Richard Stallman [1] : People have a tendancy to be very scared of terrorists and not so scared of cars. But cars are a much bigger danger. The US declares war on terrorism. The cars have been killing thousands of Americans and still we don’t have a global war on cars. People are bad judges of how important various dangers are.
Les gens ont tendance à avoir très peur des terroristes et non des voitures. Mais les voitures sont bien plus dangereuses. Les États-Unis ont déclaré la guerre au terrorisme. Les véhicules ont tué des milliers d’Américains et pourtant aucune « guerre totale » à la voiture n’a été déclarée. Les gens jugent mal les différents dangers qui les menacent.
Véronique Bonnet, professeur de philosophie, ex-présidente de l’April : L’informatique, si on n’y prend pas garde, peut être une façon d’être soi-même utilisé.
Laurent Séguin [2] : L’informatique, c’est de l’intelligence humaine, mise dans des machines, pour rendre service à l’humanité.
Pierre Boudes [3] : C’est du même ordre que l’invention de l’écriture ou que l’invention de la monnaie.
Jean-Baptiste Kempf [4] : L’informatique, c’est compliqué, parce que, en fait maintenant, il n’y a pas de limites à l’informatique. Tout ce qu’on fait aujourd’hui, c’est de l’informatique.
Pierre-Yves Dillard [5] : C’est quelque chose qui est partout, qui est indispensable, et même qu’on oublie, parce que ça fait partie du quotidien. Tout un chacun parle d’informatique, mais sans connaître vraiment la réalité derrière.
Grégory Bécue [6] : Il n’y a pas une activité, il n’y a pas une famille qui, aujourd’hui, n’utilise pas l’informatique. C’est dans toutes nos vies. Ça représente aussi, pour certains, vraiment un risque et je pense que c’est important de le contrôler.
Frédéric Couchet, délégué général de l’April : C’est essentiel de savoir qui contrôle ce développement, parce que qui contrôle les outils contrôle nos usages aujourd’hui.
Pierre-Yves Gosset, codirecteur de Framasoft : Les cinq plus grosses capitalisations mondiales aujourd’hui sont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Ça veut bien dire que le numérique, aujourd’hui, dirige la planète.
François Pellegrini [7] : Ça je vais en parler, tiens ! L’informatique existe grâce au logiciel. Le logiciel a joué le même rôle et joue le même rôle, pour la révolution numérique, que la machine a joué pour la révolution industrielle. Il en est le moteur et l’objet.
Quand on a commencé à faire les premières machines, les machines à vapeur, on a pu extraire plus de charbon et plus de minerai de fer pour faire plus de machines, qui ont servi à extraire encore plus de charbon et plus de minerai de fer pour faire encore plus de machines, et ainsi de suite… La machine a créé la machine et, partant de là, deux siècles et demi après la révolution industrielle, on est dans une société dans laquelle on délègue la majorité de nos actions physiques à des machines. On se déplace avec des machines, on lave son linge avec des machines, on fait la cuisine avec des machines... On a donc étendu le pouvoir d’action de notre corps, parce que quand je bouge une pelle, j’enlève un décimètre cube de terre ; quand je bouge un levier d’une pelleteuse, ce sont vingt mètres cubes que je prends d’un coup.
Avec la révolution numérique, nous sommes exactement dans le même processus de réactions en chaîne, nous sommes en train de déléguer de plus en plus de nos processus intellectuels à des logiciels qui s’exécutent sur des ordinateurs.
Pierre-Yves Gosset : Pour moi, un ordinateur est, avant tout, une sorte de machine à calculer. Suivant le niveau de puissance et le niveau d’évolution de cette machine à calculer, on va pouvoir lui demander d’effectuer un nombre d’actions qui peuvent être plus complexes, évidemment, que addition, soustraction, multiplication, etc.
Lorsqu’on prend cette base-là, de « machine à calculer » entre guillemets, et qu’on lui adjoint un certain nombre d’accessoires – un écran, un clavier, etc. – ça devient finalement un outil avec lequel nous, êtres humains, pouvons interagir.
Pierre Boudes : Un ordinateur, c’est un téléphone, c’est une montre, c’est une machine à laver. L’ordinateur peut se déguiser un petit peu pour terminer dans le frigo, dans le micro-ondes.
Laurent Séguin : Nous sommes entourés d’ordinateurs tout le temps et on ne s’en rend pas compte. Pour qu’un ordinateur puisse faire les tâches pour lesquelles on l’a prévu, il lui faut du code informatique qui s’appelle du logiciel.
Le logiciel
Pierre-Yves Gosset : C’est ce qui va faire l’interface entre les besoins de l’utilisateur, c’est-à-dire la personne qui est derrière le clavier, et l’ordinateur qui, lui, ne sait que calculer.
Magali Garnero, présidente de l’April : L’ordinateur étant une machine, il ne communique que par des 0 et des 1, et moi je ne sais pas communiquer par des 0 ou des 1, donc je ne suis pas du tout apte à communiquer avec un ordinateur. Le logiciel c’est l’intermédiaire, c’est ce qui traduit ce que je veux, mais ce sera par le calcul de l’ordinateur derrière.
Marie Duponchelle, avocate : Vous avez un logiciel derrière tout. Un système d’exploitation, c’est un logiciel ; un système de traitement de texte, c’est un logiciel. C’est ce qui a été créé, par le développeur, pour vous permettre de faire ce que vous faites en informatique.
Pierre-Yves Gosset : Le logiciel lui-même est composé de lignes de code, en gros une recette de cuisine qui permet de dire « si, à tel moment l’utilisateur fait ça, toi tu dois faire ça en tant qu’ordinateur ». Ce sont ces lignes de code, cette recette de cuisine, qui permettent d’interagir avec les ordinateurs.
Laurent Séguin : On vous donne un logiciel qui est fini, mais comment a-t-il été fabriqué ? Comment peut-on regarder chaque ingrédient, quelle est sa proportion ? Eh bien c’est le code source.
Le code source
Magali Garnero : Le code est à la base de tout.
Pierre-Yves Dillard : Le code source d‘un logiciel c’est ce que le développeur va directement coder sur son clavier, c’est directement le programme, les programmes qui sont utilisés pour construire un logiciel.
Frédéric Couchet : Quand nous faisions nos études, nous avons appris la physique, nous avons eu des heures et des heures de physique, pourquoi ? Parce que le monde est physique, donc il était important de comprendre les principes de la physique pour comprendre le monde.
Aujourd’hui, il est important de comprendre le code, comment ça fonctionne, pas forcément pour devenir informaticien, mais, comme le monde est devenu informatique, comprendre le code, comprendre les logiciels, comprendre l’informatique nous permet de comprendre ce monde-là.
Pierre Boudes : Typiquement, le grand public ne voit pas le code source. Même si on commence à initier les enfants à la programmation et qu’on augmente la culture générale sur ce qu’est la programmation dans la population, ça représente très peu de personnes au courant de la façon dont on produit du logiciel.
François Pellegrini : Le code source s’exprime dans un langage informatique parce que les langages humains ne convenaient pas pour discuter avec les ordinateurs. Les langages humains ont cette capacité magnifique d’être ambigus, ce qui permet les quiproquos dans les pièces de vaudeville, mais qui est très embêtant quand on fait tourner une centrale nucléaire ou une fusée. Quand vous cherchez à définir un processus pour être exécuté par un ordinateur, il est inacceptable qu’il soit compris et exécuté de deux façons différentes sur deux ordinateurs différents.
