Présentateur : On va pouvoir reprendre avec une magnifique table ronde à propos de science ouverte, vraiment ouverte, aussi au sens ouverte dans sa diffusion dans la société civile, c’est donc pour cela qu’autour de la table il y a de la science mais pas que ça.
On a Olivier Bertrand de Artelia [1], c’est à Échirolles, c’est juste en face, il a dû mettre deux minutes trente à nous rejoindre ce matin, ça a été dur ! Une entreprise peut-être pas centenaire, en tout cas qui ne date pas d’hier, qui doit employer quelque chose comme 10 000 salariés, ça ne rigole pas, ce sont des simulations numériques, etc., tout en open source.
On a Violaine Louvet, CNRS, qui s’occupe d’open data notamment à l’UGA [Université Grenoble Alpes] et qui s’occupe aussi de participer au Comité logiciel libre du CoSO, du Conseil pour la science ouverte [2].
Claire Wajeman qui, à l’UGA, a un projet open source qui est en valorisation au CNRS via le dispositif CNRS OPEN [3], donc une valorisation de résultats issus de la recherche.
Et Matthieu Denoux, de l’Agence Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement, une collectivité territoriale qui travaille en collaboration avec d’autres collectivités et aussi avec des académiques, dont l’Inria, sur un commun numérique s’appelle TerriSTORY [4], c’est de la cartographie avec des ressources liées à l’énergie et à l’environnement dessus.
Le tout animé par Christophe Braillon de l’Inria.
Christophe Braillon : Bonjour à toutes et à tous. Du coup, je me suis fait piquer une moitié de ma présentation !
Vous avez bien compris qu’on allait parler d’open source et de science ouverte. On l’abordera au travers de quatre grandes questions, grosso modo une par participant, c’est original ! On parlera déjà de ce qu’est la science ouverte, peut-être que tout le monde n’est pas hyper au fait, de valorisation par l’open source, de création de communs numériques, de l’animation de communauté. Autour de moi j’ai quatre grands experts du domaine, je vais leur laisser la parole pour faire un petit tour de table, pour qu’ils se présentent et après on abordera ces différentes questions. On fait dans l’ordre. Tu veux commencer Claire, peut-être.
Claire Wajeman : Bonjour. Grand merci à Pierre-Yves pour l’organisation de cette table ronde.
Je suis Claire Wajeman, je suis enseignante-chercheure à l’Université Grenoble-Alpes et au laboratoire d’informatique de Grenoble. Nous avons développé, dans un objectif de recherche, une plateforme numérique qui s’appelle LabNbook.fr [5], qui est destinée à l’enseignement des sciences expérimentales, donc destinée à des enseignants et des élèves, des étudiants de lycée et de l’enseignement supérieur. Et puis un jour, en congrès, un collègue m’a dit : « Claire, ne gardez pas ça pour vous, ça peut être utile » et là a commencé l’aventure pour nous de la valorisation. Je fais passer à mon voisin.
Olivier Bertrand : Bonjour à tous. Olivier Bertrand, société Artelia [1], je suis en effet le local de l’étape, même s’il y en a peut-être plusieurs, société d’ingénierie basée sur Échirolles, en effet plus de 10 000 salariés. On est quand même le petit village gaulois de l’open source dans la société, on pourra en discuter. Je suis à la fois directeur de projet sur les activités d’ingénierie autour de l’hydraulique et aussi responsable du laboratoire d’hydraulique numérique donc, beaucoup utilisateur de logiciels open source.
Violaine Louvet : Merci. Moi c’est Violaine Louvet, je suis ingénieure de recherche au CNRS, au laboratoire Jean Kuntzmann [6] qui est le laboratoire de mathématiques appliquées de l’Université Grenoble-Alpes. Mon boulot c’est plutôt de faire des codes de calcul, des codes qui vont aller, après, tourner sur les supercalculateurs. On utilise beaucoup d’outils libres à la fois pour développer et aussi qu’on intègre dans les codes, les bibliothèques qu’on utilise, etc., donc, de fait, on fait aussi beaucoup de logiciels libres. Depuis le départ de ma carrière, je me suis intéressée à ce sujet-là et maintenant, effectivement, je suis dans le Collège Codes source et logiciels du Comité pour la science ouverte [2] au niveau national et on essaye d’œuvrer, de continuer à œuvrer sur ce sujet-là.
