OpenStreetMap, s’approprier son territoire - Émission La Voix Est Libre - Picasoft

Titre :
OpenStreetMap, s’approprier son territoire - Émission La voix est libre
Intervenants :
Cédric Frayssinet - Quentin - Tobias - Stéphane
Lieu :
Graf’hit UTC Compiègne
Date :
juin 2019
Durée :
37 min
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Présentation de l’émission

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Logo du projet OpenStreetMap - Licence Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic. Logo Picasoft - Licence Creative Commons Alike 4.0 International

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

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Transcription

Quentin : Bonjour à tous. Bienvenue sur Graf’hit 94.9. On est dans l’émission La voix est libre aujourd’hui avec Stéphane et Tobias de Picasoft.
Stéphane : Bonjour.
Tobias : Bonjour.
Quentin : On va parler d’OpenStreetMap [1] ou « comment s’approprier son territoire ». Pour nous en parler on a reçu il y a quelques jours Cédric Frayssinet, qui ne peut pas être là aujourd’hui, donc on va vous diffuser l’interview préenregistrée et on revient juste après pour continuer la discussion.
Quentin : Bonjour Cédric. Merci beaucoup d’accepter de nous répondre. Tu es prof dans un lycée dans une autre province française — la preuve qu’on commence déjà à être une émission nationale — et tu es chargé de mission à la Dane, la Délégation académique au numérique éducatif. Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Cédric Frayssinet : Bonjour à toi. Je suis en fait prof de lycée à Lyon, au lycée La Martinière Diderot et je suis enseignant en STI2D et en spécialité Informatique et sciences du numérique, donc en Terminale S, que certains de vos auditeurs connaîtront. Du coup je suis également formateur académique au numérique, donc j’ai, en fait, un mi-temps, je suis déchargé de cours à mi-temps et, dans ce cadre-là, je gère des projets liés au numérique éducatif et je fais des formations, la plupart sur des logiciels libres. Voilà ce que je fais dans mon métier.
Quentin : Super. Ça colle pas mal avec le thème de l’émission. Justement, à propos de logiciel libre, tu viens de donner une interview [2] au journal en ligne LinuxFr, accessible à l’adresse linuxfr.org, et tu te présentes en tant que contributeur à OpenStreetMap. Première question : qu’est-ce que c’est OpenStreetMap et, dans la foulée, qu’est-ce que ça veut dire que tu es contributeur d’OpenStreetMap ?
Cédric Frayssinet : C’est un vaste sujet que tu me demandes là ! OpenStreetMap c’est une carte collaborative du monde. En 2004, il y a un ingénieur anglais qui en avait marre de payer pour avoir des cartes et il s’est dit : « Moi, je vais redessiner le monde ». Donc en 2004 il est parti d’une copie blanche, il a demandé de l’aide et tout le monde s’est mis à dessiner le monde, petit à petit, avec des imports successifs au démarrage et puis progressivement, en fait, ce sont les petites fourmis que sont les contributeurs, dont je fais partie, qui ont dessiné le monde point après point, ligne après ligne et polygone après polygone. Voilà les trois types de choses que l’on dessine, en fait, sur OpenStreetMap. Ensuite, quand on contribue, outre le fait qu’on dessine ces polygones, on renseigne, en fait, cette base de données qui est une base de données en libre accès — c’est ce qu’on appelle une licence ouverte — donc elle a une licence ouverte ; tout le monde peut réutiliser ces données, y compris des entreprises pour faire du business. C’est le cas par exemple de Qwant qui va lancer progressivement Qwant Maps [3], qui va arriver bientôt sur le marché, pour concurrencer Google Maps.
Quentin : Super, c’est dans le thème ; en plus, la semaine dernière, on a parlé des moteurs de recherche alternatifs. Donc voilà encore un projet cross univers. De ce que tu as dit, on peut se dire qu’OpenStreetMap c’est un peu le Wikipédia de la cartographie puisque, à la base, ça part d’un projet où c’est quasiment blanc et tout le monde vient apporter sa pierre à l’édifice. Chacun peut y ajouter des précisions quant au territoire qu’il parcourt ou qu’il connaît.

