d’informatique, je lui explique comment fonctionne sa machine et, en même temps, je fais le secrétaire, c’est-à-dire qu’on fait toutes les tâches administratives ensemble. J’y reviendrai plus tard, mais on sert aussi à accompagner les gens dans leurs démarches administratives.
Le technicien qu’elle a eu avant moi lui a fait acheter un MacBook Pro à 2 500 euros, comme elle a de l’argent, elle n’a pas tiqué. Je pourrais vous parler des défauts de conception qui ne sont pas pris en charge par Apple : la touche espace ne fonctionne plus, c’est une honte pour un ordinateur de ce prix-là. Elle a donc ça, on fait avec, je ne peux pas lui faire changer d’ordinateur.
J’ai souvent des clients qui ont déjà du matériel et c’est souvent du Windows ou du Apple, donc je ne peux pas arriver et leur dire « je suis technicien informatique orienté logiciel libre. Je ne veux pas de votre matériel, vous allez en acheter un autre, vous allez en changer », ce n’est pas possible, il faut faire avec ce qu’il y a déjà.
En dessous, c’est un autre client qui m’a demandé de lui monter à un ordinateur complet, un ordinateur de bureau. Il aime beaucoup la musique. Il est militant, il a vu Linux sur ma carte et il a dit « c’est ce que je veux ». Je lui ai monté une machine et je lui ai installé Ubuntu [1]. Il fait des choses, il a beaucoup de musique sur son ordinateur, je ne peux pas vous dire comment.
J’ai donc un travail de technicien. J’assemble des composants pour monter des ordinateurs, j’installe un système d’exploitation, je conseille toujours Linux. Parfois, tant pis, s’ils ne veulent pas je mets Windows, ça me fait mal au cœur, mais bon !
Je fais aussi de la réparation de tablettes, un peu ce que vont demander les gens, c’est très diversifié, vous devez vous diversifier. À chaque fois, il faut chercher comment il faut faire pour réparer parce que, chaque fois, ce sont des pannes très spécifiques. Il y a beaucoup de recherches à faire chez soi. Il faut réinitialiser les appareils – tablettes, téléphones –, parce qu’ils sont devenus trop lents.
Je conseille du matériel, je conseille Linux comme système d’exploitation, je conseille le Fairphone 3 [2] comme téléphone parce que je trouve le 4, le 5, très chers, gros et lourds. Je suis resté au Fairphone 3.
Le technicien informatique, qui s’appelle technicien informatique, c’est un nom un peu trompeur, parce que la moitié de mon travail, au moins, c’est faire de la pédagogie, ce n’est pas de la technique, ce n’est pas de la réparation, c’est expliquer aux gens comment fonctionne leur machine, j’ai donc beaucoup à faire, beaucoup de travail.
Souvent les gens m’appellent, ils ont déjà un ordinateur qui a environ cinq ans, avec Windows, bien sûr, qui rame et ça les embête. Il y a 50 fenêtres qui s’ouvrent, de la publicité, ils disent qu’ils ont des virus. Souvent, ils me disent « je voudrais en acheter un autre, je voudrais le changer », ils sont prêts à le mettre à la poubelle et à payer pour en acheter un autre.
Après, évidemment, vous avez deux démarches : soit vous pensez à gagner de l’argent et vous pouvez leur dire « oui mettez-le à la poubelle, je vous en vends un neuf » ; soit vous êtes militant et vous dites « je fais une sauvegarde de vos fichiers, je vous efface tout ce qui est dessus et je remplace Windows par Linux ». Souvent ils ne connaissent pas, il faut donc expliquer ce qu’est Linux. On leur dit que c’est gratuit, « ah bon ! », on leur dit qu’il y a pas de virus, alors là, ce n’est pas possible ! Il n’y a pas de virus ! Je n’ai jamais eu de problème de virus sous Linux pour le moment.
Il y a des gens qui franchissent le pas, d’autres non.
Sur cette photo, comme je suis en milieu rural, c’est chez un agriculteur. Vous voyez la place de l’ordinateur dans la ferme : il est posé sur un buffet, sur une commode ; ce sont des gens qui s’en fichent complètement, l’informatique ne les intéresse pas du tout, ils travaillent dehors toute la journée. Se mettre à l’informatique ne les intéresse pas du tout, pourtant ils doivent en faire beaucoup, parce que, pour leur élevage, ils ont beaucoup de démarches à faire en ligne auprès de la Chambre d’agriculture, par exemple. Ils ont mis l’ordinateur sur l’imprimante, l’imprimante sur la commode, il y a plein de papiers partout, c’est un bazar et c’est souvent comme ça quand j’arrive chez les gens, c’est le bazar, des fils partout, de la poussière.