Matthieu Denoux : Bonjour. Matthieu Denoux. Je suis responsable des services numériques chez AURA-EE [7], une association mais qui, en fait, est l’Agence régionale pour l’énergie et l’environnement. Dans les missions de cette agence régionale, il y a notamment de tenir des observatoires du donc climat, de l’air, de l’énergie, des déchets, de l’économie circulaire. Un observatoire, c’est forcément produire beaucoup de données, c’est produire des analyses et des outils. Dans le cadre de cette mission-là, AURA-EE a créé, il y a maintenant je crois sept ans, un outil, qui s’appelle TerriSTORY [4], qui a pour but d’aider la valorisation de ces données, de mettre à disposition différents outils pour les collectivités territoriales. C’est donc un outil qui, aujourd’hui, a dépassé ce seul périmètre déjà d’Auvergne–Rhône-Alpes et de l’énergie, qui est déployée dans cinq autres régions, qui est un outil open source depuis maintenant deux ans, dont on parlera peut-être un peu plus, plus tard.
Christophe Braillon : Merci. Peut-être, pour commencer, je te passe la parole Violaine. Tu peux déjà nous parler de ce qu’est la science ouverte, comment ça se met en place à l’UGA et quelle est la place de l’open source dans tout ça.
Violaine Louvet : Oui tout à fait.
La science ouverte, c’est l’idée d’ouvrir toute la production scientifique de façon à la rendre transparente, à répondre à des questions aussi autour de l’éthique. En fait, c’est redonner finalement aux citoyens tout ce qui a été financé en termes de recherche publique.
Concernant la partie open source dans la science ouverte, quelque part le logiciel libre est quand même né dans le monde universitaire, au départ, et, en fait, il y est resté très ancré et beaucoup de logiciels libres sont développés dans le monde de la recherche académique depuis toujours. On est donc toujours dans ce mouvement-là.
À côté de cela, on a toute la partie publication qui a été vraiment très fermée, prise en main par des éditeurs commerciaux, dont on essaye maintenant de sortir, ce qui est assez compliqué. Cette partie-là de la science ouverte est très active parce que, de fait, il y a un vrai souci de ce point de vue-là.
Sont arrivés, depuis quelques années, les aspects open data. On s’est rendu assez vite compte qu’il y avait une vraie richesse à ouvrir ces données de la recherche, une vraie nécessité à le faire et, surtout, à ne pas retomber dans la problématique des publications qu’on avait pu rencontrer, dès le départ, avec ces éditeurs commerciaux qui ont la mainmise sur les publications scientifiques.
Le mouvement de la science ouverte est en train de s’accélérer, beaucoup sur les publications jusqu’à il y a quelques années. Les données sont arrivées aussi il y a quelques années maintenant et sont prises en compte de façon très importante.
L’open source, finalement, c’est très récent dans le mouvement de la science ouverte parce que, quelque part, on n’avait pas besoin de ce mouvement pour ouvrir les logiciels qui sont développés dans les laboratoires, mais on s’est rendu compte qu’il y avait quand même vraiment beaucoup de travail à faire pour aider les chercheurs à ouvrir correctement leur code, en particulier, on en a discuté tout à l’heure sur l’aspect communautaire : comment on fait des communautés, comment on pérennise des développements, comment on capitalise sur des développements et ce mouvement-là démarre tout juste, en fait. Le logiciel est apparu au niveau national, dans les plans nationaux pour la science ouverte uniquement en 2021, c’est donc extrêmement récent. Le collège dont je fais partie, autour des codes sources et logiciels de la recherche, a été créé en 2022. On est donc sur un mouvement très récent, paradoxalement, alors que, finalement, le logiciel libre est dans le monde universitaire depuis très longtemps. On essaye d’œuvrer pour faire en sorte que, justement, cette production scientifique soit reconnue au même titre que les publications, que les données de la recherche. C’est vraiment un travail qui démarre.
Christophe Braillon : Est-ce que tu peux faire le lien avec l’aspect reproductibilité ?
Violaine Louvet : Oui évidemment, ça va vraiment ensemble.
En fait, finalement, l’objectif ultime de la science ouverte, c’est de prouver qu’on peut reproduire les résultats scientifiques qui sont publiés, que, quelque part, ils sont vrais. C’est donner confiance en la science, donc ces questions de reproductibilité sont essentielles. L’ouverture à la fois des données et des codes ne suffit bien souvent pas à assurer la reproductibilité. Je pense que vous êtes tous conscients que la reproductibilité computationnelle, en particulier, est quelque chose d’extrêmement complexe, qui va dépendre de tout un tas de choses, de tout l’environnement logiciel, des dépendances du logiciel, des versions des librairies qu’on a intégrées dans son code, etc. Il y a donc, en fait, toute une formation, un accompagnement à mettre en place auprès des communautés scientifiques pour les sensibiliser à ce sujet-là, leur montrer les outils qui existent parce qu’il y a des outils qui permettent d’aller un peu plus loin que cela, de reproduire des environnements logiciels. Il y a donc aussi tout cet aspect accompagnement des communautés qui est vraiment super important et qui fait un peu écho à ce qu’on a entendu ce matin sur ce qui est fait à Paris, alors sur un point assez différent, cet OSPO [Open Source Programme Office] qui fait de l’accompagnement, qui fait de la sensibilisation, qui soutient, etc. C’est ce vers quoi on doit aller au niveau universitaire, en tout cas c’est ce qu’on essaye de faire au niveau de Grenoble parce qu’il y a déjà beaucoup de services autour du logiciel, il y a une forge logicielle, il y a des serveurs de notebooks, il y a aussi un accompagnement qui est mis en place. L’idée c’est d’essayer d’aller encore au-delà de ça pour pouvoir accompagner les communautés scientifiques à vraiment arriver à capitaliser sur leurs développements.