Déjà est-ce qu’on peut préciser quelques exemples concrets : si je veux ajouter mon resto préféré ou l’adresse d’un super libraire ou même l’endroit où se trouvent les locaux de Graf’hit où on enregistre, est-ce qu’on peut mettre ce qu’on veut ? Et aussi est-ce qu’il y a besoin, comment dire, de compétences techniques pour le faire ? Parce que souvent on s’imagine que la cartographie c’est quand même réservé à un public un peu d’experts, que ce n’est pas évident de cartographier des choses ou qu’il faut peut-être avoir des connaissances en informatique ?
Cédric Frayssinet : C’est là où justement c’est intéressant. Tu me poses la question parce que, comme je ferai un peu de cartographie avec mes élèves l’an prochain dans le cadre de la réforme du lycée, j’y reviendrai peut-être après, il y a maintenant des applications, en fait, qui permettent de contribuer très facilement, un peu comme une chasse aux Pokémon. Certains des auditeurs connaissent Pokémon Go, eh bien là, en fait, on a le même type d’application qui s’appelle Street Complete [4], donc en bon français, qui est une application uniquement Android par contre. En fait on a des quêtes. Par exemple si on passe devant un magasin où il n’y a pas les horaires d’ouverture qui sont renseignés, il y a un petit icône qui apparaît, on clique sur l’icône et on renseigne immédiatement les horaires d’ouverture. Ça marche, il y a un certain nombre, je ne sais pas, il y a plus de 30 ou 40 quêtes possibles comme ça, les parkings, les boîtes aux lettres, les levées, les noms des routes. Voilà ! Il y a un certain nombre de choses à renseigner et c’est très ludique. Ça c’est quelque chose qui est très intéressant et c’est très facile pour rentrer dedans parce que, du coup, c’est juste du clic et se balader dans la rue, en fait.

Ça c’est la première méthode pour contribuer. Ensuite, si effectivement tu veux renseigner ton restaurant préféré, eh bien il n’y a pas de souci, tu renseignes ton restaurant, personne ne va te l’interdire, personne ne va te dire « il ne faut pas le faire ». En fait, la seule « restriction » entre guillemets c’est qu’il ne faut pas qu’il y ait de données personnelles dans OpenStreetMap ; il ne faut pas de données nominatives, également, donc tu ne mets pas « il habite ici, c’est lui qui habite là, etc. »
Quentin : OK !
Cédric Frayssinet : Il y a également d’autres particularités telles que : il ne faut pas que les données soient ponctuelles dans le temps. En fait, la cartographie ce sont des données géographiques, donc il faut que ce soit pérenne dans le temps. Et, dernier cas, il ne faut pas que ce soit copié depuis des cartes non libres telles que Google Maps par exemple, il faut que ce soit créé.
Quentin : Justement, en parlant de Google Maps, c’est bien sympa, on se dit « tout le monde est en train de renseigner des informations », mais qui existent probablement déjà dans Google Maps. C’est-à-dire que dans Google Maps on a les horaires des magasins, on peut trouver où sont les libraires de Compiègne ou de Lyon. Finalement, qu’est-ce que ça apporte de plus OpenStreetMap par rapport à un projet comme Google Maps ?
Cédric Frayssinet : Déjà sur un certain nombre d’informations où on est beaucoup précis sur OpenStreetMap, notamment en ville parce que c’est là où on va recenser le plus de contributeurs. Il y a également au niveau des routes, etc., parce que nous, en fait, on enregistre également le revêtement des routes, donc un GPS ne nous fera jamais passer sur des routes en terre, par exemple. Ce sont des choses que j’ai déjà eues à tester. En fait on met en concurrence, avec ma femme, nos deux GPS et, du coup, on se retrouve des fois dans des situations un petit peu délicates. Donc voilà ! Google m’a déjà fait passer sur des routes un peu bizarres alors que je n’ai jamais eu ça avec OpenStreetMap.

