Je vais commencer par me présenter. Je suis Angie Gaudion. Je travaille au sein d’une association qui s’appelle Framasoft [1] et je suis codirectrice de cette association depuis bientôt deux ans, sachant que j’ai un parcours qui fait que je suis arrivée chez Framasoft de manière un peu bizarre, j’ai été bibliothécaire pendant 15 ans et ensuite j’ai été formatrice en pratique numérique et en usages numériques. J’ai une appétence personnelle, bien sûr, pour le monde des logiciels libres, ce qui fait que je connaissais cette association, mais je ne suis pas une technicienne ; c’est un élément important, je ne suis pas une informaticienne, d’ailleurs je vous en reparlerai sûrement, mais chez Framasoft il y a finalement très peu de techniciens, parce que, contrairement à ce que tu disais Adrien, Framasoft n’est pas une association qui propose des services. Elle le fait, mais, en tout cas, ce n’est pas sa vocation première. C’est une association d’éducation populaire. L’objectif de cette association c’est vraiment de mettre en place des dispositifs qui vont permettre aux internautes de s’émanciper dans leurs pratiques numériques. Ces dispositifs peuvent être effectivement des services et c’est pour ça qu’on est connus actuellement, mais on décide de changer un peu la donne, c’est-à-dire qu’on met aussi en place énormément de dispositifs de transmission de connaissances, de savoir, d’échange et c’est la partie éducation populaire vraiment profonde de l’association. J’y reviendrai.
Pour vous faire une toute petite présentation de l’association, l’objectif n’est pas, là, de faire, de la pub pour cette association, mais c’est pour comprendre d’où je parle. Les gens qui nous connaissent ont très souvent une image très fausse de ce qu’on est. Les gens ont l’impression qu’est très gros. On fait plein de choses, mais on n’est pas du tout très gros, en fait on est une toute petite structure qui comprend neuf salariés, ce qui n’est pas rien pour une association, mais quand même globalement, en termes de forces vives, ce n’est pas si important que ça et on est 35 membres en tout. Donc on est sur une association qui n’est pas une association ouverte, qui est une association de cooptation et on se définit très souvent comme une bande de potes, c’est-à-dire que les personnes qui nous rejoignent sont des personnes avec qui on a un ensemble de valeurs et, on va dire, des objectifs pour la société qui sont communs.
En revanche, on a une communauté assez forte de personnes qu’on appelle souvent les « framafans » ; vous verrez, on appelle tout « frama quelque chose », de moins en moins, mais il y a quand même une habitude de ce côté-là et on considère qu’on a peut-être 700 à 800 personnes qui ne sont pas membres de l’association mais qui, dans l’année, vont nous donner un coup de main parce qu’on verra qu’œuvrer dans le logiciel libre ça veut dire faire avec les autres. On y reviendra à ce niveau-là.
Et puis les projets qu’on porte touchent en moyenne 500 à 700 000 personnes tous les mois. Ce n’est pas énorme par rapport à 68 millions de Français, mais pour 35 personnes qui gèrent ça derrière c’est quand même relativement conséquent à ce niveau-là.
On est une association dont modèle économique qui repose à 98 % sur le don. Mon salaire est payé par le don des internautes. Sur 2019 on était à 8239 donateurs et donatrices. J’en profite pour remercier toutes les personnes qui nous soutiennent par ce biais-là ; si elles n’étaient pas là, on n’existerait pas et je serais obligée de faire un autre métier.
On a un budget qui est aux alentours de 450 000 euros par an. On est très transparents – on verra que la transparence est un des éléments importants –, du coup ce budget nous permet de faire plein de choses, dont écrire des articles sur un blog qu’on appelle le Framablog [2], son adresse est framablog.org, qui sont des articles où on parle à la fois des activités de l’association, ce qu’on fait, mais sur lequel on va aussi diffuser des savoirs, de la connaissance autour du numérique émancipateur. C’est un sujet très vaste, trouver des solutions pour s’émanciper numériquement. On verra de quoi on peut s’émanciper, ce sera juste après.
C’est quoi le problème avec les géants du Web ?
Il y aurait plein d’autres choses à dire sur l’association, mais je pense que c’est plus intéressant de les traiter en questions et de rentrer plutôt dans le vif du sujet, profiter de ce temps qui, du coup, va être effectivement la problématique des GAFAM ou des géants du Web au sens large puisque, très souvent, on dit « les GAFAM » parce que ce sont ceux qu’on connaît le plus, mais, en fait, il y en plein d’autres. Je vous ai mis sur cette slide les deux autres acronymes qui parlent des autres multinationales du numérique. On voit les NATU qui vont agréger Netflix, Airbnb, Tesla et Uber, je suppose que vous connaissez ces sociétés. Et puis il y a la version chinoise de ces géants du Web qui sont les BATIX, c’est moins visible parce que, du coup, la moitié est écrite en chinois : B pour Baidu, le A pour Alibaba, ça on connaît puisqu’on peut utiliser des services Alibaba, une partie des services Alibaba sur le territoire français ; le T pour Tencent qui est aussi une grosse structure, un moteur de recherche, un univers, par exemple autour du jeu vidéo, très développé ; et le dernier c’est Xiaomi qui est un constructeur de matériel informatique.
Je pense que tout le monde est conscient du fait que ces géants sont un problème parce que les médias en parlent depuis un certain temps : les problématiques de vie privée, de collecte des données personnelles sont des sujets d’actualité, et puis les révélations d’Edward Snowden [3] en 2013 nous ont bien montré qu’effectivement ces acteurs récupèrent nos informations pour, globalement, les transmettre à certains services de renseignement. Je ne vais pas rentrer dans le détail parce que ce n’est pas l’objectif, mais on va voir à quel point, en fait, ces différents acteurs ont un impact très fort sur notre société et en quoi cet impact est problématique du point de vue de Framasoft et du mien aussi, mais globalement comment chez Framasoft on considère que tout ça est un problème.
Une domination technique
Le premier élément, pour moi, c’est la domination technique.
On se rend compte que ces géants du Web ont, en fait, une place monumentale sur l’aspect technique. Si on prend l’intégralité du trafic sur le Web, donc la consultation de sites web, de pages web, eh bien forcément, cumulés à eux tout seuls, ils prennent plus de 80 % du trafic web, ce qui est fou ! Dernièrement j’ai relu qu’on est à plus de 1,7 milliards de sites internet, eh bien non !, du coup les sites internet de ces quelques géants regroupent vraiment une très grande place dans ce trafic-là. Effectivement, ça pose toujours une question : quelle place pour les autres ?
Il y a un autre élément sur cette domination technique qui est très fort, c’est l’environnement des smartphones. On sait qu’aujourd’hui la consultation d’Internet, en tout cas sur le territoire français, se fait majoritairement via l’interface d’un smartphone, en tout cas bien plus, désormais, que via un ordinateur fixe ou portable, peu importe, et que dans cet univers des smartphones aujourd’hui on n’a pas vraiment le choix, c’est-à-dire qu’on est obligé de passer par ces géants du Web ou alors il faut vraiment connaître des solutions alternatives, mais elles sont très peu nombreuses et très peu visibles. J’imagine que parmi les 12 personnes qui sont connectées que vous avez soit un smartphone qui est sous Android donc connecté à Google, soit vous avez un iPhone connecté du coup chez Apple via le système d’exploitation iPhone. Peut-être avez-vous un Windows Phone, mais je crois que ça y est, c’est fini, plus personne ne fait ça, mais même si vous aviez un Windows Phone vous seriez lié à Windows qui est aussi l’un de ces géants.
On le voit, ces géants interviennent à la fois au niveau des systèmes d’exploitation – les systèmes qui permettent de faire fonctionner toutes nos machines ; au niveau de l’équipement informatique : ils produisent, pas tous de la même façon, ils ont tous des spécificités, mais quand même l’équipement informatique est très présent chez ces géants du Web ; les réseaux de communication, je pense à Microsoft qui a une offre de datacenters, Google qui a des datacenters et Amazon, bien sûr, qui est le leader mondial en datacenters, donc en centres de données. Tout ça fait qu’ils sont majoritaires et monopolistiques – je ne suis pas sûre qu’on dirait comme ça mais vous m’avez comprise – au niveau mondial. Et c’est aussi une problématique qu’il y ait ces monopoles techniques.
Ils le sont aussi sur l’aspect cloud, donc sur le stockage des données, vraiment de manière très importante. La majorité de nos fichiers, de nos documents numériques, est stockée sur des serveurs qui vont appartenir à ces grandes entreprises. C’est quand même sacrément un problème et c’est assez incontournable ce qui pose quand même une vraie question : comment fait-on pour en sortir ? ce sera la deuxième partie de mon intervention.
Une domination économique
La deuxième problématique c’est la domination économique.
Comme vous le voyez sur la slide, très clairement, en 2019, en termes de capitalisation boursière en fait les plus grandes entreprises, les cinq premières places, puisque Berkshire arrive en 6ᵉ place, sont des sociétés numériques et des sociétés américaines, même si on a Alibaba qui arrive à la 7e place, à la 8e place on a Tencent. D’ailleurs c’est assez intéressant de voir que les entreprises chinoises sont de plus en plus grosses et ont une place de plus en plus prépondérante alors que nous, côté occidental, en fait on est très peu lu, on n’a quasiment pas de liens ou d’usages de ces structures et pour autant ça représente quand même en capitalisation vraiment des éléments très importants.
Les GAFAM, je vais dire de façon générale les géants du Web, sont les plus grosses capitalisations boursières mondiales, ce qui veut donc dire qu’effectivement elles ont des trésoreries cumulées qui sont énormes, des milliards, le dernier chiffre que j’avais c’était 2018, 550 milliards de dollars américains en trésorerie, 100 milliards de dollars cumulés de profits annuels. On n’arrive même pas à se rendre de ce que ça peut signifier ! Et, bien sûr, des emplois liés à ça, puisque ça permet aussi de payer les employés de ces sociétés.
Ce qui pose problème dans cette domination économique, ce n’est pas tant le fait que des entreprises proposent des services et, qu’après tout, elles en tirent un certain profit – on est dans un monde capitaliste, donc c’est la logique habituelle – la problématique aujourd’hui c’est que ces capitalisations boursières sont supérieures au PIB de nombreux pays, ce qui veut dire que ces sociétés ont un pouvoir politique qui, parfois, est bien plus important que certains pays et ça, ça pose quand même des vraies questions de démocratie au sens très large, on y reviendra sur certains aspects mais, de côté-là, ça pose quand même un problème.
En plus de tout ça, il faut comprendre que ces géants du Web n’ont pas tous les mêmes modèles économiques, c’est à-dire que leurs revenus ne dépendent pas de la même chose.
Si je prends uniquement les GAFAM, sans rentrer dans les autres, l’ensemble des revenus de Google repose typiquement sur la publicité, c’est-à-dire que c’est en vendant de l’annone publicitaire que Google gagne de l’argent puisque Google ne vend pas d’appareils, pas de matériel, enfin un peu, il y a des Google Books qui sont des petits ordinateurs, je crois que ça s’appelle maintenant des Chromebooks et ils ont aussi un smartphone d’ailleurs, mais, en tout cas, ce n’est pas sur ce plan-là que vient la marge principale de leurs revenus ; à 86 % leurs revenus proviennent de la publicité, c’est un élément important. Donc c’est un modèle économique, et on y reviendra, c’est celui qui génère complètement la façon de fonctionner de ce qu’on appelle le capitalisme de surveillance. Je reviendrai sur ce concept un peu plus tard.
Ensuite Amazon, pour le coup son modèle économique c’est « je vends des produits et c’est sur la vente de ces produits que je génère des profits ». 82 % des recettes d’Amazon viennent de la vente de produits. Il y en a encore 18 % qui ne viennent pas de ça, qui sont d’ailleurs sur les transactions sur ce qu’on appelle les marketplaces, c’est-à-dire qu’Amazon, depuis un certain nombre d’années, vend en direct des produits ou Amazon permet à des entreprises tierces de vendre sur sa plateforme, du coup ce sont des commissions, les 18 % correspondent à peu près aux commissions de ce temps de vente, même si ce n’est pas exactement ça puisqu’il y a aussi des serveurs.
