- Titre :
- Microsoft et la santé - Débat entre deux acteurs du numérique
- Intervenants :
- Guy Mamou-Mani - Tariq Krim - Stéphane Soumier
- Lieu :
- Combat d’entrepreneurs - Émission BE Smart, chaîne B SMART
- Date :
- juin 2020
- Durée :
- 19 min 51
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- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Capture d’écran de la vidéo, licence de paternité Creative Commons (réutilisation autorisée)
- NB :
- transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Stéphane Soumier : BE SMART, l’émission qui continue. C’est l’heure du débat, combat d’entrepreneurs. On appelle ça combat d’entrepreneurs, là en l’occurrence ce sera un débat. Guy Mamou-Mani, grand sourire. Bonjour Guy.
Guy Mamou-Mani : Bonjour.
Stéphane Soumier : Merci de venir nous voir. Guy Mamou-Mani, coprésident du Groupe Open [1]. Si vous suivez l’actualité de la digitalisation en France, vous connaissez forcément Guy Mamou-Mani comme vous connaissez forcément Tariq Krim qui est à côté de moi, fondateur entre autres de Netvibes [2]. Vous avez d’ailleurs tous les deux eu des responsabilités au sein du Conseil national du numérique [3], tous les deux eu des responsabilités sur une réflexion profonde que peuvent avoir tous les citoyens sur la façon, justement, dont le pays, dont l’administration, se digitalise.
Guy, ne m’en veuillez pas, mais si Tariq Krim est là c’est que j’ai besoin d’aide ! J’ai besoin d’aide pour un sujet qui nous concerne tous, Mesdames, Messieurs, c’est ce programme formidable qu’on attend depuis… — ça fait 30 ans que je suis journaliste, j’ai l’impression que ça fait 30 ans qu’on parle de ça — de digitalisation de l’ensemble des données de santé des Français. C’est un programme considérable, c’est un budget, c’est quoi le budget de l’ensemble de ce programme ?
Guy Mamou-Mani : C’est 80 millions sur quatre ans, 20 millions par an.
Stéphane Soumier : 80 millions sur quatre ans, 20 millions par an et les bras m’en sont tombés quand j’ai appris que l’ensemble de cette base de données colossale allait être hébergée par Microsoft. D’ailleurs on a vu, sur les réseaux, Octave Klaba, fondateur de OVH [4], on vous héberge, acteur européen important du cloud, montrer lui-même, je ne vais pas dire s’élever contre, mais montrer une forme d’incompréhension devant le choix qui avait été fait de mettre l’ensemble de ces fichiers sur les serveurs de Microsoft. Ensuite, je vous laisserai discuter avec Tariq, est-ce que vous pouvez m’expliquer la genèse parce que vous êtes dans la genèse de l’ensemble de ce programme, Guy, et nous dire comment est-ce qu’on en arrive là parce que moi, en tant que citoyen, je me dis « bon dieu, c’est une atteinte profonde à ma souveraineté ! » Allez-y.
Guy Mamou-Mani : D’abord, tout ce que vous avez dit en introduction et tout ce que Tariq peut exprimer sur les questions de souveraineté, d’acteurs nationaux, je le partage, il n’y a pas de discussion là-dessus. D’ailleurs j’ai beaucoup d’estime pour Tariq, je connais très bien son histoire, son parcours et je n’ai aucune divergence sur ce sujet-là. Soit vous voulez me mettre sur une question politique et là c’est une toute autre discussion, soit nous — et quand je dis nous ce sont les quelques personnes qui ont été pragmatiquement dans le projet — avons répondu à une demande, c’est très simple. Et je peux vous assurer que Stéphanie Combes, la directrice de ce projet [chef de projet Health Data Hub], est une femme absolument remarquable, qui a sens de l’État absolument incroyable et pourrait des leçons à beaucoup de gens, eh bien on lui a dit : « Tu dois faire un projet avec ces coûts, ces délais, ces performances », et elle a répondu à la question.
Stéphane Soumier : Ça veut dire qu’il n’y a que Microsoft qui pouvait répondre à la question ?