Pierre-Yves Gosset : Lorsque vous lancez un logiciel qui vous permet, par exemple, de regarder un film, ce sont des millions, des milliards de calculs qui s’effectuent, mais, pour vous, ils vous affichent tout simplement une interface graphique qui vous permet d’appuyer sur « lecture » et qui vont lancer la lecture de votre film.
Laurent Séguin : Au tout début de l’informatique, dans les années 40 et 50, ce qui coûtait très cher c’était le matériel, les machines. Donc le code, le logiciel qui faisait tourner ces machines, ces ordinateurs, était libre, parce qu’on ne s’était même pas posé la question de savoir si c’était libre ou pas libre. À partir du moment où on était informaticien, on partageait le code avec les autres informaticiens.
Pierre Boudes : Jusqu’au jour où des entreprises ont commencé à faire du profit avec du logiciel et à vouloir masquer les codes sources.
Logiciel libre – Logiciel non libre
Magali Garnero : Contrairement au logiciel libre où on donne le code source, le logiciel propriétaire le garde pour lui. Donc il en reste propriétaire.
Richard Stallman : Free software means that the users control the program.
The other case is propriatary software which means the program controls the users and the owner controls the program.
Dans le cas du logiciel libre, l’utilisateur contrôle le programme. L’autre cas est celui du logiciel propriétaire [ou privateur] qui signifie que le programme contrôle l’utilisateur et que l’éditeur contrôle le programme.
Pierre-Yves Gosset : Quand on parle de logiciel libre, ce n’est pas le logiciel qui est libre, c’est l’utilisateur qui l’est.
Frédéric Couchet : Stallman a défini ces quatre libertés fondamentales : utilisation, étude, modification, redistribution. Pour lui c’est, quelque part, une définition politique de ce que devraient être les libertés fondamentales par rapport au logiciel.
Richard Stallman : Freedom 0 is the freedom to run the program as you wish for any purpose.
Freedom 1 is the freedom to study the program source code and change it, so it does your computing activity the way you wish.
Freedom 2 is the freedom to make exact copies of the program as you got it and give them or sale them to others when you wish.
And freedom 3 is the freedom to make copies of your modified versions and give them or sale them to others when you wish.
La liberté 0, c’est la liberté d’utiliser le logiciel pour n’importe quelle utilisation.
La liberté 1, c’est la liberté d’étudier le code source du programme et de le modifier afin que l’ordinateur réagisse comme vous le voulez.
La liberté 2, c’est la liberté de faire des copies du programme, de les donner ou les revendre sans contrepartie.
La liberté 3, c’est la liberté de faire des copies de vos modifications et de les donner ou les revendre sans contrainte.
Laurent Séguin : C’est ça la différence entre logiciel libre et non libre, c’est que dans le logiciel non libre, on vous interdit de faire tout ça. On vous enlève ces libertés-là.
Richard Stallman : So, for instance, if you have a recipe, you’re free to cook it, whenever you wish for whatever purpose. You’re free to change it too, and it’s normal to make copies of recipes to give it to your friends. If you change the recipe, you can write down your changes and give that to your friends. Strictly speaking it’s forbidden by copyright law, but cookers all do it anyway.
Imagine if they were starting to stop people from giving copies of recipes to their friends. Imagine if you could’nt read and understand the recipe.
Imagine if you had a robot chef, and it executed recipes that you couldn’t read and you couldn’t tell what ingredients it was using and you couldn’t change them.
Imagine if you had to get permission every time you wanted to use the recipe, and you would be demanded to know who is going to eat it.
Par exemple, si vous avez une recette de cuisine, vous êtes libre de la cuisiner quand vous le souhaitez, pour n’importe quelle occasion. Vous êtes également libre de la modifier. Il est normal de faire des copies de cette recette et de les donner à vos amis. Si vous changez cette recette, vous pouvez écrire les modifications et les transmettre à vos amis. En réalité, c’est interdit par la loi du copyright, mais tout le monde le fait.
Imaginez qu’on tente d’interdire ces échanges de recettes entre amis. Imaginez que vous ne puissiez plus lire, ni comprendre ces recettes.
Imaginez avoir un robot cuisinier qui exécuterait des recettes auxquelles vous n’auriez pas accès, des recettes dont les ingrédients vous seraient inconnus et que vous ne pourriez pas changer.
Imaginez avoir à demander la permission à chaque fois que vous voulez utiliser une recette avec obligation de déclarer qui mangera le plat cuisiné.
Pierre-Yves Gosset : Le fait d’avoir accès à la recette de cuisine change absolument la façon qu’on a d’interagir et de construire le monde logiciel d’aujourd’hui et de demain. La liberté de pouvoir, à un moment donné, intervenir sur le code du logiciel est une liberté qui est importante dans le fait de faire en sorte que ces outils correspondent aux citoyens et non pas au marché tel qu’il est pensé par une entreprise.
Frédéric Couchet : Microsoft Office, par exemple, est un logiciel où vous avez une liberté d’utilisation très restreinte, parce que, en fait, vous achetez généralement une licence pour un usage personnel. Si vous voulez l’utiliser sur plusieurs postes, vous achetez une licence pour plusieurs postes ; vous n’avez pas le code source, vous ne pouvez donc pas étudier le code source, vous ne pouvez pas le modifier.
Pierre-Yves Gosset : Le fait d’avoir accès à ce code source va nous permettre de pouvoir regarder ce que fait ce logiciel. En nous autorisant, en plus, à copier et à reprendre un certain nombre de parties nous évite d’avoir systématiquement à tout recoder. Nous allons pouvoir l’adapter à nos besoins d’utilisateurs et non pas au marché présupposé par une entreprise qui va dire « je pense que vous avez besoin d’un logiciel qui fasse ça, ça et ça ».
Grégory Bécue : Aujourd’hui, quand vous utilisez un logiciel propriétaire, vous êtes, quelque part, pieds et poings liés avec ce logiciel propriétaire.
Richard Stallman : Things like Windows or MacOS and parts of Android, does it respect your freedom or does it give somebody else power over you ?
Des systèmes comme Windows, MacOS et certaines parties d’Android respectent-ils vos libertés ou donnent-ils à quelqu’un d’autre du pouvoir sur vous ?
Magali Garnero : Avec le temps, Stallman s’est rendu compte qu’on pouvait faire une distinction plus importante en disant « privateur », c’est-à-dire que ce logiciel qui garde le code source pour lui, il vous prive de vos libertés.
Grégory Bécue : Effectivement, un logiciel propriétaire est par définition un logiciel privateur de libertés. C’est de là que l’on caractérise aussi la notion de logiciel libre.
Magali Garnero : La liberté de l’utilisateur est plus importante que la rentabilité, l’économie ou ainsi de suite. C’est toujours l’utilisateur qui va être prioritaire.
Frédéric Couchet : Si un jour, pour un logiciel privateur, un éditeur décide d’arrêter telle version du logiciel, personne, derrière, ne peut le reprendre, parce que personne n’a le droit de le faire, vu qu’il n’a pas le code source.