Ensuite Facebook, pour le coup, son modèle économique c’est à 98 % de la publicité, donc c’est effectivement vraiment le principal financement de tout ça et on verra à quel point ces modèles économiques nous enferment à ce niveau-là.
Apple, j’en suis au deuxième « A », son modèle économique c’est la vente de matériel, c’est-à-dire que 80 % de ses budgets c’est le fait de vendre du matériel ou du logiciel, hardware, software comme on dit. Mais très clairement la publicité est assez peu présente dans le modèle économique de Apple.
Et enfin Microsoft, lui, son entrée principale, en tout cas sa façon de générer de l’argent, c’est la vente de logiciels, que ce soit les systèmes d’exploitation qu’on considère dans la grande catégorie des logiciels ou d’autres logiciels. Microsoft vend quelques éléments de matériel mais ça représente pas une manne très conséquente.
Ce qui est assez intéressant au niveau de l’aspect économique c’est aussi de savoir que tous ces géants du Web ont, en fait, des budgets de recherche et développement, ces services où on va avoir des ingénieurs qui vont chercher à développer des nouveaux produits, développer de nouvelles fonctionnalités sur ces produits, etc., qui sont bien plus énormes que ceux de nos structures étatiques type, par exemple, le CNRS. C’est quand même très intéressant de s’en rendre compte. Le budget de recherche et développement d’Amazon est de 20,2 milliards d’euros alors que le budget de la NASA, tout compris, pas que recherche et développement, la NASA tout compris, est à 18,2 milliards d’euros. Ça veut donc dire qu’ils sont hyper en pointe sur le travail pour proposer des produits plus innovants, plus disruptifs, mettez tous les termes que vous voulez derrière. Mais ça pose vraiment des questions parce qu’on peut considérer que les gouvernements, à travers différents services, font des efforts dans la recherche, dans le numérique et, pour autant, c’est une tendance complètement à côté à ce niveau-là.
Autre problème monopolistique de ces structures, c’est qu’elles payent beaucoup moins d’impôts que les autres et c’est quand même un problème très fort. En fait, elles payent moins de 10 % d’impôts contre, en moyenne, en tout cas pour des entreprises européennes, 23 %. Elles sont très fortes en optimisation fiscale. Elles s’arrangent tout simplement pour situer leurs sièges sociaux dans les pays qui ont les politiques fiscales les plus intéressantes. Typiquement, par exemple à l’échelle du territoire européen, toutes les sociétés, tous les géants du numérique, ont leur siège social en Irlande qui a, effectivement, le système fiscal le plus intéressant pour elles. Ce qui pose plein de questions parce que ça veut dire qu’il y a énormément de territoires sur lesquels, finalement, ces entreprises ne payent quasiment pas d’impôts. C’est une concurrence totalement déloyale par rapport aux entreprises qui sont implantées dans ces pays. En France, Netflix, par exemple, ne paye pas d’impôts du tout. Parmi les géants du Web, Netflix ne paye aucun impôt en France parce qu’il n’a aucun employé sur le territoire français, il n’y a aucune structure sur le territoire français, tout est géré à distance depuis un autre territoire. À ce niveau-là c’est aussi un manque à gagner énorme pour nos gouvernements, pour nos services publics.
Ensuite, cette domination économique génère une façon de fonctionner qui fait que ces sociétés ont le pouvoir parce qu’elles ont les moyens de racheter n’importe quel concurrent. Donc on crée du monopole à un niveau très important qui fait qu’un concurrent qui a fait un truc qui a l’air sympa ! « Tiens, je vais le racheter », c’est typiquement Facebook avec Instagram et WhatsApp. Facebook rachète Instagram en 2012, Instagram qui, à l’époque, était un petit truc, qui avait assez peu d’utilisateurs, mais Facebook se dit « tiens, ce truc-là risque de me concurrencer, risque de me faire perdre des parts de marché – ça va ensemble –, je vais donc du coup faire une offre. » Et souvent, les offres sont tellement intéressantes que, typiquement, derrière ça génère de la fusion, de l’acquisition à tous les niveaux. Donc ce monopole économique génère aussi une problématique très forte qui est qu’aujourd’hui on a même des entreprises numériques qui se créent avec, pour objectif, d’être rachetées par un des géants du Web, dans l’objectif de faire un maximum de profit. Ça, ça fausse complètement les règles habituelles du marché.
Une domination culturelle
Le troisième type de domination c’est la domination culturelle.
Si vous regardez cette image [Une famille américaine, NdT], vous voyez de quelle domination culturelle je parle. Là, pour le coup, ce ne sera pas pour les géants du web chinois, leur domination culturelle est assez différente. En tout cas si on prend les GAFAM et toutes les entreprises numériques venant des États-Unis, c’est intéressant parce qu’elles sont toutes situées au même endroit, la Silicon Valley, je ne vous explique pas.
Ensuite, ce qui est assez intéressant, c’est que, étant situées aux États-Unis, leur vision du monde, leur morale, leur vision de l’être humain, est forcément impactée par le contexte dans lequel ces entreprises sont situées. On ne peut pas vraiment leur en vouloir, mais ça pose un problème pour la diversité. C’est-à-dire que nous, internautes, utilisant ces acteurs, sommes confrontés à leur vision du monde, alors que nous sommes Français et que, très clairement, nous n’avons pas forcément du tout les mêmes contextes culturels. On verra qu’il y a aussi un appauvrissement qui est aussi lié à la mondialisation dans son ensemble, ce ne sont pas les seuls responsables, mais quand même, globalement, l’usage régulier d’outils venant des géants du Web américains change nos comportements en ligne parce que, tout simplement, on s’adapte à leur vision du monde. Donc on a beaucoup moins de pluralité de points de vue. En gros, leur vision du monde est assez simple, c’est le fantasme d’un univers qui est connecté, qui est ouvert, sachant que c’est quelque chose qui est vraiment né avec l’idée d’Internet au début et avec une idéalisation des patrons de ces entreprises. Je suis sûre que vous connaissez tous le nom du patron d’Amazon, enfin du patron, du directeur général d’Amazon et du président d’Amazon d’ailleurs ; vous connaissez tous, vous avez tous entendu parler de Mark Zuckerberg, etc. Donc, en plus, il y a une personnification très forte des personnes qui dirigent ces entreprises et c’est d’ailleurs la même chose en Chine, il y a vraiment ce rapport à la personnification. Et ces patrons, du coup, se positionnent depuis des années en sorte de prophètes d’un monde meilleur, c’est-à-dire que dans leurs discours ils ont toujours cette idée de réaliser le rêve d’un village qui serait, comment je pourrais dire, global, numérique. Mais, derrière, ils vont standardiser nos consommations, ils vont formater nos relations sociales, ils vont contrôler nos moyens d’expression et ça, c’est vraiment une grosse problématique parce que, souvent, on ne s’en rend pas beaucoup compte. Et c’est très sournois parce que ça se passe vraiment sur le long terme.
En fait, il y a un projet assez intéressant derrière ces entreprises américaines, c’est qu’on est vraiment dans un projet progressiste avec cet objectif de « vous rendre libres, vous émanciper de gré ou de force ». Mais vous rendre libres selon un certain modèle, attention !, il est clair que ça ne va pas faire de vous des anarchistes et cette émancipation, en fait, est émancipation selon un modèle culturel qui est celui de l’impérialisme américain, qui est quand même très éloigné du nôtre.
Avec des règles de censure, c’est le premier petit élément de compréhension : si vous utilisez Facebook, vous connaissez ses règles de censure qui, du coup, sont souvent liées à ce truc du puritanisme américain très fort – on n’a pas du tout ce même rapport à la pudibonderie en France, on est très éloignés de ça. Toutes ces règles de censure, sur les différents outils qu’on utilise, génèrent une uniformisation des normes sociales. C’est-à-dire qu’aujourd’hui les normes sociales sont plaquées sur celles des États-Unis et on ne s’en rend même pas compte en fait !
Ce ne sont pas les seuls à participer à ça. Une fois quelqu’un me disait : « Ça fait longtemps qu’on fête Halloween alors que ça n’a aucun sens dans notre culture ! ». Effectivement, je suis d’accord, ce ne sont pas les géants du Web qui ont transposé la fête d’Halloween, la fête commerciale d’Halloween, dans notre monde francophone. Mais globalement, quand même, on se rend compte qu’en censurant certains types de contenus, on a une problématique de diffusion d’une morale puritaine qui est très normative. C’est une difficulté très forte.
Vous avez peut-être entendu parler d’un petit scandale sur Facebook, ça doit bien faire dix ans maintenant, par rapport à cette reproduction, puisque c’était une image numérique, d’une œuvre de Courbet qui s’appelle L’origine du monde et qui représente, en peinture, le sexe d’une femme. Typiquement, dans cette conception du monde, cette œuvre, reconnue par l’ensemble du monde comme étant une œuvre d’art, n’a pas de place. C’est très problématique.
Culturellement qu’est-ce qui change aussi autour de ça ? C’est le fait que les services qui sont fournis, qui sont proposés par ces géants du Web, intègrent la notion d’économie de l’attention. Je ne sais pas si vous êtes très à l’aise avec ça, je vais essayer d’aller très vite et je vais d’ailleurs citer quelqu’un comme ça ce serait fait. Je vous cite quelqu’un qui s’appelle Yves Citton [4] qui a écrit plusieurs livres sur cette notion d’économie de l’attention et qui nous dit : « Dans un monde riche en informations, l’abondance d’informations entraîne la pénurie d’une autre ressource : la rareté devient ce que consomme l’information. Ce que l’information consomme est assez évident : c’est l’attention de ses receveurs. Donc une abondance d’informations crée une rareté de l’attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d’informations qui peuvent la consommer. » Dit à l’oral, je me rends compte que ce n’est pas hyper-intuitif et compréhensible, je vais traduire très rapidement : avant le Web les ressources, pour le coup, étaient rares. Aujourd’hui l’information et l’ensemble des ressources ne sont plus du tout rares et c’est donc le temps d’attention de chacun des internautes qui est rare. Il y a une espèce de bataille entre les différents acteurs du Web pour attirer sur leurs services le maximum de publi, ce qui se traduit par des propositions multiples, en permanence, plus attrayantes les unes que les autres, pour que vous alliez utiliser tel service plutôt qu’un autre.
Ce qui veut donc dire qu’on est manipulés, on ne va pas forcément vers un service parce qu’il est pertinent et que le service qu’il rend correspond à un de nos besoins, mais tout simplement parce qu’on a réussi à lui donner une valeur qui repose sur cette attention et c’est vraiment une problématique.
Vous vous souvenez sûrement de la phrase de Patrick le Lay qui était, à l’époque, président directeur général de TF1, c’était en 2004, qui nous disait : « Ce que nous vendons à Coca-Cola c’est du temps de cerveau humain disponible ». Eh bien très clairement, ce que Facebook, Google et les autres recherchent, particulièrement Facebook et Google parce que leur modèle économique c’est la publicité, c’est du temps de cerveau humain disponible et leur objectif, qui se traduit donc par le design de leurs interfaces, c’est de vous maintenir le plus longtemps possible chez eux pour que vous n’alliez pas ailleurs, parce que quand vous êtes ailleurs vous ne rapportez pas d’argent. Tout simplement ! Quand on est sur le modèle économique de la publicité, très clairement on a besoin que le plus grand nombre de personnes utilisent le service et que ces personnes restent le plus de temps possible ce qui permet, effectivement, de leur afficher un certain nombre de publicités dans ce cadre-là.
