- Titre :
- Émission Libre à vous ! diffusée mardi 5 novembre 2019 sur radio Cause Commune
- Intervenant·e·s :
- Luk - Catherine Dufour - Katia Aresti - Caroline Corbal - Julie Bideux - Frédéric Couchet - Isabella Vanni à la régie
- Lieu :
- Radio Cause Commune
- Date :
- 5 novembre 2019
- Durée :
- 1 h 30 min
- Écouter ou enregistrer le podcast
Page des références utiles concernant cette émission
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio dispose également d’une application Cause Commune pour téléphone mobile.
Merci à vous d’être avec nous aujourd’hui.
La radio dispose également d’un salon webchat, utilisez votre navigateur web, rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous ainsi sur le salon dédié à l’émission.
Nous sommes mardi 5 novembre 2019, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org et vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration.
Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio, donc sur causecommune.fm.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Nous allons maintenant passer au programme de l’émission du jour.
Nous commencerons par la chronique « La pituite de Luk » qui portera sur Google, la presse et les droits voisins.
D’ici dizaine de minutes nous aborderons notre sujet principal qui portera sur les femmes et les métiers et communautés de l’informatique et du logiciel libre.
En fin d’émission nous aurons une présentation du Pacte pour la Transition
À la réalisation de l’émission aujourd’hui ma collègue Isabella Vanni. Bonjour Isabella.
Isabella Vanni : Bonjour.
Frédéric Couchet : Comme à chaque début d’émission on va vous proposer un petit quiz. Je vous donnerai les réponses en cours d’émission et vous pouvez proposer des réponses soit sur le salon web de la radio, soit via, par exemple, les réseaux sociaux.
Première question : l’émission du 29 octobre 2019 était la 42e émission de Libre à vous !. 42 est un nombre fétiche dans la culture geek, la culture informatique, la culture de l’imaginaire et nous avons donc fait quelques clins d’œil et références à une œuvre. Quelle est cette œuvre ?
Deuxième question. Aujourd’hui notre sujet principal portera sur les femmes et les métiers de l’informatique et du logiciel libre. Sauriez-vous dire qui est la première personne à avoir réalisé un programme informatique. Petit indice : c’est une femme.
Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « La pituite de Luk » : Google, la presse et les droits voisins
Frédéric Couchet : Nous allons commencer l’émission avec la chronique « La pituite de Luk » qui va porter sur Google, la presse et les droits voisins. Luk n’est pas avec nous aujourd’hui et la chronique est enregistrée, donc on se retrouve juste après.
Luk : Salut Fred. Je pensais vraiment venir cette fois, mais là, je suis au rayon plomberie d’un magasin de bricolage. Je ne donne pas son nom parce qu’ils refusent de me payer pour ça. Les rats ! Parce que tu vois, le Libre c’est un peu comme un évier bouché finalement. La plomberie, c’est mieux. C’est l’avenir, c’est la France qui se lave tôt ! Je sais que tu dis que tu ne vois pas le rapport, mais c’est à cause des tuyaux. Je m’explique : je garde un œil distrait sur la dernière série Netfisc : ça s’appelle « Droits voisins » et ça raconte l’agitation de la presse autour des gros gains de Google. Pour celles et ceux qui n’ont pas suivi le début de la série, notre presse nationale a fait passer une loi pour faire cracher leur thune aux GAFAM. Surtout à Google. Le principe est simple : puisque Google News fait de l’argent en relayant les articles de la presse, alors la presse doit toucher sa part. On en était resté à la fin de la saison précédente sur le vote de cette loi. Pas mal de gens avaient dit que le scénario était cousu de fil blanc : ça n’avait pas marché en Espagne ou en Allemagne avant, ça n’allait pas marcher chez nous maintenant.
Eh bien en fait, ils avaient raison. Google a juste modifié la présentation des articles pour tomber dans la catégorie qui le dispense de partager son pécule. Ça n’empêche pas toute la presse et notre ministre du divertissement de s’insurger. Ces gens ont le sens du spectacle mais pas celui de la mesure. Ils jouent tour à tour la déception, les mensonges, les larmes et la rage… En gros, un drame exubérant et lourdingue. Pendant ce temps Google joue tout en retenue : une simple déclaration, une pièce poussée du bout du doigt : « échec ».