Qu’est-ce qu’on a d’autre ? On a par exemple pour le recyclage, le recyclage de verre, de vêtements, etc., on a tous les points de recyclage dans les villes, ce que Google Maps ne propose pas. On a les boîtes postales, à quelle heure on relève le courrier. Google Maps ne le propose pas. Je pourrais te citer énormément de choses. On a aussi les cartes issues d’OpenStreetMap qui recensent les restos végétariens, les restos végans. On a également des cartes thématiques telles que lire l’accessibilité, en fauteuil roulant par exemple, la mobilité réduite, où là on sait précisément si cette toilette publique est accessible, si ce restaurant est accessible, si ce magasin est accessible, etc. C’est d’ailleurs tellement important que Qwant Maps, qui va sortir, comme je l’ai déjà dit, le recense. En fait quand on clique sur le restaurant il dit si c’est accessible, partiellement accessible ou pas du tout accessible aux fauteuils roulants. Je ne suis pas sûr que Google Maps le propose.
Quentin : D’accord. Effectivement, je pense qu’on y reviendra, mais la diversité des informations est assez énorme, vu que chacun est libre de rajouter les champs qu’il veut et contribuer sur les aspects qui l’intéressent. D’ailleurs, en parlant de diversité, j’y pense, je crois qu’un reproche qu’on fait à Google Maps c’est qu’il y a certaines zones dans le monde qui sont assez mal cartographiées, alors que des contributeurs à OpenStreetMap essayent de cartographier à partir d’images GPS par exemple des zones de conflit ou des zones pas très peuplées mais où c’est important de savoir où est la route pour pouvoir, je ne sais pas, amener des secours, de l’eau, ce genre de choses.
Cédric Frayssinet : Oui. Il y a toute une composante d’OpenStreetMap qui est liée aux ONG. Donc quand il y a des cyclones ou des tremblements de terre à l’autre coin du monde, il y a une structure liée à OpenStreetMap qui s’appelle HOT [Humanitarian OpenStreetMap Team] qui, en fait, émet des tâches et tous les contributeurs s’activent pour aller cartographier ce coin du monde à l’aide d’images satellites récentes, etc., donc pour retracer rapidement les chemins accessibles pour que les ONG se déploient rapidement aux zones soit de conflits, soit d’autres problèmes. Ça c’est quelque chose également qui est très lié à OpenStreetMap. On fait ça sur OpenStreetMap, effectivement.
Quentin : OK. J’ai cru lire dans ton interview que tu proposais des animations autour d’OpenStreetMap pour apprendre à le faire connaître et à l’utiliser. Nous on va bientôt animer avec Picasoft un contrib’atelier autour d’OpenStreetMap. Est-ce que tu pourrais nous donner quelques conseils qu’on pourrait suivre ?
Cédric Frayssinet : Du coup, ça ce sont des animations que j’ai faites en lien avec la réforme du lycée. En seconde on a une nouvelle matière qui arrive, qui est obligatoire pour toutes les secondes qui vont arriver l’an prochain, qui s’appelle « Sciences numériques et technologie ». Dans cette nouvelle matière, il y a le thème numéro 5 qui est « localisation, cartographie et mobilité ». Il y a une compétence attendue qui se nomme « contribuer collaborativement à OpenStreetMap ». Du coup, c’est dans ce cadre-là que j’ai animé des formations. Donc on est en train de former 300 profs sur l’académie de Lyon, enfin, former c’est un grand mot, informer sur notamment OpenStreetMap pour qu’ils puissent travailler sur OpenStreetMap avec leurs élèves.

Des conseils, je n’en ai pas forcément beaucoup. Il y a pas mal de ressources sur Internet, moi j’ai fait des documents à destination des stagiaires et des enseignants.

Une entrée ludique, je l’ai dit, c’est Street Complete. Ensuite, quand on veut passer au-dessus, en fait on va utiliser un navigateur et utiliser l’éditeur ID qui est directement intégré à la carte openstreetmap.org.

Le reproche que l’on fait souvent à OpenStreetMap c’est cette carte openstreetmap.org qui n’est pas forcément hyper-intuitive, c’est-à-dire la recherche n’est pas pertinente par rapport à Google Maps et ça c’est un fait. C’est lié à plusieurs choses. Mais par exemple quand on va sur Qwant Maps, notamment, eh bien là la recherche est autrement plus performante, donc on se rapproche du niveau de recherche de Google.