Une domination politique
Cette domination culturelle a une connexion avec la domination politique, en tout cas avec le fait d’agir sur le champ politique et ça aussi c’est culturel. Typiquement, le fait de faire du lobbying, par exemple, c’est une pratique qui vient des États-Unis. Bien sûr, aujourd’hui il y a plein d’autres entreprises que les entreprises américaines qui font du lobbying, mais on voit que ça correspond à un modèle de société qui vient de ce côté-là. C’est assez intéressant de se rendre compte que le lobbying par ces grands groupes représente aujourd’hui des sommes énormes. Je peux vous en donner quelques-unes pour que vous vous rendiez compte, c’est assez impressionnant : Google dépense chaque année 8,5 millions d’euros en lobbying auprès de l’Union européenne, je ne parle même pas des autres territoires, auprès de l’Union européenne. C’est un budget dont l’objectif est d’influencer et de peser sur les décisions publiques ou politiques qui sont prises dans les cabinets ministériels, au niveau des appareils d’État, à l’Assemblée nationale, dans les différentes instances internationales, pour que ces sociétés puissent continuer à fonctionner comme elles fonctionnent, qu’on ne leur mette pas des bâtons dans les roues, très clairement, et surtout pour arriver à faire passer – on revient à l’aspect culturel – une vision du monde auprès de nos dirigeants, dans le sens très large du terme.
On parle souvent de la notion de loi antitrust, qui est un concept américain, qui est assez intéressant. Comme les GAFAM sont aujourd’hui des monopoles vraiment très forts il y a de plus en plus de personnes et particulièrement, pour le coup, des élus aux États-Unis, qui demandent à ce qu’on puisse appliquer ces lois antitrust sur ces sociétés.
En France et en Europe en général, l’adoption du Règlement général sur la protection des données, le RGPD [5] dont vous avez certainement entendu parler, depuis 2018 on a en quand même beaucoup parlé, a, par exemple, fait l’objet d’une campagne de lobbying vraiment très importante : 4000 amendements ont été déposés, effectivement c’était au niveau européen, par les députés européens sous la pression, en fait, de ces lobbies. C’est un record, il n’y a jamais eu autant d’amendements sur une proposition au Conseil de l’Europe. C’est une vraie problématique. Ça a pour incidence de ralentir la décision publique, parce que le lobbying fait perdre du temps, pour que ces décisions ne s’appliquent pas.
On sait aussi que Google sponsorise, par exemple, en direct des publications de chercheurs donc avec des orientations, très souvent, qui sont sur le droit à la concurrence ou sur l’usage des données personnelles. Google va rarement financer des publications de chercheurs en permaculture, elle n’a aucun profit à le faire donc elle ne le fait pas. Et ça pose la question du conflit d’intérêt : quand on est celui qui finance ceux qui sont censés trouver des solutions ou réfléchir sur comment ça doit fonctionner différemment, on voit bien qu’il y a une problématique très forte pour, du coup, changer l’image liée à tout ça.
Et puis la domination politique passe aussi, tout simplement, par l’utilisation de certaines de ces plateformes pour manipuler la démocratie. Vous vous souvenez sûrement ou vous avez déjà entendu du scandale qui s’appelle Cambridge Analytica [6], je ne vais pas rentrer du tout dans le détail de cette histoire, si ça vous intéresse je pourrai vous envoyer des liens où on a essayé de synthétiser ces événements. Mais aujourd’hui, en gros, il est confirmé que la société Cambridge Analytica, utilisant les données de Facebook et certains comportements, certaines façons de faire de Facebook, a eu un impact très fort sur le résultat des présidentielles aux États-Unis en 2016 ; ça a été dit. Mais ça a aussi eu un impact sur le Brexit. On sait que tout ça a quand même une incidence très forte.
Donc ces géants du Web, de par cette triple domination, voire quadruple si on considère que la domination politique ne fait pas partie de la domination culturelle, posent de vrais soucis, j’allais dire vraiment globaux.
La collecte des données personnelles
Et puis il y a le dernier mais qui, en fait, est lié à tout ça, c’est effectivement la collecte des données personnelles.
La plupart des modèles économiques de ces géants du Web repose sur la collecte de ces données. Et, même quand leur modèle économique ne repose pas dessus, ça ne veut pas dire qu’ils ne les collectent pas, c’est juste que, parfois, ce n’est pas ce qui leur rapporte plus d’argent. Mais il y a forcément collecte de données et, très souvent, la collecte de données est liée, effectivement, à la vente de publicité, c’est pour ça que je vous ai mis « Tous les jours je lave mon cerveau avec de la pub ».
Quelle est notre capacité à être libres
Donc se pose la question, quand on est dans un contexte numérique aussi centralisé, c’est-à-dire que là on a quelques entreprises qui prennent toute la place : comment est-ce qu’on peut être libres ?, et là je parle en tant que citoyen, citoyenne, quand on se retrouve dans un système où on doit se réjouir d’utiliser des services gratuits. J’aime beaucoup ce petit schéma [Premier cochon : « C’est génial, on ne nous demande même pas de payer le loyer de la porcherie ! » Deuxième cochon : « Oui. Et en plus la nourriture est gratuite ! »], ça m’arrive tellement souvent que des gens me disent : « Eh ben oui, mais c’est génial, c’est gratuit ! » Oui, c’est génial, c’est gratuit, si effectivement tu es exploité en contrepartie, je ne suis pas sûre que ce soit si génial ! Je trouve que la petite blague avec ces deux cochons qui se disent « c’est génial cette porcherie, on ne nous demande même pas de payer le loyer, on est hébergés, on nous donne à manger, c’est parfait ! » Sauf que personne ne leur a dit qu’à la fin, en fait, on les mange. C’est quand même un problème !
Je vous dis qu’en utilisant les services de ces géants du Web, bien sûr qu’à la fin on vous mange, pas au sens premier du terme, mais, d’une certaine façon, on vous mange. En tout cas vous n’êtes pas libre.
Autre questionnement c’est : est-ce qu’on peut vraiment être libre quand on a des appareils connectés, en l’occurrence là un assistant personnel mais en fait ça marche quasiment pour tous les appareils connectés, qui écoute en permanence tout ce qu’on fait. Ils savent en permanence tout ce qu’on fait.
J’écoutais tout à l’heure une émission sur une association qui s’appelle Exodus Privacy [7], qui propose un outil, via une application sur Android, pour vous dire tous les traceurs qu’il y a dans les autres applications de votre téléphone. C’est quand même hallucinant de voir la quantité de données qui sont récupérées sans même qu’on soit au courant, vraiment sans qu’on n’ait aucune information.
Donc c’est une problématique, c’est-à-dire comment peut-on être libre si on sait qu’on est en permanence écouté, surveillé, que toutes nos actions numériques sont enregistrées ?
La surveillance généralisée
Globalement, les géants du Web participent au fait de nous surveiller de manière permanente. Le seul moyen serait de ne pas utiliser du tout ces services, ce qui, aujourd’hui, est quand même complexe de se passer d’utiliser ces services. On est tous passés par là et, pour préciser, je ne suis pas exempte de l’utilisation de certains services, regardez, aujourd’hui on est sur Zoom, alors qu’il y a eu plein de scandales il y a six mois nous disant que Zoom c’est vraiment une catastrophe. Mais peut-être parce qu’on n’a pas d’autre possibilité en fait. Aujourd’hui c’est une vraie problématique. Il y a quelques possibilités, on va le voir, mais c’est vrai que ça pose plein de questions.
Le capitalisme de surveillance
La notion de capitalisme de surveillance c’est, en fait, très simple, ça a été théorisé par une chercheuse américaine qui s’appelle Shoshana Zuboff [8] – j’ai mis la référence [9] dans la slide d’après. C’est, en gros, « le processus qui va transformer nos comportements présents en prédictions monnayées de nos comportements futurs ». Qui va s’appuyer sur la façon dont on fonctionne sur nos outils numériques pour nous analyser et pour pouvoir vendre soit des espaces publicitaires, soit, tout simplement, de la donnée globale sur comment fonctionnent, je ne sais pas, les femmes d’entre 40 et 45 ans quand elles sont citadines, peu importe. Qui va donner de la statistique globale qui est celle de nos comportements. Toutes ces entreprises fonctionnent sur le fait de monnayer nos comportements actuels. Et ça, ça pose vraiment beaucoup de questions. Ça veut dire que tout ce qu’on fait est surveillé et, surtout, monétisé. C’est une problématique.
C’est ce que nous dit Shoshana Zuboff dans ce livre qui s’appelle L’âge du capitalisme de surveillance. Je vous invite vraiment à lire ce livre, ce n’est pas très simple, c’est vraiment un livre de chercheur, mais c’est vraiment passionnant de découvrir ce modèle économique très récent en plus, c’est Google en 2004, donc ça a 15 ans, c’est vraiment très récent. Avec les gens du Web, on a remplacé le capitalisme industriel par ce capitalisme de surveillance et ce capitalisme de surveillance est là pour orienter et exploiter nos préférences personnelles. On nous surveille tout simplement pour générer des profits sur nos préférences personnelles, nos usages personnels, nos fonctionnements personnels, nos façons de nous comporter de manière personnelle. Le danger qu’il y a derrière tout ça c’est, qu’en fait, ça modifie nos comportements, forcément. Si ça modifie nos comportements, ça modifie du coup, à un autre niveau, notre capacité de libre-arbitre, de faire nos propres choix puisqu’on est déjà manipulé, donc ça menace la démocratie dans son ampleur.
Et pourtant
Ce qui est bizarre c’est qu’alors qu’on sait tout ça, plus ou moins mais quand même, quand on demande aux Français, c’est une étude française, quelle image positive ont-ils de ces différentes entreprises, on le voit, 81 % de la population française trouve que Microsoft a une image positive. Ça ne fait pas grand monde qui trouve que c’est une image négative. Google c’est 80 %, Apple 67, Amazon 65 et Facebook 51 %. Vu la quantité de scandales qu’il y a eus sur toutes ces entreprises, ça pose quand même vraiment des questionnements : les médias ont beau dire que c‘est un souci, pour autant ces entreprises ont toujours une image positive.
Pareil, quand on demande aux internautes, pour le coup ce n’est pas typiquement français, dans dix ans de quelle entreprise penserez-vous qu’elle a été néfaste pour la société ?, 60 % pensent que dans dix ans ils penseront que Facebook a été néfaste pour la société. C’est assez étonnant de se rendre compte que pour les autres, par contre, pas du tout. Amazon un peu, mais pas tant que ça ! Je pense que si on reposait la question aujourd’hui on aurait peut-être des réponses un peu différentes, puisque ça a été fait en 2017, du coup ça a un peu évolué mais quand même, et surtout on a 22 % des répondants qui considèrent que toutes ces sociétés sont positives et ne sont absolument pas néfastes à la société.
Donc il y a besoin d’une prise de conscience, très forte, mais surtout il y a besoin de comprendre que quand on utilise ces services ça reste un choix personnel, mais en fait la « gafamisation » passive ou la « googlelisation » passive ou la « facebookisation » passive est, en fait, très forte. J’aime beaucoup cet article qui avait été écrit en 2019, donc qui date peu, de Marine Protais qui s’appelle « Google c’est comme la cigarette, c’est votre choix, mais il impacte les autres ». C’est-à-dire que si même si moi, à titre individuel, je fais l’effort de ne pas utiliser ces services, dans 90 % des cas je suis en interconnexion avec des personnes qui les utilisent. Le fait que ces personnes les utilisent fait que mes données personnelles, en fait, sont quand même utilisées, c’est-à-dire que mes comportements sont quand même analysés. Si on veut sortir de ce modèle-là, il va donc falloir arriver à une autre ampleur, il va falloir qu’on arrive à convaincre les gens autour de soi que ce n’est pas possible, on ne peut pas continuer à utiliser ces mêmes services.
Le problème c’est que ce n’est pas si simple, c’est facile de le dire.