Grégory Bécue : Microsoft Money, par exemple, un logiciel de gestion de comptes personnels, logiciel phare de Microsoft a, quelque part, fermé il y a maintenant quelques années. Du jour au lendemain Microsoft change sa politique d’édition, décide que c’est un logiciel qui n’est plus rentable – ce n’est même pas l’entreprise qui fait faillite, ce n’est pas un problème technique, c’est un changement de politique – et, du jour au lendemain, vous avez des utilisateurs qui ont utilisé ce logiciel pendant des années, des fois des décennies, qui se retrouvent, quelque part, le bec dans l’eau, sans pouvoir utiliser leurs données.
Marie Duponchelle : Le droit à l’interopérabilité, l’échange mutuel des données, est un droit pour le consommateur que l’on doit faire prévaloir et que l’on doit mettre en œuvre.
Pierre-Yves Gosset : On se heurte là à une vraie différence de fond entre le logiciel libre et ce qu’on appelle le logiciel propriétaire ou logiciel privateur. Ce sont, d’un côté, des logiciels qui visent à être utiles aux utilisateurs et, d’un autre côté, des logiciels qui visent à répondre à un marché.
Laurent Séguin : Il n’y a que le logiciel libre qui permet de garantir qu’un logiciel ne fera pas de mal à ses utilisateurs. Pour un logiciel non libre, on ne sait pas ! Peut-être, peut-être pas !
Pierre-Yves Gosset : Le logiciel libre porte des valeurs éthiques et sociales et, dans ces valeurs sociales, la notion de communauté et de solidarité est importante. Richard Stallman, le fondateur du mouvement du logiciel libre, a souvent tendance à dire lorsqu’il commence ses conférences en français : « Je puis définir le logiciel libre en trois mots ».
Richard Stallman : Liberté, Égalité, Fraternité.
Pierre-Yves Gosset : D’habitude, la salle se lève en liesse et applaudit.
Richard Stallman : « Liberté », because a free program respects the freedom of its users.
« Égalité », because a free program doesn’t give one person power over another.
« Fraternité » because we encourage users to cooperate.
Liberté, parce qu’un logiciel libre respecte la liberté de ses utilisateurs.
Égalité, parce qu’un logiciel libre ne donne à personne de pouvoir sur une autre personne.
Fraternité, parce que les utilisateurs sont encouragés à coopérer.
Pierre-Yves Gosset : Ce triptyque, Liberté, Égalité, Fraternité, en dehors du fait qu’il nous touche parce que nous sommes Français, a cet avantage de ne pas exclure, justement, le côté fraternité. Ce n’est pas qu’un mouvement technique, c’est aussi un mouvement social ; ce mouvement social se traduit essentiellement au travers des communautés.
Les communautés
Richard Stallman : Free software is software that respects the users’freedom and community.
Un logiciel libre respecte la liberté des utilisateurs et de la communauté.
Pierre-Yves Gosset : Un logiciel libre est un bien commun. Un bien commun, c’est une ressource qui est gérée collectivement par une communauté qui décide des règles de gestion de cette ressource. Cette communauté va décider de comment ce logiciel doit fonctionner. On va donc devoir discuter les uns avec les autres pour savoir si on veut que cette fenêtre-là s’affiche comme ci ou comme ça, qu’elle soit plus grande ou plus petite.
Henri Verdier [8] : La culture la plus dense, la plus vibrante, la plus étoffée, c’est quand même souvent dans les communautés du logiciel libre. D’abord, ce sont des grands collectifs qui ont une certaine exigence, y compris à cause de leur culture de documenter, de dialoguer, de se proposer des versions différentes des logiciels, de décider lequel est le meilleur avec des arguments rationnels.
Emmanuel Raviart, développeur logiciel libre : Prenons l’échange d’idées : « Regarde-la, compare-la, améliore-la, fais ta variante ». Finalement, on ne va retenir que la meilleure. C’est une coopétition entre les différents projets, c’est-à-dire une coopération compétitive.
Henri Verdier : Ce sont des communautés qui ont une sorte de maturité, d’intelligence du code et de l’usage. On sent bien qu’il y a quelque chose à jouer avec toutes ces communautés-là.
Emmanuel Raviart : Et tous ensemble, on devient bien plus intelligents parce qu’on s’appuie les uns sur les autres, on s’entraide, on se concurrence et on progresse très vite.
Grégory Bécue : Vingt-cinq mille contributeurs, comme c’est le cas de la communauté Drupal [9], apportent et, au final, vont toujours créer un logiciel de meilleure qualité et plus important, plus mature, qu’une dizaine d’informaticiens qui vont créer un logiciel propriétaire.
Frédéric Couchet : Les modifications, les rajouts de fonctionnalités, les corrections de bogues ne dépendent pas du choix d’un seul éditeur qui a ses propres critères économiques, mais dépendent simplement de l’ensemble des développeurs ou de l’ensemble des gens qui ont les capacités techniques à rajouter des fonctionnalités utiles.
Pierre-Yves Gosset : Il y a une énorme différence avec les communautés de Photoshop, par exemple, qui est un logiciel extrêmement connu, sur lequel on va trouver des milliers de forums sur Internet, avec des centaines de milliers d’utilisateurs qui débattent de comment bien utiliser ce logiciel, mais ils n’ont aucun pouvoir sur l’évolution du logiciel.
Richard Stallman : The users of proprietary softwares are totally helpless, totally defenceless and totally downtreated and resigned to be mistreated.
Les utilisateurs des logiciels propriétaires sont abandonnés à leur sort, sans défense, opprimés et résignés à être maltraités.
Pierre-Yves Gosset : L’idée du logiciel libre est de dire que la communauté, derrière, va pouvoir influer beaucoup plus largement sur la façon doit évoluer ce logiciel, avec une chose assez claire qui est la possibilité de ce qu’on appelle forker un logiciel.
Laurent Séguin : Faire une fourche, en français, fork, en anglais.
Pierre-Yves Gosset : Et dire : « Je ne suis pas d’accord avec la direction que prend ce logiciel, je vais donc en faire un nouveau basé à 100 % sur le logiciel original. Je le copie, je le colle et je lui fais prendre une autre route. »
Après, il y a un problème de compétences, on est d’accord. Tout le monde n’est pas en capacité de développer un logiciel, de rajouter des fonctionnalités à un logiciel. Mais, d’abord, ça ouvre une porte qui est de dire que c’est possible et, ensuite, ça permet de reporter sur d’autres,justement, la capacité d’action sur ce logiciel.
Jean-Baptiste Kempf : C’est comme en démocratie. En démocratie, vous n’allez pas vérifier le compte de tous les bureaux de vote. Vous faites confiance à des assesseurs, vous faites confiance à d’autres citoyens qui sont allés vérifier. Il y a un contrôle mutuel de plusieurs personnes, donc, globalement, vous faites confiance au résultat. Là c’est la même chose : vous ne vérifiez pas que le logiciel est parfait, a été fait comme ça. Par contre, vous pouvez faire confiance à une communauté d’informaticiens, qui sont de plus en plus nombreux aujourd’hui, qui comprennent le code et qui sont capables de vous dire que le logiciel que vous êtes en train de faire tourner sur votre machine est bien la recette que vous avez. Et, de la même façon, vous pouvez demander à quelqu’un d’autre de faire les modifications que vous voulez.
