Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l’émission du 8 janvier 2019

Titre :
Émission Libre à vous ! diffusée mardi 8 janvier 2019 sur radio Cause Commune
Intervenants :
Mathilde Bras, Etalab - Laurent Joubert, DINSIC - Olivier Grieco, radio Cause Commune - Marie-Odile Morandi, transcriptions April - Étienne Gonnu, affaires publiques April - Frédéric Couchet, délégué général April
Lieu :
Radio Cause commune
Date :
8 janvier 2019
Durée :
1 h 30 min
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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

logo cause commune

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission de l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre, une émission de la radio Cause Commune.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Désolé, le jingle générique de début avait changé. Nous sommes très heureux, très contents d’être de retour sur Cause Commune après une petite pause. C’est l’émission Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

La radio dispose d’un webchat, vous pouvez utiliser votre navigateur web, vous rendre sur causecommune.fm, cliquer sur le bouton « chat » et vous pourrez ainsi être en direct avec nous sur le webchat de la radio.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !.

Je suis Frédéric Couchet, délégué général de l’April. Mon collègue Étienne Gonnu est avec moi. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Bonjour Fred.
Frédéric Couchet : Je présenterai tout à l’heure les deux invités du jour avec nous en studio.

Je rappelle le site web de l’April, april.org. Vous pouvez déjà y retrouver une page consacrée à cette émission avec un certain nombre de références que nous citerons au cours de l’émission ; après l’émission nous mettrons à jour la page, évidemment, si nous citons d’autres références. Donc vous allez sur le site april.org.

On va déjà commencer par une annonce. Pour les personnes qui écoutiez l’émission en 2018, vous vous rappelez sans doute que nous étions en mensuelle. Eh bien nous avons décidé de passer, à partir de cette première émission de janvier, en hebdomadaire. Donc nous allons nous retrouver chaque semaine, le mardi de 15 h 30 à 17 h, pour évoquer les sujets autour du logiciel libre.

Je vous souhaite une excellente écoute pour cette première émission de l’année.

On va passer au programme de l’émission. Nous allons commencer par une intervention téléphonique de Marie-Odile Morandi qui s’occupe des transcriptions à l’April. Elle va débuter une chronique qui s’appelle « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ».

Ensuite, d’ici une quinzaine de minutes, notre sujet principal portera sur la présentation des actions de la DINSIC, Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État [Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, NdT], ainsi que celle de la mission Etalab chargée notamment de la politique d’ouverture et de partage des données publiques du gouvernement français. J’ai le plaisir d’avoir moi en studio Laurent Joubert qui travaille à la sécurisation des grands projets informatiques de l’État. C’est ça ? Bonjour Laurent.
Laurent Joubert : Tout à fait. Bonjour à toutes et à tous.
Frédéric Couchet : Également présente avec nous Mathilde Bras qui s’occupe du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ». Bonjour Mathilde.
Mathilde Bras : Bonjour à toutes et tous.
Frédéric Couchet : Et ensuite, aux alentours, on va dire, de 16 h 45, Étienne nous fera un point sur la prise en compte des logiciels libres de caisse par le ministère des Finances et par la loi de finances. Donc un sujet qui paraît un petit peu austère mais qui est très important et il essaiera de nous faire, en une dizaine de minutes, un petit résumé de la situation.

À la réalisation de l’émission notre ami Olivier Grieco. Bonjour Olivier. Je salue également Didier et Patrick, qui sont en studio aussi, qui sont des bénévoles de l’April, donc Didier Clermonté et Patrick Creusot qui assureront de temps en temps la régie de l’émission.

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture »

Tout de suite on va passer au premier sujet. Normalement nous avons avec nous au téléphone Marie-Odile. Marie-Odile est-ce que tu es avec nous ?
Marie-Odile Morandi : Oui. Bonjour. Je suis là.
Frédéric Couchet : Bonjour Marie-Odile. Marie-Odile, comme je l’ai dit tout à l’heure, tu t’occupes du groupe Transcriptions à l’April où tu fais un travail absolument phénoménal de transcription d’audios, de vidéos.
Marie-Odile Morandi : Oui.
Frédéric Couchet : On va débuter une chronique en ce début d’année. Tu vas nous présenter trois chroniques [transcriptions, NdT], des fois plus, qui te semblent importantes, un petit peu tes coups de cœur pour lesquels tu souhaiterais que les gens lisent ces transcriptions. On va commencer peut-être par la première ; c’est quoi le coup de cœur de ce début d’année ?
Marie-Odile Morandi : Le coup de cœur de ce début d’année c’était une émission Les Amis d’Orwell sur Radio libertaire et cette émission était intitulée « À l’école du Big Data ».
Frédéric Couchet : Pourquoi ce coup de cœur ?
Marie-Odile Morandi : En tant qu’enseignante, bien que je sois à la retraite depuis de nombreuses années, tout ce qui concerne ce qui se passe dans les établissements scolaires m’intéresse encore beaucoup et, dans les sujets qui ont été traités dans cette émission, j’ai tout à fait pu me reconnaître.
Frédéric Couchet : De quoi est-il question dans cette émission qui s’appelle « À l’école du Big Data » ?
Marie-Odile Morandi : Dans cette émission, il est question du fichage de nos enfants, du fichage des élèves. On le soupçonnait mais grâce aux intervenants c’est très clair, nos enfants sont tous fichés dès l’école maternelle, ça continue à l’école élémentaire et puis, bien entendu, ça continue au collège et au lycée, même si les fichiers changent de nom à chaque fois. Les intervenants de cette émission appellent ça « un fichage républicain ».
Frédéric Couchet : D’accord. Que s’est-il passé récemment pour ce que ce fichage qui est quand même assez ancien devienne, si possible, encore plus problématique ?
Marie-Odile Morandi : En début d’année scolaire il y a eu des évaluations comme il y en a régulièrement au sein de l’Éducation nationale, c’est tout à fait normal, des évaluations qui se sont déroulées en cours préparatoire, en 6e et en classe de seconde, donc les classes qui sont des paliers. Sauf que ces évaluations, cette année, se sont faites totalement de façon informatique : les enfants passaient les évaluations sur des ordinateurs ou sur des tablettes, donc tout était remonté de façon automatique et on a eu de gros doutes sur l’anonymisation de cette remontée ; on ne sait pas exactement à quel endroit s’est faite cette anonymisation et même si elle a eu lieu.

D’autre part dans l’émission on nous explique que le ministre de l’Éducation a passé des accords avec une société luxembourgeoise. On apprend que ces données sont hébergées sur des serveurs d’Amazon situés en Irlande. Tout ça ne manque de laisser fortement perplexe.
Frédéric Couchet : Oui ! Pour le moins qu’on puisse dire ! Qui sont les personnes qui interviennent dans cette émission et que pensent-elles de ces évaluations et de ce fichage des enfants ?
Marie-Odile Morandi : Les gens qui interviennent dans cette émission sont des enseignants et des personnels de vie scolaire. Je vais passer sur leurs réflexions concernant la façon dont les évaluations, les épreuves, devaient se dérouler, avec des indications très précises qui étaient données aux enseignants.

Leur souci c’est donc le problème d’anonymisation qui n’est pas très claire.

Ce qui est inquiétant pour ces personnes puisqu’elles sont adultes, elles sont enseignantes, elles pensent qu’il y a forcément un projet politique derrière tout cela, certainement mis en œuvre depuis de longue date. On veut supprimer les fonctionnaires [le statut de fonctionnaire, NdT], on veut diminuer le nombre de fonctionnaires de l’État ; avec ces évaluations on pourra juger du travail des enseignants, on pourra les rémunérer au mérite et le mérite ce sera : si les élèves ont réussi les évaluations, eh bien vous aurez droit à votre mutation ; si les élèves n’ont pas réussi les évaluations, eh bien vous restez où vous êtes.

D’autre part, ces évaluations peuvent être cédées à des sociétés privées. Avec de la publicité ciblée des sociétés privées pourront vendre aux familles des cours clefs en main pour pallier aux manques de l’Éducation nationale et pour améliorer les parcours des enfants.
Frédéric Couchet : Les élèves sont concernés aussi.
Marie-Odile Morandi : Oui, tout à fait. Les élèves sont concernés, parce que là on a à faire, disent les intervenants de cette émission, à un véritable CV numérique. Je passe sur les histoires de jargon de l’Éducation nationale, les compétences, les passeports, mais on a peur que l’orientation à court et à moyen terme des enfants soit faite en utilisant ces évaluations ; on a peur pour leur future employabilité à eux aussi : on a peur que de futurs employeurs puissent avoir accès à ce qui s’est passé des années auparavant les concernant.
Frédéric Couchet : Donc pas de droit à l’effacement et, en fait, aucun droit à l’oubli. Je crois me souvenir qu’il est aussi question d’un autre outil très répandu dans les lycées et les collèges, l’outil Pronote. Est-ce que tu peux nous en dire quelques mots ?
Marie-Odile Morandi : Oui. Cet outil Pronote est vendu par une société privée aux établissements scolaires donc les établissements scolaires payent cet outil privé. Un des intervenants parle d’une usine à gaz ; je peux l’appeler couteau suisse parce qu’avec Pronote on peut tout faire : on fait l’appel des élèves, les retards, les absences, les sanctions. Chaque enseignant doit insérer sur Pronote ce qu’il a fait à chaque heure : c’est le cahier de textes du professeur, c’est le cahier de textes des élèves, les élèves se connectent et voient quels sont les devoirs qu’ils ont à faire. Plus grave encore, les notes concernant les contrôles sont reportées au jour le jour et, à la fin de chaque trimestre, les enseignants remplissent les bulletins trimestriels avec les appréciations ; le professeur principal remplit une appréciation générale et la direction de l’établissement peut aussi mettre une appréciation. Bien entendu toute la communauté scolaire a accès à Pronote et même, on fournira un code à un inspecteur qui annonce sa venue. Donc tout est centralisé, tout le monde est content ! Sauf que personne ne se rend compte, d’après les intervenants, bien entendu je suis d’accord avec eux, que là on a dans les mains un outil qui permet un traitement de données à caractère personnel, avec un côté apprenti sorcier comme l’a dit une des intervenantes de l’émission.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que les parents sont avertis et qu’en est-il de leurs droits ?
Marie-Odile Morandi : Les parents devraient avoir les droits qui sont conférés par la loi Informatique et Libertés, sauf que, d’après l’émission, les parents ne sont guère avertis de ce qui se passe ou ils sont avertis après coup et, bien entendu, après, quand tout est déjà enregistré, tous les fichiers sont remplis, il est difficile de s’opposer, de faire rectifier.