Quand je leur propose Linux, j’ai plusieurs types de réponses :
- des gens me font entièrement confiance, je suis le sachant et eux sont les ignorants, donc je peux faire n’importe quoi. Du coup, je fonce pour leur fourguer un Linux avec des logiciels libres ;
- il y a ceux qui s’inquiètent tout de suite : « qu’est-ce que vous allez faire ? Dessus j’ai des trucs super importants, j’ai les photos de mes petits-enfants. – Je vais sauvegarder vos photos avant, ne vous inquiétez pas, après je les remettrai, je ne vais pas les perdre » ;
- il y a des gens qui sont en retraite, qui ont travaillé toute leur vie sur ordinateur, au moins la majorité de leur carrière et ils sont habitués à Windows, donc on ne fera rien. Après un certain âge, la plasticité du cerveau diminue, c’est donc très compliqué d’apprendre du nouveau, de changer des habitudes. Il faut donc se résigner, je pourrais leur dire « non, ça m’intéresse pas, je ne veux pas travailler pour Windows, pour Microsoft et tout ça, demandez à quelqu’un d’autre », mais je trouve que ce n’est pas une bonne une solution, ce n’est pas sain, donc, si c’est une machine neuve, j’installe, si c’est une réinstallation je remets Windows, tant pis ! Après, je mets des logiciels plutôt libres, Firefox, LibreOffice, j’essaye de leur faire comprendre qu’il n’y a pas besoin de Microsoft Office pour taper un texte ;
- vous avez les gens qui ont un périphérique spécifique branché à l’ordinateur, qu’ils utilisent beaucoup, auxquels ils tiennent, et qui coûtent presque aussi cher que l’ordinateur. Donc, là, c’est compliqué avec Linux parce qu’il n’y a pas de pilote, c’est souvent le cas. Les gens ont perdu le CD d’installation ou ils ont un compte chez le vendeur, le fabricant du périphérique, j’ai eu le cas dernièrement, ils ne savent plus quelle adresse mail ils ont mis, ils ne savent plus quel est le mot de passe. C’est beaucoup de travail de recherche au niveau des identifiants, des mots de passe, les comptes perdus, les trucs qui sont bloqués parce qu’on n’a pas l’identifiant ni le mot de passe et, parfois, ce n’est pas possible, parce qu’ils augmentent le niveau de sécurité, c’est affolant, on se croirait dans une banque pour des conneries, pour ce à quoi ça sert aux gens ! ;
- après il y a les militants, comme le monsieur qui télécharge beaucoup de musique ; ils savent très bien les intérêts financiers qu’on a à nous fourguer du Windows, du Apple ou d’autres machins comme ça, donc eux veulent faire le pas de côté et aller dans une autre direction. Donc, là, je n’ai pas eu de soucis, j’ai pu m’éclater, je lui ai fourgué un matériel avec Linux. On est bien d’accord, niveau idéologie, sur ce qu’implique Windows et ce qu’implique Linux.
Je vous disais que je fais beaucoup de pédagogie. La pédagogie demande des qualités chez celui qui enseigne, qui la fait. Il faut rester calme. C’est vrai que si quelqu’un ne comprend pas ce que vous lui expliquez, ça peut énerver. Quand vous expliquez plusieurs fois, qu’il ne comprend toujours pas, c’est vrai que ça peut énerver. Les gens sont comme ça et notre boulot, c’est leur expliquer, même ceux qui sont techniciens. J’ai fait des stages pour techniciens dans des services informatiques de grosses entreprises, vous devez aussi faire beaucoup de pédagogie, expliquer à l’utilisateur, dans son bureau, comment fonctionne la machine. Vous devez être très pédagogue, passer du temps avec les gens et leur expliquer, répéter plusieurs fois la même chose. Moi, je répète plusieurs fois la même chose en tournant autour du sujet, en attaquant sous plusieurs angles différents ; parler de la même chose de plusieurs manières différentes, en fait, ce sont des répétitions et ils finissent par comprendre, des fois, pas tout le temps, mais, la majorité du temps, ils arrivent à comprendre ou, alors, ils font semblant d’avoir compris, beaucoup de gens font semblant d’avoir compris, ils ont peur de passer pour quelqu’un qui ne comprend pas.
Je fais aussi des liens avec des choses qui existent déjà, qu’ils connaissent déjà : s’ils sont orientés écologie, jardinage, je leur parle des graines des semenciers, des graines propriétaires, hybrides, qu’on ne peut pas reproduire et je leur dis « ça ce sont les logiciels propriétaires, c’est Windows, et les graines qu’on peut reproduire soi-même, qui sont reproductibles, c’est Linux », je fais des parallèles comme cela.