Magali Garnero : Dans cette communauté, il y a toujours plein de gens qui vont aller auditer ces codes sources, ces logiciels ou ces services sur Internet. Même si moi je ne peux pas le faire, il y aura quelqu’un qui pourra le faire et il y aura quelqu’un qui va le faire et ce sera fait de manière transparente.
Pierre-Yves Gosset : Je ne suis pas comptable, mais je trouve important de savoir que les comptes de la Nation sont publics. Le fait que je n’aille pas, moi, regarder combien a coûté ce rond-point, ne m’empêche pas de vouloir et de militer pour que ces chiffres soient rendus publics.
Véronique Bonnet : Ça veut dire qu’il y a la vigilance des communautés pour ceux qui ne sont pas informaticiens.
Pierre Boudes : Il existe des communautés d’utilisateurs, qui ne sont pas des développeurs, mais qui participent pleinement au développement du logiciel libre en remontant soit des bogues, des demandes d’améliorations, soit des nouveaux besoins, des demandes d’adaptation d’ergonomie ou de nouvelles façons de faire fonctionner le logiciel.
Pierre-Yves Gosset : On en vient, finalement, à comment on passe d’une société de la consommation où je prends mon logiciel, il est comme ça et je ne me pose pas de questions, à une société de la contribution où, même si ce n’est pas moi qui contribue je sais que, potentiellement, chacun va pouvoir contribuer, apporter sa pierre à l’édifice.
Si on veut, à un moment donné, ne pas avoir une société qui soit complètement à deux vitesses avec, d’un côté, ceux qui vont maîtriser le numérique et ceux qui seront, finalement, les prolétaires du numérique, il va falloir pouvoir les rapprocher.
Frédéric Couchet : On est vraiment à une frontière, je pense, à un moment où on peut tourner vers un monde de partage, de transparence, de respect de la vie privée, ou alors où on peut aller vers un monde de plus en plus compliqué, justement pour cette vie privée-là.
Le rôle de l’école est essentiel là-dedans. Il est essentiel qu’on enseigne aux enfants à comprendre ce monde-là et à trouver les réponses les plus adaptées.
L’Éducation nationale
Magali Garnero : Microsoft a offert 13 millions de logiciels [13 millions d’euros, NdT] à l’Éducation nationale [10]. Enfin, là ce n’est pas un contrat, c’est du mécénat !
Pierre-Yves Gosset : On n’a pas vu venir qu’ils détourneraient la question des appels d’offres et des marchés en proposant, finalement, du mécénat.
Magali Garnero : Les enfants vont être formés aux produits de Microsoft. Là c’est sûr, quand ils quittent l’école, ils vont continuer à utiliser les produits Microsoft.
Frédéric Couchet : Le but de Microsoft, ce n’est pas d’apprendre l’informatique aux gens. Pour apprendre l’informatique, il faut apprendre l’informatique globale, il faut apprendre la diversité et rien de mieux, pour ça, que le logiciel libre. Le but de Microsoft c’est de créer des clients captifs.
Laurent Séguin : Le fait de laisser rentrer l’industrie du logiciel à l’école, c’est un peu comme le dealer de drogue : la première dose est gratuite.
Frédéric Couchet : Elle va être gratuite, parce qu’il sait qu’il va créer un utilisateur captif, un consommateur captif qui, ensuite, va continuer à payer.
Richard Stallman : Teaching people proprietary software is spreading dependance. It’s contrary to the mission of the school, the school must never do this. And besides, teaching students to use propriatary software is like teaching them to use addictive drogs such as tobacco.
Enseigner aux gens le logiciel propriétaire, c’est enseigner la dépendance. C’est contraire à la mission de l’école. L’école ne doit jamais faire ça. Qui plus est, apprendre aux élèves à utiliser des logiciels privateurs, c’est comme leur apprendre à consommer une drogue addictive comme le tabac.
Magali Garnero : Dans certains collèges, des tablettes ont été distribuées et ce sont des tablettes Apple !
Pierre-Yves Gosset : Ils peuvent se permettre de mettre 13 millions d’euros sur la table, parce qu’ils savent qu’ils vont les récupérer dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans.
Magali Garnero : C’est tragique, parce que c’est de l’enfermement technologique.
Jean-Baptiste Kempf : À l’Éducation nationale, par exemple, on n’a aucune raison, notamment quand on est jeune, de commencer sur un Windows, sur Internet Explorer et Word. Notamment pour des gens qui n’ont pas le bagage de 30 ans d’habitude des logiciels propriétaires, il n’y a aucune raison de les forcer à utiliser du logiciel propriétaire !
Richard Stallman : This is part of the mission of educating people to be citizens of a society that is strong, capable, independant, cooperating and free.
Cela fait partie de la mission d’éduquer les populations afin d’en faire des citoyens d’une société forte, capable, indépendante, coopérante et libre.
Laurent Séguin : Il y a l’école de la liberté et il y a l’école des esclaves. L’école de la liberté apprend aux enfants à réfléchir et à penser par eux-mêmes, donc, à partir de là, oui, il leur faut du logiciel libre. L’école des esclaves c’est leur apprendre à faire un métier, uniquement ce métier-là, et ne pas réfléchir au-delà. Ce n’est pas la même école et ce ne sont pas les mêmes besoins derrière.
Véronique Bonnet : C’est vrai que là y a un paradoxe très fort. Comme son nom l’indique, je pense que l’Éducation nationale a pour vertu de conduire quelqu’un à l’écart. Ducere veut dire conduire, « ex », au-dehors. Éduquer, c’est amener quelqu’un à l’écart de ses préjugés, à l’écart de ses évidences immédiates pour lui faire adopter un recul critique. Microsoft ne cherche pas nécessairement à amener les utilisateurs à un recul critique.
Frédéric Couchet : Quand, dans des choix politiques, on ne met pas les moyens financiers là où il faut, c’est-à-dire notamment dans l’éducation, on est obligé de sous-traiter à des acteurs privés qui ont beaucoup d’argent et qui sont effectivement prêts eux, à « donner », entre guillemets, beaucoup de choses.
Henri Verdier : La plupart des électeurs, semble-t-il, se prononce pour qu’il y ait une baisse du nombre de fonctionnaires. Ça se sent partout, dans toutes les dimensions de l’action publique.
Frédéric Couchet : Le problème ne vient pas de Microsoft ou de Google. Il vient avant tout des pouvoirs publics qui ont fait le choix, effectivement, de ne pas investir sur une informatique, on va dire, réellement citoyenne.
Henri Verdier : J’aime beaucoup prendre la métaphore de la laïcité, parce que je me souviens aussi que pour la IIIᵉ République, la laïcité, ce n’est pas seulement la neutralité devant toutes les opinions, ça va un peu plus loin. Pour Jules Ferry et ses amis, c’était aussi l’idée qu’il fallait émanciper tous ces jeunes gens et ces jeunes femmes qu’on éduquait en les exposant au maximum possible d’idées pour qu’ils fassent le choix le plus libre et le plus éclairé possible quand ils seraient adultes. Il y avait donc une sorte de vision assez active de la laïcité qui était : je cultive, je prépare et je travaille mon jugement et, ensuite, je suis un citoyen émancipé et je prends des bonnes décisions en mon âme et conscience.