Dans l’émission, on nous présente le cas d’une famille et le cas personnel d’une des intervenantes pour son enfant ; ces gens nous expliquent que c’est tout à fait le parcours du combattant pour faire effacer les données concernant leurs enfants de ces fichiers.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu veux ajouter quelques mots de conclusion sur cette émission, peut-être en tant qu’enseignante ou ancienne enseignante ?
Marie-Odile Morandi : Oui. Quand on écoute cette émission on est parfaitement époustouflé. Effectivement, quand on nous a mis cet outil dans les mains tout le monde était content, on pouvait faire du travail administratif ennuyeux de chez soi, à l’heure qu’on voulait et on ne se rendait pas compte qu’effectivement on avait entre les mains un outil pour lequel la vie scolaire, la vie numérique des enfants est parfaitement enregistrée.
Frédéric Couchet : D’accord.
Marie-Odile Morandi : Autrefois, quand c’était des documents papier, il était interdit de les sortir de l’établissement scolaire et même de la salle des professeurs. Actuellement, toutes les données concernant des enfants sont partout sauf dans leur école !

Donc je conseille de réécouter l’émission, je conseille de lire la transcription si les gens n’ont pas le temps d’écouter l’émission. C’est une émission qui oblige chacun d’entre nous à réfléchir, parce que chacun d’entre nous, de près ou de loin, nous avons des enfants autour de nous. Et on est bien loin de la confiance, de l’« École de la confiance » qui est vantée par le ministre actuel de l’Éducation. Protégeons nos mineurs.
Frédéric Couchet : D’accord. Merci Marie-Odile. Donc l’émission c’est Les Amis d’Orwell sur Radio libertaire, « À l’école du Big Data » et sur la page consacrée à l’émission, sur april.org, vous trouvez un lien vers la transcription.

Ça c’était ton coup de cœur, tu as bien détaillé pourquoi il fallait lire cette transcription ou écouter l’émission. Tu as deux autres émissions ou en tout cas transcriptions dont tu aimerais parler, peut-être en un peu plus court. Le premier c’est un sujet que nous avons abordé dans cette émission « téléphonie mobile et liberté » ; c’était le Libre à vous ! du 6 novembre. Les deux intervenants parlaient effectivement de la téléphonie mobile, des pertes de liberté et de comment essayer de les regagner. Pourquoi faut-il écouter cette émission ?
Marie-Odile Morandi : Chacun d’entre nous est concerné par cette émission parce que chacun d’entre nous, désormais, porte dans sa poche ce qu’on appelle un téléphone portable et qui ressemble de plus en plus à un ordinateur qui nous surveille.
Frédéric Couchet : Dans cette émission il y a eu, selon toi, un tableau assez sombre, en fait, concernant nos libertés. C’est ça ?
Marie-Odile Morandi : Oui, tout à fait. Au début de l’émission il y a une présentation des deux produits les plus courants qu’on trouve sur le marché, le produit Apple, l’iPhone, qui nous enferme totalement dans une prison dorée et c’est toi-même, Frédéric, qui as dit : « C’est en quelque sorte une vente forcée, matériel et logiciel » et, avec ce produit, Apple nous demande de lui faire confiance !

Il y a une présentation du système Android qui est installé par tous les fabricants de téléphones, plus ou moins libre et plus ou moins modifié par les fabricants de téléphones. Donc effectivement, le début de l’émission était assez sombre concernant nos libertés avec nos téléphones.
Frédéric Couchet : Par contre, dans la suite de l’émission, des pistes ont été évoquées, on ne va pas toutes les répéter mais, selon toi, quelle est la piste, la première piste pour essayer de regagner un peu de liberté qui peut être mise en œuvre par à peu près n’importe qui avec son téléphone mobile ?
Marie-Odile Morandi : Les premières pistes, effectivement, ce sont des pistes qui sont en cours et qui, à mon avis, ne sont pas à la portée de tout le monde. Par contre, on a eu une explication assez claire concernant le magasin d’applications F-Droid. Le projet F-Droid c’est le produit qui me semble le plus facile pour commencer à libérer nos téléphones puisqu’il suffit d’installer l’application F-Droid sur nos téléphones et, à partir de là, de télécharger les produits dont on a besoin, probablement en commençant par le moteur de recherche qui sait tout ce dont on a besoin.
Frédéric Couchet : C’est assez marrant parce que, en arrivant en métro dans l’émission, en fait Patrick Creusot a installé F-Droid sur son téléphone. Je précise que pour installer F-Droid, par contre, il y a un petit truc à savoir : il faut activer l’autorisation d’installer des applications tierces sinon vous ne pourrez pas l’installer. En tout cas c’est un magasin d’applications libres ; vous pouvez retrouver l’équivalent pour lire vos courriels, faire des réseaux sociaux. Ça s’appelle F-Droid. Effectivement c’est la première action à faire pour regagner des libertés. Ça c’est l’émission du 6 novembre sur « téléphonie mobile et liberté ». Pareil, vous retrouvez la référence sur le site de l’April.

On va finir rapidement par la dernière transcription dont tu conseilles la lecture. C’est une interview de notre camarade Jérémie Zimmermann, d’octobre 2018, intitulée « 1984, un manuel d’instructions ? ». En une minute, pourquoi il faut lire cette transcription, Marie-Odile, s’il te plaît ?
Marie-Odile Morandi : Jérémie Zimmermann, on le connaît ce n’est pas la première fois que le groupe Transcriptions transcrit certaines de ses interventions et je pense que cette interview était une bonne synthèse de tout ce qu’il a fait durant ces dernières années et de toutes ses opinions concernant, disons, les processus européens de création des lois et il a un regard très acéré sur la vie politique actuelle. Bien entendu il nous rappelle ses luttes et il nous rappelle ce qu’il faudrait faire pour que le logiciel libre et les libertés numériques soient encore plus, comment dire, à notre portée.
Frédéric Couchet : Donc c’est une transcription d’une interview, je crois, d’une heure ou d’une heure et demie, c’est une interview vidéo si je me souviens bien. Rappelle-moi le titre de la transcription.
Marie-Odile Morandi : « 1984, un manuel d’instructions ? ».
Frédéric Couchet : D’accord. Pareil, la référence est sur le site de l’April. Jérémie Zimmermann est un ancien membre du conseil d’administration de l’April, ancien porte-parole de La Quadrature du Net, est toujours membre de l’April, à qui on fait de gros bisous là où il se trouve actuellement. Écoute, merci Marie-Odile pour cette chronique « Les transcriptions qui redonnent envie de lire ». On se retrouvera, je pense, le mois prochain pour une seconde chronique. Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?
Marie-Odile Morandi : Non je pense qu’on a fait le tour et j’encourage les personnes qui n’ont pas le temps d’écouter les émissions qu’on choisit de transcrire, de lire les transcriptions et puis d’approfondir si elles en ont le temps.
Frédéric Couchet : C’est une excellente conclusion. Je crois d’ailleurs qu’au nom de toutes les personnes qui participent à des émissions et autres on te remercie, ainsi que les personnes qui font des relectures, de transcrire tous ces propos. Je rappelle que le groupe Transcriptions, évidemment, est ouvert à toute personne qui souhaite contribuer. Il suffit de s’inscrire sur la liste de discussion qui est également en référence sur le site de l’April. Écoute Marie-Odile, je te souhaite une bonne journée.
Marie-Odile Morandi : Bonne journée à vous. Au revoir.
Frédéric Couchet : Au revoir.

DINSIC et mission Etalab

Nous allons avancer et donc passer au second sujet. DINSIC, Etalab, deux mots qu’on va évidemment expliquer, expliciter. Dans un premier temps, on va essayer de revenir un petit peu sur un historique, on va dire, de la place de l’informatique, l’administration électronique au sein de l’État français et expliquer ce que font ces deux structures, donc la DINSIC et la mission Etalab. Je rappelle que nous sommes en compagnie de Laurent Joubert et de Mathilde Bras. Laurent est-ce que tu veux commencer par nous faire un petit rappel historique de la situation et nous expliquer ce qu’est la DINSIC ?
Laurent Joubert : La DINSIC c’est la DSI Groupe de l’État, donc la Direction des systèmes d’information, plutôt une direction des systèmes d’information stratégique qui anime les différentes directions des systèmes d’information des ministères. On s’occupe de l’administration centrale et, en plus d’interagir avec les ministères sur tous les systèmes d’information, on est aussi en lien avec toutes les autres agences interministérielles comme l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, la Direction du budget, la Direction des achats de l’État ou également la DGAFP [Direction générale de l’administration et de la fonction publique] qui est, en fait, la DRH de l’État, pour tous les aspects numériques et informatiques.
Frédéric Couchet : DRH ?
Laurent Joubert : La Direction des ressources humaines.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que c’est la première structure qui existe sur ce sujet ?
Laurent Joubert : La DINSIC a été créée en 2011, elle est donc assez récente. Elle est passée par différentes étapes. En 2014, il y a eu la création du SI unique de l’État ; ça c’est une étape importante.
Frédéric Couchet : Du SI unique, du système d’information unique.
Laurent Joubert : Du système d’information unique de l’État parce que, jusque-là, on avait des systèmes d’information ministériels. À partir de 2014 il y a cette création du système d’information unique de l’État qui a été rattaché sous l’autorité du Premier ministre. Et puis, en 2015, on a rajouté un « N » à DISIC, qui est devenu DINSIC, pour « numérique » et le « N » a été aussi le rattachement d’Etalab et de l’incubateur de start-ups d’État qui s’appelle beta.gouv.fr.