Dans ma génération, à l’école, on a appris d’une certaine façon. Je pense que l’abstraction est aujourd’hui beaucoup plus importante dans l’enseignement qu’elle ne l’était avant. J’ai mis deux problèmes, c’est peut-être un peu un peu exagéré, mais, avant, on raisonnait beaucoup avec des cas concrets, aujourd’hui, on raisonne beaucoup avec de l’abstraction, des généralités, du calcul littéral ; le calcul littéral stimule l’abstraction. Un jeune qui va à l’école sait faire des calculs avec des x et des y, mais il ne sait pas faire une opération avec des chiffres. Les deux méthodes ont des inconvénients et des avantages.
Dans mon travail, j’utilise beaucoup le logiciel libre et je l’installe chez les gens. Je trouve quand même des défauts et c’est dommage : des mises à jour qui suppriment des composants, des éléments du logiciel dont on avait l’habitude.
Comme Linux, je préfère Ubuntu parce que c’est celui que je trouve le plus complet et il y a moins besoin de rajouts. Je l’ai chez moi et, chez les gens, il faut que ce soit la même version, en tout cas le même Linux, parce que quand ils vous téléphonent et vous disent « l’icône machin a disparu », on ne peut pas deviner le problème parce qu’ils ne le décrivent pas de la bonne façon, il faut arriver à deviner, donc, avoir le même système chez soi, ça aide quand même. Il faut donc essayer d’avoir la même configuration chez soi que chez les clients.
Sur Ubuntu, par exemple, une mise à jour supprimait l’affichage du jour dans la date, ce sont des trucs tout bêtes, mais pourquoi ont-ils fait ça ? Sur les forums, on vous dit de taper telle ligne de code et vous avez le jour qui apparaît. Oui, mais avant je l’avais sans faire ça. Ce sont des choses comme ça et c’est assez pénible !
On a à faire de la pédagogie parce que les gens sont obligés de faire des démarches sur ordinateur et là-dessus, d’un point de vue politique, idéologique, je suis contre le fait qu’on oblige les gens, qu’il n’y ait qu’une seule manière de faire des démarches en passant uniquement par l’informatique. Je suis d’une famille d’électriciens, techniciens dans ce domaine, l’informatique, l’électricité, tout cela me plaît, mais tout le monde n’est pas comme ça, il y a des gens que ça n’intéresse pas du tout, ils préfèrent d’autres domaines et il en faut pour tout le monde. Qu’on ferme des guichets et qu’on les remplace par des services en ligne, c’est dégueulasse ! Plein de gens ne savent pas comment faire et ça me gêne quand, parfois, je dois faire un travail de secrétaire auprès des gens, quand je fais le travail que faisait avant le guichetier dans un service public. Je pense que ce n’est pas le travail d’un technicien informatique, surtout qu’étant à mon compte, je fais payer les gens pour ça. En étant à son compte, on demande un tarif horaire et, du coup, on a une clientèle, on n’a que les gens qui ont quand même un peu de sous, on n’a pas beaucoup de pauvres. Dans les photos, les retraités sont souvent des gens qui ont un peu de sous, qui ont les moyens de se payer un artisan, un technicien informatique, parce que vous tarifez à l’heure et ça fait quand même un peu de sous. Donc, quand il faut faire des démarches administratives et payer quelqu’un, un privé, ce n’est pas normal, c’est un recul au niveau du service public.
La manipulation : quand on vieillit, on a les doigts beaucoup moins souples et c’est vrai que faire des fonctions pour lesquelles vous poussez le doigt vers le haut, ça fait telle manipulation sur l’ordinateur, vous poussez vers la droite, vous rapprochez les deux doigts, vous les écartez, tous ces trucs-là ont une signification pour l’ordinateur, ça fait une opération, un changement au niveau de l’apparence. Quand, par accident, des gens frôlent le pavé tactile ou appuient sur une touche, ça leur modifie un peu l’apparence des fenêtres et ça les perd complètement, ils sont dans un trou. J’ai des coups de fil « je n’ai plus Internet chez moi, je n’ai plus Internet à la maison » et ils sont incapables d’expliquer ce qu’ils voient sur l’écran, donc je me déplace, je vais chez les gens et je vois que c’est l’icône du raccourci vers le navigateur qu’ils ont éjecté en faisant glisser, parce qu’ils ont touché le pavé tactile sans faire attention. On n’a pas tous une dextérité exceptionnelle.
Par défaut, les systèmes sont réglés avec ces options-là activées ; ces options, c’est bien, mais elles devraient toujours être en option, elles ne devraient pas être activées par défaut, parce que, après, si vous essayez de les désactiver, c’est un travail monstre.