Pierre-Yves Gosset : Ça pose quand même la question – encore une fois une question de société – qui est celle de l’école républicaine où les marques, normalement, n’ont pas lieu d’être. L’école a beau être laïque, ça reste un lieu différent – j’allais dire sacré – où le monde économique, normalement, n’a pas sa place. On n’a pas une cantine McDonald’s et, même dans les cantines qui sont, malheureusement, quasiment toutes fournies par Sodexo ou autres, on n’a pas un gros logo Sodexo quand les enfants rentrent.
Par contre, quand ils vont au CDI, dans leur salle de classe ou lorsqu’ils allument une tablette en cours, ou lorsque l’enseignant allume son tableau numérique, un énorme logo Windows apparaît pendant 20 secondes, 10 fois, 20 fois par jour, devant les yeux des enfants, tous les jours, pendant qu’ils sont à l’école. Et cela, à priori, ne semble choquer personne, notamment pas le ministère de l’Éducation nationale qui dit : « De toute façon nous n’avons pas le choix, il y a des solutions Microsoft, il y a des solutions Apple et vous, le logiciel libre, vous n’êtes pas en capacité de lutter et de proposer des solutions face aux solutions de Microsoft, d’Apple et maintenant de Google qui arrive en force à l’école. »
Magali Garnero : On a un gouvernement, plusieurs même, qui favorisent des grosses entreprises, donc un seul interlocuteur, plutôt que de favoriser des logiciels libres, et là il y aurait plein d’interlocuteurs selon les besoins.
Henri Verdier : C’est vrai que l’État acheteur ne s’empresse pas forcément d’acheter infiniment de logiciels libres. Le logiciel libre a moins de visiteurs commerciaux, moins de marketing, moins de budget de com’.
Pierre Boudes : Il y a beaucoup de lobbying en matière de logiciel propriétaire, notamment directement chez les conseillers, dans les cabinets, dans les ministères.
Frédéric Couchet : Quand vous avez les lobbyistes de Microsoft qui sont cul et chemise avec les membres des cabinets ou les ministres, derrière, évidemment, c’est difficile de lutter.
Magali Garnero : Je trouve ça dommage, car plutôt que de faire travailler des entreprises françaises, locales, avec des gens proches de chez nous, on va favoriser des grosses entreprises américaines, qui ont leur siège en Irlande et qui ne payent pas d’impôt en France.
Pierre-Yves Gosset : Encore une fois, on est en train de déporter des compétences, des savoir-faire et surtout des contenus, y compris avec des données sensibles, privées, d’élèves qui sont mineurs et qui devraient être, à ce titre, protégés, aux États-Unis.
La sécurité
Pierre Boudes : Quand on en vient au domaine de la sécurité, le logiciel libre est bien meilleur parce que le code source est auditable. On peut le lire, il a été lu, il a été lu de nombreuses fois, par des tas de personnes, dans des processus d’amélioration continue.
Magali Garnero : Auditer un code, c’est comme auditer une entreprise : on arrive, on regarde comment c’est et on fait un compte-rendu sur ce qui va, ce qui ne va pas, qui il faut virer, qui il ne faut pas virer, et ainsi de suite. Pour un logiciel c’est pareil : on regarde, on teste, on balance des tests automatiques, on regarde s’il n’y a pas des failles, si ce sont des failles connues, pas connues, et on dit ce qu’on voit.
Pierre Boudes : La seule chance qu’ont les personnes qui font du logiciel propriétaire, c’est le fait que personne ne sache comment ça fonctionne exactement et que, du coup, par obscurantisme du fonctionnement, on masque les failles qui existent dans le logiciel, mais que seul le constructeur connaît.
François Pellegrini : On a vu que, dans le monde du logiciel privatif, des failles qui avaient été annoncées sont restées béantes pendant six mois, huit mois, parce que l’entreprise éditrice ne publiait pas le correctif en question.
Laurent Séguin : Il y a des failles de sécurité qui sont connues dans Internet Explorer, dans Windows, et qui ne sont toujours pas corrigées par Microsoft.
François Pellegrini : Ce qu’on a pu voir aussi dans des équipements réseaux, c’est que quelqu’un a donné à l’entreprise une information en disant « là, il y a une faille », et les gens ont dit « oui, on va la corriger » et, en fait, ils ne l’ont pas corrigée, ils ont mieux caché la faille dans la version suivante.
Ce qui explique que tout dispositif qui est mis sur le commerce est potentiellement porteur de failles, parce que les États qui sont derrière les entreprises, ou les entreprises elles-mêmes pour un certain confort de mise à jour, laissent béantes les portes-fenêtres du jardin, alors qu’on vous a installé une porte blindée avec 12⁓000 verrous sur votre porte principale.
Richard Stallman : But malicious fonctionnalities like this are common in proprietary software. We know of malicious fonctionnalities, including a universal backdoor in Windows starting in Windows XP.
Les fonctionnalités malveillantes de ce type sont monnaie courante dans les logiciels propriétaires. Dans Windows, nous connaissons des fonctionnalités malveillantes, y compris une porte dérobée universelle à partir de Windows XP.
Emmanuel Raviard : Une backdoor est une fonctionnalité non prévue dans un logiciel, qui permet de faire des choses à l’insu de son détenteur.
Richard Stallman : There are malicious functionalities in Mac OS, in the iThings in Android, in Flash Player and in new all operator portable phones. What we conclude is for proprietary software malicious fonctionnality is the norm.
Il y a des fonctionnalités malveillantes dans MacOS, dans les iTrucs, dans Android, dans Flash Player et dans la quasi-totalité des téléphones portables. On peut conclure que, pour un logiciel propriétaire, les fonctionnalités malveillantes sont la norme.
Henri Verdier : Si vous êtes très malin, vous pouvez cacher une backdoor dans un logiciel libre, c’est juste qu’il y a beaucoup plus de risques que les gens s’en rendent compte, parce qu’il y a plus de gens qui s’en servent, qui le triturent, qui le modifient.
Pierre-Yves Gosset : Et c’est quelque chose d’essentiel puisque ça permet, à ce moment-là, de vérifier que le logiciel ne fait pas des choses dans votre dos.
Véronique Bonnet : Ça évite de se confier à des logiciels qui exécutent des choses sans savoir exactement si, à notre insu, ils ne font pas intervenir aussi bien une surveillance, aussi bien une récolte de métadonnées, aussi bien des formes de contrôle qui, elles, relèveraient de l’hétéronomie, c’est-à-dire d’une forme de prise de pouvoir du dehors, par d’autres, sur nous.
Emmanuel Raviard : C’est aussi ça l’intérêt du logiciel libre, ça aide – ce n’est pas non plus la solution miracle parce qu’il y a aussi des backdoors dans les logiciels libres, mais qui sont juste plus difficiles à mettre en place – à détecter les backdoors, parce que, dans le code source, c’est un peu plus difficile de les cacher.
Pierre Boudes : Le diable se cache dans les détails, on le sait. D’ailleurs, il y a beaucoup de faiblesses, de trous qui ont été trouvés dans les logiciels libres. S’ils ont été trouvés c’est justement parce qu’il y a énormément de personnes qui auditent, regardent chaque détail et y passent vraiment du temps.