Depuis nous sommes cette entité et nous nous occupons non plus que des systèmes d’information mais aussi du numérique, globalement, pour les administrations centrales.
Frédéric Couchet : Avant de passer la parole à Mathilde justement pour la partie mission Etalab, je voudrais rappeler qu’il y a un historique quand même assez fort, en fait, des agences de l’État autour, on va dire, de l’informatique, etc., parce que la première agence avait été créée – il y a des évolutions aujourd’hui et c’est intéressant de le voir – c’est en 1998, c’est la Mission interministérielle de soutien technique pour le développement des technologies de l’information et de la communication dans l’administration, la MTIC pour les personnes qui s’en souviennent. Je crois me souvenir qu’à l’époque son directeur était Jean-Pierre Dardayrol et ensuite il y a un certain nombre de structures qui se sont succédé : il y a eu l’Agence pour le développement de l’administration électronique ; il y a eu la Direction générale de modernisation de l’État ; il y eu l’ATICA ; ATICA, j’avoue que j’ai un trou de mémoire sur ce que ça veut dire [Agence pour les technologies de l’information et de la communication dans l’administration, NdT]. En tout cas ce n’est pas récent, c’est une suite logique avec une évolution, effectivement, qui semble importante. Ce que tu as dit tout à l’heure sur le système d’information de l’État, c’est le rôle de plus en plus central, finalement, de cette agence par rapport aux autres agences dont, de mémoire, notamment avec les deux autres directions des systèmes d’information des ministères, le rôle était plus souple ou, en tout cas, l’Agence avait « moins de pouvoirs » entre guillemets, moins de rôles par rapport à ces directions des systèmes d’information de chaque ministère.
Laurent Joubert : C’était plus à côté. Là, avec la DISIC en 2011, il y a bien la création de cette DSI Groupe. On pourrait résumer à trois missions :

  • on a une mission d’autorité, donc ça c’est assez important, on peut édicter un peu des règles auprès des autres DSI ministérielles ;
  • on a un rôle d’accompagnement pour permettre, justement, d’accompagner les réformes et d’être capable de mener des grands projets informatiques
  • et on a un rôle de ressources où on est, là aussi, pour proposer concrètement des aides. Donc ça c’est important.

Frédéric Couchet : D’accord. Tu as parlé de la mission Etalab. Mathilde Bras, est-ce que tu peux nous présenter la mission Etalab, son rôle et ses objectifs ?
Mathilde Bras : Bien sûr. La mission Etalab, comme l’a rappelé Laurent, a rejoint ou elle a été intégrée dans la DINSIC en 2015, mais elle a également été créée en 2011 ; elle était, à l’époque, directement placée sous l’autorité du Premier ministre. Un peu comme pour la DINSIC, ses fonctions ont évolué au cours du temps.

À l’origine, la première mission cœur d’Etalab était de favoriser l’ouverture des données publiques vu qu’en 2008 on avait eu la conférence de Sébastopol sur l’ouverture des données publiques au niveau international. Il a fallu ensuite pouvoir développer cette politique d’open data, excusez-moi de l’anglais, on l’utilise beaucoup, donc cette politique d’open data au niveau national.

En effet, le premier développement de la mission Etalab a été vraiment de mettre en place cette politique d’open data qui a commencé, finalement, par beaucoup de pédagogie et la construction de la plateforme data.gouv.fr qui est la plateforme interministérielle, qui recense l’ensemble des données produites et qui circulent au sein de l’administration. Au cours du temps, via les rapprochements avec la DISIC et alors qu’on était quand même en France et en Europe en train de voir le numérique évoluer et rentrer de plus en plus dans notre quotidien, on a trouvé utile et bénéfique d’intégrer Etalab dans la DINSIC. Au cours de cette intégration, donc depuis l’année 2015, plusieurs missions ont été rajoutées au portefeuille d’Etalab afin d’incarner également les trois grosses missions de la DINSIC, donc l’autorité : on a participé de manière très active à la rédaction de la loi pour une République numérique.
Frédéric Couchet : De 2016.
Mathilde Bras : De 2016, exactement, et maintenant nous sommes en charge d’accompagner les ministères à appliquer cette nouvelle réglementation : on accompagne, finalement, également les ministères autour de la mise en œuvre de la loi pour une République numérique. On a intégré la fonction de l’administration générale des données, qui concerne non plus seulement l’ouverture des données publiques mais la circulation des données entre les administrations, ce qui est le cœur lorsqu’il faut moderniser des services publics.

On a également pris des fonctions autour de l’innovation, puisqu’en parallèle des missions de l’incubateur des start-ups d’État on a créé le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ».

Enfin, pour terminer, on est également pourvoyeur de ressources et d’outils, puisqu’en plus de la plateforme data-gouv.fr on met en place des produits, des micros petits outils qui permettent de faciliter l’exploitation des données et la mise en place de services.
Frédéric Couchet : Laurent.
Laurent Joubert : Peut-être pour compléter, il y a un point qui est important parce qu’il y a beaucoup de fausses idées sur la DINSIC aussi, ce qu’il est intéressant de voir c’est qu’on est un plus d’une centaine.
Frédéric Couchet : Justement ça tombe bien, j’avais une question sur les effectifs actuels et les effectifs à venir. Donc une centaine actuellement.
Laurent Joubert : Un peu plus d’une centaine, on doit être précisément à 140, là. Il faut voir que par rapport aux différentes missions on est découpé en trois tiers. Il y a un tiers qui concerne le service à compétence nationale du réseau interministériel d’État ; ça c’est un réseau qui est propre pour connecter les différentes administrations entre elles. Il y a un tiers qui regroupe toutes les fonctions, je dirais plus DSI stratégique, et un tiers qui concerne les effectifs sur la mission Etalab et l’incubateur.
Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que tu as une idée, en comparaison par rapport à d’autres structures dans d’autres pays, je pense par exemple à l’Estonie ; c’est peut-être une question piège, si tu ne sais pas ce n’est pas grave. Est-ce que vous avez une idée, tous les deux, du nombre de personnes qui travaillent dans ces structures par exemple en Estonie ou ailleurs, en Angleterre ?
Mathilde Bras : En termes d’échelle c’est difficile de comparer avec l’Estonie parce que c’est un pays qui est plus petit et le modèle est différent.
Frédéric Couchet : C’est vrai !
Mathilde Bras : J’imagine, mais je ne suis pas du tout sûre de moi, je pense qu’ils sont moins que nous en d’effectifs.
Laurent Joubert : On a fait des mesures comme ça avec d’autres pays : typiquement si on se compare aux Anglo-saxons, avec la partie GDS en Angleterre.
Frédéric Couchet : C’est quoi GDS ?
Mathilde Bras : Government Digital Service, c’est l’équivalent de la DINSIC aussi au niveau du Premier ministre.
Frédéric Couchet : D’accord.
Laurent Joubert : Ou aux États-Unis, ils sont proportionnellement un peu plus nombreux, avec aussi des missions un peu plus larges, donc ça peut aller jusqu’à quatre-cinq fois la taille de ce que peut être la DINSIC.
Frédéric Couchet : D’accord. Là vous estimez finalement que les équipes DINSIC sont suffisantes, peut-être, pour établir les missions. Est-ce qu’il faudrait encore plus de personnes ? Est-ce qu’il y a des prévisions de recrutement dans les années à venir parce que, finalement, l’informatique, le numérique, prend de plus en plus part ? Est-ce qu’il y a des prévisions, tout simplement, ou pas du tout ?
Mathilde Bras : On n’a pas la connaissance de prévisions très précises. En tout cas, ce qui est sûr c’est que, quand on voit l’évolution de la DINSIC depuis 2011, on peut s’imaginer qu’on va s’adapter aussi aux futures évolutions du numérique dans l’administration. C’est vrai aussi que quand on voit les nouveaux types de recrutement qui sont effectués dans l’administration, pas que dans la DINSIC, on voit bien que de plus en plus de métiers dans l’administration vont avoir trait au numérique et à l’innovation, en tout cas en termes chiffrés.
Laurent Joubert : Aujourd’hui il y a beaucoup d’attente autour du numérique en général. Que ce soit dans les ministères ou au sein de la DINSIC il y a effectivement une volonté d’aller promouvoir le numérique. Maintenant, concrètement où vont se situer les effectifs, comment est-ce que ça va être réparti ? Il n’y a pas encore de plan, en tout cas, il n’y a pas d’augmentation prévue pour l’instant.
Frédéric Couchet : D’accord. On a eu une première présentation. Est-ce que tu as une question Étienne ? N’hésite pas à la dire.
Étienne Gonnu : Je pense que ça sera abordé plus dans la réflexion « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », mais vous parlez beaucoup d’incubateur de start-ups d’État. C’est vrai que la notion de start-up est assez, comment dire, politiquement orientée maintenant, du moins elle est quand même beaucoup utilisée, et je pense que start-up d’État est quand même un objet assez à part. Je pense que ça peut être intéressant de développer sur cette notion.
Mathilde Bras : Oui, si vous le souhaitez. « Start-up d’État », en effet, ça peut paraître un peu antinomique, tout comme « entrepreneur d’intérêt général » et finalement, le but d’avoir créé ces mots-là c’est pour montrer qu’en fait dans l’État, dans le service public, on pouvait aussi adapter des méthodologies pour débureaucratiser un tout petit peu le service public. L’idée d’une start-up d’État est très simple : c’est de se dire qu’aujourd’hui il y a des agents publics qui rencontrent dans leur quotidien et dans l’application de leur mission un certain nombre d’irritants qui font qu’ils n’ont pas le sentiment de mener à bien leur mission.

Par exemple, une start-up d’État qui est assez emblématique, qui s’appelle mes-aides.gouv.fr, ça vient du ministère des Affaires sociales, qui fait le constat que le taux de non-recours aux aides sociales est très élevé, donc qu’il faut trouver un moyen de faire parvenir à ceux qui en nécessitent les bonnes informations sur les démarches à effectuer pour recevoir ces aides. À partir de cet irritant, le service que propose beta.gouv.fr c’est d’exfiltrer cet agent public de son administration et, en un temps très court, pouvoir construire un produit qui prend en compte cet irritant et améliore le service auprès d’un usager.