Il ne faut pas grand-chose pour que les gens soient perdus, parfois les fenêtres se réduisent et se mettent en plus petites fenêtres et vous ne pouvez rien toucher, tout est désactivé. Ils sont perdus, ils sont bloqués.
À gauche, c’est ma mère. Je lui ai installé Ubuntu, ça ne va pas trop mal, les colis des achats en ligne arrivent bien à la maison. Elle n’y arrive pas pour beaucoup de choses, mais les achats en ligne, ça marche bien !
À côté, une autre cliente qui a un ordinateur tout-en-un, tout est dans l’écran, elle l’avait déjà quand elle a fait appel à moi. Souvent, les gens achètent un matériel. Acheter un matériel, c’est facile, ils vont dans le premier Conforama ou Carrefour, le vendeur est très bon pour leur vendre un ordinateur, ils rapportent ça chez eux et, après, comment on s’en sert ? Parfois, ils arrivent à le faire marcher pendant les deux premières années, après ça commence à ramer, à ralentir.
Elle, elle aurait bien voulu Linux, niveau mentalité, elle est très ouverte, justement, à toutes les alternatives à ce système, à tout ce qui est capitaliste et tout ça, mais, je ne me souviens plus, c’était il y a deux ans, il y avait un problème de pilote pour je ne sais plus quel composant interne, du coup, je ne lui ai pas installé Linux et elle a une imprimante, une Brother Laser qui n’est pas compatible Linux, donc, malheureusement, nous sommes restés sur Windows, c’est dommage, mais bon !
Les gens âgés ont souvent des enfants ou des petits-enfants, c’est ce qu’ils me disent en premier, qui sont dans l’informatique, mais ces enfants ou ces petits-enfants ne peuvent pas leur expliquer, parce que, souvent, ceux qui savent des choses, dans tous les domaines, ne savent pas, pour beaucoup, les expliquer aux autres. Je trouve important, quand on sait quelque chose, quand on a une connaissance, de savoir l’expliquer aux autres. Vous avez des gens qui ont de la famille dans l’informatique et qui ne peuvent pas faire appel à ces gens-là, donc ils font appel à moi. Ou alors, des fois, ça va très vite, l’explication est donnée très vite, ils ne comprennent rien et ils n’ont pas droit à plus d’éclaircissements. Parfois, c’est l’éloignement, comme nous sommes à la campagne, les enfants et petits-enfants ne travaillent pas à la campagne, ils sont dans les grandes villes donc, il y a donc aussi une distance.
[Applaudissements]
Jean-Baptiste Forêt : Si vous avez des questions, il y a encore du temps.
Questions du public et réponses
Public : Bonjour. J’ai une question. En ce moment, il y a pas mal de solutions de prise de contrôle comme VNC Viewer, AnyDesk, voire TeamViewer. Est-ce que ce ne sont pas des solutions que vous pourriez utiliser pour, justement, prendre la main sur les ordinateurs et expliquer par téléphone, par exemple ?
Jean-Baptiste Forêt : Ça peut parfois fonctionner. Souvent, j’ai des appels de gens chez qui je ne suis encore jamais allé. Il faut déjà que le client soit capable d’installer le client VNC par exemple, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Pour des interventions, si ça évite un déplacement en voiture, c’est vrai que ça peut être rentable. Après, comment on le tarifie ? On demande aux gens de nous envoyer un chèque ? C’est un peu compliqué. Je suis aussi un peu réticent parce que le risque, c’est que les gens se mettent à appeler pour tout et n’importe quoi et demandent une intervention.
Parfois, quand j’ai un appel, je ne réponds pas tout de suite, les gens laissent un message et je rappelle le lendemain, par exemple. Dans la moitié des cas, ils ont réussi à résoudre le problème eux-mêmes. C’est embêtant financièrement, pour gagner sa vie : vous vous seriez déplacé, vous auriez fait la manip et vous auriez fait payer les gens, vous auriez eu un revenu. Mais, parfois, c’est tellement pour quelque chose de petit que, dans la prestation, la majorité de la somme que vous allez demander, c’est pour vous dédommager du trajet. Parfois, il vaut mieux attendre. Les gens essayent de se débrouiller eux-mêmes pour trouver une solution et, si vous voyez qu’ils n’y arrivent pas, vous vous déplacez si vous voyez que ça vaut le coup de se déplacer.
Quand j’installe un ordinateur chez quelqu’un, il faudrait que j’installe un client pour la prise en main à distance, je ne le fais pas. Si c’est dans le village, j’aime bien aller voir les gens. Je préfère avoir mes clients dans mon village parce que je suis aussi écolo, j’y vais à vélo quand c’est dans le bourg, ça surprend les gens qu’un artisan vienne chez eux à vélo.