Produire du bon logiciel, sûr et sécuritaire, c’est-à-dire qui remplisse les fonctions qu’on attend de lui et qui ne fasse pas autre chose, n’ouvre pas la porte à des pertes de données, des vols de données, est extrêmement difficile. Les processus de production mis en place par le logiciel libre sont à peu près les seuls qui fonctionnent dans ce type de situation.
Pierre-Yves Gosset : Aujourd’hui, on n’a aucune assurance sur le fait qu’un logiciel propriétaire va respecter les données de ses utilisateurs. Il peut s’y engager dans sa façon d’afficher les conditions générales d’utilisation, les mentions légales, etc., mais vous n’avez pas de moyen de le savoir. Donc, la vie privée des utilisateurs est forcément une délégation de confiance. On fait confiance à Google ou on fait confiance au logiciel libre. Notre discours est de dire que vous ne pouvez pas avoir confiance dans Microsoft ou Google : on a un certain nombre d’arguments, d’expériences et de faits qui nous montrent que les données des utilisateurs sont récupérées, sont triées, servent, finalement, à profiler l’utilisateur, tout simplement parce que c’est le business modèle de ces entreprises et qu’elles ne s’en cachent pas.
Laurent Séguin : Ils prennent vos données et ils les partagent. Je n’ai pas de compte Facebook ; je n’ai pas envie que Facebook sache qui je connais. Sauf que les gens qui me connaissent ont mon numéro de téléphone et l’application Facebook connaît les numéros de téléphone qu’ils ont dans leur téléphone. Du coup, Facebook sait exactement qui je connais. C’est un vrai problème ! Même quand on ne veut pas y aller, les autres nous y mettent !
Jean-Baptiste Kempf : Juste avec du machine learning, avec un traitement important de données, il est possible de deviner des informations, qui sont parfois secrètes, sur vos proches. Bêtement, c’est très facile, pour Auchan ou Carrefour, de savoir quand une femme est enceinte.
Pierre Boudes : On aura des assureurs qui vont pouvoir, par exemple, faire varier leur prime d’assurance en fonction d’éléments de profil qui échappent à tout le monde : « il a été dans telle école quand il était jeune or, il y avait de l’amiante, donc, si je l’assure, il faut que je lui fasse payer plus cher ».
François Pellegrini : Effectivement, avec toutes les données qu’on va pouvoir avoir sur vous, par exemple en suivant la vitesse de déplacement de votre smartphone quand vous êtes censé conduire, on pourra savoir si vous êtes un conducteur nerveux ou pas nerveux. Partant de là, les gens peuvent vouloir dé-mutualiser le risque en proposant des offres qui soient adaptées à chaque profil de personne.
Véronique Bonnet : On remplace ce qui peut s’appeler la violence d’une répression politique, ou d’un agencement politique, par des formes technologiques qui ne sont pas soupçonnées de faire intervenir un rapport d’autorité, qui s’imposent aux individus en empêchant ce potentiel d’autonomie de se manifester parce que des outils, qui sont surdéterminés par d’autres, sont faciles à utiliser.
François Pellegrini : Comment savez-vous que l’application que vous avez téléchargée, que ce petit jeu amusant, gratuit, n’est pas en train de pomper votre carnet d’adresses pour l’envoyer à quelqu’un qui va revendre les données ? Ppppp... !
Pierre-Yves Gosset : C’est aussi une atteinte à la vie privée que de collecter des informations de façon extrêmement vaste tout simplement parce que, un jour, on a appuyé sur un bouton en téléchargeant une application type lampe de poche. On télécharge une lampe de poche sur un store d’applications, un magasin d’applications, que ce soit celui d’Apple, de Windows ou d’Android, donc de Google, et puis ça vous dit « cette application va accéder à vos contacts, aux SMS, etc. » Le plus souvent, la plupart des gens cliquent « oui » parce qu’ils veulent utiliser l’application lampe de poche, parce qu’ils ont besoin d’une lampe de poche là maintenant, tout de suite, donc ils ne vont pas se poser la question de savoir à quoi ça a vraiment accès. Une application lampe de poche ne devrait pas avoir accès à vos SMS et à vos contacts !
Magali Garnero : Quand je dis que j’ai besoin que mes données restent privées, c’est parce que ce sont mes données. Je n’ai pas envie qu’elles soient redistribuées par le cloud de Windows. Ce sont mes données à moi. Windows va récupérer nos données et faire ce qu’on appelle du ciblage. Ça va passer par une régie publicitaire et puis je vais recevoir de la pub. Alors, oui, je vais recevoir de la pub qui sera « ciblée » pour moi, par rapport à mes recherches, par rapport à mes achats, par rapport, soi-disant, à mes besoins. Mais pour moi cette publicité, quelle qu’elle soit, même si elle est ciblée, c’est intrusif. On rentre dans mon intimité.
Marie Duponchelle : Dans mon métier de tous les jours, ça m’embête énormément. J’ai une obligation de confidentialité des données qui sont sur mon ordinateur. Si j’installe quelque chose qui fait que, automatiquement, les informations sont transmises, eh bien je suis en violation de mon obligation de confidentialité.
Jean-Baptiste Kempf : Beaucoup de gens sont consommateurs de logiciels, et comment ça fonctionne ? Ce n’est pas important ! Et les données ? Je ne les contrôle pas !
Laurent Séguin : Les gens disent : « Je n’ai rien à cacher, je n’ai rien à me reprocher. »
Jean-Baptiste Kempf : J’aimerais bien avoir vos numéros de carte bleue et savoir quelle est la dernière fois vous avez couché avec votre femme. Vous n’avez rien à cacher ! Il n’y a pas de problème, vous pouvez me donner l’information ! Et puis, en fait, vous avez un problème de santé ? Un problème à l’estomac ? Une déficience génétique, etc. ? Je ne vois pas pourquoi vous ne le dites pas à votre employeur ou à votre mutuelle !
Laurent Séguin : Ce n’est pas parce qu’on n’a rien à se reprocher qu’on ne nous reprochera rien ! Ce n’est pas parce que vous n’avez rien à cacher que vous n’êtes pas une cible !
Pierre-Yves Gosset : Lorsqu’on se sait surveillé, on n’agit pas de la même façon. Si vous savez que quand vous tapez « comment tuer quelqu’un, comment enterrer ma femme » sur un moteur de recherche comme Google et que, potentiellement, cette recherche peut être enregistrée, surveillée, qu’elle peut lever une alerte dans un service quelconque, vous n’allez pas taper cette recherche. Alors que vous êtes peut-être scénariste d’une série et vous tapez cette recherche juste parce que vous voulez répondre à une question que vous vous posez. Ce n’est pas nécessairement que vous allez tuer et enterrer votre femme.
Véronique Bonnet : Priver quelqu’un de la possibilité de tenter des choses au-dehors, dans un espace intime qui est soit l’entre-soi, soit la philía, l’amitié, cette confiance qu’on fait à quelques-uns et pas aux autres, il y a une forme de régression.