Confort ≠ Contrôle
Tous ces services proposés par les géants du web sont très confortables pour plein de raisons, ils nous apportent plein de choses, ils sont d’ailleurs désignés pour qu’on les trouve agréables, désignés en termes d’interface, désignés pour qu’on y reste longtemps, désignés pour générer de la dopamine. Il y a une très bonne série sur Arte, que vous pouvez retrouver, qui s’appelle Dopamine, qui explique pourquoi tous les médias sociaux ont un système de fonctionnement qui fait qu’on a envie d’y retourner tout le temps : le fait d’avoir un nombre de « like » ; vous postez une image sur Instagram, qu’est-ce que vous attendez ? Qu’il y ait plein de gens qui la trouvent sympa, sinon vous ne le feriez pas, sinon vous l’enverriez par mail à quelques personnes pour leur dire « regarde, voilà les images de notre dernier week-end » et ce serait juste un partage. Le fait de la publier publiquement impacte ça. Ce jeu sur certains biais cognitifs qu’on a tous est très confortable, est très agréable, et renforce beaucoup de choses. Donc aujourd’hui, pour sortir de tout ça, il est nécessaire de choisir entre confort et contrôle. C’est-à-dire je veux contrôler ma présence en ligne, je veux contrôler ce que je fais sur le Web, je veux contrôler mes données personnelles, ma vie privée, mais je vais devoir, malheureusement, accepter de supprimer une partie de mon confort. Et ça c’est très compliqué parce qu’on a des habitudes qui font qu’on est bien dans les outils qu’on utilise et ce n’est pas simple. Donc il va falloir faire des efforts, je suis désolée de vous le dire, ça ne va pas se faire tout seul. Pour reprendre le contrôle sur sa vie numérique, il faut accepter de perdre en confort et il faut accepter de faire des efforts. Ce n’est pas très positif et le problème c’est qu’on est tous des grosses feignasses en fait, on n’a pas trop envie de faire tout ça, parce qu’on est sur Facebook, Messenger ça marche bien, j’ai chez ma communauté-là, si je change d’outil, je fais comment ? Il va falloir que je change tout quoi !
Je vois la phrase d’Adrien, « c’est un peu comme être écolo » ; eh bien c’est exactement la même chose en fait. Sauf que, j’allais dire, l’impact sur les gens autour de nous est peut-être moins là. Souvent tu peux avoir des pratiques écolos et même si tu as des potes qui ne sont pas hyper-écolos, ça ne t’empêche pas de les avoir. Alors que là, très souvent, ça va bien plus loin, c’est-à-dire que si tu ne veux pas perdre tous tes potes eh bien tu es quand même obligé de rester sur Facebook ou sur Instagram. Du coup, je pense que les sacrifices sont parfois encore plus grands que dans les pratiques écologiques, même s’il y a énormément, effectivement, de possibilités d’aller vers ça.
Bref ! On est tous des grosses feignasses, donc on n’a pas trop envie de faire des efforts, ce qui s’entend très bien. Alors premier conseil, ça ne sert à tien de tout changer, il faut faire les choses petit à petit, sinon c’est sûr, c’est l’échec total. Si vous dites « ça y est, demain j’arrête d’utiliser tous les services du géant du Web », déjà le temps que vous trouviez quelles alternatives, etc., ça va prendre un peu de temps, mais surtout vous allez forcément être en situation de manque, parce que tous ces outils sont faits pour générer du manque chez vous. Ça peut être très violent et ce n’est pas dit !
Pour répondre à la question de comment les associations peuvent-elles s’en passer ? Je ne sais pas de quoi vous parlez ? Si c’est de tous les services des géants du Web, si c’est une partie des géants du web. On reviendra sur cette question, je pense qu’elle est assez intéressante à ce niveau-là.
Comment dégafamiser Internet ?
Si vous voulez « dégafamiser » Internet, chez Framasoft on vous propose
- des services libres, on verra pourquoi les logiciels libres sont une garantie importante,
- des services alternatifs à ceux qui sont proposés par ces géants
- des services qui sont éthiques, donc à travers ces services on porte un certain nombre de valeurs,
- mais aussi des services qui sont décentralisés, décentralisés au sens où il n’y a plus de centre, donc plus un seul élément de contrôle, une seule entrée pour le contrôle. C’est beaucoup plus intéressant, du coup, de ne plus avoir de centre et d’être dans du réseau pour pouvoir, justement, faire que si à un endroit ça ne marche pas, ce n’est pas grave, je peux aller ailleurs. Je peux choisir là où je vais héberger mes données par exemple, là où je vais discuter avec mes amis en me disant je ne suis pas obligée d’être sur une plateforme centralisatrice. D’ailleurs c’est étonnant parce que c’est comme ça que fonctionne Internet, l’architecture technique d’Internet ; il n’y a pas de centre. Ce sont des multiples serveurs connectés les uns aux autres, mais il n’y a pas un gros serveur au milieu qui, du coup, renverrait vers tous les autres. Dans les services décentralisés, on est dans la même logique.
- Et, bien sûr, des services qui sont solidaires, c’est aussi lié à l’éthique, qui vont inclure des aspects de solidarité.
Logiciel libre
Je ne vais pas trop m’attarder sur ce qu’est le logiciel libre, d’où ça vient, etc., on pourra faire un échange peut-être là-dessus. On rappelle juste que c’est lancé dans les années 80 par un monsieur qui s’appelle Richard Stallman [10], qui était chercheur au MIT. Son objectif et l’objectif derrière toute la philosophie du Libre, c’est de permettre aux utilisateurs et aux utilisatrices des logiciels, mais ça peut-être, on le verra, de la musique, de l’encyclopédie, d’avoir un maximum de libertés.
Derrière le logiciel libre on parle toujours de quatre libertés qui sont vraiment hyper-importantes. Je vais quand même les détailler parce que c’est important de les avoir.
- La première de ces libertés ça va être d’utiliser le logiciel, mais on verra que ça s’appliquera à d’autres types d’œuvres, pour quelque usage que ce soit, c’est-à-dire que j’en fais ce que je veux, je n’ai pas de problématique en tant qu’utilisateur. Les personnes qui ont conçu le logiciel ont sûrement pensé qu’il devait être utilisé dans tel sens, mais si j’ai envie de l’utiliser pour faire autre chose et que je peux le faire, il n’y a rien qui m’en empêche. Ce qui ne sera pas le cas sur d’autres outils.
- La deuxième liberté, et c’est sûrement celle qui est la plus connue, c’est que dans un logiciel libre on peut étudier le programme, c’est-à-dire qu’on peut accéder au code source de ce programme, on peut aller voir le code et regarder ce qu’il y a derrière : comment est fabriqué le logiciel. Vous allez me dire « quand tu n’es pas développeur, codeur, c’est bien beau d’accéder au code, mais si tu me files un bout de code d’un logiciel, je n’y comprends rien ». Eh bien oui, évidemment, ça veut dire que cette liberté d’étude du programme est effectivement possible, mais il va falloir s’entourer, faire confiance à des communautés de gens qui vont auditer ces programmes et qui vont nous dire si, à l’intérieur de ces programmes, il y a des trucs qui craignent ou pas. Donc ça a une incidence, quand même ! Le fait que le code soit transparent permet de se préserver, effectivement, d’un certain nombre de dérives. Le contraire de logiciel libre, c’est ce qu’on appelle un logiciel privateur, parce qu’il est privateur de libertés, donc il vous prive de la liberté, justement, d’étudier du programme. Du coup vous ne savez pas s’il y a quatre lignes de code qui, à l’intérieur de ce programme, récupèrent tel et tel élément. Vous n’en avez aucune idée puisque vous ne voyez pas le code ; des techniciens ne peuvent pas accéder au code. Donc vous ne savez pas du tout ce qui est fait de la façon dont vous utilisez cet outil.
- La troisième liberté va être celle de pouvoir créer et redistribuer les copies de façon à pouvoir aider votre voisin, en tout cas vous pouvez les distribuer à qui vous voulez, de la façon dont vous voulez. Dans le logiciel libre, le logiciel est distribuable tant qu’on veut, il n’y a pas de limites. Parce que, dans l’univers numérique, il y a un paradigme très fort qui est qu’une copie ne prive pas de l’original, ne détruit pas l’original. Quand on fait une copie, on multiplie, tout simplement, le logiciel, le contenu, peu importe. Si je prête un livre physique à quelqu’un je ne l’ai plus, sinon il faudrait que je le photocopie intégralement mais c’est quand même un peu compliqué. Alors que je peux faire une copie d’un livre numérique, je garde ma version, j’en fais une copie pour quelqu’un d’autre. Donc je multiplie la possibilité de diffusion et de distribution.
- Enfin la quatrième liberté et pas moindre c’est qu’en tant qu’utilisateur ayant des compétences techniques très souvent et encore pas toujours, j’ai la liberté d’améliorer le programme. C’est-à-dire que ce logiciel est bien, mais, en fait, je trouve qu’il manque une fonctionnalité ou, pour moi, dans mon contexte, je peux avoir besoin de cette fonctionnalité. C’est génial parce que je vais partir de la base de ce logiciel et je vais pouvoir y rajouter les fonctionnalités qui me manquent ou faire rajouter par une entreprise qui sait faire ça, passer par un prestataire qui le fera pour moi si je n’ai pas les compétences techniques pour le faire. L’avantage c’est que toutes les fonctionnalités que je vais, du coup, rajouter à cet outil, vont profiter à tous les utilisateurs de l’outil. C’est-à-dire qu’en plus elles sont remises dans le commun. C’est un élément vraiment d’enrichissement global pour l’ensemble de la communauté.
Libre = open source + éthique
Je vais revenir sur un concept très fort qui est la différence entre open source et Libre. Très souvent c’est un élément qu’on nous demande. En fait, au niveau des licences, il n’y a quasiment pas de différence. Je ne vous ai pas précisé que les logiciels libres sont marqués par des licences libres, c’est ce qui fait qu’on sait que ce sont des logiciels libres, donc ces licences libres – on pourra y revenir en détail si quelqu’un a des questions plus précises là-dessus – permettent de dire quels sont les droits possibles, où sont les limites, quelles restrictions au droit d’auteur, à la propriété intellectuelle, etc.
Sur l’aspect des licences, un logiciel open source aura une licence similaire à celle d’un logiciel libre. La seule différence c’est que le logiciel libre aura une philosophie alors qu’un logiciel open source sera considéré comme un outil technique et exclusivement comme un outil technique. Très souvent on parle d’open source dans les contextes où il n’y a pas de pensée éthique derrière l’usage de l’outil. On va parler de logiciel libre quand on va considérer que les personnes qui proposent ces logiciels les proposent pour, on va dire, un usage sociétal positif.
Petit exemple. Je suis Total – je prends un exemple horrible –, chez Total il y a l’administration des plateformes pétrolières. J’ai besoin d’un logiciel qui va me permettre de gérer les flux, je n’en sais rien, je n’y connais rien, ce n’est pas du tout mon domaine. Bref ! Et puis je me dis que je vais faire un logiciel du coup en open source, dont le code sera diffusé et sera transparent. Pour autant ce ne sera pas un logiciel libre, parce qu’une plateforme pétrolière, et là je pense que personne ne pourra dire le contraire, ne fait pas quelque chose qui fait du bien à la société aujourd’hui. Peut-être qu’il y a 70 ans on n’était pas conscient de ça, mais aujourd’hui, très clairement, ça ne fait pas du bien, donc on considérera que ce logiciel ne sera pas libre parce qu’il ne participe pas à une évolution positive de la société.
Petit rappel : le logiciel libre est donc un commun puisque nous somme dans une série sur les communs, donc il y a cette notion d’en prendre soin. Un logiciel libre est très souvent développé par une communauté de développeurs, mais il a aussi besoin que les utilisateurs comprennent comment fonctionne ce travail de développement et puissent faire des retours. Aujourd’hui on a encore cette problématique des internautes consommateurs qui, du coup, vont utiliser un outil, un service, et exigent de ce service qu’il soit le plus performant possible, alors même que c’est un logiciel libre qui, très souvent, a été développé par plein de personnes individuelles, qui se sont mises ensemble juste pour rendre le service du logiciel. Donc il y a vraiment un élément important à respecter, effectivement, ce travail de commun et de communauté associée puisque ça va ensemble.
Je vous ai mis un truc sur les licences libres, j’y reviendrai s’il y a besoin.