Après il y a toute une méthodologie qui est mise en place par beta.gouv.fr pour mettre en place un produit rapidement, pour faire des tests utilisateurs et pour déployer un certain marché – ce n’est pas vraiment le terme puisqu’on est dans le service public –, mais pour trouver de plus en plus d’utilisateurs et, à partir de leurs retours, améliorer ce produit et faire en sorte qu’un service public numérique devienne le service public amélioré.
Laurent Joubert : À ce propos la méthodologie est ouverte et toutes les administrations ont aussi la possibilité de la consulter, de s’y former. Maintenant effectivement, le terme « start-up d’État » peut prêter à confusion et c’est sûr qu’aujourd’hui on ne le nommerait peut-être pas exactement de la même manière. Ce qu’il est intéressant de voir c’est que c’est vraiment la volonté d’aller résoudre un irritant et d’avoir des méthodologies un peu modernes pour résoudre un problème concret.
Mathilde Bras : Voilà. Et se dire qu’on évite de faire des cahiers des charges très longs, très coûteux, qui finalement vont aboutir à une solution qui n’est pas adaptée aux utilisateurs. C’est pour ça qu’on essaye aussi d’interpeller l’administration autour de ces termes-là puisqu’on voit, dans les administrations qu’on accompagne, qu’il y a beaucoup de croyances sur ce que veut dire être entrepreneur, créer une start-up et, du coup, nous on permet de donner des clefs à ces administrations-là pour développer de nouvelles méthodes.
Frédéric Couchet : En quelque sorte, c’est la mise en œuvre du développement agile, finalement, pour résoudre des problèmes.
Mathilde Bras : Il y a en effet une grande philosophie autour de l’agilité au sein de l’incubateur, mais il y a d’autre philosophies qui complètent, en effet, cette méthodologie.
Frédéric Couchet : OK. Après avoir parlé de ces irritants, c’est un mot que j’aime beaucoup, on va faire une pause musicale. On va écouter Optimism de l’album Owl Faces par Minda Lacy et on se retrouve juste après.
Pause musicale : Optimism de l’album Owl Faces par Minda Lacy.
Frédéric Couchet : Excusez-moi, je viens de louper le retour ; ce sont les joies du direct ! Nous venons d’écouter Optimism de l’album Owl Faces par Minda Lacy. C’est une musique qui est disponible en licence CC BY-SA et vous retrouvez la référence évidemment sur l’April.
Vous écoutez l’émission Libre à Vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Libre à Vous ! c’est l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Juste avant la pause nous parlions de la DINSIC et d’Etalab avec Laurent Joubert, Mathilde Bras et mon collègue Étienne Gonnu. On a eu une présentation générale. Maintenant on va essayer de parler un peu plus en détail de la place du logiciel libre dans la stratégie de la DINSIC et d’Etalab à travers différents sujets : politique de contribution ; on parlera aussi d’« Entrepreneur.e d’Intérêt Général », quelle est la place du logiciel libre ; les Blue Hats, le projet Blue Hats ; on nous expliquera ce que c’est que le projet Blue Hats.

Laurent par quoi souhaites-tu commencer, Laurent Joubert, sur cette place du logiciel libre ? Je vais commencer par une question peut-être plus directe : à l’April nous défendons une politique volontariste en faveur du logiciel libre qui est évidemment celle de la priorité au logiciel libre. Au niveau de la DINSIC-Etalab est-ce que c’est la priorité ou est-ce que c’est une autre stratégie qui est mise en œuvre ?
Laurent Joubert : Pour répondre directement à cette question, aujourd’hui, notamment dans la loi République numérique de 2016, il y a effectivement un encouragement au logiciel libre et aux standards ouverts qui est proposé. Il y a eu beaucoup de débats justement sur la position. Ce qu’il est intéressant de retenir c’est que côté DINSIC on met vraiment en avant la valeur d’usage et on ne souhaite pas être dogmatique sur cette partie-là. Ce qui compte avant tout c’est la valeur d’usage pour le citoyen, pour l’usager et être sûr que ça réponde aux différents besoins. Donc là, en fonction des différents sujets, on peut être amené à prendre différents choix. On ne veut pas être dogmatique, mais ce qui est intéressant c’est qu’on souhaite, quand même, que le Libre soit en tout cas systématiquement évalué. Pourquoi ? Parce que, d’une manière générale, le Libre a quand même beaucoup de caractéristiques intrinsèques qui collent bien au service public.
Frédéric Couchet : C’est ce que j’allais dire. Tu parles de valeur d’usage, etc., mais j’aurais tendance à dire que le logiciel libre c’est ce qui cadre vraiment avec la valeur d’usage pour les personnes.
Laurent Joubert : Oui. Donc on retrouve un petit peu ces caractéristiques intrinsèques de transparence, la possibilité de le modifier, la possibilité de l’étudier. Ça c’est important. Par rapport aussi aux questions qu’on a pu se poser sur la première partie de l’émission sur les transcriptions, avoir cette capacité de redevabilité des administrations vis-à-vis des citoyens et de la transparence, eh bien ça passe par le code source. Donc c’est vrai que cette capacité-là est importante. Si on remonte un petit peu même en théorie sur, je dirais, les principes d’un service public, ne serait-ce qu’en termes de continuité, eh bien le logiciel libre apporte des garanties : on n’est pas lié à un éditeur particulier. Donc ne serait-ce que pour garantir un service public numérique, s’appuyer sur un logiciel libre ça permet une certaine indépendance, une certaine pérennité qui sont autant d’attraits et d’atouts pour délivrer un service public.

Donc voilà ! On est sur une approche non dogmatique, on encourage le logiciel libre et les standards ouverts. Maintenant, effectivement, ce n’est pas exclusif et il n’y a pas une priorité forte ou marquée au logiciel libre.
Frédéric Couchet : Donc il n’y a pas de priorité mais effectivement il y a une démarche qui est, quand même, plutôt positive. Comment concrètement elle se met en œuvre ? Quels sont les outils qui sont utilisés aujourd’hui à la DINSIC ou à la mission Etalab dans ce cadre ?
Laurent Joubert : Si on fait un petit historique, quand même, sans remonter à 1998, etc., ce qu’il faut voir c’est que du fait de ces caractéristiques-là, ça fait quand même longtemps que le secteur public s’intéresse au Libre et particulièrement en France. Quelque part c’est un point qui est positif.
Frédéric Couchet : La France a été précurseur, effectivement.
Laurent Joubert : On est précurseur au niveau international. Concrètement parlant ça s’est traduit par la création de marchés de support logiciel libre assez tôt dans les années 2000 et je pense que l’élément un peu fondateur ça a été la circulaire Ayrault de 2012 qui a quand même été une circulaire signée par un Premier ministre où on évoque, justement, le logiciel libre, on constitue des communautés internes à l’État sur la bureautique, les développements, l’environnement de travail. Ça ce sont déjà des premiers aspects concrets.
Frédéric Couchet : La circulaire Ayrault c’est la circulaire intitulée « Sur le bon usage des logiciels libres dans l’administration », qui était effectivement signée par le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, qui était issue des travaux, à l’époque ça devait s’appeler la DISIC et dirigée à l’époque par Jérôme Filippini.
Laurent Joubert : Tout à fait.
Frédéric Couchet : Effectivement, il n’y avait pas de priorité au logiciel libre dans cette circulaire, mais c’était, finalement, des bonnes pratiques à mettre en œuvre. C’est vrai qu’à l’époque nous on avait salué cette circulaire comme vraiment un point très important, une marque très importante dans la prise en compte du logiciel libre et des bonnes pratiques de logiciel libre dans les administrations.
Laurent Joubert : L’April en avait même fait une traduction anglaise officieuse.
Frédéric Couchet : Exactement ! Je ne m’en souvenais pas ! Merci Laurent, effectivement.
Laurent Joubert : Ça c’est un point important. Ce qu’il faut retenir aussi de cette circulaire-là c’est qu’elle était majoritairement, pas que, mais majoritairement axée sur la consommation de logiciels libres au sein de l’administration. On était vraiment dans une logique d’utilisation de logiciels libres pour rendre les services publics. Peut-être que ce qui est intéressant de noter c’est qu’aujourd’hui on est en train d’opérer un changement culturel et on essaye de plus en plus d’aller vers une logique de contribution.
Frédéric Couchet : D’accord. Ça c’est la politique de contribution au logiciel libre. Dans l’informatique, effectivement, on peut consommer de l’informatique et on peut aussi produire de l’informatique. C’est vrai qu’historiquement, dans l’administration, de nombreux logiciels sont produits aussi par les prestataires, je pense qu’on en parlera. Aujourd’hui il y a une politique de contribution formelle en faveur du logiciel libre qui est mise en place par la DINSIC avec un document dont la première version, si je me souviens bien mais tu me corrigeras, date de l’an dernier, de 2018.
Laurent Joubert : Tout à fait.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc cette politique de contribution, en quelques mots ? Je précise qu’on consacrera une seconde émission à ce sujet-là, plus en détail, notamment avec Bastien Guerry qui est référent logiciel libre au sein de la mission Etalab, courant février je pense. Mais en quelques mots, qu’est-ce que c’est que cette politique de contribution ? Quels sont ses objectifs ?
Laurent Joubert : Peut-être avant d’aller sur les objectifs de cette politique en tant que telle, les objectifs du logiciel libre pour nous, c’est aussi de gagner en maîtrise de notre système d’information ; ça c’est quand même un point important. En termes d’efficience aussi, sur tout ce qui est mutualisation de code, donc être capable d’aller plus en mutualisation des différents projets et bénéficier des réutisabilités du logiciel libre.

Je pense qu’il y a aussi un objectif en termes de recrutement ou de ressources humaines, parce que, quelque part, le logiciel libre c’est aussi un moyen de valoriser les compétences des développeurs internes et donc de montrer, en fait, la valeur que peut avoir un agent à travailler sur ce type de logiciel. Donc on a beaucoup de cibles qui sont identifiées sur cette partie logiciel libre dont une qui est un peu « la quintessence du tout » qui est de favoriser la démocratie. On va reprendre le Code is Law, mais ces logiciels – comme par exemple APB, Admission Post-bac –, on a vu que le code donc, pouvait influer sur des décisions qui concernent la vie des gens. C’est aussi ça le sens de l’intérêt général et du service public.
Frédéric Couchet : Code is Law, pour rappeler, c’est le titre d’un livre de Lawrence Lessig ; c’est un des livres préférés d’Étienne Gonnu donc tu lui fais plaisir.

Ça c’est partie DINSIC. On va revenir évidemment sur la DINSIC.