Laurent Séguin : À partir du moment où tout est sur la place publique, où on n’a plus ce jardin secret à soi, on ne peut plus réfléchir, parce que c’est dans son jardin secret qu’on réfléchit, qu’on tient des raisonnements. Si on n’a plus de vie privée, on tombe dans une société qui s’atrophie. Un auteur [George Orwell] a écrit ça très bien, le livre s’appelle 1984. Je pense qu’il est très d’actualité.
Véronique Bonnet : Ça fait partie du droit de construction, par l’être humain, de lui-même. Il faut au moins donner une chance à l’être humain de tenter, pour se construire, quelque chose que les autres ne voient pas.
Jean-Baptiste Kempf : Même si vous considérez que vous, vous n’avez pas besoin de cette vie privée, parce que vous n’avez vraiment rien à cacher – je pense que c’est assez rare, mais peut-être qu’il y a 10 % des gens chez qui c’est vrai –, il y a des personnes qui ont besoin de ce droit à cette vie privée. Ce sont des militants, des homosexuels, transsexuels, ils ont des maladies, ils sont trisomiques. Il y a 40 ans, l’homosexualité était pénalisée en France !
Pour la même raison que vous allez vous vacciner, même si vous, vous n’en avez peut-être pas besoin, vous allez, en vous vaccinant, protéger des gens qui ne peuvent pas être vaccinés pour des raisons techniques et biologiques.
On a tous un droit à la vie privée, c’est important, et vous avez tous quelque chose à cacher.
Marie Duponchelle : Les gens qui installent aujourd’hui chez eux, de plus en plus, ce qu’on appelle des objets connectés, des caméras de surveillance, par exemple, avec des logiciels dedans, forcément, pour qu’ils puissent fonctionner, installent un système privateur et ne savent pas où vont leurs données. Tout le monde a quelque chose à cacher ! On n’a pas envie que quelqu’un regarde chez soi !, tout simplement.
Richard Stallman : « The software in the Amazon’s Swindle has several malicious functionalities. It spies on the user. Every so often it tells Amazon’s server the title of the book being read and what page. Even if the book didn’t come from Amazon ! That device spies on the users. It’s equiped with DRM.
Le logiciel dans la liseuse d’Amazon [Kindle que RMS appelle « Swindle », NdT] intègre des fonctionnalités malveillantes. Il espionne ses utilisateurs. À tout moment il envoie, sur les serveurs d’Amazon, le titre des livres lus et même les pages consultées, même si le livre n’a pas été acheté sur Amazon ! Cette machine espionne ses utilisateurs. Elle contient des DRM [Digital rights management].
Magali Garnero : En français, on a appelé les DRM les « Mesures Techniques de Protection », c’ezst-à-dire que c e sont des mesures qu’on a prises pour protéger le logiciel, le fichier, l’audio ou la vidéo qu’on a besoin de protéger. En gros, ça protège qui ? Sûrement pas l’utilisateur, mais plutôt l’éditeur ou la plateforme qui est derrière et ainsi de suite.
Jean-Baptiste Kempf : L’idée, en fait, du DRM, c’est d’empêcher les gens de faire une copie.
Richard Stallman : The way the DRM in the ebooks is enforced by the software in the amazon Swindle. It has a backdoor for remotly erasing books. In fact as an additional Orwellian act Amazon remotly erased thousand copies of a book, in 2009. It was « 1984 » by George Orwell.
Amazon can remotly erase any copie of any ebook in any Amazon Swindle. There is also a universal backdoor which allows Amazon to change the software remotly at any time. So any nasty thing that software does not do today it could do tomorrow ! Anyone of these things ought to be a crime and is intolerable.
Le logiciel de la liseuse Swindle [Kindle] permet de mettre en œuvre les DRM. Il contient une porte dérobée qui permet d’effacer à distance un livre électronique. D’ailleurs en 2009, véritable acte orwellien, Amazon a délibérément effacé des milliers de copies d’un livre ; c’était 1984 de George Orwell.
Amazon peut effacer n’importe quelle copie de n’importe quel livre de sa liseuse. Il y a aussi une porte dérobée qui permet à Amazon de modifier le logiciel à distance, à n’importe quel moment. Donc n’importe quelle chose néfaste que le logiciel ne fait pas aujourd’hui pourrait être faite demain. N’importe lequel de ces comportements devrait être considéré comme un délit et est inadmissible.
Marie Duponchelle : C’est véritablement une problématique, un enjeu de société : est-ce qu’on va accepter qu’une société, qu’une entreprise ou qu’un État nous surveille par le biais des logiciels qu’on installe ?
Pierre-Yves Gosset : Le contre-coup des révélations d’Edward Snowden [11], c’est quand même que ça a mis en valeur, au niveau mondial, cette surveillance généralisée, cette potentialité de pouvoir surveiller n’importe quel être humain sur la planète, grâce à la concentration de quelques silos de données. Ce qui a rendu possible, économiquement, cette surveillance généralisée, c’est le fait qu’il y avait très peu d’acteurs. S’il n’y avait pas eu neuf acteurs, mais s’il y en avait eu 90, ça aurait déjà coûté beaucoup plus cher à la NSA et s’il y en avait eu non pas 90, mais 900, ça aurait été quasiment impossible pour eux.
Henri Verdier : On pense qu’il y a des collusions entre un certain nombre de grandes entreprises et leurs pays d’origine. Je ne citerai pas de noms, mais on peut se demander si certaines grandes entreprises, très importantes pour l’économie de leur pays, n’ont pas elles-mêmes des accords avec les autorités de leur pays.
Laurent Séguin : Ce n’est pas supposé, c’est prouvé ! Il suffit de relire les révélations d’Edward Snowden. On sait que l’industrie du logiciel américain travaille pour les services de renseignement américains et leur facilite la vie.
La sécurité de L’État
Pierre-Yves Gosset : La sécurité des États est mise à mal aujourd’hui, notamment par une chose assez flagrante : les énormes silos de données dont on parle depuis tout à l’heure, les fameux GAFAM, notamment Google, Apple, Amazon, Facebook ou Microsoft, sont toutes des entreprises étasuniennes et quatre de ces cinq entreprises sont situées dans un petit carré de quelques centaines de kilomètres carrés, en Californie.
François Pellegrini : C’est pour ça que dans une stratégie de puissance, et qui exprime un désir de souveraineté numérique, la priorité au logiciel libre est une nécessité absolue.
Laurent Séguin : Un État doit être souverain sur ses missions. Il y a des choses qui sont extrêmement importantes et si l’État ne peut pas être certain que le logiciel fait bien ce qu’il promet de faire, il se met en danger.
Henri Verdier : On est loin d’être un pays débile, on n’est pas du tout dans les plus mauvais pays, mais la puissance qu’ont atteint certains est extrême.
Pierre-Yves Gosset : Quand on apprend que le téléphone d’Angela Merkel est sur écoute, ça ne dérange personne ! Vous avez aujourd’hui, dans les entreprises qui produisent les smartphones, Android par Google, Windows Phone par Microsoft et l’iPhone d’Apple ; c’est à peu près tout. Donc, à partir du moment où ces logiciels sont des boîtes noires, ça veut dire que tout et n’importe quel téléphone sur la planète peut être mis sur écoute par les services de renseignement américains.
Richard Stallman : Remotly they can make the phone listen all the time and transmit all the conversations it hears. And at that point you can’t shut it off. If you push the off button it pretends to shut off and keeps running although you can’t tell.