Même s’il est censé être le méchant de l’histoire, j’aurais plutôt tendance à admirer le mouvement de Google plutôt que celui d’une poignée de patrons de presse qui se roulent par terre pour tenter de rendre leur caprice crédible. Mais Google n’a aucun mérite, l’intrigue reste médiocre.
Aucun mérite, parce que c’est facile quand on possède le tuyau ! Google a la main sur le robinet et les yeux fixés sur le compteur. Ça n’a rien d’admirable : tuyau, robinet, compteur est la sainte trinité du business ; dans l’eau potable, les déchets, autoroutes, téléphonie mobile, partout des tuyaux, des robinets et des compteurs.
Être dans le tuyau du grand méchant, c’est lui appartenir. Amazon possède ainsi l’essentiel des librairies physiques des US, vend des liseuses et rémunère les auteurs édités chez lui à la page lue. Au Venezuela, les utilisateurs de Photoshop l’ont également découvert récemment quand Adobe a fermé le robinet dans le cadre de la guerre commerciale lancée par Donald Trompe.
S’enfiler dans le tuyau, ce n’est pas qu’une question de pognon. Dans le tuyau, on adopte nécessairement la forme d’un cylindre. Il est donc aussi un outil de contrôle social, de prescription culturelle et des idées… Un tuyau, c’est un sceptre, c’est le pouvoir.
Les articles sont le fluide qui circule dans le tuyau. Ironiquement la presse a travaillé dur pour se faire littéralement entuber. Souvenons-nous, elle s’était déjà pliée en 4 pour rentrer dans l’iPad, alléchée par les promesses de gros bénefs pour, finalement, se faire tondre par Apple. « Ceci est une répétition » aurait pu dire le chauve à col roulé qui en fut le patron. Et on voudrait nous faire croire à l’indignation de la presse en dépit de sa longue expérience ?
Le tuyau signe la mort de tout suspens, faute d’un rapport de force équilibré. Il faudrait, pour relancer l’intérêt de la série, que ces petites particules atomisées prennent conscience de leur déclassement. On aurait un drame social poignant où ceux qui furent eux-mêmes tuyaux et qui croyaient avoir réussi seraient confrontés au silence déraisonnable des GAFAM et réaliseraient qu’ils ne sont, en fait, plus rien. Ils pourraient alors adopter des stratégies adaptées comme faire de la lèche pour tenter de monter en grade ou bien défiler avec des banderoles dans les fumées de merguez à Mountain view. Ça aurait de la gueule !
À la place ils essaient de nous refourguer un téléfilm français d’action mettant en scène un duo de toxicos tirant sur leurs tuyaux crevés : la presse cyclothymique, affublée de son fidèle pitbull gouvernemental édenté qui aboie sans conviction. Perso, je n’y crois pas une seconde !
En attendant un hypothétique réveil des scénaristes, moi je me mets à la plomberie. Qui sait ? Je serai peut-être maître du monde le mois prochain.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter Optimism par Minda Lacy. On se retrouve juste après. Passez une agréable journée à l’écoute de Cause Commune.
Pause musicale : Optimism par Minda Lacy.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Optimism par Minda Lacy, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause commune 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons poursuivre avec à notre sujet principal.
[Virgule musicale]
Les femmes et l’informatique
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur les femmes et l’informatique et aussi le logiciel libre avec nos invitées : Catherine Dufour, ingénieure en informatique, autrice de Ada ou la beauté des nombres qui vient de paraître chez Fayard en septembre 2019. Bonjour Catherine.
Catherine Dufour : Bonjour.
Frédéric Couchet : Katia Aresti, ingénieure logiciel chez Red Hat, membre de Duchess France. Bonjour Katia.
Katia Aresti : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et normalement au téléphone avec nous Caroline Corbal de Code for France et membre d’Open Heroines France. Bonjour Caroline.
Caroline Corbal : Bonjour, je suis là.
Frédéric Couchet : Super. Bienvenue à vous trois. Première question, même si je vous ai présentées très rapidement, une petite présentation personnelle, on va commencer par Caroline qui est au téléphone, c’est la situation la moins facile, donc Caroline.