Voilà ! Je ne sais pas si ça répond à ta question ou partiellement.
Quentin : Si, si complètement. De toute façon il y a plein de points intéressants qu’on abordera dans la suite de l’émission, à savoir le fait qu’il y a plusieurs manières de discuter avec la base de données d’OpenStreetMap, plusieurs manières de présenter les choses. Écoute merci beaucoup en tout cas pour ces réponses éclairantes.
Cédric Frayssinet : Merci à vous de m’avoir contacté et puis bonne animation sur OpenStreetMap. Au revoir.
Quentin : Voilà. De retour sur Graf’hit, 94.9. On remercie évidemment Cédric de nous avoir accordé son temps et de nous avoir introduit OpenStreetMap. Maintenant je crois que Stéphane va passer un petit peu au contenu. Tu vas être le maître du contenu.
Stéphane : À la séance de questions. Première question. Effectivement on a eu quand même un panorama assez large, donc il y a des points qu’on va reprendre, qu’on va peut-être compléter un petit peu. Pour commencer, peut-être qu’on peut, je crois que c’est Tobias qui va nous refaire ça, refaire un point rapide sur ce à quoi sert OpenStreetMap pour les citoyens, pour les utilisateurs. On a un peu plus parlé de contribution, mais en tant que simple utilisateur est-ce que ça nous sert à trouver des endroits, des points d’intérêt, des itinéraires, préparer des randos ? À quoi ça nous sert concrètement OpenStreetMap ?
Tobias : Moi j’ai découvert OpenStreetMap il y a déjà six ou sept ans et c’est vrai que j’étais curieux de ce service-là, notamment effectivement pour préparer mes itinéraires. J’ai tendance à faire beaucoup de randonnées et j’étais curieux de voir si j’étais capable d’utiliser ce service pour les créer. Effectivement, au fur et à mesure des années, on se rend compte qu’OpenStreetMap gagne énormément en précision. En plus, l’affichage sur OpenStreetMap est très clair, il y a énormément d’informations. On peut à la fois l’utiliser pour chercher à se déplacer comme avec un GPS, on peut l’utiliser pour trouver des magasins, des choses comme ça, ou pour des coins un peu plus reculés, pour aller faire de la randonnée, de la marche à pied ou n’importe quoi. C’est un service qui est, mine de rien, assez complet.
Stéphane : Tu as dit que ça s’était amélioré au cours du temps. Tu as une perspective de plusieurs années. On a parlé tout à l’heure avec Cédric de contribution, donc il y a, je pense, un lien entre les deux. C’est-à-dire que l’ensemble des contributions qui ont été faites au cours des années, eh bien ont permis d’améliorer la cartographie du territoire que tu utilises, qu’on utilise. Est-ce qu’on peut revenir un petit peu là-dessus ? On a eu quelques pistes mais, concrètement aujourd’hui, en tant qu’utilisateur qu’est-ce que je peux faire pour contribuer à OpenStreetMap ?
Tobias : Effectivement Cédric a quand même brossé un panel assez large des méthodes de contribution possibles.