Côté Etalab, Mathilde, tout à l’heure, tu as parlé du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ». Est-ce que tu peux nous décrire ce que c’est, quels sont les objectifs et quelle est la place, évidemment, du logiciel libre dans ce programme. Est-ce qu’elle est petite, grande ?
Mathilde Bras : Absolument. Le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » c’est un programme qu’on a créé il y a maintenant deux ans et l’objectif c’est de pouvoir attirer au sein de l’administration des personnes qui savent coder, qui savent faire du design, qui savent analyser des données, les exploiter et les restituer, afin d’améliorer son fonctionnement. Donc on est sur un programme d’attractivité de ressources humaines parce qu’aujourd’hui, un des plus grands problèmes de l’administration, c’est quand il s’agit de recruter des personnes qui pourraient avoir vocation à travailler dans le privé, il est très difficile de les attirer avec des fiches de poste et des salaires. Donc le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » essaye de répondre un peu à cette problématique.

L’idée c’est qu’on sélectionne au sein de plusieurs ministères des projets qui ont trait à l’exploitation des données, à l’amélioration de services et que, ensuite, on recrute tous les ans une promotion de 30 entrepreneurs qui ne pensaient peut-être pas entrer un jour dans le service public et qui consacrent dix mois pour résoudre des défis au sein des ministères dont les projets ont été sélectionnés.

En fait, une des valeurs du programme c’est l’ouverture, donc ça a beaucoup de sens : l’ouverture à des nouveaux talents, mais l’ouverture des codes sources. L’obligation des ministères qui font partie de ce programme c’est que toutes les ressources qui sont produites sont en logiciel libre.
Frédéric Couchet : Donc c’est une obligation du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général ».
Mathilde Bras : C’est une obligation, exactement.
Frédéric Couchet : D’accord.
Mathilde Bras : Donc ça en fait une force assez importante puisque, depuis la création du programme, on a un dépôt en l’occurrence sur GitHub, mea culpa, où on a l’ensemble des codes qui sont développés par les entrepreneurs d’intérêt général et qui, d’ailleurs, sont assez efficaces et assez puissants puisque d’une promotion d’« Entrepreneur.e d’Intérêt Général » à l’autre, des scripts et des librairies qui sont créés par les entrepreneurs d’intérêt général sont réutilisés. Donc on crée aussi des potentiels pour mutualiser des outils. Typiquement quand on parle d’analyse de données, de data science, aujourd’hui on a besoin d’avoir des méthodes pour faire des graphes qui font des relations entre les données, on a besoin d’avoir des méthodologies pour pseudonymiser des données ou pour indexer des données. Aujourd’hui, ce qui est produit par ces entrepreneurs d’intérêt général peut servir d’un usage à l’autre dans l’administration.

Pourquoi je raconte ça ? C’est parce que ces exemples-là démontrent aussi la force, on va dire même financière, du logiciel libre dans l’administration. On peut éviter de construire deux fois les mêmes outils lorsqu’il y en a un qui a été créé en très peu de temps par une personne qui était volontaire pour rejoindre le service public.

En résumé, dans le programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », le logiciel libre est un pilier et, peut-être plus largement au sein d’Etalab, c’est la petite incise que je voulais faire pour continuer les questions.
Frédéric Couchet : Vas-y !

Mathilde Bras : Ce qui est assez fort c’est qu’il y a quand même une culture du logiciel libre qui est très ancrée puisque la plupart des membres d’Etalab sont plutôt libristes, même s’il y a des débats entre nous et ça c’est super intéressant. Depuis la loi pour une République numérique, Laurent l’a rappelé, l’ouverture des codes sources fait partie des obligations au titre de cette loi. Du coup, depuis, on entreprend pas mal de travaux avec des administrations qui souhaitent volontairement ouvrir des codes sources qui prennent des décisions individuelles. Par exemple, Laurent a évoqué Admission Post Bac. On a entrepris récemment l’ouverture du code source de la taxe d’habitation pour expliciter la façon dont celle-ci est calculée ; vous allez me dire qu’elle va bientôt être supprimée, mais elle ne va pas être totalement supprimée. Par ailleurs ça permet aussi de comprendre les tenants et les aboutissants du calcul de cette taxe.
Frédéric Couchet : C’est intéressant parce que ça me fait venir plein de questions. Je vais toutes les envoyer à la fois et ça va vous concerner tous les deux. Déjà sur application [Admission] Post-Bac, effectivement, on va rappeler qu’on a des progrès aujourd’hui. Tu as cité une plateforme d’hébergement de code. Aujourd’hui l’État met directement en ligne sur une plateforme d’hébergement de code son code. En 2016, je rappelle que la première version d’APB, Admission Post-bac, avait été envoyée en version imprimée ; donc deux ans plus tard il y a quelques progrès ! J’ai plusieurs questions. Une question qui est en lien avec les contrats. Tu viens de nous dire que « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » — entendons-nous bien le terme « entrepreneur » est un terme neutre qui intègre toutes les personnes quel que soit leur genre — c’est dix mois, ce sont des CDD. J’ai plusieurs questions : est-ce que ces personnes ont vocation après à rester dans l’administration ? Une autre question c’est pourquoi faire le choix de recruter des gens compétents en CDD très courts plutôt que sur des contrats pérennes parce que, finalement, les besoins en informatique au niveau de l’État ne vont pas diminuer mais, au contraire, vont augmenter ?

Tu as cité GitHub qui est une plateforme d’hébergement de code qui appartient aujourd’hui à Microsoft. Est-ce que dans les projets de l’État, c’est une question peut-être aussi pour Laurent, est-ce qu’on va avoir un code.gouv.fr, c’est-à-dire une plateforme pour que l’État héberge ses propres codes ? Voilà ! Quelques questions pour vous deux qui me viennent à l’esprit après cette intervention.
Mathilde Bras : Je commence par les deux premières questions. Les « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » est-ce qu’ils ont vocation à rester dans l’administration ? En fait, quand on a créé le programme, on ne s’était pas trop posé cette question-là puisqu’on a été également vraiment en expérimentation sur de nouvelles manières de recruter. Il s’avère que la première promotion comptait un peu moins de 15 entrepreneurs ; il y en a trois qui ont rejoint l’administration et plusieurs qui ont continué à interagir de près ou de loin avec l’administration en tant que free-lance ou au sein d’associations. Donc il y a une certaine continuité. Cette année, la deuxième promotion s’est arrêtée il y a quelques semaines, il y en a certains qui continuent. Donc on se rend compte aujourd’hui, c’est l’enjeu, qu’il y a une vraie force de ce programme pour créer de nouveaux parcours au sein de l’administration.