Il faut bien voir aussi que, dans les laboratoires, beaucoup de codes sont réalisés, beaucoup de codes sont réalisés par les thésards dans le cadre de thèses et malheureusement quand les gens s’en vont, quand ils ont fini leur thèse, quand ils l’ont soutenue, généralement on perd la production qui a été faite. On est assez mauvais sur le fait d’arriver à cumuler les choses et le thésard qui arrive juste derrière celui qui vient de finir refait un peu, réinvente un peu la roue. On pourrait être beaucoup plus efficaces aussi de ce point de vue-là.
Christophe Braillon : Merci. On reviendra peut-être après sur les outils qui sont utilisés, à moins que tu veuilles en dire un mot maintenant, pour justement permettre cette reproductibilité, permettre l’ouverture du code, etc.
Public : Inaudible.
Christophe Braillon : Bien sûr, mais vous aurez la réponse, c’est le plus important.
Violaine Louvet : Sur les outils, il y a donc les outils techniques qui permettent de générer des environnements reproductibles, on peut parler de Nix [8] , de Guix [9], ce genre d’outil, on utilise aussi des aspects conteneurs, ce sont les aspects un peu techniques.
Après, on essaye de mettre en place de la pérennisation des codes. Il y a un gros projet, une grosse initiative qui a été portée par Inria, qui est maintenant portée aussi par l’Unesco, qui s’appelle Software Heritage [10], qui permet d’archiver l’ensemble des codes sources publics. L’idée c’est d’inciter les chercheurs à pérenniser leurs codes sources à travers cette archive mondiale, à mettre aussi en visibilité leurs productions, ça permet d’ouvrir le code, de le mettre en visibilité, c’est une première étape pour aller vers de la reproductibilité. Après, il y a des outils techniques à mettre en œuvre et là on a besoin d’accompagnement, de formation. Ce sont des choses qu’on essaye de mettre en place, en particulier à Grenoble, à l’UGA.
Christophe Braillon : Merci. Là on a le point de vue science ouverte, ouverture du code scientifique du point de vue académique. Olivier, peux-tu en dire un mot de ton point de vue industriel ?
Olivier Bertrand : Oui. Le point de vue industriel. Typiquement, Artelia c’est plus de 100 ans d’histoire, c’est aussi le premier modèle numérique qui était développé par Sogreah à l’époque, qui est devenue Artelia, Sogreah voulant dire Société Grenobloise d’Études et d’Applications Hydrauliques. On était revendeur de logiciels dans les années 2000, le logiciel TELEMAC [11], avec EDF, qui était développé par EDF. Il se trouve qu’on utilisait beaucoup ce logiciel pour les installations d’EDF. Donc, à la fois, EDF développait un logiciel avec les sources qui n’étaient pas libres et l’exploitait sur ses installations. C’est vrai que ça pouvait être un petit peu compliqué à justifier, parfois, des résultats qui allaient dans le bon sens, par exemple d’une bonne dilution d’un panache thermique en sortie d’une centrale thermique ou nucléaire. Ils ont fait le choix de passer le code en open source en 2010. Nous avons suivi cet accompagnement-là et, en effet, il y a toute une communauté, maintenant, de développement, à la fois des universitaires, des sociétés , des sociétés d’ingénierie et puis EDF qui chapeaute tout ça, avec tout un environnement autour de ce développement de logiciels. Nous sommes organisés à la fois sur les développements mais aussi sur la vie de la communauté avec une conférence annuelle autour de logiciels, pour les utilisateurs, qui viennent présenter leurs études, se confronter un petit peu à la communauté. Un comité scientifique se réunit aussi une fois par an, définit un petit peu les développements à venir pour les prochaines années, à court et moyen/long terme, et puis un comité de pilotage, un effet, qui priorise un petit peu ces développements.
Christophe Braillon : Peux-tu nous parler un peu de l’une des craintes, chez les industriels, d’ouvrir le code qui est peut-être celle de perdre un avantage concurrentiel, vis-à-vis de potentiels concurrents justement ? Qu’est-ce qui vous a convaincus d’aller dans cette voie, au-delà du fait qu’EDF s’y soit engagé ?