Comme il l’a présenté au tout début, il y a l’application Street Complete qui est très amusante. De mon côté, en fait, j’ai commencé tout bêtement par me dire « tiens, est-ce que le numéro de ma maison, est-ce que l’adresse de ma maison est bien renseignée ? », des choses comme ça. Pour pouvoir contribuer là-dedans, il nous suffit d’aller se créer un compte sur OpenStreetMap, utiliser l’éditeur en ligne qui est très bien fait avec un tutoriel qui fonctionne parfaitement. Donc j’ai commencé à rentrer des petites infos, enfin des toutes petites infos là où je voyais des petits manquements sur mon environnement proche et, au fur et à mesure, avec l’expérience, on découvre énormément de manières de contribuer, notamment au travers d’autres services spécialisés dans certains types de contribution comme l’accessibilité, comme l’orientation des toits pour l’orientation solaire ou des choses comme ça.
Stéphane : Des choses dont on a parlé tout à l’heure. Là effectivement, le premier niveau de contribution, je pense que c’est également comme ça que j’ai démarré, ma maison, le petit commerce à côté, etc., dans le village. Ça permet de repérer les points d’intérêt directement à partir de l’interface web et c’est vraiment super facile à faire, on incite tout le monde à se lancer. Il y a un autre aspect, c’est aussi qu’on peut, je crois, tu vas peut-être nous donner quelques mots là-dessus, utiliser un GPS pour tracer des chemins qui n’existent pas, dans une forêt par exemple, enfin qui sont mal repérés typiquement au niveau de sentiers ou de choses comme ça.
Tobias : Effectivement. C’est-à-dire que si après vous être un peu plus habitué et que vous possédez un GPS, vous pouvez tout à fait aller faire une sortie en vélo, ou à pied ou n’importe comment, en embarquant un GPS et là vous allez enregistrer tous les déplacements que vous aurez faits avec ça, que vous pourrez ensuite envoyer directement sur OpenStreetMap. C’est ce qui permet notamment d’avoir une cartographie précise de beaucoup de chemins dans les forêts, dans des lieux qui ne sont, de toute façon, pas accessibles en voiture par exemple.
Stéphane : On a évoqué également, dans la première partie de l’émission, les avantages, on va dire, et un peu inconvénients comparés de Google Maps et d’OpenStreetMap, on aura l’occasion peut-être d’y revenir un petit peu. Je voudrais revenir sur cette notion de cartographie libre, de cartes libres, de données libres. Peut-être que là, Quentin, tu veux, avec ta casquette de président de Picasoft, nous expliquer pourquoi eh bien même si Google Maps est gratuit ou paraît gratuit, en fait ce n’est pas libre ; pourquoi ce n’est pas pareil « libre » et « gratuit ». À quoi ça sert d’avoir des données libres. Voilà, j’ai assez brossé le cadre de la question, je crois que tu vois où je veux en venir.
Quentin : Absolument. Je vais peut-être donner quelques éléments de réponse qui seront quand même des poncifs du logiciel libre en général. Comme tu l’as dit, comme vous l’avez rappelé, « gratuit » ça ne veut pas forcément dire « libre ». Effectivement Google Maps c’est gratuit au sens pécuniaire, c’est-à-dire que vous ne payez pas le service en tant que particulier, mais, on ne va pas revenir très longtemps là-dessus, bien sûr vous le payez avec vos données. Et aussi, comme les données ne sont pas libres, eh bien vous ne pouvez pas les récupérer ou les exploiter pour, par exemple, ouvrir un nouveau service ou héberger vos propres serveurs de cartographie, comme on a parlé dans la première émission. Ça a déjà été un problème, je ne sais pas si on y reviendra après, mais pour certaines entreprises qui utilisaient les services de Google Maps en les intégrant sur leur propre site web, et qui ont vu des coûts augmenter, astronomiques à un moment, et qui ont presque dû, pour certaines, fermer boutique. Alors qu’évidemment, pour OpenStreetMap qui est un service libre, même si les coûts existent et ne sont pas toujours négligeables, il est tout de même possible d’héberger son propre serveur avec une copie de l’ensemble des données d’OpenStreetMap, ce qui constitue quand même une liberté et une indépendance qui est tout à fait souhaitable.
Stéphane : On retrouve ici un des sujets qu’on a déjà abordés, cette question de diversité, de monopole, c’est-à-dire que dans le cas de Google Maps eh bien c’est Google qui offre le service. En quelque sorte si son marché est captif, si les utilisateurs sont captifs, il peut décider des conditions d’utilisation au niveau des données, au niveau financier. En revanche, comme les données d’OpenStreetMap sont libres, eh bien même si en tant qu’utilisateur, en tant que développeur d’un site web je fais appel à une entreprise qui va me donner accès à ses serveurs cartographiques, si à un moment elle change ses conditions d’utilisation, une autre entreprise peut offrir le même service. Donc il y a une diversité de l’offre qui permet de ne pas avoir des acteurs en position dominante.
Quentin : Justement, en parlant de diversité, c’est un mot qui revient souvent dans le thème du Libre et qui est très intéressant puisque OpenStreetMap est vraiment un exemple de diversité. Comme on l’a dit un petit peu avec Cédric, les intérêts des gens qui contribuent sur OpenStreetMap sont extrêmement divers et on va avoir des informations extrêmement précises sur des sujets très variés. Ça peut être, effectivement encore une fois comme le rappelait Cédric, des points de recyclage, des horaires de levée de poste, des choses comme ça, qui ne se retrouveront pas nécessairement sur Google Maps et en particulier, comme le disait Tobias aussi, les zones de randonnée, les villages un petit peu plus petits sont relativement peu bien cartographiés par Google Maps et le sont beaucoup plus par les contributeurs. Donc c’est un lieu de diversité et de richesse beaucoup moins centré sur des informations purement techniques ou commerciales comme on en trouve particulièrement bien remplies sur Google Maps.
Stéphane : Il y a aussi encore un point, peut-être, qu’on peut évoquer avant de revenir un peu plus concrètement, là encore, sur tout ce qu’on peut faire autour d’OpenStreetMap, mais cette comparaison on y tient aussi, c’est la question de ce que nous donne à voir l’application Google Maps, donc celle de la sélection. C’est-à-dire que lorsque l’on fait une recherche sur Google Maps, eh bien, de fait, il y a une sélection qui est faite ; alors on peut imaginer ou observer un certain nombre de choses, mais ça peut être effectivement de décider de ne pas monter un magasin parce qu’il est fermé. On est un petit peu encore dans ce que disait Quentin sur l’efficacité commerciale, on imagine que si l’on cherche l’adresse d’un magasin et qu’il est fermé alors ça ne nous intéresse même pas de savoir où il est. C’est une hypothèse, on pourrait en émettre d’autres. Aujourd’hui on pourrait effectivement imaginer que les résultats de requêtes vont dépendre, à un moment, pourquoi pas, d’une contribution financière, de notions de publicité, de l’intérêt que portent les autres utilisateurs, la question du renforcement des requêtes fréquentes, etc. Bref ! L’idée générale c’est qu’on dépend, à un moment, d’un algorithme, d’un moteur de recherche dans les résultats que l’on observe, alors que sur OpenStreetMap eh bien, encore une fois, on pourra avoir une diversité de moteurs de recherche qui font, du coup, des choix différents. Et si des données, on l’a déjà dit, sont absentes, eh bien on peut toujours les ajouter. Je ne sais pas si vous voulez compléter un peu ce point, Quentin ?
Quentin : Oui, effectivement, c’est un très grand classique de chez Google, c’est le mot « pertinence ». C’est-à-dire qu’on va présélectionner les résultats pour vous parce qu’ils seront plus pertinents pour vous mais, en quelque sorte, ça déresponsabilise et ça enlève du pouvoir à l’utilisateur qui va peut-être passer à côté de choses qu’il aurait aimé voir, parce que Google a décidé que ça ne l’intéresserait pas à partir de l’ensemble des données qu’il a collectées sur lui et, en particulier, pour ces histoires de « oh là, là, on va réduire la charge cognitive de l’utilisateur parce que nous sommes bienveillants et qu’on prend soin de lui ».