Caroline Corbal : Bonjour. Tu m’as présentée, je suis membre du collectif Open Heroines que, je pense, on pourra présenter à nouveau tout à l’heure. Sinon je suis cofondatrice d’une association qui s’appelle Code for France et je gravite dans le milieu du Libre depuis quatre/cinq ans.
Frédéric Couchet : D’accord. Katia Aresti.
Katia Aresti : Je suis ingénieure en informatique chez Red Hat et je suis membre de Duchess France qu’on présentera tout à l’heure aussi depuis 2010. Je fais de l’open source en Java, particulièrement.
Frédéric Couchet : Je précise qu’on a déjà eu l’occasion d’avoir Katia Aresti dans notre émission sur le métier du développement logiciel libre, le podcast est disponible, et on a aussi déjà eu Caroline Corbal, je ne sais plus à quel moment c’était, mais pareil, le podcast est disponible sur les sites de Cause Commune et de l’April. Catherine Dufour.
Catherine Dufour : Bonjour. Je m’appelle Catherine Dufour, je suis aussi ingénieure en informatique, je fais des bibliothèques numériques. Je fais des chroniques au Monde diplomatique, je donne des cours à Sciences Po et je suis auteure de science-fiction.
Frédéric Couchet : D’accord.
Le sujet qu’on va aborder aujourd’hui, on ne va pas aborder tous les thèmes du sujet parce qu’il est très vaste, c’est une première émission sur le sujet, mais déjà première question, un petit peu le constat, pourquoi on parle de ce sujet-là, la place des femmes dans l’informatique et du logiciel libre alors qu’en fait, initialement, ce n’était pas la situation qu’on connaît aujourd’hui. Qui veut commencer peut-être sur l’histoire, rappeler les premières… Je précise qu’à la radio elles se font des signes pour se passer la parole. On va commencer sans doute par Catherine Dufour, notamment est-ce que les femmes ont toujours été absentes, en tout cas moins présentes que les hommes dans l’informatique ? Comment ça se passait il y a quelques années ?
Catherine Dufour : Elles ont toujours été très présentes. Avant elles étaient très présentes. L’informatique a commencé à la Seconde guerre mondiale, en gros, même si c’est vrai qu’IBM a été créée en 1890 par Hollerith. Globalement, la partie noble de l’informatique c’était le hard, c’est-à-dire la machine, et puis le soft, la programmation, c’était la partie moins noble, donc on employait des femmes. Celle qui a inventé le premier programme informatique c’est Ada Lovelace, c’était en 1843, c’est un peu lointain. La première codeuse d’un des premiers gros ordinateurs, le Mark 1, c’est Grace Hopper, une ingénieure américaine. Il y avait un autre gros ordinateur à la même époque, là je vous parle Seconde guerre mondiale ou juste après, c’est l’ENIAC qui a été programmé par six mathématiciennes. Donc la programmation est longtemps restée une prérogative féminine.
Dans les années 70 – il y a un très bon article de Chantal Morley, à mon avis, sur le sujet, vous le trouverez sur Slate – l’informatique est devenue de plus en plus prégnante, l’informatique s’est répandue partout et les salaires ont commencé à monter. Il y a eu une réaction en Angleterre où c’était quand même l’État qui était le plus gros employeur d’informaticiens et d’informaticiennes, ils se sont vraiment dit « on ne va donner des payes pareilles à des femmes ! », et ils ont arrêté d’embaucher des programmeuses. Je crois qu’à l’époque il y avait 50 % de femmes dans l’informatique ; dans les années 80, je ne sais plus les chiffres exacts, c’est passé à 40 ou 30. Et maintenant, selon les paroisses, on dit que les femmes sont 12 % ou 20 % du secteur, mais il y a eu une volonté ferme de renvoyer les dames à la maison et de ne pas leur servir les gros salaires des informaticiens.
Frédéric Couchet : En fait concrètement, c’est quand l’argent a commencé à arriver et le prestige on a dit : « Mesdames dehors, laissez la place aux hommes ! » C’est un peu ça.
Catherine Dufour : C’est toujours comme ça.
Frédéric Couchet : C’est toujours comme ça. Est-ce que Caroline ou Katia vous voulez compléter sur cette partie constat ou historique ou même le constat actuel ? Katia Aresti.