Idées reçues sur le logiciel libre
Autres éléments importants à connaître sur le logiciel libre, c’est que, très souvent, les gens disent « cool, un logiciel libre c’est gratuit ! » Oui, mais je ne sais pas, je n’ai pas de pourcentage, j’allais dire dans 90 % des cas, mais je ne sais pas. Eh bien pas forcément en fait. On peut très bien créer un logiciel, le publier avec une licence libre et, pour autant, le vendre. Il n’y a absolument rien qui empêche cette activité de vente. Donc attention à ne pas systématiquement associer logiciel libre et gratuit. Non, il y a des logiciels libres qui ne sont pas gratuits. Il y a des œuvres musicales libres qui ne sont pas gratuites. La connexion entre les deux fait que c’est très souvent le cas dans l’usage, mais ce n’est pas forcément le cas, parce que dans tous les cas il faut un modèle économique. C’est-à-dire que des gens prennent du temps pour créer ce logiciel ou créer ce morceau de musique, donc ils ont bien besoin, à un moment, d’une « rémunération » pour ce travail, je le mets entre guillemets, c’est travail au sens très large du terme. Du coup il y a des modèles économiques qui sont liés au logiciel libre qui peuvent être OK, si ce n’est pas le logiciel qui est payant, en revanche l’installation sur un serveur est payante ou la formation des utilisateurs à ce logiciel est payante, etc., ou, tout simplement, il y a un appel à don en disant « tout ça nous coûte quand même un peu d’argent, est-ce que vous, utilisateurs, vous ne voulez vous pas contribuer ? ». C’est le modèle de Framasoft, on est sur le modèle économique du don, mais en fait chez Framasoft il n’y a rien qui est gratuit. Les salariés qui mettent à disposition un certain nombre de services auprès des internautes, pour le coup eux ont besoin d’être payés. Ils ne viennent pas tous les jours gratuitement ou alors il faudrait un autre modèle de société pour que ce soit possible.
Et puis il y a cette idée reçue qu’on ne gagne pas d’argent en faisant du logiciel libre, ça aussi c’est complètement faux. Il y a énormément d’entreprises aujourd’hui qui, du coup, ne proposent que des services autour de logiciels libres et, pour autant, qui vivent très bien, il n’y a aucun problème de ce côté-là.
Trouver des logiciels libres
Si vous cherchez des logiciels, un de nos services s’appelle [11], l’annuaire du Libre : vous avez besoin d’un logiciel pour n’importe quoi, vous tapez le type de logiciel dans la barre de recherche et vous trouverez, effectivement, une liste de logiciels pour remplacer vos logiciels privateurs.
C’est l’aspect logiciel.
Dégooglelisons Internet
Pour revenir à ce que disait à ce que disait Adrien quand il a présenté Framasoft, très souvent on est très connus pour cette campagne qui s’appelle « Dégooglisons Internet ». C’est une campagne qu’on a lancée en 2014 suite aux révélations de Edward Snowden, vraiment une grosse prise de conscience de dire « Oh, là, là, on a un problème, maintenant qu’on sait que tous les géants du Web transmettent en grande partie les données qu’on stocke chez eux aux services de renseignement américains, il faut vraiment qu’on ait des alternatives. » À l’époque la récolte des données personnelles pour des usages publicitaires était moins un élément dont on avait conscience. À la base c’était vraiment l’idée d’avoir des solutions à proposer.
Donc Framasoft, pendant trois ans, a petit à petit enrichi une offre de services qui sont donc libres, éthiques, décentralisés et solidaires. Je vous montre la liste, il y en a énormément, on est même arrivés jusqu’à 38 à un moment. Mais on est une petite association, on propose ces services, on est financé par les dons pour le faire, on n’a pas de problèmes économiques au niveau de l’association, mais ça nous pose quand même un sacré problème, c’est-à-dire qu’en tout cas, pendant la campagne « Dégooglisons Internet » donc 2014/2017, on est un peu les seuls à faire ça et, en fait, on n’a pas du tout envie d’être les seuls, parce que si on est les seuls, on fait exactement ce qu’on reproche aux géants du Web, on devient un monopole. C’est d’ailleurs le constat auquel on est arrivé il y a quelques années, c’est-à-dire qu’aujourd’hui le réflexe c’est « OK, si je ne veux pas aller chez un géant du Web, hop ! Je vais chez Framasoft ». Je ne dis pas que c’est un mauvais réflexe. Je dis juste qu’à un moment, si tout le monde vient utiliser no services, on reproduit un modèle qui n’est pas celui que nous voulons pour notre société.
Donc Framasoft a cherché à faire en sorte de ne pas être le Google du Libre, je le dis comme ça, pour que justement il y a ait des alternatives à celles qu’on propose, sachant, en plus, que les logiciels qui permettent de fournir ces services qu’on propose sont très souvent des logiciels que Framasoft ne gère pas. C’est-à-dire que ce sont des logiciels libres, qui existaient préalablement à « Dégooglisons Internet », que Framasoft a habillés et, du coup, a donné un nouveau service basé sur un logiciel. Si je prends par exemple Framatalk, Framatalk [12] est un service de visioconférence, le logiciel qui est utilisé derrière s’appelle Jitsi Meeet, c’est un logiciel libre, très clairement ce n’est pas du tout Framasoft avec ses trois techniciens qui a créé ce logiciel. Il préexistait et il y a juste eu une valorisation de ce logiciel à travers le service Framatalk.
Évaluation de Dégooglelisons Internet
En fait, au bout de plusieurs années de Dégooglelisons Internet, Framasoft a démontré que les services libres étaient une alternative viable, solide. Pour nous c’était hyper-important de montrer aux internautes que si tu utilises Zoom, Team ou Skype pour faire des visios, en fait tu peux aussi Framatalk ou Jitsi, qui sont la même chose mais juste avec des noms différents et, bizarrement, ça rend les mêmes services et c’est solide et ça marche. C’est vraiment un élément important.
Framasoft a donc fait un travail d’éditeur, de mainteneur. On a développé une partie des logiciels en interne et puis il y en a sept, effectivement, qui ont été pris dans la grande base des logiciels libres, ce qui n’a pas empêché qu’en plus on a rajouté des fonctionnalités parce que, pour nous, il manquait certaines choses, donc, en plus, on a contribué à faire que ces logiciels s’enrichissent.
Aujourd’hui on pense, mais on n’a absolument aucune certitude par rapport à ça, être la plus grosse offre mondiale de services libres, éthiques, décentralisés, solidaires – c’est ce que veut dire LEDS, c’est un peu technique – qui sont accessibles gratuitement. On n’a pas de « concurrents », je le mets entre guillemets, parce qu’on n’est clairement pas dans une optique de concurrence, en tout cas il n’y a pas d’autre structure qui fait ça.
Donc on s’est dit qu’il fallait qu’on trouve le moyen de faire émerger des « concurrents », je le mets vraiment entre guillemets parce que ce ne sont pas nos concurrents, des alternatives à ce que propose Framasoft.
Déframasoftisons Internet
Donc on a lancé, en 2018, une nouvelle réflexion qui s’appelle « Déframasoftisons Internet », après avoir « dégooglelisé » Internet on « déframsoftise » Internet, dont l’objectif principal va être de faire que les gens arrêtent d’utiliser nos services — alors on va en fermer, comme ça la question ne se posera pas, ils seront fermés, plus personne ne les utilisera —, mais surtout on va leur montrer que ces services existent aussi ailleurs. Et ça c’est vraiment important.
Je vous ai quand même mis l’information. On a huit services qui, en tout cas pour les prochaines années, ne vont pas bouger :
- Framadate, c’est l’alternative à Doodle pour faire du sondage de dates ;
- Framapad qui est un éditeur collaboratif de traitement de texte ;
- Framinemap est un outil qui permet de faire des cartes mentales, c’est quoi les noms de trucs connu de cartes mentales ? MindMaster peut-être ou MindMap quelque chose, bon ;
- Framagenda c’est un agenda, une alternative à Google Agenda ou un truc agenda, il y en a plusieurs ;
- Framadrive c’est un cloud ;
- Framavox est un outil de prise de décision collective et de gestion du vote pour un groupe, une structure ;
- Framacarte c’est une interface du système qui s’appelle OpenStreetMap [13], qui est l’alternative à Google Maps ou Maps chez Apple, etc. ;
- et Famatalk c’est l’outil de visioconférence dont je vous ai parlé.
Et puis on a deux services qui ne reposent pas sur de logiciels mais qui sont des sélections de contenus : Framagames où on met en évidence des jeux sous licence libre et Framinetest qui est la version libre de Minecraft, qui est, du coup, un autre jeu.
En revanche on va en fermer plein. D’ailleurs il y en a déjà qui sont fermés, il y en a trois qui sont fermés depuis la déframasoftisation d’Internet qui sont Framabee qui était un moteur de recherche, Framanews, Framastory et il en a d’autres qui vont fermer dans les années à venir. Je ne m’attarde pas là-dessus, je vous donnerai le lien vers ces éléments si ça vous intéresse, sans problème.
Mais même quand on ferme, on fait preuve de pédagogie, je vous rappelle qu’on est une association d’éducation populaire, c’est-à-dire qu’on vous dit « oui, on ne propose plus de services », par contre on vous dit où est-ce que vous pouvez trouver un service similaire qui va être hébergé par une autre structure et, en plus on dit qu’on a sélectionné ces structures. C’est-à-dire qu’on n’a pas pris le premier venu, on s’est dit que, quand même, on allait passer par des gens en qui on a confiance. Donc systématiquement on va vous proposer, tout simplement, d’utiliser le service ailleurs, donc on ne vous laisse pas complètement seuls par rapport à ça.
CHATONS
À partir de 2016 Framasoft a initié un Collectif d’Hébergeurs Alternatifs, Éthiques, qui s’appelle CHATONS [14], je ne lis pas ma slide. Aujourd’hui ce collectif s’est donné un certain nombre de règles. Bien sûr, ces hébergeurs de services, qui font un peu la même chose que ce fait Framasoft, c’est-à-dire des services proposés aux internautes, ont un certain nombre de règles qui sont garanties par un manifeste et une charte. C’est un peu comme les AMAP [Association pour le maintien d’une agriculture paysanne], il y a un ensemble de règles pour que les AMAP fonctionnent, c’est la même chose, il y a une sorte de règle commune. Bien sûr, il n’y a pas de publicité sur les services parce que s’il y a publicité, ça veut dire qu’il y a vente de données, encore que ça pourrait être sans mais vraiment c’est très rare. Bien sûr tous les logiciels sont libres, c‘est-à-dire que vous pouvez aller voir le code de ces logiciels, donc c’est une garantie de transparence et, effectivement, on est avec des outils qui sont data friendly, c’est-à-dire que les données ne sont pas exploitées, sont souvent accessibles, c’est-à-dire qu’il suffit de demander à votre hébergeur de voir vos données, il vous les transmet. C’est de mieux en mieux parce qu’avec le RGPD il y a maintenant une petite obligation de tout ça, mais c’est quand même assez obscur. J’ai essayé, un jour, de récupérer l’ensemble des données de mes comptes Google, eh bien ce n’est pas très facile, ça demande quand même de savoir où c’est planqué, où on peut les trouver, et ensuite, surtout, une fois que j’ai tous ces fichiers, je les ouvre avec quoi ?, parce que ce sont des formats de fichiers un peu bizarres. Là, pour le coup, tout est beaucoup plus transparent.
Aujourd’hui il y a 76 structures qui font partie de collectif, donc 76 hébergeurs alternatifs, de tous types, ça peut être des associations, ça peut être des collectifs informels, des coopératives, des micros entreprises, des entreprises, des particuliers qui vont proposer un service. CHATONS fonctionne avec une notion de territorialité. Très souvent on dit que les chatons c’est comme les AMAP mais en version numérique. C’est assez intéressant parce que l’objectif n’est pas que vous preniez ou que vous soyiez en contact avec une structure qui est à l’autre bout de la France. L’objectif c’est que vous trouviez un hébergeur éthique qui est à proximité de chez vous. Alors à proximité relative, parce que pas de bol, si vous habitez en plein centre de la France vous avez vu, il n’y a pas grand monde, il n’y a pas grand monde tout court, du coup il n’y a pas grand monde non plus chez CHATONS, donc il n’y a pas forcément de structures qui soient là. Donc il faudra peut-être se rapprocher soit d’un côté, soit de l’autre pour aller les voir. Mais cette carte est assez bizarre, par exemple il n’y a rien de marqué à Lyon alors que je sais qu’il y en a au moins cinq. Il faudra vérifier et, de toute façon, sur le site chatons, au pluriel, .org, chatons.org, vous avez un moteur de recherche qui permet de géolocaliser, qui permet de trouver les services, etc.