Sur OpenStreetMap, évidemment on pourrait se dire « oui, mais s’il y a trop d’informations, on ne va effectivement pas réussir à trouver celles que l’on souhaite », mais là c’est l’utilisateur qui est en situation de choix puisqu’il peut, lui-même, appliquer des filtres et dire « voilà, j’aimerais voir ce genre de choses, sur tel genre de critères » et ce n’est pas très difficile à configurer.
Stéphane : Fin de cette précision. On va abandonner cette comparaison et retourner un petit peu sur ce qu’on peut faire avec OpenStreetMap, ce qui fonctionne bien, moins bien, peut-être ce qui fonctionnera mieux petit à petit dans le futur. Une question classique c’est, je reviens vers Tobias, la question du guidage par GPS. Est-ce qu’il y a aujourd’hui des solutions concrètes qui fonctionnent ? Est-ce qu’elles sont aussi puissantes ou un peu moins puissantes ? Où est-ce qu’on en est un peu autour de ça ?
Tobias : Justement. Là-dessus effectivement on peut déjà utiliser des applications GPS. La plus utilisée pour OpenStreetMap sur Android s’appelle OsmAnd [5]. Elle n’est pas encore aussi précise qu’une application comme Waze de Google par exemple, pour la simple raison, la première raison déjà est qu’elle est incapable de prendre le trafic en temps réel et ensuite les algorithmes de routage ne sont pas forcément toujours aussi performants. Après, elle propose un certain nombre de fonctionnalités supplémentaires comme l’enregistrement des cartes hors ligne pour être en mesure d’effectuer du guidage quand bien même vous n’avez aucune connexion internet.