Il faut encore l’outiller parce que, et ça fait le lien avec votre deuxième question, aujourd’hui on fait des contrats de dix mois pour des raisons très simples c’est que ça nous permet de recruter rapidement et sans passer par des contrôles budgétaires que je n’expliciterais pas parce que c’est trop compliqué, mais en tout cas ça nous permet d’aller vite et de passer un peu outre les règles classiques. On est vraiment, d’une certaine manière, dans une zone dématérialisée du recrutement dans l’État et c’est ce qui est aussi très agréable parce que, du coup, comme c’est présenté un peu comme un concours, on ne publie pas des fiches de poste incompréhensibles, on publie une mission.
Frédéric Couchet : Un objectif, un projet.
Mathilde Bras : Un objectif, un projet ; on présente l’équipe, etc. Donc on accélère tout ça. Ça dure dix mois pour ces raisons, un petit peu, de démilitarisation. Est-ce que ça a vocation à être pérenne ? On l’espère parce que, du coup, je pense qu’on expérimente depuis deux ans, bientôt trois, un nouveau modèle de recrutement. Après il faut que ça continue à s’éprouver et en fait, ce qui est intéressant, c’est qu’aujourd’hui il y a des ministères qui font appel à nous plutôt un peu en continu pour nous demander des conseils sur la manière de recruter un développeur ou une développeur, un designer, des data scientists, etc. Donc on voit bien qu’on a trouvé un certain modèle de recrutement qui peut être intéressant au-delà même du programme. Je laisse la parole à Laurent sur code.gouv.
Frédéric Couchet : Laurent Joubert.
Laurent Joubert : Pour compléter aussi, ce qui peut être intéressant c’est que c’est une première étape donc ça permet, en fait, d’avoir quelqu’un pendant dix mois et de proposer à un indépendant qui n’a pas forcément, je dirais, des revenus stables dans le temps, d’avoir là, pendant dix mois, une fiche de paye et ensuite, grâce à ça, pouvoir être recruté dans l’administration. Il y a deux moyens de rejoindre l’administration c’est soit sur concours soit par contrat et, par contrat, en tant qu’indépendant, s’il y a des variations importantes d’un mois sur l’autre, c’est assez difficile pour l’administration d’être capable d’établir un contrat. Là, notamment pour des profils un peu plus slashers, donc qui ont l’habitude de passer d’une activité à une autre régulièrement.
Frédéric Couchet : Slashers ? Je ne connaissais pas ce terme. Je dois être vieux !
Laurent Joubert : Ça permet de recruter des profils un peu atypiques
Mathilde Bras : Ce sont les gens qui se présentent en disant « je suis – on va dire – développeur slash chef de projet » ; slasher. Des gens qui font plusieurs activités, de la pluriactivité mais dans le temps.
Frédéric Couchet : Merci Mathilde. OK. Donc ma question sur GitHub ou, pour être plus positif, sur un futur code. Il y a un data.gouv.fr, comme l’a dit Mathilde en introduction, est-ce qu’il y aura bientôt un code.gouv.fr ? Et je complète ma question : est-ce qu’on a une idée, aujourd’hui, de la volumétrie des projets qui sont mis sur GitHub ou Framagit — parce que je crois que vous utilisez aussi Framagit — par l’administration ? Déjà est-ce qu’on sait combien il y en a ?
Laurent Joubert : Oui. Il y a un recensement qui est en cours, en fait. Le premier point, peut-être : il y a cette politique de contribution qui est un document important parce que c’est un document officiel, c’est un document qui fait autorité sur une doctrine de publication et de contribution à des projets libres existants pour tous les informaticiens de l’État qu’ils soient agents titulaires ou contractuels. Ça, déjà, c’est un point important et qui cadre aussi la capacité des prestataires, donc des sociétés de services qui travaillent pour l’État et comment est-ce qu’elles peuvent contribuer à des logiciels libres. Ce document fait autorité. C’était important de le publier parce qu’il y avait beaucoup de verrous, peut-être psychologiques ou autres, mais tant que les choses ne sont pas explicitement autorisées dans l’administration, ça peut créer une certaine confusion donc la politique de contribution y répond.
Frédéric Couchet : D’ailleurs, si je me souviens bien, l’une des forces, enfin l’un des points très positif de la circulaire Ayrault de 2012, c’est d’avoir donné une légitimité, une sorte de protection aux agents de l’État qui faisaient du logiciel libre parce que, tout d’un coup, ça devenait un document signé par le Premier ministre de l’époque.
Laurent Joubert : Tout à fait. Là, un des objectifs de la politique de contribution, c’est aussi de valoriser et de reconnaître l’agent qui contribue pour montrer qu’effectivement, évidemment tant que ça rentre dans le cadre de ses missions, que c’est quelque chose d’intéressant et le fait de coder en mode ouvert c’est quelque chose de positif, c’est quelque chose sur lequel les autres agents vont pouvoir capitaliser donc il y a toutes ces pratiques-là qui sont insérées. Il y a deux parties importantes dans la politique de contribution : des principes un peu génériques et vraiment des modalités pratiques qui sont à mettre en œuvre pour pouvoir facilement contribuer ou publier un nouveau code source en logiciel libre.
Frédéric Couchet : Je suppose qu’il y a des conseils sur les licences à choisir ou, en tout cas, les choses à vérifier. Si, par exemple, on contribue à un code qui est déjà sur une licence, je suppose qu’il y a des relations aussi avec les prestataires parce que, évidemment, beaucoup de code dans l’administration est développé par les prestataires donc il faut obtenir, effectivement, un transfert de droits pour la mise sous licence libre ; des choses qui n’étaient peut-être pas pensées dès le départ dans les années avant.
Laurent Joubert : La vocation de cette politique de contribution est vraiment de s’adresser aux développeurs.
Frédéric Couchet : De l’administration ?
Laurent Joubert : De l’administration ou de la société de services qui travaille sur un projet de l’administration.
Frédéric Couchet : D’accord.
Laurent Joubert : C’est très pragmatique là-dessus. Elle nécessite un certain nombre de prérequis comme la gestion de clauses contractuelles pour vérifier qu’effectivement la possibilité de publier en logiciel libre est inclue dans le contrat. En tout cas, c’est un document qui officialise les bonnes pratiques sur la contribution d’un développeur.
Frédéric Couchet : Et ce document est disponible à quel endroit ?
Laurent Joubert : Le document est sur numerique.gouv.fr.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc sur numerique.gouv.fr et, si je ne me suis pas trompé, j’ai mis la référence sur la page de l’April donc vous pouvez retrouver ce document qui doit faire une quinzaine de pages si je me souviens bien, 20 pages ?
Laurent Joubert : C’est un document web, en plus, on n’a pas fait un PDF.
Frédéric Couchet : C’est un document web. J’en ai une version PDF. En tout cas sur numerique.gouv.fr.
Laurent Joubert : Tout à fait. Et qu’il est possible d’ailleurs d’amender, de corriger. Si jamais il y a des coquilles, vous pouvez contribuer.
Frédéric Couchet : À l’époque il y avait eu un appel à contributions, de façon ouverte, effectivement avant la rédaction finale. Je te laisse poursuivre.
Laurent Joubert : Tout à fait. Sur la partie licence il y a une certaine contrainte parce que, d’un point de vue autorité, il y a un décret qui autorise, en fait, pour la publication de nouveaux codes sources un certain nombre de licences. L’objectif ce n’était pas d’être dans une logique de prolifération de licences libres, donc il y a deux familles de licences qui sont autorisées : les familles permissives et les licences avec obligation de réciprocité. On ne va pas aller dans le détail technique.
Frédéric Couchet : On entrera dans ce détail technique lors d’une prochaine émission avec notamment Bastien Guerry, référent logiciel libre à Etalab. Effectivement c’est un décret qui fait suite à la loi pour une République numérique et qui précise les types de licences autorisés et dans ces types de licences le nom des licences qui ont été listées.
Laurent Joubert : Ça c’est important. Il y a le volet autorité qui est hors politique de contribution. La politique de contribution donne quelques orientations sur le choix de la licence, si jamais, justement, il faut plutôt s’orienter vers une licence avec obligation de réciprocité ou plutôt sur une licence permissive.

Sur la partie de l’entrepôt des codes sources, des forges, de l’emplacement où on peut collaborer, le point qui a été retenu c’est que du moment qu’on est sur du logiciel libre, ce qui est important c’est d’être capable d’interagir avec d’autres développeurs. Le mot d’ordre qu’on a retenu après pas mal de discussions qui ont été menées notamment à l’international aussi avec d’autres États parce que c’est une politique de contribution qui n’a pas été faite uniquement du côté franco-français, c’est de pouvoir, en fait, choisir n’importe quelle plateforme, l’idée c’est ça, où on va trouver les contributeurs qui peuvent venir sur le projet. Donc GitHub est effectivement une des plateformes de référence sur le sujet, mais en fait il n’y a pas de restriction spécifique. Si vous voulez être sur la forge Framagit, OW2, GitLab, FSFE, que sais-je, en fait ce qui est important c’est : on va mettre en avant les capacités sociales de trouver les contributeurs.

Le code est ouvert donc en termes de réversibilité il y a quand même la possibilité de le reprendre, de le retravailler, de le passer sur une autre instance.

Un partenariat qu’il est peut-être intéressant de souligner c’est le partenariat qui a été fait avec Software Heritage qui est, en fait, la bibliothèque d’Alexandrie des codes sources et pour lesquels, justement, ils vont archiver les dépôts de code publiés par l’administration. Ça a vocation à être centralisé et, justement, à donner un petit peu cette réversibilité pour garantir qu’on ne perdra jamais les codes ou l’historique de ces codes parce que Software Heritage garde aussi l’intégralité de l’historique.
Donc voilà ! GitHub, pas GitHub, chacun est libre de sa décision. L’avantage de Git c’est d’être décentralisé. Il y a cette capacité-là, on en profite, on la met en avant et on laisse les chefs de projet choisir l’endroit où ils se sentent le plus à l’aise. La seule contrainte qu’on pose c’est d’être sur des comptes d’organisations. On ne veut pas être sur des comptes personnels qui ont vocation un petit peu à disparaître ou autre. C’est important de pouvoir mettre une certaine gouvernance sur la création de groupes d’organisations.
Frédéric Couchet : Merci pour la réponse. L’un des défis, donc, c’est la création d’une communauté de contributeurs et je pense qu’on va en reparler après la pause musicale. Avant la pause je vais préciser que Software Heritage est un projet porté notamment par l’Inria et Roberto Di Cosmo. Nous aurons Roberto Di Cosmo dans Libre à vous !, pour le moment je ne sais pas quand, mais en tout cas nous l’avons convié à venir pour présenter ce projet effectivement absolument magnifique.
Nous allons faire une pause musicale avant de revenir sur le sujet et de parler notamment de la contribution. Nous allons écouter La traversée de Max Livio avec Iko Tuff by Skunky Skanky. Je ne sais pas si j’arrive à le dire correctement et on se retrouve en tout cas juste après ça.
[Pause musicale : La traversée de Max Livio avec Iko Tuff par Skunky Skanky]
Frédéric Couchet : Vous êtes de retour sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Nous avons écouté La traversée de Max Livio, qui est disponible en licence CC BY-SA. La référence est évidemment sur le site de l’April donc april.org.

Nous allons continuer notre sujet notre sujet avec Mathilde Bras, Étienne Gonnu et Laurent Joubert sur la « DSI de l’État » entre guillemets, la Direction informatique de l’État quelque part. Nous parlions juste avant la pause musicale de l’importance, plutôt du défi de créer des contributeurs, des contributrices. Le logiciel libre ce n’est pas simplement du code, ce sont aussi des gens qui contribuent. Il y a un projet ou une initiative, je sais pas, tu vas nous dire, peut-être Laurent, qui a été lancé récemment, qui s’appelle Blue Hats, donc « Hackers d’intérêt général ». Qu’est-ce que c’est que cette initiative, Laurent Joubert ?
Laurent Joubert : Tout à fait. C’est le référent logiciel libre de l’État, Bastien Guerry, qui a eu l’idée de Blue Hats. L’objectif c’est de fédérer toutes les personnes qui travaillent sur des projets d’intérêt général, des projets libres d’intérêt général. Le point qui est important c’est que ça ne se limite pas aux développeurs. Que vous soyez utilisateur, designer, data scientist ou autre, l’objectif c’est de pouvoir permettre la création d’une communauté de gens qui travaillent sur des projets utilisés par l’administration ou qui pourraient être utilisés par l’administration et de favoriser aussi les liens entre la sphère civile, la société civile et l’administration. L’objectif c’était un petit peu d’ouvrir les personnes qui travaillaient sur ces projets, leur permettre d’être reconnues à l’extérieur et d’attirer aussi des gens qui ont envie de s’impliquer, qui ont envie de travailler à l’intérêt général et, en fait, d’avoir un impact concret sur des projets pour que ce soit directement utilisé par l’administration. C’est vraiment l’objectif premier de la création de cette communauté.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc c’est une création récente, quelques semaines je dirais.
Laurent Joubert : C’est un test.
Frédéric Couchet : C’est un test.
Laurent Joubert : Ça a été évoqué lors de la dernière émission, juste avant le Paris Open Source Sunmmit ; Caroline Corbal en avait parlé. Le point qui est important c’est qu’on reprend, effectivement, un petit peu une culture hacker avec le côté Blue Hats.
Frédéric Couchet : Chapeaux bleus.
Laurent Joubert : L’objectif ce n’était pas de faire de l’anglais ! Donc les chapeaux bleus, pour justement montrer que c’est quelque chose que tout le monde peut s’accaparer ou autre. Il y a ce côté hacker, c’est-à-dire ce côté : je vais essayer de modifier et d’utiliser les règles existantes pour obtenir un impact direct au sein de l’administration.