Ils peuvent utiliser votre portable à distance pour vous écouter, transmettre votre conversation et, à ce stade, vous ne pouvez pas l’éteindre. Appuyer sur le bouton d’arrêt ne fait que simuler une extinction, mais le téléphone continue de fonctionner à votre insu.
Laurent Séguin : En France, en 2012, l’Élysée s’est fait pirater par la NSA. L’Allemagne aussi a découvert que ses communications entre ambassades, par satellite, rebondissaient aux États-Unis.
Richard Stallman : The use of any non free program in any state agency is a failure of responsability to the people.
L’utilisation d’un seul logiciel non libre, dans n’importe quelle branche gouvernementale, est un défaut de responsabilité envers le peuple.
Pierre-Yves Dillard : J’ai des ordinateurs qui sont créés par des sociétés étrangères, avec des systèmes d’exploitation qui sont créés par des sociétés étrangères : quelle garantie ai-je, moi en tant qu’État, puisque je n’accède pas au code source, que l’ensemble des informations qui transitent par mon ordinateur sont sécurisées ? La réponse c’est : aucune.
François Pellegrini : Il y a des débats autour du fameux système d’exploitation souverain. Si on pense que souverain c’est « que l’on contrôle », « qui est loyal », alors effectivement on peut avoir du souci à se faire ; et considérer qu’on veut avoir un système d’exploitation souverain, ça revient à dire qu’on pense que tous ceux qui existent déjà ne le sont pas. Ce qui est, somme toute, une bonne supposition.
Pierre Boudes : Tant qu’il reste un petit bout de logiciel dont on ne connaît pas exactement le fonctionnement, dont on n’a pas le code source et qui n’a pas été audité maintes et maintes fois, la sécurité est difficile.
Henri Verdier : C’est vrai que l’État, à l’heure où l’on se parle, a plutôt construit une sorte de neutralité, c’est-à-dire, au moins, il a écrit noir sur blanc que tous les achats publics doivent prendre au sérieux les deux offres et traiter avec autant de respect et d’attention les offres venant du monde du Libre que les offres commerciales.
Magali Garnero : Le ministère de la Défense a fait un contrat « Open Bar » avec Microsoft : « Vous pouvez utiliser tous nos logiciels, pour le même prix, et, tous les quatre ans, on signe à nouveau un contrat, on regarde combien vous avez utilisé, on réajuste le prix et ainsi de suite. »
Véronique Bonnet : Alors qu’on sait, par ailleurs, quelles sont les pratiques de Microsoft dans d’autres contextes, donc on ne sait pas si la notion de « Secret Défense » a encore véritablement un sens.
Jean-Baptiste Kempf : C’est suicidaire aujourd’hui, parce qu’ils ont sur leurs ordinateurs des choses qui se passent sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle.
Henri Verdier : En gros, plus vous allez vers des questions de sécurité, plus on vérifie quand même, ce qui n’empêche pas que dans le passé, dans certains pays, on a découvert des pièges un peu tard. Les autorités compétentes considèrent qu’elles prennent les précautions requises [Prononcé en souriant, NdT].
Laurent Séguin : En ce moment, j’ai peur de l’informatique industrielle. Quand je vois, notamment dans le secteur de l’industrie de l’armement, qu’on est en train de donner délégation de tir à des intelligences artificielles. Ça me fait un peu peur qu’une machine décide de tuer un être humain.
Richard Stallman : When a state does computing, it’s doing that for the people. The state is supposed to do everything for the people, including all computing that it does. It has the duty to the people and the responsability to maintain full control on that computing to assure it is being done properly for the people’s sake. Therefore it must use only free software because only free software permit to carry out this responsability.
L’activité informatique d’un État est faite pour son peuple. L’État est supposé tout faire pour son peuple et cela comprend donc ce que fait l’intégralité de son système informatique. L’État a le devoir et la responsabilité de garder un contrôle total sur ses activités informatiques afin que tout soit fait correctement, dans l’intérêt de son peuplle. Par conséquent, il doit utiliser exclusivement du logiciel libre, car seul le logiciel libre lui permet d’assurer cette responsabilité.
Pierre-Yves Dillard : L’ancienne génération a vu des boîtes un peu magiques et ne s’est pas posée la question de savoir les conséquences de l’usage de l’informatique.
François Pellegrini : Pour moi, il est important de rester très vigilants. Exactement comme pendant la révolution industrielle, il ne faut pas que les populations payent le prix fort.
Pierre Boudes : Il est urgent que chacun s’approprie ces questions et se rende compte qu’il faut intervenir sur la gestion politique qui est derrière, parce que les lobbies sont extrêmement puissants.
Frédéric Couchet : Pour nous, le logiciel libre est un socle de base pour défendre une société libre à travers les libertés informatiques. Elle n’est pas plus importante que les autres libertés, mais c’est un socle fondamental.
Véronique Bonnet : C’est ce qui permet d’échapper aux chausse-trappes ou aux faux-semblants d’une technologie qui serait alors une gouvernementalité, c’est-à-dire un soft power destiné à embrumer et à faire en sorte que ceux qui l’utilisent n’y voient que du feu.
Jean-Baptiste Kempf : Il est donc important de comprendre et de savoir ce qu’il se passe dans ses ordinateurs, parce que ne pas comprendre ça, c’est un risque majeur pour ses propres libertés.
Laurent Séguin : Le logiciel libre n’est pas une solution, c’est LA solution.
François Pellegrini : Au-delà même des arguments idéologiques qui suffisent à emporter la décision en termes de souveraineté, le fait de pouvoir fournir à chacun sur la planète du logiciel efficace, qu’il puisse adapter à ses besoins, c’est essentiel.
Pierre-Yves Dillard : On a le choix d’éduquer les jeunes générations en disant « attention, utiliser un logiciel, utiliser un ordinateur, aujourd’hui ça n’est plus neutre. »
Grégory Bécue : Le logiciel est partout, dans toutes nos vies, dans toutes les applications, demain dans votre pacemaker, et avoir la garantie, quelque part, que ce code source est ouvert, accessible, qu’on peut l’auditer, le redistribuer, c’est quelque chose de fondamental.
Véronique Bonnet : Si quelque chose est publiable, si quelque chose est universalisable, s’il y a une transparence dans sa communication, il y a peu de chances qu’il y ait des éléments nocifs.
Pierre-Yves Gosset : On peut dire, par exemple, que le logiciel libre c’est du logiciel bio. On sait ce qu’il y a dedans, on sait comment il est fait, on sait par qui il est fait, il y a une forme de traçabilité, une volonté de proximité entre le producteur et le consommateur.
Marie Duponchelle : L’enjeu c’est aussi de ne pas dépendre de grandes sociétés qui gèrent vos données, qui gèrent votre utilisation, au quotidien, de l’informatique.
Richard Stallman : Free software is the only known defence against malicious functionalities and softwares. It’s not perfect. We can’t guaranty it will deter or eliminate all malicious fonctionnalities. It gives us the chance to try.
Le logiciel libre est l’unique défense connue contre les fonctionnalités malveillantes des logiciels. Il n’est pas parfait. On ne peut pas garantir que cela va empêcher ou éliminer toutes les fonctionnalités malveillantes. Il nous permet d’essayer.