Katia Aresti : Oui, pour l’historique je pense que c’est très bien résumé, merci. Pour le constat actuel, oui, aujourd’hui on avance dans sa carrière pour travailler en tant que développeuse et plus on veut rester technique et avancer plus on voit qu’il y a plus de femmes qui quittent et qui vont être poussées plutôt à faire du management, du product owner, du fonctionnel. Très tôt dans notre carrière, on nous pousse plutôt à aller vers ça, plus que les hommes je dirais. C’est comme si on voyait que comme les hommes, de toute manière, sont plus geeks, qu’ils vont peut-être plus s’épanouir pour devenir techniquement très forts avec les années et que nous on a quand même derrière un peu ce cliché qu’on va mieux faire de la gestion, qu’on va être plus sociales, etc., du coup on va nous pousser vers d’autres trucs très tôt dans notre carrière. Donc oui, quand tu as 14 ans d’expérience comme moi, eh bien tu vois qu’il y a moins de femmes et encore moins dans l’open source.
Frédéric Couchet : On reviendra tout à l’heure sur la spécificité effectivement du Libre. Caroline Corbal est-ce que tu veux ajouter quelque chose ?
Caroline Corbal : Oui, que je partage tout à fait ce qui vient d’être dit et je pense, en effet, que ça fait un moment qu’on parle de la place des femmes dans le numérique et que, concrètement, la situation évolue beaucoup trop lentement. On voit encore qu’il n’y a pas assez de femmes qui contribuent à des projets libres. Il y a encore trop d’événements avec une majorité d’intervenants masculins, voire 100 % masculins ; j’en ai encore vu récemment et je pense que c’est juste plus possible. Il y a encore trop peu de femmes dans les comités de direction des entreprises et encore au quotidien trop de situations de sexisme ordinaire qu’on doit subir. En échangeant entre femmes on se rend vraiment compte que beaucoup ne se sentent pas légitimes à prendre la parole que ce soit en public ou parfois dans des environnements fermés, ce qui me semble très problématique.
Frédéric Couchet : D’accord. Avant de repasser la parole à Catherine Dufour, j’ai une petite question collective. Catherine, dans son introduction, a parlé des années 40/50 jusqu’aux années 70 on va dire, mais dans les années 80 il y a eu un moment important, c’est l’arrivée des ordinateurs personnels. Est-ce que l’arrivée des ordinateurs personnels a aggravé la situation dans le sens où ils ont peut-être été plus donnés à des garçons qu’à des filles ou, au contraire, est-ce que ça n’a joué aucun rôle ? C’est une question ouverte. Je redonne la parole à Catherine Dufour.
Catherine Dufour : Je n’aurai pas de réponse. Je dirais que très probablement, de toute façon, on a plus tendance à offrir des petits ordinateurs aux garçons et puis des petites machines à repasser aux filles, mais c’est juste du feeling. Il n’y a pas de données chiffrées là-dessus.
Pour reprendre, ce qu’a dit Katia est très important, c’est qu’il ne s’agit pas uniquement de plafond de verre. Un plafond de verre, vous montez en même temps que les hommes et à un moment pouf !, vous arrêtez, eux continuent. C’est ce qu’on appelle le couloir de verre. Là je voulais vous raconter une petite anecdote : une fois je suis intervenue dans une grosse société où il y avait une espèce de raout « féminisme et diversité ». C’est-à-dire, qu’en gros, on met dans une salle les femmes, les Noirs et les handicapés et on fait une grande conférence pour parler de ces soucis-là et à quel point la société essaye, justement, de détruire les inégalités. L’introduction a été faite par monsieur le PDG, puis il y a eu une petite allocution de monsieur le directeur financier et après ils nous ont dit : « Ce n’est pas tout ça, mais nous on a conseil d’administration, on va vous laisser discuter entre vous » [Prononcé d’une voix mielleuse, NdT]. Ces messieurs sont allés exercer leurs fonctions régaliennes en nous laissant entre femmes, c’est-à-dire la responsable de la communication, la responsable des ressources humaines, c’est-à-dire, comme disait effectivement Katia, toutes les fonctions un petit peu molles, un petit peu dans le social, mais qui ne ont pas le nerf de la guerre, qui ne sont pas les vraies décisionnaires. Et à ce moment-là, à la pause, en discutant avec les jeunes filles et les moins jeunes qui travaillaient dans cette société, que j’ai compris que ce n’est pas tellement qu’on les empêchait de monter, c’est que dès le départ on les met dans un couloir de verre qui les emmènera, de toute façon, vers les fonctions molles où on est facilement remplaçable et où on ne prend pas les décisions importantes. Les hommes gardent en attribution, je dirais, le cœur du métier et le nerf de la guerre.