Guy Mamou-Mani : Exactement. C’est ça le sujet, laissez-moi terminer Stéphane, je sais ce que Tariq va me rétorquer, je vous le dis tout de suite, elle a fait tout ce qu’elle a pu pour consulter les acteurs français. Vous avez cité Octave Klaba. Dans sa fameuse série de tweets, il a reconnu qu’au moment de l’appel d’offres il n’était pas en mesure de répondre à cela. Donc vous imaginez bien pourquoi Stéphanie Combes ou Groupe Open qui est une société française, je vous le rappelle.
Stéphane Soumier : C’est pour ça que j’ai rappelé les responsabilités que vous avez acceptées de prendre pour qu’on réfléchisse ensemble. Attendez ! Tariq je vais vous laisser répondre parce que moi déjà, j’ai des questions à vous faire sur ce que vous venez de dire. Tariq quel est votre angle d’attaque sur ce sujet ?
Tariq Krim : Je dirais déjà que je viens non pas en tant qu’entrepreneur mais simple citoyen, J’avoue, effectivement comme vous, que quand j’ai entendu qu’on allait héberger les données de santé chez les GAFAM j’ai été vraiment étonné.
En fait il y trois choses qui m’ont fondamentalement choqué. La première c’est que pour moi les données de santé c’est le Graal, c’est quelque chose qu’on doit sanctuariser. Le rôle de l’État c’est de protéger ça et, d’une certaine manière, j’ai l’impression que la ligne rouge a été franchie. C’est quoi la prochaine étape ? On met les codes nucléaires de la Défense nationale sur le cloud de Microsoft ? On va gérer les porte-avions ou les centrales nucléaires – ça on l’a déjà avec Alstom malheureusement, on a perdu notre souveraineté énergétique. Donc il y a la question de la ligne rouge.
La deuxième chose qui m’a vraiment choqué c’est de voir le ministre Cédric O, notre ministre, dénigrer les entreprises européennes et françaises, devant la représentation nationale. J’ai trouvé ça scandaleux. Honnêtement si un ministre de l’Agriculture venait et disait « le steak argentin est meilleur que le… »
Stéphane Soumier : À la limite,Tariq, laissons ça de côté parce que ça ne regarde pas Guy. Retournons sur la mise en place du système.
Tariq Krim : Oui, mais c’est important parce que dans ce système on se retrouve, en fait, avec des fonctionnaires qui n’ont jamais monté de boîtes, qui ne connaissent pas énormément de choses dans cette problématique, qui viennent donner des leçons à des entrepreneurs qui ont monté des plateformes de A à Z et leur dire « vous n’êtes pas au niveau ». La réalité c’est que quand on fait un projet de ce type, on ne va pas au plus facile, c’est un peu la paresse intellectuelle, c’est un peu le système de l’ubérisation, on clique, la voiture arrive en bas de chez soi.
Dans un service de ce type, il faut tout reprendre à zéro, mettre les gens autour de la table, construire de la valeur avec des talents français. C’est ça l’objectif quand on monte quelque chose. Le Health Data Hub c’est nouveau, c’est une nouvelle création, il faut la faire avec le meilleur de nos entreprises et de nos industries.
Stéphane Soumier : Vous ne croyez pas Guy, exactement comme le dit Tariq, ça aurait dû la première ligne écrite sur l’ensemble du projet, « l’ensemble de ces données devra être hébergé sur des serveurs européens ». Ça ne devrait pas être la base de tout et ensuite on réfléchit et on travaille ?
Guy Mamou-Mani : Je vais vous dire quelle est la première ligne, ce n’est pas ça, parce que si on avait mis ça, eh bien à ce jour on n’aurait pas de HDS.
Stéphane Soumier : Et alors ?
Guy Mamou-Mani : Et alors ça c’est un autre problème ! Encore une fois je ne défends pas la vision politique moi, je suis là pour dire…
Stéphane Soumier : Mais vous êtes obligé, Guy, de défendre une vision politique quand vous faites un projet de cette ampleur !
Guy Mamou-Mani : Non, laissez-moi finir. Je vous répète si le choix c’est HDH avec Microsoft ou pas de HDH.
Stéphane Soumier : Ou un autre HDH !