C’est en expérimentation aujourd’hui, on n’a pas la prétention d’en faire un mouvement ou quoi que ce soit, mais si des gens peuvent venir avec n’importe quel chapeau bleu au sein d’un évènement public pour dire « moi je suis mainteneur, je suis à l’origine d’un projet d’intérêt général et je souhaite pouvoir en discuter avec d’autres », ça permet d’être identifié, ça permet de discuter avec d’autres. En fait on se rend compte que ces gens-là ont tous une fibre un peu spéciale de vouloir travailler à l’intérêt général donc créer cette communauté peut être vraiment bénéfique pour l’administration et la forcer, un petit peu, à s’ouvrir et à découvrir ce qui se passe en dehors des murs de l’administration centrale.
Frédéric Couchet : Souvent on croit que le terme « hacker » ce sont des personnes très techniques, alors qu’en fait pas du tout. Mathilde Bras, est-ce que cette initiative Blue Hats, ce programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », c’est réservé justement aux gens, aux personnes ayant des compétences techniques fortes ou, au contraire, est-ce que tout le monde peut participer ?
Mathilde Bras : Je pense que le programme « Hackers d’intérêt général » et « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » c’est justement de pouvoir faire se rencontrer des mondes différents, Laurent a dit la société civile et l’administration et, au sein de l’administration, ce sont en effet des personnes qui ont des compétences techniques sur le numérique et d’autres qui ont des compétences techniques sur l’administration. Pour donner quelques exemples, au sein du programme « Entrepreneur.e d’Intérêt Général » on a eu des histoires assez incroyables où des personnes qui avaient une spécialité de métier, en l’occurrence c’était le métier d’archiviste, se sont initiées aux méthodes agiles, au développement numérique collaboratif, etc. Donc on voit bien que ces espaces, donc « Hackers d’intérêt général », « Entrepreneur.e d’Intérêt Général », sont des espaces de médiation aussi pour faire monter en compétences à la fois l’administration sur le numérique et les personnes plus compétentes en informatique sur l’administration. Donc c’est assez intéressant. Il y a un autre exemple qui, personnellement, me touche beaucoup, ce sont des anciens entrepreneurs d’intérêt général qui sont en train de monter une association sur la transparence des médias et qui sont en train de mettre en place une communauté. Pareil, c’est très expérimental, mais une communauté de personnes qui veulent créer des outils open source.
Frédéric Couchet : Voire libres.
Mathilde Bras : Pardon ?
Frédéric Couchet : Voire libres.
Mathilde Bras : Voire libres, à disposition des journalistes, de chercheurs, de citoyens pour décrypter, déchiffrer la façon dont les médias parlent de l’actualité, la façon dont l’actualité parle de la presse, etc. On voit bien que ces espaces-là sont des espaces de confiance, des espaces de médiation. Ce sont des espaces d’apprentissage qui paraissent quand même assez essentiels aujourd’hui aussi pour déconstruire certaines croyances et adresser quelques irritants que peuvent rencontrer des personnes non geeks comme moi qui, parfois, commencent à s’énerver quand un logiciel libre n’est pas ergonomique. Donc ça permet aussi de faire entrer dans tout ça des designers qui sont très importants pour aider à la prise en main de certains outils.
Frédéric Couchet : Excellent ! Tu parles de design, ça me fait penser qu’il y a une excellente émission que vous pouvez écouter sur Cause Commune, un podcast, c’est l’émission Pause commune avec Manuel Dorne. Je ne me souviens pas. Corrige-moi Olivier.
Olivier Grieco : C’est Geoffrey, Manuel c’est Korben.
Frédéric Couchet : C’est Geoffrey, excuse-moi, Manuel c’est le frère. Je la refais : c’est avec Geoffrey Dorne.
Olivier Grieco : Et c’est l’épisode 14 de Pause commune.
Frédéric Couchet : Donc c’est l’épisode 14 de Pause commune. Pause commune c’est tous les mardis de 12 heures à 14 heures et j’avais écouté l’émission. Geoffrey est vraiment excellent et il fait du design.

Écoutez merci Mathilde et Laurent. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour cette première émission ou est-ce que ça vous paraît bien ?
Mathilde Bras : On vous remercie de votre invitation, en tout cas.
Frédéric Couchet : Ça me paraît très bien. En tout cas je vous remercie de votre présence. Vous allez rester avec nous pour le sujet suivant. Je rappelle que nous avions avec nous Mathilde Bras de la mission Etalab et Laurent Joubert de la DINSIC. Je n’ai pas encore la date fixée, mais nous aurons prochainement le référent logiciel libre, Bastien Guerry, dont il a été question plusieurs fois. Je vais juste finir. Tout à l’heure, je ne sais pas si c’est Laurent ou Mathilde qui a expliqué qu’il y avait des libristes effectivement présents à la DINSIC et à la mission Etalab et c’est vrai, on ne va pas le cacher, avec Laurent on se connaît depuis de nombreuses années, avec Bastien Guerry aussi. Je pense que c’est un point très positif ces évolutions : avoir des gens qui viennent des communautés, qui connaissent les communautés du Libre et qui travaillent effectivement au sein de l’administration ; vraiment c’est une évolution positive !

Situation des logiciels libres de caisse

Nous allons aborder notre dernier sujet. Étienne Gonnu a un défi parce que nous allons aborder un sujet qui est quand même loin d’être simple mais qui est très important. Depuis le 1er janvier 2018, c’est évidemment tout récent, toute personne utilisant un logiciel ou système de caisse doit détenir un document attestant de la conformité de son outil à la réglementation visant à lutter contre la fraude à la TVA, un dispositif inscrit à l’article 286.3bis du Code général des impôts et initialement issu de la loi de finances pour 2016, date à laquelle l’April, l’association dont nous faisons partie, s’est engagée pour la promotion et la défense des logiciels libres ayant des fonctions d’encaissement. Donc le sujet logiciels libres de caisse et loi de finances. Est-ce que tu peux nous faire un petit point de la situation sur ce sujet très important ?
Étienne Gonnu : Tu as déjà très bien résumé, je pense, ce qu’est ce dispositif. Effectivement on s’est mobilisé sur ce sujet dès qu’il a été voté, fin 2015, dans la loi de finances pour 2016. Comme tu le dis il est en vigueur depuis 2018, mais, depuis le premier janvier 2019, c’est-à-dire depuis moins d’une semaine, c’est la fin d’une période de tolérance administrative. C’est-à-dire que c’est souvent le cas la première année, tant qu’on montre qu’on fait de son mieux pour s’adapter aux dispositions, l’administration se montre tolérante. Là, maintenant, on va dire qu’il prend ses pleins effets.

Par rapport aussi, je trouve, à la manière dont tu as commencé à introduire, ce dossier est très intéressant notamment parce qu’il est révélateur, on va dire, d’un rapport plus ouvert, plus confiant envers le logiciel libre. On voit pas mal que l’autorité publique ou le législateur, et ça s’est retrouvé dans cette loi, ont un rapport à l’informatique qui reste assez ancré dans un paradigme d’une informatique pensée en silo, d’une informatique opaque et privatrice et c’était un peu le point de départ. C’est là où on était très inquiets sur ce dispositif réglementaire. Mais ce dossier a été très marqué par des rapports et des échanges très ouverts, très constructifs avec l’administration et, de ce point de vue-là, c’était aussi un dossier très intéressant sur lequel travailler. D’une situation qui, au départ, et je vais développer par la suite, était très inquiétante pour les libertés informatiques, on arrive aujourd’hui à une situation qui nous paraît très acceptable, en fait, pour le logiciel libre. Bien sûr il y a des pistes d’amélioration, mais on n’est plus dans la phase de défense des libertés informatiques ; la véritable menace est passée. Maintenant on en est à envisager des pistes d’amélioration donc c’est quelque chose de très positif ; c’est agréable, aussi, d’avoir des résultats positifs et des échanges aussi constructifs avec l’administration.
Comme tu le disais, le but du dispositif c’est de lutter contre la fraude à la TVA avec des systèmes de caisse. À l’époque certains logiciels permettaient, en fait, d’effacer des ventes et quand l’administration fiscale venait contrôler, eh bien de la vente lui était dissimulée et la personne pouvait, en gros, garder la part de la TVA pour elle-même ; elle faisait du marché noir ! Le but, comme tu l’as exprimé, c’est de lutter contre ça.

On n’est pas obligé d’utiliser un logiciel pour faire les encaissements, mais si jamais on l’utilise, il faut avoir ce document qui dit, effectivement, que le logiciel utilisé satisfait les conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données. En fait, c’est la transcription de principes comptables classiques.

Il y a effectivement deux possibilités. Soit une autorité de certification – la plus connue sans doute c’est l’Afnor – valide la conformité du logiciel, là elle va valider une version d’un logiciel. Ou alors c’est une entreprise, généralement pour le logiciel libre ce sera un intégrateur, qui va attester pour son client, individuellement, de la conformité du logiciel qu’il va utiliser. Globalement c’est quand même plutôt le mécanisme qui sera le mieux adapté au logiciel libre.
Comme je le disais, initialement ce texte était très inquiétant pour nous parce que, tel qu’il était rédigé, il y avait une forme d’interdiction de fait de la liberté de modification ; en gros il imposait un modèle pensé en boîte noire. Ce qui faisait qu’il pouvait créer, tel qu’on le pouvait lire, une forme de responsabilité infinie pour l’éditeur. C’est-à-dire que si l’utilisateur fait une modification qui fait que le logiciel devient non conforme à la loi, qu’en est-il de la responsabilité de l’entreprise qui a fourni l’attestation ? C’était vraiment notre inquiétude première. C’est ce qui a initié notre action dès janvier 2016, avec cette question, déjà, de comment garantir la liberté de modification des logiciels libres de caisse par leurs utilisateurs sans faire porter une forme de responsabilité infinie sur les entreprises, sur les éditeurs. Et, plus généralement finalement, pour agir aussi pour sortir du paradigme d’une informatique pensée en boîte noire.

En fait ce genre de dossier c’est aussi, justement, l’occasion, et ça s’est montré plutôt favorable, d’une certaine action de sensibilisation auprès de l’administration.
Je fais une mini-parenthèse pour parler d’un principe dans le droit qui, ici, était justement l’objet principal, c’est le principe de proportionnalité. En gros très bien, on accepte : la lutte contre la fraude à la TVA est, bien sûr, un principe d’intérêt général ; elle répond à l’intérêt général mais il faut que les libertés pour répondre à cette problématique soient aussi peu limitées que nécessaire ; donc aussi peu de contraintes que nécessaire, autant de libertés que possible. C’est vraiment un principe fondamental, d’ailleurs un des premiers qu’on apprend lorsqu’on étudie le droit.