Dans la prise en main à distance, il y a du bien et aussi du mauvais.
Public : J’avais une question. Je voulais savoir, vous avez expliqué un peu, le pourcentage des gens qui sont passés sous Linux, mais, en même temps, vous avez dit que ça dépendait s’ils étaient retraités ou pas, ce qui changeait plus ou moins.
Ma deuxième question concerne ceux qui sont passés sous Linux avec LibreOffice [3] : quand ils reçoivent des documents de l’administration ou d’ailleurs, sous Word, il peut y avoir des gros changements de mise en forme. Comment faites-vous dans ces cas-là ?
Jean-Baptiste Forêt : Les gens n’ont pas tous Linux.
Au niveau de la compatibilité, au niveau des échanges de documents, la plupart n’en sont même pas là, beaucoup ne sont pas capables d’échanger des pièces jointes.
La majorité a vraiment un usage de base :
le navigateur leur sert à aller sur trois sites maximum : Leboncoin, la messagerie, Facebook ; certains ne veulent pas de Facebook ;
les mails, c’est le plus utilisé parce que je trouve que c’est le plus simple ;
des photos, quelques photos. Ceux qui ont des petits-enfants ont parfois beaucoup de photos des petits-enfants, c’est leur seul lien ; parfois, ils les voient plus en photo qu’en vrai.
Échanger des fichiers de traitement des textes, c’est très peu utilisé.
Je crois que la compatibilité entre Microsoft Office et LibreOffice s’est améliorée.
Quand je leur installe un ordinateur avec le système d’exploitation, même si c’est Windows avec Microsoft Office, j’essaie toujours de les ramener vers les formats libres pour la bureautique : quand ils enregistrent avec Word, qu’ils enregistrent en format libre.
Parfois, il y a des problèmes de compatibilité, d’affichage ou de mise en page au niveau du texte. Ça fait partie du travail, les gens m’appellent aussi pour ça : « J’ai un problème au niveau de tel document que j’ouvre, pouvez-vous venir voir et faire ce que vous pouvez ». Ce sont vraiment des tâches simples qu’on a parfois à faire.
Ça parait simple quand on a grandi là-dedans, qu’on a fait une formation là-dedans, ce sont des trucs tout bêtes, par rapport au niveau des conférences qu’il y a ici ! Je n’ai pas appris la programmation, je n’ai pas fait d’études dans la programmation, je ne connais pas, je me suis arrêté au matériel et à l’installation du système d’exploitation, je fais vraiment des opérations de base.
Souvent ceux qui sont compétents, qui en connaissent beaucoup en informatique, qui vont être les petits-enfants de mes clients, ils ne savent pas leur expliquer ces opérations techniques de base pour se servir d’un ordinateur. Ils ne prennent pas le temps, ils parlent vite et si ce n’est pas compris du premier coup, tant pis, tu es vieux et tant pis pour toi si tu ne comprends pas !
Pour l’autre question, je n’ai pas fait les comptes, c’est environ la moitié de mes clients, sinon, les autres, c’est du Windows. J’ai quand même beaucoup de Apple par rapport à ce que ça représente dans la population générale, parce que mes clients sont des gens qui ont quand même un peu d’argent et ils vont acheter du Apple. Chez ceux qui ne connaissent pas trop l’informatique, Apple, c’est connoté qualité. Là où je suis, à la campagne, il y a beaucoup de gens écolos et Apple a une image de meilleure durabilité, de meilleure durée dans le temps, donc ils sont prêts à payer plus cher. Même ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent, qui sont écolos, ils sont prêts à payer plus cher à l’achat pour une machine qui va leur durer plus longtemps et, là, ils ne voient que Apple.
Pour le téléphone, il y a le Fairphone [2] ; pour les ordinateurs, je ne sais pas, j’avais vu un ordinateur, un truc suisse. Par contre, c’est toujours beaucoup plus cher que le reste et, là, je n’arrive pas à leur vendre. Leur faire payer pour un matériel plus cher que les autres, mais dont ils ne connaissent rien, dont ils n’ont jamais entendu parler, qu’il n’y a que moi qui leur présente, en général, ça ne marche pas. Par contre, ils connaissent déjà Apple, qui est 20 % plus cher, par exemple, qui a déjà une réputation, là, ils sont prêts à dépenser plus. Chez ma cliente qui a un MacBook Pro de 2016, qui lui a coûté 2500 euros, au bout de quelques années, j’ai eu le problème de la touche espace, j’ai cherché sur Internet, c’est un défaut de conception, la touche espace se casse dessous, c’est le mécanisme, c’est presque irréparable, j’ai essayé, mais c’est impossible. J’ai appelé Apple, Apple, c’est bien, on tombe sur quelqu’un, sur un humain, au téléphone, qui m’a dit que la date de rappel était dépassée, la garantie plus la date de rappel est dépassée. Eh bien oui, c’est une dame qui ne se sert presque pas de son ordinateur, donc l’usure a mis plus longtemps que la moyenne à arriver et la panne est arrivée au moment où ce n’était plus du tout garanti. Même en leur disant que la machine coûtait 2500 euros, ils n’en ont rien à faire !