Guy Mamou-Mani : Non ! Pas de HDH !
Stéphane Soumier : Pourquoi pas un autre ?
Guy Mamou-Mani : Parce que Stéphanie Combes a répété cent fois que toutes les contraintes qu’elle avait mises n’avaient pas de réponse dans un acteur français ou européen.
Stéphane Soumier : Toutes ces contraintes étaient-elles indispensables ?
Guy Mamou-Mani : Indispensables, oui. Indispensables !
Stéphane Soumier : Exemple de ces contraintes ? Avec vous c’est ça la chance qu’on a, j’ai envie qu’on désosse un petit peu le truc.
Guy Mamou-Mani : Il faut déjà au moins être certifié hébergement données de santé. Déjà !
Stéphane Soumier : Mais ça. Les bras m’en tombent ! Certifié par qui ? Par un organisme administratif.
Guy Mamou-Mani : Attendez. Vous voulez en même temps les garanties !
S’il vous plaît Stéphane. Comme, justement, je rejoins tout à fait Tariq sur le fait que les données sont absolument cruciales pour notre pays, vous imaginez bien qu’on ne va pas autoriser n’importe qui à les héberger. Et il s’avère que c’est difficile de se passer des Américains en la matière. Prenez dans le privé, dès que vous avez un projet très important, et j’en fais quand même pas mal, eh bien vous avez toujours ce qu’on appelle le Magic Quadrant. Dans ce quadrant vous avez tout de suite AWS, Microsoft, un peu plus Google, aucun acteur français. Je te rejoindrais sur le fait que Cédric O a été un peu maladroit, mais ce qu’il a dit est parfaitement exact.
Stéphane Soumier : Qu’est-ce qu’il a dit exactement ?
Guy Mamou-Mani : Il a dit ce que je suis en train de dire : il n’y a pas d’acteur français capable d’y répondre. Et je vais continuer, je finis sur la question, quel est le premier point ? La première ligne ? La réversibilité. Donc vous voyez, la conscience qu’a Stéphanie Combes et sa direction, c’est de dire dès que les Français auront rejoint le niveau nécessaire, et vous pouvez lui faire confiance parce qu’elle travaille dessus, eh bien on passera sur un nouveau système, par exemple hybride, c’est-à-dire avec plusieurs systèmes d’hébergement ou, tout simplement, avec un hébergeur français. Réversibilité, ça veut dire qu’on a le beurre et l’argent du beurre. Un projet qui a été lancé en sept mois ! Écoutez, quand on parle des projets Louvois [Logiciel unique à vocation interarmées de la solde], DMP [Dossier médical partagé] et d’autres qui ont coûté des centaines de millions à la poubelle, on voit là une femme qui a réussi à tenir un budget en sept mois, à sortir les premières productions et qui, en plus, vous dit : « Écoutez, travaillez je peux même vous aider et dès que ça sera prêt on fera la réversibilité. »
Stéphane Soumier : Tariq.
Tariq Krim : Je ne crois pas à la réversibilité. Tu le sais très bien, une fois qu’on rentre dans ces plateformes…
Stéphane Soumier : Pourquoi ? Tariq Krim, moi je ne crois pas aux phrases qui commencent par je ne crois pas. Il faut nous expliquer pourquoi ce n’est pas possible la réversibilité.
Tariq Krim : En fait, ce qui est fascinant avec ce Health Data Hub c’est que les technologies qui vont être hébergées par Microsoft sont essentiellement développées en France, les technologies d’intelligence artificielle comme Scikit-learn [5], comme Jupyter Notebook [6], ce sont les Français qui les ont développées. Quand je discute avec Octave, je lui dis « tu n’es pas capable d’héberger ce genre de technologie ? » Il me dit : « Évidemment, toute personne qui a fait un peu de technologie, qui a développé des plateformes – en tant qu’entrepreneur je l’ai fait à plusieurs reprises – sait qu’on peut construire à partir de l’existant ». Soit on veut quelque chose qui est tout prêt, shiny, beau, on a juste à appuyer sur un bouton, on s’occupe de tout, et ensuite on ne fait plus rien puisqu’on perd le contrôle de son outil, soit on doit construire, c’est vrai que ça prend plus de temps. Construire des projets de cette envergure ça demande du temps et de l’effort.