Olivier Bertrand : EDF, entre guillemets, « a été contraint ». On l’a suivi. C’est une culture. En fait, ce que je disais, nous sommes une grosse société avec une forte croissance ces dernières années. Nous sommes quand même le petit service de l’open source et je pense que c’est aussi une volonté des personnes. Typiquement, nous sommes le service qui s’occupe un petit peu de la R&D, qui fait aussi du développement. J’étais docteur, développeur de logiciels pour les fluides pour des pétroliers, après pour l’aérospatiale, après en océanographie, donc toujours avec un accès au code source parce que, en effet, je développais. Pour moi, il y avait déjà un intérêt des personnes du service, à dire que quand on résout quelque chose, on sait ce qu’on fait. Si jamais ça ne marche pas, on peut aller voir pourquoi ça ne marche pas, si on doit rajouter une variable, on peut rajouter une variable. Il y avait donc vraiment l’intérêt des personnes et je pense que les personnes s’y retrouvent bien.
Après, mettre à disposition nos codes sources, c’est souvent une demande maintenant au niveau des études, on nous dit : « Vous faites l’étude, mais vous nous redonnez tout le modèle derrière. » On s’adapte. Parfois, on est un peu frileux. Au début, on a joué un petit peu, on ne redonnait que le code exécutable et puis, maintenant, ils précisent « on veut avoir aussi tout le code source ». On fournit ça, on se rend compte que, finalement, c’est rarement utilisé derrière. Il faut savoir qu’une centaine de calculs est réalisée par jour, on a un calculateur de plus de 1500 processeurs, sur un seul PC il aurait fallu 900 ans pour faire tous les calculs réalisés en 2023. Donc, finalement, quand on donne les modèles, ils sont rarement utilisés parce que c’est assez lourd à exécuter, il y a un savoir-faire. Ce qu’on arrive à capitaliser, c’est finalement notre savoir-faire et pas tellement le code source.
Christophe Braillon : Si je comprends bien, ce sont vos clients qui étaient un peu prescripteurs, quelque part, en vous demandant d’ouvrir le code et, par la force des choses, vous vous rendez compte que ce n’est pas un handicap pour la société.
Olivier Bertrand : Non, du tout. Il y a donc ce côté-là, nous avons été contraints, je vous ai dit, EDF, et parfois, en effet, sur les consultations. Au contraire, nous avons été, entre guillemets, « précurseurs » sur d’autres domaines, sur l’université par exemple avec des collaborations, sur les écoles d’ingénieurs aussi. Donc, encore une fois, je vais citer des noms. Au niveau des écoles ici sur Grenoble, ils formaient avec des logiciels hydrauliques propriétaires et nous leur disions « nous ne les utilisons pas, nous sommes sur des logiciels libres » et, du coup, on a monté une formation autour du logiciel libre et, maintenant, ils utilisent le logiciel libre.
Tout à l’heure, on parlait des chercheurs qui développent chacun un petit peu de leur côté leur logiciel, en tout cas des thésards qui perdent un savoir-faire. On a encore monté dernièrement un projet avec l’Inria et avec d’autres partenaires, sur Nantes, qui voulaient aussi partir sur un petit logiciel qu’ils développaient en propre. On a dit « c’est dommage, il y a quand même une communauté autour d’autres logiciels qui sont plus reconnus à l’échelle internationale, donc partons plutôt sur ça. » On nous a dit : « Oui, mais on le connaît moins bien, on ne connaît pas trop les sources alors que chez nous on connaît très bien le code source. – Oui, mais ça ne nous intéresse pas en tant qu’industriel. On ne connaît pas trop la pérennité de votre code source, comment il va vivre, donc on préfère, en effet, peut-être passer plus de temps dans le développement, en tout cas sur un logiciel pérenne, qui est déjà bien reconnu, qui est sur la place depuis plusieurs années. »
Christophe Braillon : D’accord. Parmi les avantages il y a aussi, si je comprends bien, une sorte d’attractivité pour de potentiels futurs ingénieurs via l’aspect formation.
Olivier Bertrand : En tout cas, en tant qu’industriel, l’aspect licence, oui, il y a un coût de licence. Je dis souvent que ce n’est pas moi qui paye, c’est ma société, donc pourquoi ne pas prendre du propriétaire ! Il y a vraiment l’intérêt scientifique. J’ai oublié ta question.
Christophe Braillon : La question : est-ce que c’est un outil d’attractivité pour attirer de potentiels futurs ingénieurs, vu que vous faites de la formation en école d’ingénieurs ?
Olivier Bertrand : Oui, former des ingénieurs. Je voulais dire qu’on n’a pas intérêt à changer de logiciel tous les ans. Souvent le logiciel open source manque un petit peu, ce n’est pas interfacé, c’est moins bien interfacé, peut-être parfois un peu moins bien documenté. Pour nous, c’est un investissement à l’échelle de dix ans et dix ans après on se dit « c’est vraiment rentable ». Notre idée n’est pas de changer tous les deux ou trois ans de logiciel. En effet, plus on forme de gens, plus on les prend chez nous, mieux c’est. On arrive en effet à faire vivre des logiciels mais sur du long terme, on ne veut pas changer de logiciel tous les ans.