Public : Bonjour. Déjà merci pour cette présentation, c’est rare d’en avoir des comme cela au Capitole du Libre.
Ma question concernait l’accessibilité. Est-ce que, parfois, vous êtes confronté à l’installation de solutions genre lecteur d’écran, affichages avec contrastes ou ce genre de choses ? Parmi les différents OS, est-ce qu’il y en a un que vous préférez ?
Jean-Baptiste Forêt : Non. Je n’ai pas eu de handicap visuel. Parfois, il y a des trucs que je ne connaissais même pas. Les gens vous sortent des trucs qu’ils ont vu, ils vous demandent de le faire aussi et je ne connais pas. Des gens m’ont demandé de changer la couleur des liens visités dans Firefox. La différence de couleur entre un lien non visité et un lien visité était difficilement perceptible, c’était bleu clair, bleu foncé, un truc comme ça. Bien sûr, quand on est jeune, on perçoit bien les différences de couleur, mais, en vieillissant, on ne voit plus trop la différence entre bleu clair et bleu foncé. Ils m’ont demandé de leur mettre un vert fluo, alors, quand j’ouvre leur Firefox je vois les liens en vert fluo, ça crache ! Ce sont des trucs comme ça, ou changer la taille d’affichage. Souvent, aussi, ils ne comprennent pas la signification des icônes, des pictogrammes, tellement c’est abstrait.
Dans l’explorateur de fichiers d’Ubuntu, le système que j’installe le plus, ils ont mis des icônes et c’est récent, avant ce n’était pas comme ça, il y a des icônes avec trois traits, ça peut tout vouloir dire, ça ne va pas ! Ce ne sont pas des problèmes de handicap, ce sont plus des problèmes dus à l’âge, ne pas être de cette génération-là.
Public : Juste, peut-être, pour finir. Vous avez dit que, parfois, les gens vous prennent pratiquement comme secrétaire pour régler leurs problèmes administratifs via Internet. Du coup, je me demandais, puisqu’il a eu de la pub du gouvernement sur France services, qui est censée faire ça, est-ce qu’il n’y en a pas dans l’Allier, en tout cas pas près de chez vous, ou bien il y en a mais ça ne rend pas le service ? Est-ce que vous connaissez ?
Jean-Baptiste Forêt : J’ai vu que France services est mis en place, surtout dans les campagnes. Peut-être que dans les grandes villes vous trouvez facilement des services ouverts, mais dans les campagnes ! Je ne sais pas comment ça fonctionne, je ne m’y suis pas intéressé.
À un moment, la mairie de la commune où j’habite m’a commandé un ordinateur. J’ai monté un ordinateur de bureau pour mettre à disposition du public dans la mairie. Ils n’ont pas voulu de Linux, la secrétaire de mairie m’a sorti que pour les permis de conduire on lui demandait Internet Explorer. Ça m’a étonné parce que je n’ai jamais eu ce problème-là en utilisant Linux dans mes démarches administratives. Je leur ai vendu un ordinateur avec Windows. Après, il y a eu le Covid, ils ont enlevé l’ordinateur, ils l’ont mis dans la Maison de santé où ils faisaient les vaccinations et il n’est plus revenu.
J’ai senti le problème : des gens qui n’ont pas d’ordinateur ne connaissent pas l’informatique, ils vont dans un endroit où il y a un ordinateur et il faut qu’il y ait quelqu’un à côté pour leur expliquer, c’est la secrétaire de mairie à qui on va demander comment on fait, qui va se transformer en secrétaire pour le citoyen qui veut faire une démarche en ligne. Peut-être que ça n’a pas trop marché là-dessus, après, je ne sais pas.
Les démarches administratives c’est le problème, il y a des comptes à créer, des identifiants. Je dis aux gens « prenez un carnet, notez tous vos identifiants, vos mots de passe ». Il y en a qui ne font presque pas d’informatique, mais ils ont trois/quatre adresses mail, ils ne s’en servent quasiment pas, ils n’ont pas les mots de passe, ils ne savent pas laquelle est la dernière utilisée. Quand on se connecte à un service, ils ne savent pas quelle adresse mail ils ont mis, il faut toutes les essayer. Après, bien sûr, c’est du temps que je passe et c’est du temps que je dois facturer parce que ce n’est pas de ma faute !