Guy Mamou-Mani : Stéphane l’a bien dit. Il est aussi témoin de mes engagements personnels sur le sujet.
Stéphane Soumier : Oui. À fond !
Guy Mamou-Mani : Ça fait dix ans, vingt ans qu’on attend.
Stéphane Soumier : Je vous vois là, Guy, comme je ne vous ai jamais vu ! ça vous prend dans les tripes cette histoire et ça me rassure un petit peu pour tout vous dire !
Guy Mamou-Mani : Je vais vous expliquer pourquoi ça me prend dans les tripes, parce que j’aime bien Tariq qui est un garçon respectueux, mais il faut voir !
Stéphane Soumier : Qu’est-ce que vous prenez !
Guy Mamou-Mani : Qu’est-ce que j’ai pris ! Vraiment quand j’ai été traité de traître à la Nation, je peux gentiment dire que ma légion d’honneur a eu mal, parce que moi ça fait dix ans que je suis engagé sur ces sujets et ce qui est très drôle, je ne vais pas refaire tout mon CV, que ça soit le Comité santé, l‘industrie du futur, les comités stratégiques de filière pour créer des acteurs français, c’est tout le travail que j’ai fait depuis des années. Et le comble de tout ça, et je suppose que Tariq doit être au courant, en même temps que nous réalisons ce magnifique projet tant dans les qualités et disponible, vous savez ce qu’on est en train de faire avec Stéphane Messika, patron de mon activité de conseil ? Créer CoData [7] qui est une association de sociétés françaises pour créer un acteur français. Vous vous rendez compte ? Et on ose me dire que je ne suis pas responsable !
Stéphane Soumier : C’est d’une telle complexité qu’à votre avis aujourd’hui aucun acteur, même européen, parce qu’il y en quand même quelques-uns qui ont des serveurs qui tournent bien, aucun acteur européen n’est en mesure d’héberger ça aujourd’hui ? C’est trop loin. C’est quoi ? C’est dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans qu’ils y arriveront peut-être ?
Guy Mamou-Mani : Je ne vais pas commettre la même erreur que Cédric O qui a parlé de dizaines de milliards d’investissement par an. Non ! Je suis très pragmatique.
Stéphane Soumier : Il a dit qu’il faudrait ça pour les mettre au niveau.
Guy Mamou-Mani : C’est ce qu’on lui reproche, peut-être à juste titre d’ailleurs parce que ce qu’il a dit à l’Assemblée était trop agressif. Mais ce qu’a dit Tariq est parfaitement juste. Si vous êtes prêts à attendre des années avant d’avoir un HDH, pas de problème ! En tout cas ce n’est pas le choix politique qui a été fait et pour les raisons que nous avons évoquées depuis très longtemps. Ça n’empêche pas de continuer à travailler pour essayer d’avoir une alternative.
Stéphane Soumier : Tariq.
Tariq Krim : Si je peux permettre, on peut évidemment parler de la question du contrat, de la question de la solution technologique, mais la vraie question est politique. Aujourd’hui, regardons ce qu’ont fait les GAFAM dans le domaine de la politique. Dès qu’ils ont commencé à rentrer dans le système on a eu Trump, le Brexit, Cambridge Analytica [8].
Stéphane Soumier : Il ne faudrait pas non plus devenir complotiste, Tariq. Le sujet n’est pas forcément qu’on met ses données de santé entre les mains de gens qui, à priori, ont l’intention de s’en servir de manière malveillante.
Tariq Krim : Non pas du tout. Mais, comme on le sait bien, le modèle américain de la santé est différent du nôtre. Nous on a décidé d’avoir un système de solidarité. Aux États-Unis, quand on se fait se traiter contre le covid, une personne a reçu une facture de un million 300 mille dollars parce qu’on est dans un système qui est différent.