Il faut savoir que bon nombre de GPS commerciaux utilisent aussi les données des cartes OpenStreetMap pour enrichir leur système de guidage, donc c’est une solution qui existe actuellement, mais, encore une fois, OpenStreetMap est un écosystème. Donc le site que vous allez atteindre sur openstreetmap.org est, entre guillemets, un « service minimal » qui vous offre effectivement la carte et un système de guidage simplifié. Après, si vous voulez avoir accès, si vous voulez des services vous proposant des meilleurs guidages, par exemple Cédric citait Qwant Maps qui permet de faire une recherche d’adresses beaucoup plus pertinente que celle qu’on peut trouver sur OpenStreetMap. Ou à l’inverse, si vous voulez avoir beaucoup de fonctionnalités de guidage, de choisir votre véhicule, vos préférences et tout ça, vous pouvez par exemple vous orienter sur des services comme Openrouteservice [6] qui va vraiment vous permettre d’avoir un choix extrêmement fin sur les types de routes que vous voulez emprunter, le type d’efforts que vous voulez faire et toutes sortes de choses.
Stéphane : Écoute, tu as déjà parlé d’écosystème, tu as commencé à nous citer divers sites. Effectivement, Quentin a utilisé beaucoup le mot « diversité » aussi, « pluralité », « diversité », c’est aussi une constante un petit peu des logiciels libres, c’est qu’on n’a pas un point d’entrée openstreetmap.org qui nous donnerait accès à tout, mais il y a effectivement un écosystème avec des gens qui se lancent, qui montent des projets. Tu en as cité quelques-uns, mais je crois que tu en as pas mal d’autres dans ta besace. Il y a pas mal de choses qui sont assez visuelles, on ne va pas tout voir, mais on va te laisser nous faire un peu l’article sur tout ce qu’il y a de rigolo, d’intéressant, de pertinent, à l’intérieur de l’écosystème OpenStreetMap.
Tobias : Justement, quand on commence à faire des recherches sur l’écosystème d’OpenStreetMap, on peut y passer des heures, voire des journées si ce n’est des semaines, parce que, comme on le disait précédemment, OpenStreetMap c’est vraiment la base de données de la cartographie et ensuite un grand nombre de services vont utiliser ces données pour les valoriser et proposer des expériences très précises.

On a déjà cité Openrouteservice qui vous permet de faire de faire du routage très précis avec un grand nombre de paramètres.

On a cité Qwant Maps qui vous permet de retrouver beaucoup plus facilement des adresses, des magasins, des choses comme ça.

Cédric avait aussi cité HOT qui, du coup, en cas de catastrophe naturelle, va s’appuyer sur la communauté pour cartographier le plus rapidement possible la zone pour que les secours puissent arriver plus facilement et être plus efficaces.

Il y a un nombre énorme d’informations dans OpenStreetMap : si vous prenez par exemple la carte de Grenoble, regardez juste le centre de Grenoble et vous allez voir un peu le nombre d’informations visuelles que vous pouvez déjà avoir. Il faut savoir qu’il y encore plein d’autres informations. Par exemple, des services comme F4map [7] vont prendre toutes les données d’étage des bâtiments pour vous faire une visualisation 3D isomérique de la ville.

Vous avez OpenLevelUp [8] qui va vous donner, si les bâtiments ont été cartographiés par étage, une carte étage par étage de chaque bâtiment. Vous avez aussi un très grand nombre de tuiles différentes, parce qu’un des gros problèmes que je trouve à Google Maps c’est que la carte, finalement, n’indique pas énormément d’informations. Si, par exemple, vous recherchez la forêt de Compiègne sur Google Maps, vous verrez juste un grand carré gris, vous ne verrez pas la limite, vous ne pourrez pas rapidement prendre la mesure de cette forêt, juste d’un point de vue visuel, alors que beaucoup de services d’OpenStreetMap proposent ce qu’on appelle des layers, donc des visualisations différentes des données, sous toutes les formes, qui permettent, finalement, d’avoir des cartographies vraiment précises et spécifiques de ce qui vous intéresse.