Des services divers et variés
Les services qui sont proposés par les structures membres de ce collectif sont hyper-variés. J’ai fait une liste non exhaustive qui permet de se rendre compte des grandes familles d’outils :
bien sûr, tout ce qui relève de la comm’, les mails, réseaux sociaux, la visioconférence ;
tous les outils appliqués au web, des moteurs de recherche, des raccourcisseurs d’URL, des forges logicielles – si vous développez un logiciel et que vous avez besoin de publier le code, une forge logicielle sert à ça –, des outils de sondage, des gestionnaires de mots de passe – très utile les gestionnaires de mots de passe, ça permet d’avoir des vrais mots de passe forts et de ne pas se soucier, du coup, de devoir les retenir, de les noter dans un calepin ou de les mettre dans son ordinateur. Ce sont des outils vraiment très importants pour, justement, ne pas se faire piquer ses données ;
des outils de travail collaboratif
et puis tout ce qui relève des outils de stockage et de partage de fichiers.
ContribAteliers
Je vois l’heure qui avance.
Je voulais quand même vous parler au moins des ContribAteliers qui sont une initiative de Framasoft, et c’est intéressant parce que ça correspond au mouvement du Libre en général. Framasoft dit « tiens, ce serait bien qu’on mette en place des ateliers qui vont permettre aux internautes, qui ne savent pas forcément coder, de participer au monde du Libre ». Parce que, en fait, il y a plein de façons d’aider le monde du Libre, donc on a ces ContribAteliers qui sont des temps qui se déroulent habituellement dans l’espace physique. Il y a des lieux de rassemblement. Il y a des ContribAteliers à Paris, à Lyon, à Nantes, à Grenoble, à Toulouse, à Bordeaux, à Tours, et je crois qu’il y en au moins eu un à Lille, donc plutôt dans les grandes villes. Ça a tendance à se démocratiser et puis, entre-temps, on a eu une crise sanitaire et des périodes de confinement, maintenant on fait des ConfinAteliers, la même chose mais en version virtuelle.
Pendant ces temps vous avez des porteurs de projets qui vous disent « moi j’ai un logiciel – ça peut-être un logiciel mais ça peut être autre chose – et je cherche des gens qui vont pouvoir m’aider à identifier toutes les fonctionnalités qui manquent. Donc vous allez me dire qu’est-ce que vous aimeriez comme fonctionnalités sur ce logiciel. Ça ne veut pas dire que je vais les développer forcément, mais ça me permettra de voir s’il en manque ». Ou « j’ai besoin d’un graphisme qui soit un peu plus sympa pour cette initiative », donc il va faire appel. Ou « j’ai besoin de faire traduire mon outil dans des langues étrangères et, comme je suis nul en polonais, si je veux que la communauté polonaise bénéficie de mon outil, je vais essayer de proposer tout ça. »
Ces ContribAteliers sont des temps dédiés juste à la contribution. L’objectif c’est que ce ne soit pas seulement les services de Framasoft et les différents outils de Framasoft qui soient proposés. Aujourd’hui, dans ces ContribAteleirs, ce qui est assez étonnant c’est qu’il y a plus de porteurs de projets libres qui interviennent que, finalement, de membres de l’association. C’est vraiment une réussite pour nous, c’est que d’autres gens se sont emparés du principe de la contribution ce qui est vraiment l’esprit. C’est-à-dire que Framasoft considère aujourd’hui que si on veut vivre dans un monde libre, si on veut être émancipé numériquement, il faut qu’on soit dans une société de la contribution, c’est-à-dire où tout le mon de participe à plein de petits communs ; ça peut être ceux du numérique mais ça peut être d’autres si on n’est pas intéressé par ça. C’est un élément vraiment très important qu’on porte habituellement.
Je vous ai mis le lien vers Soutenir, peu importe. Il est temps qu’on passe aux questions sinon vous allez mourir de faim si ça traîne trop.
J’arrête mon partage d’écran.
Questions
Organisateur : On a eu plusieurs interventions, mais je pense qu’il a été répondu à une bonne partie par ta présentation. Comment met-on en place un ContribAtelier ?
Angie Gaudion : Il y a un site, qui s’appelle contribateliers.org [15], sur lequel il y a une fiche qui explique comment on fait, il y a des conseils. Il n’y a aucune obligation, c’est-à-dire que ça n’est pas un label, tout le monde peut organiser un ContribAtelier s’il le souhaite. Après, techniquement, c’est bien d’être un certain nombre surtout si on est dans espace physique. On va dire OK, il faut que j’aie un espace physique où je vais pouvoir accueillir les participants. Ensuite il faut quand même que j’aie la puissance pour pouvoir communiquer sur l’existence de ce ContribAtelier, que j’aie un peu de monde qui sache faire de la comm’ et qui diffuse l’information. Ensuite il faut que j’aie des gens qui vont animer les pôles à l’intérieur de ce ContribAtelier, donc il faut que je fasse à des structures, à des individus qui souhaiteraient proposer un sujet de contribution. Et c’est tout. On a fait une liste de conseils pratiques, etc., ce à quoi il faut penser. Mais globalement c’est vraiment très simple à ce niveau-là.
En parallèle, il y a une communauté d’organisateurs de ContribAteliers, sur laquelle on peut s’appuyer, qui vont donner des conseils pratico-pratiques en disant, par exemple, « on a eu ça comme expérience, ça peut être intéressant de le prendre en compte, on n’avait pas pensé, par exemple en termes d’inclusion, aux personnes en situation de handicap, etc. » C’est vraiment un élément qui se fait à ce niveau-là. Donc oui, on peut faire des ContribAteliers tant qu’on veut.
On a eu le dernier ConfinAtelier il n’y a pas très longtemps, je dirais mi-novembre et je pense qu’il y en aura un, ça va dépendre des situations de confinement, sur le premier trimestre 2021.
Organisateur : On a une question d’une personne, je ne sais pas si elle est encore en ligne, qui nous demande pourquoi ne pas avoir utilisé Jitsi ce soir. Je pense que tu vas me retourner la question.
Angie Gaudion : Non, pas du tout, parce qu’on en a discuté tous les deux, donc j’assume pleinement. La réponse va peut-être être un peu particulière. En fait, Jitsi n’est pas fait pour de la diffusion à grande échelle. Le système du logiciel, Jitsi Meet [16], prend en compte la bande passante la plus basse parmi les participants pour la diffusion. Ce qui fait qu’il suffisait qu’il y ait une seule personne, ce soir on n’est pas hyper-nombreux, on est arrivés à 15, qui soit vraiment dans un contexte de bas débit, du coup ça « freezait » la vidéo pour tout le monde. Cet outil est pratique dans un contexte où on n’est pas trop nombreux et où on a l’assurance que tout le monde a effectivement de la bande passante.
On aurait pu utiliser un autre outil libre qui s’appelle BigBlueButton [17], un autre logiciel qui permet de faire des webinaires, etc., et là, effectivement, ce serait passé.
Organisateur : Par rapport à la question de Dominique tout à l’heure : comment les associations peuvent-elles s’en passer ? Du coup, je pense que c’est un travail relativement à moyen terme, on va dire.
Angie Gaudion : En fait se passer de quoi ? Je ne sais pas, des services des géants du Web en général, ou certains types de services ? C’est une vraie question.
Organisateur : Dominique tu me diras, mais je pense que tu voulais dire se passer de la logique propriétaire d’une manière générale. Par rapport à ça, je voudrais dire que la question se pose pour les associations, mais la question se pose aussi pour les institutions, les collectivités.
Angie Gaudion : Exactement.
Organisateur : C’est là où, quelque part, je suis scandalisé du retard de compréhension du monde dans lequel on vit et de la part de ces institutions. L’histoire d’Internet, en gros, démarre en 1960. On n’a rien vu venir et on s’est fait refiler tous ces monopoles, alors qu’il y a quand même eu des alertes. Je relisais une chose, je vais mettre toutes les sources, Lawrence Lessig [18], le papa des licences Creative Commons, il me semble, disait déjà dans les années 2000 que le problème ce serait d’avoir refilé le pouvoir à des codeurs qui sont spécialistes de la production de code qui retient les gens. Le problème c’est qu’on a remis les clefs du pouvoir à des gens qui, à travers tout ça, à travers ces compétences-là, ces moyens-là, comme tu l’as dit tout à l’heure, nous gavent de valeurs. Pour moi c’est une prédation, c’est terrible !
Angie Gaudion : Peut-être, pour répondre quand même à la question : comment fait-on en tant qu’association ?
Public : Je veux bien préciser la question, si vous voulez.
Angie Gaudion : Oui, c’est plus simple, allez-y.
Public : Il se passe que je suis dans une structure qui fait de l’audiovisuel participatif et, pour le sens de ma question, la première des choses c’est que, à partir du moment où la masse, la grande masse des gens, j’allais dire des gens ordinaires, utilise les outils de ces géants du Web, du coup, si on veut utiliser d’autres outils, quelque part on se prive souvent du contact avec un certain nombre de personnes qui ont l’habitude d’utiliser ces logiciels, etc. L’objectif d’une structure associative c’est d’essayer de toucher tout le monde dans une grande masse, sans qu’il y ait de « spécialistes », entre guillemets, d’autres outils.
Angie Gaudion : Du coup ce sont des outils de montage vidéo ou de mixage audio, ce genre de choses ?
Public : Par forcément. Des outils collaboratifs, je pense aux documents partagés, par exemple.
Angie Gaudion : Je pourrais comprendre quand il y a une spécificité technique vraiment très forte. Sincèrement un cloud chez Google ou un cloud chez un hébergeur éthique fonctionnent exactement de la même façon. Il n’y a pas d’acquisition de compétences particulières pour les faire fonctionner, quand on sait utiliser un cloud, on sait utiliser tous les clouds.
Public : Il y en a quelques-uns qui sont quand même plus intuitifs que d’autres.
Angie Gaudion : Oui, on en revient à l’effort.
Public : C’est ça. C’est clair.
Angie Gaudion : Pour le cloud, je pense vraiment que ce n’est pas une problématique d’ergonomie ou d’intuitivité à l’usage, c’est juste une histoire d’habitude. Ce n’est pas un souci mais, en fait, il faut en être conscient. C’est-à-dire qu’on a des habitudes d’usage et faire changer ces habitudes d’usage, c’est vraiment cognitif, il y a plein d’études qui montrent ça, elles sont très longues à faire changer.
Public : C’est peut-être encore plus fort par rapport à des partages de vidéos entre YouTube, par exemple, et d’autres partages parce qu’il y a tellement de personnes qui utilisent ce canal.
Angie Gaudion : C’est pour ça que je vous pose la question parce qu’il y a la différence entre utiliser un outil pour fabriquer, faire, produire des contenus et la diffusion. Très clairement aujourd’hui, bien sûr que les médias sociaux, pour la diffusion des contenus, sont un peu incontournables parce que c’est là où vont les gens. Donc, si l’objectif c’est de rendre visibles ces contenus, je ne peux blâmer personne de continuer à diffuser ses vidéos sur YouTube.
En revanche, on peut très bien se dire que pendant un certain temps, on peut diffuser ses vidéos à la fois chez YouTube et chez PeerTube [19], qui est l’alternative libre et éthique à YouTube. Du coup ce sont les temps de transition, c’est montrer « tiens, regardez, on fait aussi les choses sur PeerTube, on les met aussi sur PeerTube parce que sur PeerTube, il n’y a personne qui analyse ce que vous êtes en train de faire pendant que vous regardez, il n’y a pas de pub, il n’y a pas de monétisation, il n’y a pas de système de recommandation qui va vous renvoyer toujours vers les mêmes choses et vous enfermer dans votre bulle informationnelle, etc. ».
Pour l’aspect, j’allais dire communication, diffusion, n’arrêtez pas tout d’un seul coup parce que, effectivement, vous n’aurez plus du tout de public visionnant. En revanche, proposez les deux pendant un certain temps jusqu’à ce que les usages changent au sein d’une communauté.
Public : Je me posais aussi la question par rapport aux stratégies de tous ces géants dans le monde de l’éducation où là c’est vraiment un gros problème.