On ne raisonne plus forcément maintenant en fonction de plafond de verre mais en fonction de couloir de verre et c’est très bien fléché depuis le début de la carrière. Donc je félicite Katia pour avoir résisté à la pression de prendre ce couloir.
Frédéric Couchet : Avant de redonner la parole à Katia, sur le métier de développeuse j’insiste : écoutez le podcast de l’émission avec Katia et Emmanuel Raviart où ils ont expliqué qu’on pouvait être développeur et développeuse de logiciels, en l’occurrence de logiciels libres, pendant des années et des années, que devenir chef de projet ou faire du marketing ce n’était pas la voie absolue ; je vous encourage vraiment à l’écouter. Je voulais juste savoir, par rapport à ma question sur les ordinateurs personnels des années 80, est-ce que Katia ou Caroline vous avez un commentaire là-dessus ou, pareil, vous n’avez pas de réponse ? Katia.
Katia Aresti : Effectivement je n’ai pas vécu ça parce que, justement, je pense que mon père m’a quand même un peu mis dans la tête que je devais être ingénieure. Depuis toute petite, quand j’avais trois/quatre ans et qu’on me demandait ce que je voulais être quand je serai grande, moi je disais que je voulais être ingénieure, parce que lui disait « tu vas être ingénieure ». Après j’ai fait ça parce que, plus tard, j’ai appris à coder et j’ai aimé coder. C’est pour ça que j’ai pris cette voie, pas parce que mon père m’a dit de faire ceci ou cela, c’est vraiment qui moi ai choisi. Ce qui est intéressant dans mon cas c’est que lui m’a poussée à beaucoup de choses : c’est lui qui apportait les Lego à la maison, il achetait des jouets typiquement plus orientés pour des garçons ou, disons,marketisés pour les garçons donc pas roses, mais j’avais aussi des poupées, énormément de poupées, je faisais de la peinture, je faisais de la danse, etc. Disons que j’ai été exposée à tout et je n’ai pas vécu ça. J’ai eu un ordinateur après. Oui, je crois que la façon dont on te pousse à la maison et tous les stéréotypes de jouets peuvent avoir une grosse influence, etc. Ce à quoi on joue quand on est petit et qu’on grandit avec ça, ça joue forcément quand même. Du coup, à mon avis, je pense qu’il y a forcément eu une influence, mais en même temps c’est empirique, je n’ai pas de data, de données.
Frédéric Couchet : On reviendra sur ce sujet dans le cours de l’émission, justement sur le rôle de l’éducation, des parents, de l’école, etc. Juste après on va aborder aussi le sujet de ce qui aggrave la situation aujourd’hui, de ce qui peut aussi l’améliorer, on va parler d’aujourd’hui. Caroline, est-ce que sur la partie expérience des années 80, même si, de mémoire, tu es un peu plus jeune peut-être que nous, est-ce que tu as une expérience ou des commentaires à faire ?
Caroline Corbal : Je rejoins Katia. Moi j’ai eu de la chance parce que mes parents m’ont tout de suite mis un ordinateur dans les mains, c’était dans les années 90, donc j’ai pu essayer ça dès le début et c’est là où je pense que l’école va aussi avoir un rôle fondamental pour gommer les discriminations qu’on peut avoir dans certains foyers. J’espère de toute façon qu’à terme, dans les foyers aussi, on aura de moins en moins ces discriminations-là.
Frédéric Couchet : D’accord. OK. On va parler un petit peu, même si Caroline a commencé, sur ce qui aggrave la situation, sur ce qui peut améliorer la situation, les propositions concrètes. On parlera aussi, peut-être, des spécificités du logiciel libre s’il y en a par rapport à l’informatique en général, parce qu’il peut y avoir. Catherine Dufour, vous vouliez intervenir.
