- Titre :
- François Taddei : « Pour vaincre les crises du XXIe siècle, apprenons dès l’école à collaborer »
- Intervenant·e·s :
- François Taddei - Emmanuel Macron voix off - Alice Pouyat
- Lieu :
- We Demain - « Les Jours d’Après »
- Date :
- 20 avril 2020
- Durée :
- 5 min 42
- Écouter le podcast
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Bâtisseurs de possibles - Licence Creative Commons Attribution, Pas d’utilisation commerciale, Partage dans les mêmes conditions
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Description
Et si nous profitions de la crise du COVID-19 pour réinventer demain ? Dans ce 3e épisode de notre podcast « Les Jours d’Après », le chercheur spécialiste en éducation François Taddei appelle à apprendre dès l’école à relever des défis collectifs.
Transcription
Emmanuel Macron, voix off : Mais retenons cela : le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant.
Voix off : Le jour d’avant. Le jour d’avant. Le jour d’avant. Le jour d’après.
Alice Pouyat : Bonjour. Et vous, comment rêvez-vous le monde d’après, le monde de l’après coronavirus ?
Emmanuel Macron l’a affirmé, le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant. Alors la rédaction de We Demain, avec les artisans du podcast, l’ont pris au mot. Nous avons posé cette question à diverses personnalités : quelles solutions proposez-vous pour que les jours d’après soient meilleurs que les jours d’avant ?
Aujourd’hui François Taddei, chercheur spécialiste de l’éducation, appelle à apprendre dès l’école à relever des défis de façon collective pour vaincre les crises du 21e siècle et partage un projet de GPS des connaissances mondiales.
François Taddei : Dans cette crise, notre manière spécifique en tant qu’humains de faire face c’est de prendre conscience et de collaborer. Les virus, eux, n’ont pas de conscience et n’ont pas de capacité à collaborer d’un bout à l’autre de la planète.
Je pense que cette capacité à travailler ensemble pour trouver des solutions c’est déjà très utile aujourd’hui pour faire face à tout un tas de difficultés, c’est ce que font les réanimateurs, c’est ce que font les makers qui travaillent avec les réanimateurs pour faire des masques ou pour faire des respirateurs ; c’est ce que font plein de communautés scientifiques, médicales, technologiques qui partagent en open source plein de solutions. Ce qu’on voit à l’œuvre c’est une collaboration qui va bien au-delà des frontières non seulement nationales mais aussi une collaboration qui va au-delà des frontières disciplinaires, au-delà des frontières institutionnelles où, tout d’un coup, tous ceux qui sont confrontés au même défi se mobilisent ensemble pour faire face.
Et, ce qu’on peut espérer pour le monde de demain, c’est qu’on ait appris à mobiliser notre intelligence collective, qu’on ait appris à trouver ensemble des solutions qu’aucun d’entre nous n’aurait été capable d’inventer seul. Et si on est capables de faire ce genre de choses non seulement ça nous aura aidés à vaincre le covid, mais ça peut aussi nous aider à vaincre les autres crises du XXIe siècle, dont certaines sont certaines comme les changements climatiques et d’autres sont plus incertaines comme est-ce qu’il y aura une nouvelle pandémie et, si oui, est-ce qu’on sera mieux préparés qu’on ne l’a été cette fois-ci ?
Ce que je pense dont on a besoin pour le monde demain, c’est d’une forme d’intelligence augmentée par des logiques d’intelligence artificielle. Par exemple, si vous êtes en train de créer un projet pour faire face au covid ou au réchauffement climatique, quels sont ceux qui ont des projets similaires au vôtre, éventuellement à l’autre bout du monde, éventuellement dans une autre langue, est-ce que vous pouvez être mis en contact avec eux ?
Nous, par exemple, nous sommes en train de créer ce qu’on appelle un GPS de la connaissance ou un GPS des projets qui pourra mettre en contact des projets complémentaires qui peuvent exister indépendamment des langues ou des pays dans lesquels ils se développent, simplement parce qu’ils sont complémentaires. Plutôt que de devoir réinventer la roue chacun de son côté, on doit pouvoir non seulement construire de meilleures roues, mais réfléchir à ce qu’on peut faire avec ces roues ou avec tout un tas de nouveaux projets et faire ce qu’on fait depuis longtemps qui est gravir des épaules de géants. Mais comment est-ce qu’on permet à chacun de gravir des épaules de géants ? Peut-être qu’il faut inventer des outils numériques pour voir plus loin, dans une direction ou dans une autre.
Parmi les choses qu’on peut voir dans le domaine de l’éducation, c’est que, clairement, beaucoup d’enseignants ont été obligés de réinventer leur métier, beaucoup d’élèves ont été obligés d’apprendre très différemment et, des fois, ils ont appris les uns des autres : il y a des profs qui ont appris d’autres profs, il y a des profs qui ont appris de leurs propres élèves sur comment utiliser tel ou tel outil numérique, il y a des parents qui ont découvert le fonctionnement de la pédagogie et les difficultés qui pouvaient être associées à ça.
Peut-être que la leçon principale c’est d’apprendre à relever des défis ensemble. Je pense que notre école ne nous forme pas tellement à apprendre à relever des défis. Elle nous forme, au mieux, à connaître les solutions d’hier sans nécessairement nous les avoir mises dans le contexte dans lequel elles ont été développées.
En fait, ce qu’on peut faire aujourd’hui, il y a tout un tas de programmes pédagogiques comme les Savanturiers [1] qu’on a développé ou d’autres qui sont assez complémentaires comme Bâtisseurs de possibles [2], qui sont des programmes dans lesquels on part du questionnement des enfants, on part des défis auxquels ils sont confrontés et, suivant les programmes, on utilise du directed thinking ou une méthode scientifique pour permettre aux jeunes de découvrir leurs propres réponses, leurs propres moyens de faire face aux défis qui sont les leurs.
Je pense que si on formait nos élèves, nos profs et même tous les citoyens à être des personnes capables de relever des défis. Quel que soit le monde de demain, il y aura des défis dedans ; est-ce que ce seront des défis posés par la robotique, par l’intelligence artificielle, par le changement climatique ou par la prochaine version d’une pandémie, personne ne sait, mais la certitude c’est qu’il y aura des défis et aujourd’hui on n’est pas formé à ça. On est formé à passer des concours, on est formé à passer des examens, on est formé à essayer d’être un peu meilleur que son voisin, on n’est pas formé à collaborer avec les autres dans la classe et en dehors de la classe pour relever des défis personnels, des défis locaux et des défis globaux. On pourrait apprendre à essayer, au moins localement, de trouver des solutions à nos défis personnels et locaux en s’appuyant sur ce que d’autres ont fait ailleurs et en partageant les solutions locales que l’on peut avoir créées.