Notre message c’était celui-là, c’était de dire : OK, vous défendez un objectif d’intérêt général, un objectif légitime, mais il n’est pas nécessaire de limiter autant les libertés informatiques pour y parvenir et même, au contraire, le logiciel libre est plein de vertus : par la transparence notamment il peut être un outil qui va favoriser vos objectifs.

On peut dire qu’on a été globalement bien entendus. Maintenant on a un texte beaucoup plus proportionné, des définitions beaucoup plus claires et, notamment, une définition claire et précise du logiciel libre, basée sur les quatre libertés.
Avant sommairement d’entrer dans les détails du dispositif, en quoi, finalement, il répond à cette prérogative, très rapidement un bref historique et, pour ça, je mentionne rapidement un document qui est absolument fondamental qui est le BOFiP, le Bulletin officiel Finances publiques-Impôts et, en fait, qui correspond à la manière dont l’administration interprète la loi et comment elle entend appliquer le dispositif. Il est extrêmement important parce qu’il est opposable à l’administration, il a valeur de loi et c’est là-dessus qu’on a pu agir pour améliorer la situation.

En 2016 la loi est passée. On a rencontré Bercy assez rapidement, en janvier ; des échanges constructifs, de bons échanges, ce qui fait qu’en août 2016 on a une première version du BOFiP, donc la section consacrée au sujet qui porte le joli nom de BOI-TVA-DECLA 30-10-30, le lien sera bien sûr sur l’April, sur le site de l’April. Ça c’était une première avancée ; elle était importante notamment parce que, dans cette section, il y avait une définition claire du logiciel libre qui reconnaissait explicitement la compatibilité du logiciel libre au dispositif.

En juin 2017 le gouvernement a répondu dans un communiqué de presse à une inquiétude croissante, notamment exprimée par un collectif important d’autoentrepreneurs, parce qu’il y avait une problématique importante, enfin un questionnement important sur la place, le périmètre exact du dispositif à savoir : est-ce que les logiciels de gestion sont contenus dans le dispositif ? Le gouvernement a dit clairement non et, suite à ce communiqué de presse, ils ont traduit cela dans la loi de finances pour 2018. Effectivement, ce sont vraiment les fonctions de caisse qui sont prises en compte.
En fait ce communiqué de presse nous a aussi permis de reprendre contact avec Bercy. On a renoué des échanges avec une nouvelle équipe tout aussi attentive à nos arguments. Ils ont ensuite fait un appel à commentaires sur leur projet d’une mise à jour du Bulletin officiel, de leur doctrine, auquel on a contribué et cette nouvelle doctrine, enfin cette mise à jour de la doctrine fiscale du BOFiP a été publiée en juillet 2018. Là encore on voit vraiment un effort de clarification important avec, à notre sens, des avancées pour une meilleure prise en compte du logiciel libre et certaines de nos propositions ont été reproduites dans ce BOFiP.
Sans rentrer dans les détails, ce qui est important pour le logiciel libre c’est que, déjà, il y a une bonne définition du logiciel libre. La notion d’éditeur est importante, qu’il faut vraiment entendre dans un sens très large, et c’est justement parce qu’elle est large, qu’elle est utile et souple, qu’elle permet une clarification des responsabilités entre ce qui va relever de la responsabilité de l’éditeur et de la responsabilité de l’utilisateur et des utilisatrices. En gros, tout simplement, tant que la personne modifie des parties du logiciel qui ne concernent pas les fonctions de caisse elle est parfaitement libre de le faire sans que cela remette en cause la validité du document qu’elle détient pour justifier de la conformité de son logiciel. En revanche, si elle modifie une fonction qui va relever de l’encaissement, donc des quatre conditions importantes que j’évoquais, l’inaltérabilité, etc., à ce moment-là elle va être considérée comme éditrice elle-même du logiciel. Le document va être invalidé et donc elle va devoir refaire certifier le logiciel nouvellement développé.
On détaille cela mieux. On a fait une analyse et je vous invite à aller la lire si ça vous intéresse. On a aussi une liste où on discute de ces sujets où vous pourrez avoir plus de détails, mais c’est vraiment là où le dispositif, où le BOFiP répond à nos inquiétudes principales, en distinguant bien ce qui va relever de la responsabilité de chacun et aussi en abaissant le niveau des obligations. On avait peur qu’il y ait une forme d’obligation absolue et typiquement irréalisable, notamment sur ce qu’on a appelé la notion d’inaltérabilité en reconnaissant ce qu’on appelle un peu l’état de l’art. C’est-à-dire que tant qu’on fait au mieux par rapport au niveau des connaissances et aux possibilités techniques, au moment où on le fait, ce qu’on a appelé l’homme de l’art, ce que l’homme de l’art est capable de faire, on est considéré comme satisfaisant les conditions.
Donc le texte est nouveau, il va vivre, il va y avoir des jurisprudences. On va continuer à suivre ce texte. Comme je vous le disais, ce qui est absolument à noter c’est qu’on est partis de très loin et, d’un texte initial relativement désastreux, pour dire les choses, on est vraiment arrivés, suite à des échanges très constructifs, à un texte vraiment acceptable. On va donc continuer dans l’objectif de renverser le paradigme du rapport très fermé à l’informatique. On a suivre les différents sujets sur l’attestation, sur l’attestation pour soi-même. Ce sont des sujets très variés et assez complexes il est vrai. Je pense qu’on est dans une démarche positive qu’on va essayer de poursuivre avec l’administration.
Frédéric Couchet : Écoute merci Étienne pour cette présentation. Comme tu viens de le signaler on a publié, enfin tu as publié une analyse détaillée à la fois sur le site de l’April et sur le site LinuxFr.org ; c’est dans les références sur la page consacrée à l’émission. Je tiens à remercier le travail qui a été fait à la fois par les bénévoles de la liste comptabilité et par Étienne sur ce sujet parce que c’est un échange entre bénévoles et salariés de l’association et saluer aussi l’écoute, comme tu le disais, du ministère des Finances. On partait de loin mais avec des gens qui écoutent et même qui lisent les commentaires sur LinuxFr, comme nous l’a confirmé l’une des personnes dans un rendez-vous à Bercy, on a pu avancer. Merci Étienne. Les personnes qui veulent lire une analyse plus détaillée peuvent aller sur le site de l’April ou sur le site de LinuxFr.
Étienne Gonnu : La liste de discussion est un très bon endroit pour obtenir des informations même pratiques. Si vous avez des questions pratiques sur ce dispositif, n’hésitez pas à venir faire un tour.
Frédéric Couchet : L’inscription est ouverte à toute personne.
Nous approchons de la fin de l’émission. On va passer à quelques annonces.
D’abord une boîte vocale : la radio Cause Commune a mis en œuvre, a mis en route récemment une boîte vocale. Si vous avez envie de faire connaître votre travail, si vous voulez parler d’un projet important, cet outil sympa et utile vous permet de laisser un message pour parler d’un projet qui vous tient à cœur ou de déclamer un poème ou de faire un coup de gueule. Vous pouvez appeler le numéro suivant : 01 88 32 54 33, je répète 01 88 32 54 33, votre message passera peut-être à l’antenne et même plusieurs fois sans doute, ça dépend des lutins radiophoniques comme il est indiqué sur le message d’accueil. La durée maximale d’un message est de dix minutes. N’hésitez pas à l’utiliser pour faire part d’un projet, faire un coup de gueule, en tout cas de passer le message que vous avez envie de faire passer.
Dans les actualités à venir, on va aller plus rapidement que d’habitude, car comme nous sommes une hebdomadaire, on peut se permettre d’aller plus rapidement vu que chaque semaine on pourra faire des annonces. Des amis en Suisse nous ont demandé d’annoncer les Rencontres Hivernales du Libre 2019 qui auront lieu du 25 au 27 janvier 2019 à Saint-Cergue en Suisse. Ces rencontres sont des évènements qui ont pour but, annuellement, de rassembler les forces suisses du logiciel libre et préoccupations annexes, comme il est marqué sur le site, donc sans doute données publiques et autres. Les personnes qui organisent souhaitent que les inscriptions se fassent avant le 13 janvier. Donc n’hésitez pas à aller vous inscrire. Je vais vous donner l’URL du site, c’est donc 2019.hivernal, h, i, v, e, r, n, a, l, point es. Si vous ne retenez pas le site vous allez sur le site de l’Agenda du libre et vous retrouvez cet évènement, agendadulibre.org.

Dans les autres évènements, jeudi soir à Paris à la FPH, il y a la soirée de contribution au Libre, comme chaque jeudi.
L’apéro April parisien a lieu vendredi 15 janvier, donc fin de semaine.
Étienne Gonnu : 11.
Frédéric Couchet : 11 janvier, effectivement, bonne remarque ; Étienne sera présent. Il y a un apéro April à Montpellier le 17 janvier. Un premier apéro à Marseille le 18 janvier 2019. Évidemment vous retrouvez sur le site de l’Agenda du Libre tous les évènements qui se passent en France et ailleurs.
Comme je vous le disais en début d’émission, en 2018 notre émission était une mensuelle, mais pour pouvoir traiter plus de sujets, être réactif par rapport à l’actualité, nous avons décidé que l’émission deviendrait un rendez-vous hebdomadaire à partir de ce mardi. Donc on se retrouve dès la semaine prochaine et je crois que cette émission de la semaine prochaine est attendue quand même par beaucoup de monde. On va parler des conditions d’accès aux documents administratifs avec la présence, vraiment là on les salue, de Xavier Berne journaliste à Next INpact, Tangui Morlier de Regards citoyens et Marc Dandelot le président de la CADA. Nous parlerons effectivement de la mise en œuvre de l’accès aux documents administratifs et nous parlerons, notamment, d’un avis récent de la CADA qui est en lien à la fois avec Next INpact, l’April et un des ministères qui a du mal à mettre en œuvre, sans doute, la priorité, en tout cas les directives logiciel libre, qui est le ministère de la Défense qui, aujourd’hui, s’appelle le ministère des Armées. Je vous invite la semaine prochaine à écouter l’émission sur l’accès aux documents administratifs et ça concerne tout le monde.
Notre émission se termine. Vous retrouverez sur notre site web april.org toutes les références utiles et également sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez à nous faire des retours pour nous indiquer ce qui vous a plu, d’éventuelles suggestions, des points d’amélioration.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve la semaine prochaine et d’ici là portez-vous bien.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.