Christophe Braillon : OK. Merci.
Là on a vu une ouverture du code un peu a postériori. Claire, peux-tu nous parler de l’open source comme outil de valorisation via ton expérience ?
Claire Wajeman : Là c’est vraiment, l’idée était d’avoir des logiciels qui sont produits par la recherche et qui présentent un intérêt pour d’autres communautés. Pour nous, c’est l’éducation, que ce soit l’Éducation nationale dans les lycées ou des universités, des écoles d’ingénieurs et autres, qui sont intéressées par l’utilisation de ce logiciel.
Quand on s’est posé cette question-là, nous sommes allés vers des structures. Il existe des structures de valorisation de la recherche et d’accompagnement et, en fait, ça nous a permis de faire un peu le tour du projet, de voir un petit peu où il se situait au niveau des utilisateurs, des besoins, des choses comme ça. Nous sommes arrivés assez rapidement à la conclusion que c’était vraiment de l’open source, que c’était une licence libre qui convenait et là les choses s’arrêtent. À l’époque, ça date de 2017, donc quelques années, parce que les structures de valorisation permettent de faire du transfert vers des entreprises ou de créer des startups, ce qu’on nous proposait, c’était finalement de la vente de licences, des choses comme ça, qui ne sont absolument pas adaptées au projet.
Nous sommes enseignants-chercheurs, chercheurs ou ingénieurs. Tous les aspects qui sont liés à donner accès à l’extérieur, ce n’est pas notre boulot, donc il faut qu’on se forme et qu’on soit accompagnés. Cet accompagnement n’était pas facile, il n’était pas possible dans un premier temps. Il faut des moyens humains, des sous aussi pour payer ces gens. Là, les choses se sont ouvertes et on a pu avoir des financements qui nous ont permis d’améliorer les développements, de faire évoluer le projet, de commencer à diffuser. Il faut réfléchir à des questions, dans l’open source, des tas de questions se posent.
La première chose c’était l’industrialisation du code, l’amélioration du code. Ce n’est pas simple pour nous, mais il y a des gens qui savent faire. On a donc travaillé, entre autres on a embauché des gens, on a aussi travaillé avec une entreprise du Libre, qui s’appelle Tétras Libre [12], locale, et ça a été vraiment un gros avantage pour nous. Quand vous avez des projets, vous pouvez faire des CDD de deux ans maximum, eh bien il y a perte des compétences et le fait de travailler avec une entreprise, même si on doit interrompt pendant un mois ou deux la collaboration parce qu’on va chercher d’autres fonds, en fait ces compétences sont toujours là avec aussi des échanges dans le sens où on a ensuite embauché des jeunes dans l’entreprise, un en tous les cas, un deuxième potentiellement. Parfois, c’est arrivé aussi, des gens, dans de petites entreprises, se sont dit « j’ai envie d’une nouvelle aventure » et se sont offerts un CDD chez nous. Il y a donc des échanges de ce côté-là. On a pu avoir aussi des financements France Relance, qui sont des échanges avec les entreprises.
Donc, de ce côté-là, je dirais qu’on s’en sort. Après, il reste tous les autres aspects qui sont liés à la valorisation d’un projet open source. Ce sont toutes les questions de gouvernance, de développement et d’animation d’une communauté, de modèle économique et là nous sommes extrêmement limités. Je pense qu’actuellement des ouvertures se font et la science ouverte, toutes les démarches de science ouverte y sont pour quelque chose dans les volontés je dirais politiques d’aller dans cette direction-là, mais les compétences n’existent pas encore vraiment.
Le CNRS a ouvert un nouveau programme qui s’appelle OPEN [3], qui est vraiment destiné à ça et nous sommes lauréats de la première promotion d’OPEN. Donc, là, on démarre tout juste, c’est tout récent, mais les compétences, y compris d’accompagnement, sont à construire et je trouve très intéressant de venir ici et d’interagir avec des collectivités, avec des entreprises qui savent faire, qui ont des connaissances et des compétences dans ce domaine-là.
Christophe Braillon : Merci. Du coup, ça me fait un peu la transition. On a parlé de communautés de développeurs, du fait que c’est compliqué mais qu’on y arrive quand même, dans la recherche publique, avec les moyens du bord, c’est de temps en temps un peu bricolé, mais bon ! Par contre, on n’est pas encore très armé pour répondre à la communauté d’utilisateurs. Vas-y, ça fera le lien avec la question suivante, justement : comment peut-on animer ces communautés et puis, via ton expérience, on pourra en discuter.