Il y a aussi un site que j’aime beaucoup, qui s’appelle maps.stamen.com [9], qui vous propose plein de cartes différentes dont certaines avec un rendu aquarelle ou des choses comme ça.
Stéphane : Ça c’est ton côté artiste, esthétique, Tobias !
Tobias : C’est ça.
Stéphane : Je commente juste un tout petit peu, moi je voyais les images en même temps que tu parlais. Tu nous as montré effectivement – ça se voit moins bien à la radio, j’en ai conscience, mais on mettra peut-être des copies d’écran en plus des liens sur le site –, mais tu nous as montré effectivement, c’était F4map où on voyait Paris en 3D.
Tobias : C’est ça, avec la Tour Eiffel.
Stéphane : Oui, la Tour Eiffel. Tu précisais que non seulement on voit les bâtiments en 3D en fonction des données qui sont rentrées, mais il y a des utilisateurs qui ont pris la peine de faire la modélisation 3D de la Tour Eiffel, de l’Arc de Triomphe, enfin en l’occurrence de divers monuments de Paris.
Tobias : Et, de même, OpenStreetMap permet de cartographier les arbres, donc on a aussi, là où les arbres ont été cartographiés, des visualisations d’arbres qui rajoutent encore des informations.
Stéphane : Sur l’autre chose qui a aussi attiré mon œil, sur OpenLevelUp, on voyait toutes les salles du bâtiment Benjamin Franklin de l’UTC. C’est ça ? Tout a été cartographié aussi.
Tobias : C’est ça. Il faut dire que nous avons des gentils utcéens contributeurs qui ont pris le temps de renseigner chacune des salles pour chacun des niveaux des différents bâtiments de Benjamin Franklin et de PG 1 et 2. Donc, si vous allez sur ce site, vous pouvez, par exemple, avoir la localisation exacte de n’importe quelle salle de ces bâtiments et il reste encore à faire le centre de recherche et le centre de transfert.
Stéphane : OK. Donc si bientôt un étudiant arrive en retard à un de mes cours et qu’il me dit qu’il n’a pas trouvé la salle, je pourrai lui dire que son excuse est non recevable !

Je pense qu’on a fait un tour d’horizon de cet écosystème, mais il y aurait eu encore beaucoup à en dire. Pour prolonger un petit peu tout ça, je crois que Picasoft va organiser quelque chose. Quentin, je te laisse nous annoncer cela.
Quentin : Effectivement, c’est bien sympa, on a discuté pendant déjà une trentaine de minutes d’OpenStreetMap, mais, comme disait Stéphane, ce n’est pas très visuel à la radio. Si c’est un sujet qui vous a intéressé et que vous voulez découvrir un petit peu plus en détail ou en images OpenStreetMap et son écosystème, eh bien nous organisons ce que Framasoft appelle un contrib’atelier. C’est-à-dire un atelier ouvert à tous, où vous pouvez venir découvrir un logiciel libre, en l’occurrence ici OpenStreetMap, et y contribuer, par exemple en cartographiant certains éléments près de chez vous, votre adresse ou ce genre de choses. Donc ce sera le 15 juin 2019, à 14 heures, à la salle Annexe 4 rue de la surveillance à Compiègne. Pour en savoir plus vous pouvez tout simplement aller sur le site picasoft.net et, à partir de là, nous envoyer un mail ou un message. On fera tout simplement de la découverte d’OpenStreetMap, on regardera un petit peu les différents clients pour ceux que ça intéresse et ensuite on verra comment contribuer en pratique.
Quentin : On va continuer et même terminer l’émission avec le traditionnel quiz, on est très malheureux de ne pas pouvoir vous entendre nous répondre, qui sera le suivant : quelle est la distance de l’itinéraire à pied entre le théâtre impérial de Compiègne et l’UTC ? On vous laisse chercher sur le client OpenStreetMap de votre choix et on se retrouve après la musique libre qui a été sélectionnée pour aujourd’hui, qui est Doumaya de Hicham Chahidi.
Pause musicale : Doumaya de Hicham Chahidi
Quentin : De retour pour la fin de l’émission La voix est libre sur Graf’hit. Pour rappel on vous avait posé un quiz qui consistait à chercher la distance de l’itinéraire à pied entre le théâtre impérial de Compiègne et l’UTC. La réponse est un kilomètre, tout pile.

Merci à Romain H pour la sélection de la musique. Maintenant, Stéphane, tu veux peut-être conclure avec quelques liens et quelques recommandations ?
Stéphane : Pour les liens on va d’abord mentionner qu’on a un site radio.picasoft.net qui a vu le jour et qui va notamment recenser ces liens de façon un peu plus pratique qu’à la radio. On pourra retrouver l’interview de Cédric sur linuxfr.org. On invite évidemment tout le monde à se rendre sur openstreetmap.org. Un certain nombre d’autres liens que nous a préparés Tobias et, je crois, que tu voulais en mettre un en valeur en particulier. Tobias, je te laisse l’annoncer.
Tobias : Effectivement. Le lien c’est openstreetmap.fr/contribuer [10], c’est l’association française d’OpenStreetMap qui vous propose un certain nombre d’initiatives pour contribuer, même si c’est une affaire de 30 secondes seulement.
Stéphane : Merci à toi pour ce dernier mot et au revoir.
Quentin : Au revoir.