Catherine Dufour : Oui. Je voulais juste dire que la notion de père est très importante. J’ai écrit un livre.
Frédéric Couchet : Pair, p, a,i, r ?
Catherine Dufour : P, e, r, e, avec un accent.
Frédéric Couchet : P, è, r, e, OK.
Catherine Dufour : J’ai écrit un livre, le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses, où je donne des modèles, c’est-à-dire des biographies de femmes informaticiennes, mathématiciennes, chercheuses d’or, agentes secrètes, surfeuses, bref !, tout un tas de métiers rigolos et que les femmes ne font pas traditionnellement, donc je me suis intéressée aux biographies de ces femmes-là, celles qui font de la voile, celles qui font du combat rapproché, enfin des choses vues comme masculines. Systématiquement, c’est le père qui autorise. Émilie du Châtelet qui est une grosse génie mathématique du 18e siècle, c’est son père qui lui a donné l’autorisation de faire et je retrouve très souvent le père comme moteur du fait qu’une femme s’affranchisse des limites imposées à son genre. Donc messieurs, si vous vous sentez féministes, le meilleur service que vous pouvez rendre aux femmes c’est d’autoriser votre fille à sortir justement de ces limites, l’autoriser et lui donner les moyens. Véritablement, ça se retrouve systématiquement.
Frédéric Couchet : D’accord. Excellente intervention. On reviendra sur la partie éducation encore plus en détail après.
Caroline, tout à l’heure tu avais commencé à citer quelques points qui aggravent la situation. On a bien compris l’historique, mais aujourd’hui il y a des choses qui aggravent. Est-ce qu’on peut faire un petit tour d’horizon rapide et peut-être les choses qui permettent, justement, de corriger ces points négatifs et les propositions concrètes ? Là on parlera un peu plus de vos structures et de vos actions. Qu’est-ce qui, aujourd’hui, aggrave la situation qui n’est déjà pas très belle ?
Caroline Corbal : Déjà, je dirais que ça dépend du point de vue où se place. Si on se place au niveau des organisations, par exemple des entreprises et des associations qui sont deux milieux que j’ai pu pas mal expérimenter, ce que j’ai observé c’est que le manque de dialogue est vraiment un souci. Entre équipes on a vraiment besoin de se parler, de se dire quelles sont nos attentes sur ces sujets-là au risque d’entretenir des situations qui sont non satisfaisantes. Ensuite, je pense qu’un des soucis c’est le manque de prise de risque : par exemple prise de risque lors d’événements à inviter des intervenantes qui sont moins expérimentées, en se disant qu’on veut tel ou tel nom masculin parce que c’est une valeur sûre. En fait, je pense qu’il faut vraiment qu’on apprenne à faire confiance à des femmes plus jeunes ; si on ne le fait pas, c’est un cercle vicieux et ces femmes-là ne pourront jamais se former.
Ensuite, je pense que la manière dont les enjeux de diversité et d’inclusion sont traités aggravent parfois le problème parce que soit c’est traité comme des enjeux de communication sans action concrète derrière ce qui peut les desservir, soit, en fait, c’est l’inverse, on n’en parle pas parce qu’on a peur de mal faire, de mal en parler, de ne pas utiliser les bons termes, par exemple de faire peur à ses clients ou au public et ça, je pense que c’est vraiment regrettable.
Dernier mot là-dessus, au niveau global aussi, je pense que l’absence de rôles modèles joue un rôle clé parce que nos cultures numériques sont vraiment peuplées d’icônes masculines. Que ces hommes-là nous inspirent ou non, on peut tous citer leurs noms alors que ce n’est pas le cas avec la plupart des femmes qui excellent aujourd’hui dans le milieu informatique. Je pense que ça aggrave vraiment le problème parce que les jeunes filles ne peuvent pas s’identifier à des rôles modèles féminins.
Frédéric Couchet : Très bien. En plus ça me fait rebondir sur le livre de Catherine Dufour, Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas devenir princesses où vous avez justement des rôles modèles.
Catherine Dufour : Des rôles modèles, c’était le but.