Claire Wajeman : Au niveau d’une communauté, ouvrir vraiment sur une communauté de développeurs, ce n’est pas si facile que ça, on n’a pas les connaissances, on n’a pas l’expérience de ce côté-là. Par contre, le fait d’interagir avec une entreprise, on peut arriver à faire des choses, à avancer de ce côté-là.
Au niveau de la communauté utilisateurs, il se trouve que les chercheurs qui ont construit ce projet sont enseignants-chercheurs, enseignants des disciplines et aussi utilisateurs du logiciel. Donc, là, on a une interaction vraiment privilégiée avec les utilisateurs. On fait des formations, on fait des choses, mais réellement étendre une communauté, l’animer, ça demande quand même des moyens, ça demande des savoir-faire et, là-dessus, nous sommes limités.
On a des utilisateurs, ils contribuent parce qu’on a des interactions, mais je ne peux pas dire qu’on soit vraiment une communauté structurée, organisée. Tout à l’heure, il y avait une présentation qui parlait des proactifs, il n’y en a pas tant que ça. Permettre à des gens de venir, à des actifs, je ne peux pas dire, pour l’instant, qu’on ait les compétences et les forces, peut-être aussi, pour arriver à ça, c’est fondamental et on le voit bien.
Christophe Braillon : Peut-être que Matthieu aura justement une réponse à ça, il pourra nous aider. Est-ce que tu peux nous parler, via le prisme de TerriSTORY, de la façon dont on met en lien les collectivités, qui sont les utilisateurs de votre outil, les académiques, et puis comment on anime tout cela ?
Matthieu Denoux : Si je repars un peu de ce que je commençais à raconter tout à l’heure, la mission première d’AURA EE c’est d’accompagner les collectivités, donc d’être un peu le point d’entrée sur toutes les questions qui vont concerner la transition écologique et environnementale. En quelque sorte, on a déjà les utilisateurs.
Quand on s’est dit qu’il fallait faire un outil numérique, ça nous sortait quand même pas mal de notre champ d’expertise, un peu comme la ville de Paris, tout à l’heure, qui nous a dit que, à priori, ce n’est pas une structure ESN [Entreprise de Services du Numérique] de prime abord mais bon, finalement le besoin fait qu’on se met à la hauteur de la tâche, on va dire. Ce qui s’est passé, c’est qu’on a déjà travaillé avec une entreprise que vous connaissez sûrement qui est juste devant la porte, qui s’appelle Oslandia [13], pour essayer de construire un outil qui, dès le début, intègre dans sa conception, dans sa démarche, dans les dépendances techniques, cette philosophie qui sous-tendait le projet qui était que ce soit open source, que ce soit open data et que ça puisse servir un maximum d’acteurs publics.
Là, je rejoins un petit peu ce qui a déjà été dit : quand on est financé par de l’argent public, on essaye de faire en sorte que ce soit public un maximum.
Il y a déjà ce travail dès le début avec une entreprise qui est experte de l’open source, qui est experte de ce sujet-là et je peux dire que ça a bien aidé à lancer le projet.
Après, la deuxième question qui s’est posée, qui rejoint un petit peu ce que disaient mes voisins, c’est quel modèle de gouvernance fait-on autour de cet outil numérique, qu’on essaye de construire, pour répondre à nos utilisateurs ? Nous sommes partis sur une gouvernance avec plein d’acteurs, c’est-à-dire qu’aujourd’hui nous sommes six agences régionales de six régions différentes, on a Enedis, on a RTE, on a GRDF, on a vraiment plein d’acteurs du secteur de l’énergie et puis on a aussi des réseaux d’acteurs qui vont permettre, au niveau national, d’aller identifier d’autres potentiels partenaires, d’autres potentiels acteurs avec qui travailler, ce qui me permet de rebasculer un peu sur la question initiale de la communauté d’utilisateurs.
En fait, la problématique qu’on rencontre aujourd’hui, c’est qu’on se rend compte que notre outil, qui partait d’un besoin vraiment issu d’Auvergne–Rhône-Alpes, de notre relation avec les utilisateurs, avec les collectivités territoriales, est vraiment devenu un outil numérique en tant que tel, open source certes, mais qui est inscrit dans un panorama assez large d’autres outils, d’autres plateformes numériques qui sont mises à disposition par des acteurs privés, par des acteurs publics, par des associations, par l’État bien sûr qui a un certain nombre de besoins numériques à remplir. Donc, se pose la question : comment fait-on en sorte, dans tout cela, que l’utilisateur qui est finalement juste un chargé de mission dans une petite ville et qui a, je ne sais pas, un dixième de son temps à consacrer à ce sujet, ne soit pas perdu ? On n’a pas encore répondu à la question, sinon nous serions bienheureux. Les pistes qu’on envisage sont, bien sûr, assez liées à cette problématique de l’open source qui nous rassemble aujourd’hui, c’est de se dire que si on arrive à mettre en place des standards, des normes d’échanges de certains objets, par exemple comment est-ce que je définis une trajectoire de transition écologique, qu’est-ce qui définit cette trajectoire, si on arrive à se mettre d’accord sur l’objet métier qu’il y a derrière, on va pouvoir se mettre d’accord aussi, bien sûr, sur des standards numériques. Donc faire en sorte, quand l’utilisateur a utilisé un des services de l’État, un des services d’une agence régionale, un des services d’un acteur privé, cela produise des informations qui peuvent être ensuite facilement partagées entre les outils pour faire en sorte que l’utilisateur ait le parcours le plus transparent possible. C’est la première piste qu’on a envisagée.