Public : Petite question concernant justement les usages. Tout à l’heure, vous avez présenté un cas où il y a pas de réseau ADSL, très peu de réseau pour le mobile. En ce moment, il y a un plan de déploiement de la fibre. Dans l’Allier, est-ce que la fibre se déploie ?
Jean-Baptiste Forêt : Mon village est un village de 800 habitants. Il y a un village à neuf kilomètres, de 3000 habitants, qui regroupe un peu des services, eux ont la fibre optique jusque dans les maisons. Là il y a un débit phénoménal. Chez mon père, à un autre endroit, on a installé la fibre, ça n’a pas changé son débit, des fois ça ne change pas le débit.
Dans le village où je suis, la fibre passe, elle s’arrête à une grosse armoire France Télécom, au NRA [Noeud de Raccordement d’Abonnés], elle s’arrête là, donc ceux qui sont dans un périmètre de 200 mètres ont 80 mégaoctets de débit et, après, ça tombe. Vous avez une moitié des habitants dans le bourg et l’autre moitié dans la campagne environnante, à plusieurs kilomètres, et là ça tombe. À plusieurs kilomètres, dans des fermes, en bout de ligne, ça tombe à deux/trois mégas par seconde de débit et, des fois, il y en a qui n’ont rien du tout. La cliente qui vient chez moi habite à cinq kilomètres du bourg.
Dans les campagnes, ils essaient d’accroître les antennes téléphoniques et de diffuser de la 4G ou de la 5G. Je trouve que c’est dommage parce que je suis très critique sur les ondes, sur l’effet que peuvent avoir les ondes sur la santé. On est bien couvert. En venant ici, je suis passé par les petites routes, je m’arrêtais dans n’importe quel patelin avec des montagnes autour, il y avait de la 4G. Ils sont arrivés à un niveau de couverture quand même assez élevé, après on verra les conséquences sur la santé. Ça permet d’avoir des connexions internet rapides. Au lieu de prendre une connexion filaire qui sera lente, des gens prennent une connexion 4G avec le boîtier et la carte SIM dedans. Moi, je préfère le filaire, toujours, parce que je pense aux ondes, aux effets sur la santé, et je pense à la consommation énergétique qui est beaucoup plus importante quand vous émettez une onde dans l’air que quand elle suit un fil électrique, par exemple.
Public : Ce n’est pas une question, c’est une suggestion, je vais dire, que j’utilise avec mes clients, parce que je fais exactement la même activité mais dans le 05, on ne rentrera donc jamais en concurrence. Par rapport aux mots de passe, je déconseille l’utilisation des carnets, je fais faire aux gens un tableau avec trois colonnes : une colonne prestataire, c’est-à-dire le site, une colonne adresse mail et une colonne mot de passe. On ne peut pas faire plus clair. Un tableau sur une feuille A4, pas un quart de feuille.
Jean-Baptiste Forêt : Un tableau ! Certains ne sont pas capables de faire un tableau dans un tableur, ils ne savent même pas ce qu’est un tableur.
Public : Un tableau sur une feuille A4, qu’il ne faut pas mettre en évidence, évidemment !
Jean-Baptiste Forêt : Carnet, feuille !
Public : Un carnet c’est trop petit, ça ne marche pas.
Public : Pour compléter, vous ne leur faites pas utiliser le gestionnaire de mots de passe de Firefox ?
Jean-Baptiste Forêt : Des fois, le mot de passe n’est pas enregistré dans Firefox. Pour retrouver un mot de passe, ça peut servir, oui, mais des fois ils ont trois/quatre navigateurs sur l’ordinateur, ils ne savent pas lequel ils utilisent. Ils ne connaissent pas les noms des navigateurs. Ils appellent Internet, Google : « J’ouvre Google, je lance Google ». Lancer Google, ça veut dire cliquez sur l’icône du navigateur. Ils n’appellent pas Firefox, Firefox, ils l’appellent Google. Ils confondent tout. Je leur dis « Google est un site internet sur lequel vous allez, et, pour ça, il vous faut un navigateur ». Ils n’ont pas toutes ces notions-là, il faut vraiment descendre bas et être très pédagogique.
Si vous avez d’autres questions, on peut continuer. Je suis dispo. Merci.
[Applaudissements]
Public : Question que je me pose depuis le début en voyant votre photo : est-ce que les habitants de votre village ont fait ce char à fleurs après que vous ayez démarré votre activité ?
Jean-Baptiste Forêt : C’était avant.
Public : D’accord, c’était avant, ça aurait été très mignon !