Frédéric Couchet : Des rôles modèles, anciennes et actuelles, ça c’est important et on reviendra aussi tout à l’heure sur le rôle important joué sur ce rôle modèle notamment avec Duchess France pour la mise en valeur des rôles modèles.
Est-ce que vous voulez compléter, Katia ou Catherine, sur cette partie vraiment aggravation de la situation ou est-ce qu’on passe directement aux choses plutôt positives, c’est-à-dire comment améliorer les choses ?
Catherine Dufour : Je suis tout à fait d’accord avec ce que dit Caroline. En plus, moins il y a d’intervenantes moins il y a d’intervenantes. C’est-à-dire que quand avoir un minimum de parité et qu’on convie une femme, elle a déjà 80 invitations parce qu’elle est un peu toute seule. C’est un problème que je rencontre fréquemment. Il y a quand même des solutions, il y a un site qui s’appelle expertes.fr, qui est très bien, où vous allez trouver des femmes d’absolument toutes les couleurs dans toutes les disciplines. Surtout n’hésitez pas à aller sur ce site-là, il est génial pour trouver de la ressource.
Frédéric Couchet : Katia.
Katia Aresti : Rien. Je pense que tout a été dit et très bien expliqué.
Frédéric Couchet : On va parler des propositions concrètes ou, en tout cas, pour résoudre ce problème. Ça va être aussi l’occasion de présenter un peu vos initiatives et sans doute d’autres initiatives, il n’y a pas que les vôtres, évidemment. On va peut-être commencer par Duchess France avec Katia Aresti. Comme tu l’as dit tu es développeuse chez Red Hat, une entreprise du logiciel libre, et tu fais partie de Duchess France. Quel est l’objectif de Duchess France et quelles sont vos principales actions ?
Katia Aresti : Duchess France est une association qui a été créée début 2010 par quatre femmes qui avaient fait un constat : justement, elles faisaient des soirées techniques à Paris et elles se disaient « pourquoi n’y a-t-il pas plus de femmes ? Où sont les autres femmes, etc. ? Peut-être qu’elles ne sont pas motivées à venir à des soirées, etc. » Du coup elles ont créé ça avec justement l’idée de dire « vous n’êtes pas toutes seules, il y a des développeuses et des femmes techniques donc rencontrons-nous et créons ». Ça c’était l’origine du groupe. Je me suis inscrite au groupe dès le départ, dès la création en mars 2010, et ensuite, deux/trois mois après, je suis devenue membre organisatrice. Donc je ne suis pas fondatrice, mais je suis là depuis la fondation. Nos actions sont là principalement pour justement mettre en avant des femmes, pour que d’autres femmes s’inspirent des différents parcours, mettre en place toute une communauté sur Slack dans laquelle aujourd’hui on peut discuter.
Frédéric Couchet : Précise ce qu’est Slack.
Katia Aresti : Slack c’est un chat, un logiciel qui sert à créer des canaux de chat.
Frédéric Couchet : De communication.
Katia Aresti : Voilà. Du coup on peut poster sur différents sujets, échanger, etc., des trucs techniques comme personnels, n’importe quoi. On organise aussi des soirées techniques à Paris. On essaye que les intervenants dans les soirées techniques soient des femmes ou un homme et une femme. Parfois ce n’est pas possible, du coup on ne va pas refuser quelqu’un qui veut venir parler à Duchess parce que c’est un homme, mais le but c’est vraiment de pousser les femmes à parler, à partager leurs connaissances techniques, donc on fait des soirées autour de ça. Ça peut aussi être simplement un apéro. On fait plein de choses. Le truc n’est pas méga structuré dans le sens où on n’a pas une soirée tous les mois, c’est vraiment selon les besoins.
Frédéric Couchet : Au feeling.
Katia Aresti : Au feeling et selon les disponibilités de chacune parce qu’on fait tout ça en bénévolat, du coup ça prend quand même un temps fou et la plupart de nous avons une vie de travail, plus famille, plus mille trucs. La communauté est quand même assez grande sur Meetup qui est un site justement pour rassembler, pour organiser des événements et faire en sorte que les gens s’inscrivent, on était pas loin de 2500 inscrits ou 3000. En fait il y a plein de meetups, donc de soirées techniques comme ça sur Paris. Mon constat est que quand c’est Duchess qui l’organise la moitié des personnes qui assistent, sur des soirées très techniques, ce sont souvent des femmes. Alors que d’autres soirées techniques organisées par d’autres groupes, peut-être qu’il n’y a aucune femme, voire zéro, le pourcentage est vraiment beaucoup plus petit. Mais nous on n’organise pas que pour les femmes, on ne ferme à personne, en fait.