La deuxième piste, bien sûr, c’est aussi faire en sorte que les compétences ou les fonctionnalités permises par chacun des outils soient bien identifiées pour qu’il n’y ait pas trop de questions à se poser genre quel est le bon outil faut-il que j’utilise, à quel moment, dans mon parcours d’utilisateur de collectivité territoriale, etc.
Pour moi, cet aspect open source est bien sûr, comme je le disais, cohérent avec nos valeurs d’agence régionale, d’acteur public financé par des fonds publics, mais il est aussi finalement intéressant sur cet aspect-là, c’est-à-dire que si on veut arriver à connecter ensemble, un peu comme le présentait Belledonne Communication tout à l’heure, sur cet aspect, rien à voir, de télécommunications, de la même façon, si on veut combiner ensemble et vraiment produire une sorte de service numérique des collectivités territoriales sur la transition, on a besoin aussi d’avoir cette interopérabilité pour éviter de trop aller vers l’État qui propose un seul service numérique unifié, ce qui n’arrivera jamais puisque, forcément, il y a déjà plein d’acteurs qui proposent des choses qui fonctionnent très bien.
Je pense que l’enjeu, finalement, c’est plutôt cette interopérabilité des outils qui peut permettre de faire en sorte que les communautés d’utilisateurs de chacun des outils fusionnent petit à petit parce qu’il y a ce parcours qui peut se créer ou même ces parcours différenciés.
Christophe Braillon : Merci. On est pile dans le timing, c’est nickel.
Il nous reste cinq minutes pour des questions du public, si vous avez des questions à poser à nos intervenants ou des questions globales, c’est le moment.
Public : Bonjour. Gilles de Saint Martin d’Uriage. J’avais juste une remarque sur la reproductibilité et la distribution du code source. C’est vrai que personne ne va se plonger dans le code source, mais sa distribution c’est quand même la condition pour être sûr qu’il n’y a pas d’erreurs dans les résultats, même si, effectivement, ils diffèrent pour des raisons numériques, peut-être suivant les implémentations. C’est pour cela qu’en science, partout d’ailleurs, il vaut mieux utiliser les logiciels libres, avec leurs codes sources, que faire confiance à des logiciels propriétaires, fermés.
Violaine Louvet : Je ne peux qu’être d’accord avec ce point de vue. Après, évidemment, ça ne suffit pas à assurer la reproductibilité, en particulier quand on a une publication scientifique et qu’on veut s’assurer que le résultat qui est affiché c’est bien celui qu’on a quand on utilise les mêmes outils. Ça ne suffit pas, mais c’est clair que c’est indispensable. D’ailleurs, un rapport du ministère de la Recherche a été réalisé en 2023 [14] sur la façon dont sont valorisés les logiciels qui sont développés dans la recherche et ce rapport a montré que 70 % des logiciels étaient valorisés sous la forme de logiciels libres, avec une licence libre. Il y a aussi beaucoup de logiciels qui sont diffusés sans licence et c’est un vrai sujet aussi chez nous. En fait, il faut aussi qu’on accompagne les chercheurs, les ingénieurs, à diffuser proprement leurs logiciels. Il y a un gros travail à faire là-dessus avec les services valorisation. Souvent quand on diffuse un logiciel dans le monde de la recherche, on met une licence open source, une GPL [GNU General Public License] et puis c’est parti et, en fait, on ne passe pas du tout par les services valorisation. C’est la réalité du terrain qui fait qu’il faut qu’on travaille avec les services valorisation pour, justement, cadrer tout cela, faire des recommandations aux chercheurs, les aider à faire ça proprement et puis, après, les accompagner pour essayer aussi d’initier des communautés. On en a beaucoup parlé. Il y a aussi des aspects juridiques, quand on commence à travailler avec d’autres personnes, sur lesquels il faut être propre. On a aussi besoin de compétences dans les services valorisation sur ces sujets-là et puis il faut qu’on aide les gens à faire les choses proprement, à faire de la documentation, à faire en sorte que les logiciels soient faciles à installer. Il y a tous ces aspects-là à prendre en compte pour aller vraiment plus loin.