Angie Gaudion : Disons qu’il y a un lobbying énorme en fait. Une étude a été faite, il y a deux ans, deux ans et demi, je crois, je ne me souviens plus de la date exacte, auprès des enseignants leur demandant « en termes d’outils numériques de quoi auriez-vous envie ? » Il y avait une très forte proportion, je crois qu’on était à plus de 70 % des enseignants qui disaient « on veut des outils libres parce que ça nous permet justement, quand il manque une fonctionnalité, de pouvoir demander à ce qu’elle soit codée. C’est facilitant pour nous ». En revanche, il y a un lobby très fort des géants du Web dans le monde de l’éducation et Microsoft fait ça depuis tellement longtemps ! Quand j’allais à l’école, j’ai appris l’informatique, alors vite fait parce que dans ma génération il n’y avait pas grand-chose, mais il n’y avait que des ordinateurs sous Windows, donc il y avait déjà ce truc du lobbying ; moi j’ai appris l’ordinateur sur Windows. On ne m’a jamais dit qu’autre chose que Windows existait. Pendant des années j’ai cru qu’il n’y avait que Windows. Du coup, le jour où j’ai découvert qu’il y avait autre chose que Windows – je suis peut-être un peu plus curieuse que la moyenne – je me suis dit tiens, je vais aller voir et je me suis dit ça ne marche pas du tout pareil, je suis complètement perdue. Eh bien oui, on ne m’a montré qu’une façon de faire, du coup ça me déstabilise quand je dois découvrir une nouvelle façon de faire. Alors que si, dans le monde de l’éducation, on montrait tous les possibles, ensuite on pourrait potentiellement faire un choix individuel en fonction de son intérêt et en ayant connaissance de en quoi c’est bien, en quoi c’est moins bien.
Ça ne me pose pas de problème que les gens me disent « moi je préfère utiliser Adobe Premiere pour réaliser mon film parce qu’il y a telle et telle fonctionnalité qu’il ne va pas y avoir – je ne connais pas trop les logiciels libres de montage vidéo – sur Kdenlive [20] par exemple », je crois que c’est un logiciel pour ça. OK, pas de souci. Du coup, ça veut dire que tu as fait l’analyse des deux et que tu sais lequel est le plus adapté à ton besoin. Je pense que sur Adobe Premiere il n’y a pas trop de récolte de données personnelles, mais à vérifier, je ne suis pas une spécialiste des produits Adobe. Mais au moins il y a ce travail d’analyse et de comparaison qui fait que c’est un vrai choix et que ce n’est pas juste parce qu’on ne sait même pas qu’il y a autre chose qui existe, tout simplement.
J’ai un peu dérivé, je suis désolée.
Organisateur : Non pas du tout. On a deux questions, une de Cristina : est-ce qu’il existe des initiatives éthiques et citoyennes pour obliger les GAFAM à payer leurs impôts ?
Angie Gaudion : Je ne sais pas. Je suis désolée. De toute façon, on ne peut pas les obliger à payer leurs impôts parce qu’ils ne sont pas dans une situation illégale quand ils ne payent pas leurs impôts en France. Ils font ce que font tous les riches ! Ils ne sont pas les seuls à le faire, ils font ce qu’on appelle de l’optimisation fiscale, donc ils ne sont pas du tout dans une situation d’illégalité. Ils s’arrangent juste pour être là où ça coûte le moins cher au niveau des taxes.
Organisateur : Tout ce qu’on peut faire c’est ne pas les utiliser.
Angie Gaudion : Oui. Le boycott est un bon moyen d’action. S’il y a de moins en moins de gens qui les utilisent, du coup ça ne sera pas sur les taxes que ça va changer, ça ne va pas changer la quantité d’impôts qu’ils vont payer, ça n’a pas de sens, mais s’il y a de moins en moins de gens qui les utilisent ça veut dire que les publicitaires n’auront aucun intérêt à payer les publicités qui nourrissent leur modèle économique. Un publicitaire n’aura aucun intérêt à payer, je n’en sais rien, 3000 dollars pour une publicité qui va être vue par quatre personnes. C’est ça en fait. Si on s’en va on a un pouvoir massif, mais il faut que ce soit massif pour qu’il y ait effectivement un changement de modèle.
Organisateur : Je rebondis sur ce que dit Cristina par rapport à l’initiative citoyenne, je pense que même dans nos communes vis-à-vis de nos collectivités, on peut quand même entamer des débats.
Angie Gaudion : Bien sûr.
Organisateur : Je ne sais pas combien de personnes, parmi les participants ce soir, sont dans le même périmètre régional que le nôtre, en région Centre Val de Loire, mais j’ai vu passer hier une labellisation intéressante pour notre conseil régional sur un logiciel libre, label, félicitant l’action par rapport au Libre et, du coup, l’adoption de BigBlueButton pour la visio. Je pense qu’on peut aussi avoir une action citoyenne de faire savoir qu’il y a autre chose que le propriétaire et c’est aussi une mission de service public d’investir dans des logiciels libres et dans du commun.
Angie Gaudion : Pour le coup, oui. Je répondais vraiment à la question d’obliger les GAFAM à payer leurs impôts. Je crains, malheureusement, qu’on ne puisse pas faire grand-chose là-dessus. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens qui se battent, par exemple au niveau de l’Europe, pour changer la donne. Mais là on est au niveau des législations. En tant que citoyen on peut essayer. Ce qu’on peut faire au quotidien, en tant que citoyen, c’est, j’allais dire, acculturer nos élus, parce que nos élus, à 90 %, sont complètement nuls en numérique. Ils ne sont pas du tout conscients de ce que je viens de vous raconter. C’est là, mais il n’y a pas du tout une réflexion. Une étude du Monde avait été faite il y a quelques années sur le niveau de compétence numérique des élus locaux et c’est catastrophique. Et c’est normal ! J’imagine que ce n’est pas le sujet principal d’intérêt de l’élu à l’urbanisme. Sauf que, vu le numérique est multi-sectoriel, ça pose quand même effectivement une problématique.
Donc oui, bien sûr, notre rôle en tant que citoyen c’est, du coup, de pouvoir échanger. Attention juste à la façon de le faire, parce qu’on voit ça tout le temps, les gens nous mettent en copie, c’est-à-dire qu’il ne faut pas agresser les gens en leur disant « eh ! Tu n’utilises que des trucs Microsoft, tu fais vraiment de la merde ! », je suis désolée de le dire comme ça. Il faut être un peu plus subtil que ça. N’agressons pas, ne faisons pas culpabiliser, en tout cas ne mettons pas les gens en situation de culpabilisation par rapport à leurs usages numériques. Ce n’est pas grave si les gens vont sur Facebook et sur Google. Ce qui est plus grave c’est qu’ils n’ont pas l’information comme quoi c’est un souci. S’ils ont toutes les informations et qu’ils ne changent pas, OK, ils sont responsables. Mais dans 90 % des cas, ils ne sont pas responsables, ils n’ont pas eu accès à l’information.
Pour les élus c’est pareil, si vous leur dites « vous faites de la merde, il faut tout changer », ça ne va pas marcher. En revanche vous pouvez, petit à petit, dans un temps d’échange, leur montrer à quel point utiliser des logiciels libres aurait plus de sens. Déjà il y a l’histoire de l’argent, parce que, globalement, même si le logiciel libre n’est pas toujours gratuit, les coûts sont souvent, quand même, beaucoup moindre. Mais c’est aussi un choix politique d’utiliser du logiciel libre, ça veut dire « je ne vais pas accompagner le profit de certaines entreprises ». Ce qui fait qu’il y a certaines municipalités qui ne vont pas du tout être en accord avec cette vision du monde. Ça dépend aussi du contexte dans lequel on est, tout simplement.
Au sujet du label je ne sais pas si c’était de ça dont vous parliez, il y a un label qui s’appelle Territoire Numérique Libre [21].
Organisateur : Oui, c’est ça.
Angie Gaudion : C’est un label auquel les villes, les municipalités peuvent candidater. Il y a un ensemble de critères à remplir pour avoir ce label. Ce label donne un peu de sous [Aucune récompense autre que le label, NdT], mais je pense que ce n’est pas tant cette recherche, c’est que ça permet d’être identifié comme étant une ville proposant principalement, au sein de ses services, des outils libres. Et il y en a de plus en plus, il y a une évolution très forte. Par exemple, la majorité des gens ne sait pas que les services de gendarmerie sont tous sur des systèmes d’exploitation libres ; il n’y a pas de Windows à la gendarmerie. Ce n’est pas une information connue, mais, pour autant, c’est assez incroyable pour un service aussi gros – je ne sais pas combien il y a d’agents au niveau de ce service – et ça fait des années. Il y a plein de modèles en fait, c’est juste qu’il faut connaître un peu ces modèles et pouvoir aller les présenter.
Sur la commune où j’habite il y a un projet de fab lab et des commissions participatives pour penser effectivement les services, les machines, etc., sur le fab lab. C’est assez étonnant parce qu’un fab lab, normalement, enfin pour moi, inclut un certain nombre d’éléments et, en fait, on fait tout sur Google ; toutes les réunions, tout se passe sur les outils Google ; c’est un peu catastrophique !, ce qui ne m’empêche d’y participer. Je considère que OK, je veux bien utiliser les outils Google parce que le projet me semble pertinent, mais je vais, petit à petit, expliquer pourquoi ce serait mieux qu’on aille ailleurs. Mais ça prend du temps. Il ne faut pas être vraiment en opposition. En plus la migration est souvent assez longue, à l’échelle d’une collectivité je ne sais pas combien de logiciels différents vont tourner, peut-être même, parfois, il n’y aura pas de logiciel libre pour certains usages, donc c’est une migration longue, avec un temps long.
Pour rebondir sur la question précédente, c’est la même chose pour les assos. Il va falloir que le travail de « dégooglelisation », « dégafamasiaton, « demultinationalisation » web d’une association soit progressif parce que si vous changez d’un seul coup tous les outils que les adhérents de cette asso utilisent, ils vont être complètement perdus, ça ne va pas du tout fonctionner.
Déjà, la première étape, c’est de faire un diagnostic des outils que j’utilise, quels sont tous les outils que j’utilise, à quoi ils me servent, quelles sont les fonctionnalités qui m’intéressent à l’intérieur de ces outils parce que, des fois, on utilise un outil mais, finalement, pour un tout petit truc. Donc c’est important d’avoir ça.
Ensuite je vais regarder quelles sont les alternatives existantes, en logiciel libre, qui vont me permettre, en tout cas, de faire les mêmes choses.
Je vais les tester, parce que, si ça se trouve, je vais me rendre compte que sur le papier ça disait ce que ça faisait mais, dans les faits, ça ne fait pas vraiment de la même façon. Peut-être qu’il va falloir que je fasse des tests.
Vous imaginez, c’est un travail très long en fait.
Quand on fait de l’accompagnement, puisque ça fait partie de nos missions d’éducation populaire, on accompagne des assos dans leur dégooglisation et on dit aux assos qu’entre le moment où le diagnostic des outils utilisés est posé et le moment où vous serez intégralement dégooglisés, il faut que vous comptiez entre trois et cinq ans. Parce que, pendant tout ce temps, il va falloir expliquer aux membres de l’association pourquoi on le fait, en quoi c’est essentiel de le faire, tout ce travail pour convaincre que ça a du sens. Si vous ne donnez pas de sens à cette démarche, elle ne prendra jamais, il n’y aura pas d’adhésion.
Ensuite il y a le travail purement technique, c’est-à-dire changer les outils parce qu’il y a souvent des données associées donc il faut les récupérer, il faut les migrer, etc. Ce n’est pas si facile que ça, ça dépend des types d’outils, mais quand même.
Après il y a la formation des utilisateurs qui vont se retrouver avec des interfces différentes, donc il va falloir les former à utiliser ces nouvelles interfaces. C’est un travail de longue haleine qui prend du temps, qui coûte parfois un peu d’argent, mais souvent ça peut aussi se gérer à un niveau interne, ça dépend du nombre d’outils qu’on a.