Aujourd’hui les GAFAM s’intéressent à la santé pour une raison très simple. Aux États-Unis, quand vous regardez la télévision, toutes les cinq minutes vous avez de la publicité pour les médicaments. Le modèle économique de la santé n’est pas le même. Donc aujourd’hui la première question qu’il faut se poser, c’est vers quel type de médecine voulons-nous aller et ces données aujourd’hui elles ont l’air, une apparence comment dire, anodines. Prenons un exemple.
Stéphane Soumier : Attendez. La première question c’est : Microsoft peut-il reconstituer ces données ? Microsoft en tant qu’hébergeur a-t-il, d’une manière ou d’une autre, le moyen de prendre le contrôle de ces données, Guy ?
Guy Mamou-Mani : C’est formidable parce qu’on a la réponse du Conseil d’État. Vous savez qu’il y a eu un recours auprès du Conseil d’État, que le Conseil d’État a balayé toutes les critiques, toutes les demandes de ces plaignants. Je vais finir, je vais juste finir. C’est très drôle, parce qu’ils ont crié victoire, en fait ils n’avaient lu, je crois, que les trois ou quatre premières lignes.
Stéphane Soumier : Attendez, dites-moi il y avait quoi dans cet arrêt du Conseil d’État ?
Guy Mamou-Mani : Le Conseil d’État a dit qu’il n’y avait aucun problème sur le HDH, le Health Data Hub, qu’il devait continuer, modulo, c’est pour ça que je vais rejoindre Tariq, qu’il fallait que le Health Data Hub mentionne qu’il y avait un risque que ces données puissent aller aux États-Unis, parce que, en effet, c’est un peu compliqué l’emplacement des données, ça bouge beaucoup.
Stéphane Soumier : Je vous ai lu dans un point de vue que vous avez écrit où vous dites « un acteur seul ne peut pas reconstituer l’ensemble des données. Il faut qu’il y ait trois acteurs ensemble pour que tout se reconstitue. »
Guy Mamou-Mani : Ça été expliqué en long, en large. Vous avez une FAQ qui est en ligne, qui vous explique ça. Tout est protégé, avec une crypto, avec une anonymisation. Vous avez une même un papier de Bernard Ourghanlian, le patron technique de Microsoft qui explique.
Stéphane Soumier : Mais lui ne va pas…
Guy Mamou-Mani : Il ne peut pas mettre de mensonge dans ce qu’il dit. Il ne peut pas écrire de mensonge.
Stéphane Soumier : Pour le coup c’est un homme remarquable.
Guy Mamou-Mani : Par exemple il y a un dernier projet que la CNIL a validé, le projet Hydro [9]. C’est-à-dire que oui, on peut faire un procès d’intention gigantesque. Maintenant ce qui n’est pas faux, et je le reconnais, je suis le premier à le reconnaître, c’est ce que dit Tariq que je soutiens dans ce qu’il dit. Oui, on aurait dû avoir un Français qui soit capable de le faire, c’est regrettable. Mais ne nous demandez pas aujourd’hui à nous qui faisons le HDH de répondre à cette question.
Stéphane Soumier : Tariq.
Tariq Krim : Je mettrais un petit bémol, parce que le rôle du Conseil d’État n’est pas de dire « vous pouvez utiliser Microsoft ou pas ». Son rôle est de dire « vous allez utiliser Microsoft donc vous devez, sous cinq jours, expliquer aux gens que les données vont possiblement être transitées aux États-Unis ». C’est de dire aussi « revoyez votre copie, vous devez repasser devant la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés ] » et c’est ce qu’il a fait.
Et sur la question de la sécurité, en fait on sait très bien que ce n’est pas vrai, c’était aussi le cas avec StopCovid, dès qu’on utilise des solutions techniques de haut niveau. J’ai plein d’amis, d’anciens collaborateurs qui travaillent maintenant chez Microsoft qui expliquent que dès que tu as un certain niveau de technicité, les ingénieurs de Microsoft ont accès aux clefs, aux données, donc on connaît l’hébergement on sait très bien que ce n’est pas vrai. Ce qu’on a découvert grâce à ça, c’est que les données, une fois qu‘elles sont chez Microsoft, elles sont protégées par l’hébergement, mais si des startups les utilisent, alors là c’est le flou artistique, on ne sait absolument pas ce qui va se passer.