Après, il y a de grosses réussites dans le monde de la recherche. Pas mal de logiciels ont quand même une grosse communauté, je pense par exemple à Scikit-learn [15]. Tout le monde connaît ce logiciel autour du machine learning, un gros logiciel, avec une grosse communauté, et qui a parfaitement réussi à mettre tout cela en œuvre. Il faut qu’on arrive à le faire à grande échelle.
Public : Bonjour. Romain. Je suis post-doc à l’UGA à Grenoble. Pour rebondir sur la partie reproductibilité logicielle, j’ai l’impression qu’une grande partie du code qu’on écrit en tant que chercheur, ce n’est pas vraiment une bibliothèque, ce sont des bouts de scripts qui se baladent à droite à gauche. Certes, on peut tout donner avec le papier, mais c’est bien loin de pouvoir être reproductible si on ne dit pas comment il faut le faire, même si on a les données et les scripts ; pour avoir déjà essayé sur d’autres papiers, c’est impossible à faire. Ce n’est pas vraiment une question, du coup, c’est plus un commentaire. Une partie de la discussion qui a eu lieu s’appliquait bien pour des bibliothèques, des librairies, des codes numériques, mais comment peut-on transposer ça sur la partie un peu script, moche, qu’on fait pour faire un résultat dans un papier ?
Violaine Louvet : Il faut éviter de faire une partie moche ! On peut mettre en œuvre un certain nombre de bonnes pratiques pour que, justement, ce soit à peu près propre, même pour soi en fait. Tu parles de scripts moches. Reprends-les dans quelques mois et regarde si tu arrives à refaire les mêmes choses. Déjà là, ça pose question. Je pense que ça pose aussi question sur la partie de la science qui sort de tout cela, parce que si on n’arrive pas, soi-même déjà, à récupérer le travail qu’on a pu faire quelques mois auparavant, il y a un sujet. Un certain nombre de bonnes pratiques permettent de cheminer sur ce point de vue-là pour aller un peu plus loin et essayer de faire les choses un peu plus proprement.
Public : Je suis 100 % d’accord, je suis moi-même très engagé pour la reproductibilité, donc je suis d’accord et j’applique ça, mais c’était plus une question en général. Je vois bien que je suis un peu tout seul au milieu…
Violaine Louvet : D’où l’importance de la formation et de l’accompagnement sur tous ces sujets-là et selon les disciplines. Par exemple, à l’UGA, nous sommes une université multidisciplinaire. Dans les sciences dures, il y a quand même beaucoup d’ingénieurs, il y a beaucoup d’accompagnement. Dans les labos plutôt côté sciences humaines et sociales, il y a beaucoup moins de soutien d’ingénieurs dans les laboratoires, du coup c’est tout de suite beaucoup plus compliqué. Il y a aussi des besoins qui sont assez différents d’une discipline à l’autre.
Public : Juste une remarque pour rebondir là-dessus. Je viens de finir une thèse à l’UGA. C’était côté informatique, donc, pour le coup, l’accompagnement est existant, mais je trouve que, même là, j’étais l’une des rares personnes, dans mon labo, à essayer de faire du code propre et, pire que ça, je trouve qu’il y avait globalement un manque de valorisation énorme du point de vue des collègues qui trouvaient que c’était une perte de temps d’écrire du code propre et réutilisable. Pour moi, c’est même plus une histoire de culture qu’autre chose au fond. Non ? Je ne sais pas si c’est une expérience qui se voit dans tous les labos ou juste le mien.
Violaine Louvet : Non. En fait, il y a aussi un vrai sujet autour de l’évaluation. Les chercheurs sont évalués sur la science qu’ils font et ne sont pas du tout évalués sur des produits comme le logiciel ou les données qu’ils peuvent générer. En fait, grâce au mouvement de la science ouverte, ce sont des choses qui sont quand même en train d’évoluer et en particulier toutes les activités qui amènent aux résultats scientifiques mais qui, pour l’instant, ne sont pas considérées. Pour l’instant, on regarde le nombre de publications et, éventuellement, la qualité des revues dans lesquelles elles sont, mais ça commence à changer. On commence à se rendre compte qu’il n’y a pas que ça et que, finalement, faire un code qui est réutilisable par d’autres et qui peut apporter d’autres collaborations, d’autres pistes de recherche, c’est peut-être aussi important qu’une publication, même dans une revue de rang 1.
Présentateur : Je vais faire le rabat-joie, mais je crois que, hélas, je vais être obligé de passer la parole à l’intervenant suivant. Si vous avez d’autres questions à poser, je pense que vous n’aurez pas trop de mal à retrouver nos intervenants dans le salon, même si nous sommes nombreux. Il y en a de plus grands que d’autres, ils dépassent, c’est plus facile, mais vous devriez pouvoir les trouver quand même.
Merci beaucoup pour cette table ronde.
[Applaudissements]