Si ça vous intéresse d’aller là-dessus, on a documenté sur le Framablog, on a interviewé des assos qui étaient en cours de dégafamisation : quels sont leurs process, par où elles ont commencé, sachant que leurs choix à elles ne seront pas forcément les vôtres, mais ça permet, du coup, de se rendre compte qu’il faut penser à plein de choses et que, parfois, il y a des échecs, ça ne prend pas, mais souvent c’est parce qu’on a oublié une étape dans le process. Très souvent on a oublié de former les gens ou de donner du sens au changement, donc un changement sans sens c’est un changement qu’on ne veut pas.
Je suis d’accord avec Dominique : il n’y a pas de formation dans l’Éducation nationale. Les profs s’auto-forment, les pauvres font comme ils peuvent. Je suis assez d’accord.
Si vous êtes dans l’Éducation nationale est-ce que vous avez entendu parler de apps.education.fr [22] ? C’est une offre qui a été ouverte à la moitié du premier confinement, qui est faite par le ministère de l’Éducation nationale, pour l’ensemble des académies, et qui vous donne accès,avec vos identifiants académiques habituels, à plusieurs outils libres. Sur cette plateforme-là vous avez PeerTube justement, l’alternative à YouTube. Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? Des pads, de la rédaction collaborative de textes, etc. Ça commence à venir. Ça prend du temps mais ça commence à venir. Là, apparemment, il y a l‘idée d’avoir des BigBlueButton pour toutes les académies, ce qui ne suffira pas parce qu’il en faudrait un par classe ou au moins un par établissement scolaire. Mais ça commence petit à petit effectivement à se développer. Avec, en parallèle, un lobbying très fort de Microsoft dans le contexte de l’Éducation nationale. J’imagine que pour les décideurs ce n’est pas toujours simple d’être dans cette double situation : d’un côté on essaye de pousser des outils libres et, de l’autre côté, on a Microsoft qui fait des offres incroyables. Le dernier contrat Microsoft était incroyable : il n’était pas possible de ne pas le prendre puisque tout était offert !
Organisateur : Angie, comment Framasoft s’est structurée ? Vous êtes quand même un peu une exception en fonction du peu qu’on voit. Comment avez-vous fait pour exister ? Comment s’est passé le cheminement entre la création et aujourd’hui ?
Angie Gaudion : Hou là, là, c’est long du coup, c’est une longue histoire puisque c’est 20 ans !
L’idée de Framasoft est née en 2001. Ce sont trois enseignants, deux enseignants au départ et un troisième qui a rejoint assez vite, qui travaillaient dans le même collège, un prof de maths, un prof de français – c’est d’ailleurs pour ça que ça s’appelle Frama, comme « français » et « maths » – et qui, à l’époque, se sont dit « c’est trop bête parce qu’on n’a pas beaucoup de logiciels, c’est-à-dire que, de toute façon, nos établissements n’ont pas les moyens d’acheter des logiciels propriétaires ». À la base, c’était vraiment pour pallier l’absence de financements pour des logiciels propriétaires. Finalement, il y a eu « tiens, en fait il y a des logiciels libres qui, en grande majorité, sont gratuits, en accès gratuit ». Donc il y a eu une volonté de valoriser ces logiciels libres pour que les enseignants aient davantage d’outils numériques pour travailler avec leurs classes. Au départ Framasoft c’étaient des personnes, il n’y avait pas du tout de structure juridique, l’association est née en 2004, donc trois ans plus tard. Ils avaient un site qui s’appelait Framanet sur lequel étaient recensés des logiciels libres et leurs usages pédagogiques possibles, c’est tout.
Le problème c’est qu’il y a eu énormément de projets au fur et à mesure.
Framanet s’est transformé en Framasoft puis en Framalibre, Framalibre qui est donc la base de données des logiciels libres de Framasoft et qui est la plus grosse base de données de logiciels libres francophones.
Il y a eu d’autres projets en parallèle. Il y a eu, par exemple, la Framakey [23], une clé USB sur laquelle il y avait un certain nombre de logiciels libres installés, toujours dans cette optique d’enseignement. Très souvent, dans les établissements, les enseignants n’avaient pas la possibilité d’installer des logiciels, il fallait qu’ils demandent une autorisation, il fallait que ce soit quelqu’un qui décide. Je pense, en plus, que ça dépendait si on était en établissement primaire ou secondaire, ce ne sont pas les mêmes tutelles, donc ce ne sont pas les mêmes choix. La Framakey permettait de faire tourner des logiciels sans jamais les installer sur les machines. Il y a eu toute une période où les bénévoles de Framasoft, parce qu’à l’époque il n’y avait pas d’employés, il n’y avait pas de salariés, passaient leurs week-ends à dupliquer des clés USB et à les envoyer aux quatre coins de la France.
Il y a eu Framabook [24] qui est une maison d’édition.
Tout est arrivé petit à petit.
À partir de 2004 il y a eu une association et le premier salarié date de 2011, donc dix ans plus tard. Framasoft a eu « assez d’argent », entre guillemets. À l’époque d’ailleurs, cet argent ne venait pas du tout du don, il y en avait un peu, mais ça ne suffisait pas, il venait beaucoup de subventions publiques, puisqu’à l’époque Framasoft allait chercher des subventions, comme la majorité des associations, pour fonctionner.
En fait Framasoft a un fonctionnement et, du coup, une croissance, je n’aime pas trop le terme, qui est très pensée et très limitée. Par exemple, Framasoft a toujours indiqué qu’on ne dépassera jamais les dix salariés. C’est-à-dire qu’on ne veut pas être ce qu’on critique, à savoir une start-up qui grossit, qui grossit. Ce n’est pas notre façon de voir le monde. S’il y a plus de besoins, on va dire ce n’est pas grave, on fait des chatons. CHATONS c’est cool ! On ne peut pas tout faire, c’est très bien, il y en a d’autres qui vont faire avec nous. En plus on se laisse de la place et on génère de l’activité chez certaines personnes. Tout le monde est gagnant !
En fait, la grosse étape chez Frama a été la campagne Dégooglisons Internet. Avant, Framasoft était connue un peu dans le monde de l’éducation, un peu chez les geeks, gros geeks qui s’intéressaient à des modèles de société un peu différents, mais avait une audience quand même beaucoup plus faible que maintenant. La campagne Dégooglisons Internet, de par son nom, a eu une audience et une visibilité beaucoup plus forte ce qui a fait que, dès le début de Dégooglisons Internet, il y a eu un deuxième salarié puis un troisième ; tout s’est cumulé, en l’espace de trois ans, assez rapidement.
Je ne sais pas si j’ai répondu à ta question.
Organisateur : Parfaitement. Merci.
Est-ce qu’il y a d’autres questions ?
Angie Gaudion : Je vois que Nico a mis dans le chat que c’est apps.education.fr.
Public : Ce n’est pas une question. Le fonctionnement avec les chatons, votre volonté de ne pas grossir et finalement de créer ou de stimuler…
Angie Gaudion : De permettre à d’autres d’exister.
Public : Et après de travailler en réseau. Ça me fait penser à cette organisation en archipels dont j’entends de plus en plus parler. J’ai trouvé un lien c’est « Osons les jours heureux » [25], où cette question de l’archipélisation est très bien détaillée.
Angie Gaudion : On a aussi un billet de blog où on a expliqué comment nous on pensait l’archipélisation de Framasoft [26]. Ce qui nous intéresse c’est de travailler avec les autres, ne pas travailler tout seuls et pouvoir être en partenariat, l’archipélisation c’est juste une façon de dire qu’on fait des partenariats. C’est juste un mot un peu nouveau actuellement, même si, après, il y a des concepts assez intéressants dans l’archipélisation. Dans les partenariats, très souvent, on veut que tous les partenaires aient un ensemble d’éléments communs, alors que dans l’archipélisation on peut avoir des gens qui n’ont rien à voir. Typiquement, dans notre archipel Frama, on a la Fédération Française des Motards en Colère, le Mouvement Colibris et Alternatiba. Vous imaginez bien que ces gens ne se parlent pas. Nous n’avons pas de souci à travailler et avec les uns et avec les autres, parce qu’il y a quand même un certain nombre de valeurs qui nous conviennent, on a quand même une sélection de nos partenaires sur des valeurs et des objectifs qui sont communs. Mais on sait très bien que Alternatiba ne va pas parler à la Fédération Française des Motards en Colère.
Public : Excellent.
Angie Gaudion : Et c’est ça qui est intéressant dans l’archipélisation. Aujourd’hui, chez Frama, on parle beaucoup d’une problématique très forte qui est l’opprobre par association. Par exemple, le fait qu’on soit partenaire du Mouvement Colibris, on passe du temps à nous dire du coup vous êtes des anthroposophes, toutes les remarques qu’on peut faire à travers ce mouvement, mais nous disons que ce n’est pas parce qu’on a des projets avec une organisation, quelle qu’elle soit, qu’on partage l’intégralité de son fonctionnement, l’intégralité de son éthique. En revanche, on a des champs sur lesquels on a des éléments communs, donc pourquoi ne pas faire évoluer aussi ces organisations à travers ces éléments communs.
Public : Ce que j’ai trouvé très fort dans ce que j’ai compris de tout ça, c’est cette notion d’identité racine et d’identité lien. Ça veut dire aussi, à un moment, qu’il faut qu’on soit vraiment très clair sur qui on est et ce qu’on veut. Cette identité racine est très forte et c’est ce qui permet après, justement, de pouvoir dire très clairement « voilà notre identité et, avec cette autre identité racine, on peut partager un lien spécifique » et on peut faire des choses ensemble, il peut y avoir du commun.
Angie Gaudion : Exactement. Il y a même souvent beaucoup de commun dans l’archipélisation. En tout cas nous, parce que si tout ce qu’on a derrière est forcément mis en commun à travers les licences.
Public : Je pense que Laurent Marseault intervient. Il va en parler. La coopération ouverte.
Angie Gaudion : Il vous en parlera lundi prochain. Tout à fait.
Organisateur : Adrien.
Adrien : J’ai écouté et c’était limpide et je n’ai aucune question supplémentaire tellement c’était clair, vraiment. J’ai juste envie de remercier Angie pour le temps qu’elle nous a consacré. Donc on ne mettra pas la vidéo en ligne sur YouTube.
Angie Gaudion : Si vous me l’envoyez je peux la mettre sur notre instance PeerTube.
Adrien : On va l’envoyer à Angie.
Angie Gaudion : Comme ça je vous renvoie le lien et vous pourrez la diffuser sans problème. Bientôt il y aura peut-être un compte PeerTube pour Sud Berry Lab.
Public : J’espère.
Angie Gaudion : Parlons-en. La porte est ouverte.
Public : Ça commence par un premier pas.
Angie Gaudion : Exactement.
Public : Merci beaucoup. C’était vraiment très clair.
Angie Gaudion : Merci à vous.
Organisateur : Angie, pourra-t-on avoir le diaporama ?
Angie Gaudion : Oui. Il faut que j’aille récupérer l’URL, si vous me laissez deux petites minutes, le temps que je me reconnecte à notre cloud, puisqu’il est dans le cloud, du coup vous verrez un outil de cloud. Il faut juste que j’aille au bon endroit pour récupérer l’URL. C’est dans quoi ? Conférences. C’est original.
Organisateur : Merci. On pourra le réutiliser ?
Angie Gaudion : Vous cliquez dessus, ce support est sous licence libre donc sans problème. Si vous avez besoin d’éléments supplémentaires, n’hésitez pas à demander, on partage tout.
Organisateur : Merci encore Angie.
Demain on retrouve TETRIS. Tu veux nous en dire deux mots, Stéphane ?
Stéphane : TETRIS, c’est Transition écologique territoriale par la recherche et l’innovation sociale, C’est un tiers-lieu dans le pays de Grasse. Je suis devenu sociétaire de TETRIS et demain c’est Geneviève Fontaine, l’une des fondatrices, en fait, qui est à la fois sociétaire et directrice du centre de recherche qui est associé au lieu qui va nous parler de l’aventure, de l’existence de ce lieu et de son développement.
Organisateur : Merci beaucoup Stéphane. Bonne soirée à tous et à demain.
Stéphane : À demain. Bonne soirée.