Ce qui m’inquiète ce n’est pas la v1 du Health Data Hub, c’est la v5 , la v10, au fur et à mesure on va être dans une situation qui est…
Stéphane Soumier : Guy Mamou-Mani. OVH se sera mis au niveau. C’est très intéressant
Guy Mamou-Mani : Ce que je voudrais vraiment répondre à Tariq encore une fois, dans ce combat, parce que je partage un certain nombre d’arguments, mais simplement, regardez par exemple les sociétés qui ont été choisies pour sécuriser. On n’en parle pas du tout. Qui fait la sécurisation ?
Stéphane Soumier : Allez-y.
Guy Mamou-Mani : Ce sont des sociétés françaises, un outil qui s’appelle Wallix [10]. Vous avez Wavestone.
Stéphane Soumier : On connaît très bien Wallix, là aussi c’est un entrepreneur engagé pour la digitalisation de la Nation.
Guy Mamou-Mani : Bien sûr. Donc c’est vraiment la démonstration de la part de Stéphanie que si elle avait pu trouver une alternative, elle l’aurait fait. Encore une fois je reviens, je suis en désaccord juste sur ce point, la réversibilité est tout à fait envisageable et tout a été conçu pour pouvoir avoir cette réversibilité. Et c’est là que je dis que ça me dépasse, après ce sont des problèmes politiques — à part que je travaille sur le CoData quand même, pour ne pas attendre. Si les politiques permettent ce que tu as dit, volontiers, on est open.
Stéphane Soumier : Ah ! Il est vendeur.
On est au bout de ce débat les amis, mais Guy ce qu’a dit Tariq au début m’a heurté et puis, en réfléchissant, évidemment il a raison. C’est-à-dire la comparaison avec les codes nucléaires, avec le militaire, c’est justement ce que je ne voulais pas faire. Et en même temps, en vous écoutant, je me dis que s’il avait fallu, par exemple, un centre d’hébergement pour des données militaires, pour des données d’entraînement, pour des choses comme ça, à aucun moment l’idée même que ça puisse être sur des serveurs américains n’aurait été émise.
Guy Mamou-Mani : Excusez-moi.
Stéphane Soumier : Je vous en prie, allez-y.
Guy Mamou-Mani : Il y a un service qui a réfléchi, qui a travaillé avec Palantir [11]. Et là franchement Palantir n’est pas Microsoft.
Stéphane Soumier : Palantir c’est l’antre du complotisme. Si vous voulez être complotiste, citez Palantir dans une discussion et vous êtes tranquille.
Guy Mamou-Mani : Je ne suis pas du tout dans le complotisme, je dis juste que Microsoft ce n’est quand même qu’un fournisseur d’infrastructure, il ne faut pas exagérer non plus. Ce n’est pas du tout un GAFA comme les autres.
Tariq Krim : Mais !
Stéphane Soumier : Laissez parler Tariq trente secondes.
Tariq Krim : Le plus grand projet de cloud de l’histoire, c’est le cloud de la digitalisation du Pentagone qui va être opéré par Microsoft. Combien de serveurs de Microsoft seront sur le territoire européen ? Aucun. Donc quand c’est très important, ils savent complètement fermer. Aujourd’hui on est un système où on n’est pas capable de fermer et comme on n’est pas capable de fermer ces données, il faut le faire avec des acteurs français.
Stéphane Soumier : Un mot de conclusion.
Guy Mamou-Mani : Je réponds à Tariq : trouve-nous la solution. Vas-y. En plus avec l’expérience, le passé que tu as, tu es bien placé.
Tariq Krim : Est-ce que tu peux travailler par exemple avec quelqu’un comme Octave Klaba ? C’est-à-dire que même si tu es partner Microsoft est-ce que tu pourrais travailler avec lui ?
Stéphane Soumier : Merci pour cette conclusion.
Guy Mamou-Mani : OVH est un des composants de CoData. C’est pour te dire. Je ne peux pas te répondre mieux
Stéphane Soumier : Merci les amis. Merci Guy Mamou-Mani, Tariq krim. On marque une pause. B SMART continue.