Jean-Baptiste Forêt : En cherchant sur Internet la photo d’un pingouin, ils sont peut-être tombés sur une photo du pingouin de Linux parce qu’il y a quand même une ressemblance, mais ils ne savaient pas que c’était Linux. C’est du travail à faire, ce ne sont que des fleurs en papier qu’il faut, après, attacher sur une structure métallique.
Je n’ai pas de boutique, ni d’atelier, je travaille de mon domicile, dans mon appartement et c’est un handicap : avoir une enseigne qui donne sur la rue, même une petite enseigne, c’est très utile pour se faire connaître. Souvent, les gens qui sont là depuis longtemps ne savent pas que je suis là.
Public : Inaudible.
Public : Est-ce que vous pouvez répéter la question ?
Jean-Baptiste Forêt : La gestion des données personnelles des gens quand je fais une sauvegarde avant la réinstallation.
Souvent, il y a très peu de données, mais c’est vrai qu’il faut y penser. Le problème, si je me fais cambrioler, on me vole le disque dur où j’ai sauvegardé les données des gens, il y a tout ce qui est à moi, tout mon matériel. Oui, c’est un peu sommaire, après j’efface. Il n’y a pas grand-chose, il n’y a pas des choses compromettantes parce qu’ils ne sont pas habitués à mettre beaucoup de choses sur l’ordinateur. Ils ne vont même pas voir leur compte en banque sur l’ordinateur. Ils ne font presque rien sur Internet.
Parfois, quand je fais une sauvegarde, je regarde, ce ne sont que des fichiers en doublon, des raccourcis, il y a un tri à faire ! Je ne fais pas le tri parce que ça prendrait des heures, je leur dis « j’ai mis tout ce que vous aviez comme fichiers avant dans un dossier que j’ai appelé « sauvegarde », vous en profiterez vous pourrez faire du rangement. – Oui, c’est bien, je vais pouvoir ranger », mais ne le font pas. Quand je reviens, s’ils me rappellent deux ans après, je retrouve le même dossier « sauvegarde » qui n’a pas bougé du fond d’écran, il est toujours là, ils n’ont rien fait.
Pour faire du rangement, il faut connaître le copier-coller. Apprendre le copier-coller aux gens, c’est du travail, ce sont des cours et vous pouvez répéter, il y en a à qui on peut faire refaire trois, quatre, cinq, six fois, ça rentre pas ! Comme il y a trois façons, avec le clavier, avec le menu en haut et avec la souris, si un autre leur a expliqué d’une autre façon, ils vont tout mélanger « mais l’autre m’a expliqué comme ça, avec la souris. – Oui, mais je vous explique comme ça aussi ». Ils ne se souviennent que d’une partie de la façon dont l’autre leur a expliqué, ils mélangent tout. Expliquer aux gens le copier-coller, c’est un gros morceau du travail. Il y en a plein qui ont des ordinateurs mais qui ne savent pas faire ça.
Sauvegarder, je leur dis « il faut sauvegarder ». Même s’ils ont pas beaucoup de fichiers il faut sauvegarder les photos parce que, des fois, il n’y a qu’un exemplaire des photos des petits-enfants, quand ils le perdent, ils n’ont plus de souvenirs des petits-enfants à tel âge.
Après, je déconseille de faire ce métier en sortant de l’école. Avec mes problèmes de santé, je n’ai pas pu beaucoup travailler dans les entreprises, j’ai fait des stages. Quand vous êtes salarié, vous ne vous occupez que de la technique ou de la pédagogie, que du travail à faire. Quand vous êtes à votre compte, vous avez tout le côté administratif à gérer. Une micro-entreprise c’est quand même très léger, ce n’est pas compliqué : je fais une déclaration tous les mois, je dis combien j’ai gagné, c’est tout, sur le site de l’Urssaf, c’est vraiment très léger. Après, c’est gérer les gens, leurs comportements, leurs différences de mentalité, leurs exigences, ce qu’ils n’aiment pas, c’est de la psychologie, en plus de la pédagogie il y a de la psychologie.
Je fais des travaux dans ma maison, je retape une maison, quand je vais chez des gens, je garde les mêmes vêtements, je garde le pantalon qui est sale, le blouson qui est sale, parce que parfois, chez des gens, l’endroit où il faut s’asseoir pour intervenir sur l’ordinateur, c’est bon ! Il y a des gens qui sont sales ! Il y a des gens chez qui je ne vais plus. Les gens sont différents, on a affaire à plein de gens différents, à des mentalités différentes, donc il faut s’adapter et c’est en plus du travail, de la tâche à accomplir. Il faut les comprendre, il faut deviner ce qui leur conviendrait le mieux, vous ne pouvez pas traiter les gens de la même façon, vous ne pouvez pas fourguer la même prestation à tous.
Merci.
[Applaudissements]