Frédéric Couchet : D’accord. On reviendra sur ta remarque, notamment sur les réunions mixtes ou non-mixtes ; les réunions non-mixtes peuvent avoir leur importance. Je relaie une question ou plutôt une suggestion qui est sur le salon web – n’hésitez pas à vous joindre à nous sur causecommune.fm –, Marie-Odile qui suggère sous forme de question d’enregistrer les conférences et de les publier et, en plus, je pense qu’elle pourrait rajouter qu’elle va les transcrire parce Marie-Odile c’est la personne qui transcrit les conférences. Question : est-ce que ces conférences sont enregistrées ?
Katia Aresti : Celles qu’on fait avec Duchess ?
Frédéric Couchet : Oui.
Katia Aresti : S’il y a moyen dans la salle qui nous héberge, oui, mais sinon non et parfois ce sont juste des ateliers de coding, c’est pour les pros. Souvent, ce qu’on fait, c’est pour les pros, ce n’est pas pour initier les gens au code, c’est vraiment pour les pros qu’on est là, donc ce sont des choses techniquement assez poussées, en fait.
Frédéric Couchet : D’accord. Caroline Corbal, de ton côté Open Heroines je pense que c’est assez proche. Tu vas nous expliquer ça. D’où vient Open Heroines et qu’est-ce que vous faites ?
Caroline Corbal : Il y a quelques similitudes avec ce que vient de dire Katia. Open Heroines, en fait, c’est un collectif international qui a été créé il y a quatre ans pour rassembler les voix de femmes qui agissent dans le numérique ouvert. Par numérique ouvert on entend le logiciel libre, l’open data, l’open gov, les communs numériques, etc. C’est un réseau international. Pour le coup c’est fermé aux hommes, c’est uniquement pour les femmes, elles se retrouvent sur un Slack international. Avec une amie, Cécile Le Guen, il y a deux ans on a décidé d’ouvrir le chapitre français de ce réseau face au constat qu’on rencontrait encore, dans nos environnements professionnels, trop de situations de sexisme ordinaire et qu’on avait vraiment besoin d’en parler entre femmes dans des espaces safes, où on se sent en sécurité pour en parler. Open Heroines en France est un réseau de confiance dans lequel chacune est bienvenue. C’est complètement informel, il n’y a pas de bullshit, pas de post-it.
Frédéric Couchet : Pas de quoi ?
Caroline Corbal : De bullshit. Comment dit-on en français ? On parle de choses sérieuses quoi ! Il n’y a pas de post-it, pas d’ordre du jour, pas de feuille de route. On va boire des bières [ou autres, Note de l’intervenante] régulièrement. On a une boucle sur l’application Telegram, pour échanger, sur laquelle toutes les femmes sont les bienvenues. D’ailleurs il y a aussi des femmes qui ne sont pas dans le numérique qui nous rejoignent parce qu’elles sont intéressées par nos discussions. De temps en temps on monte des projets quand le besoin s’en fait ressentir. Par exemple, récemment, on a organisé une soirée sur les femmes et la politique pour aider des jeunes femmes à s’engager en politique ; là, en plus, ça dépasse le sujet du numérique. Si vous souhaitez nous rejoindre n’hésitez pas à me contacter et je vous rajouterai dans la boucle des discussions.
Catherine Dufour : Volontiers. Oui.
Frédéric Couchet : D’accord. Invitation lancée. Petite question sur les ateliers ou, en tout cas, justement sur les rencontres non-mixtes, est-ce que tu pourrais expliquer l’importance de ces rencontres non-mixtes ? C’est un sujet qui a souvent été un sujet de discussion dans les communautés et mal compris. Est-ce que tu peux nous expliquer, ou bien sûr Katia et Catherine, l’importance de ces rencontres entre femmes ?
Caroline Corbal : En fait c’est vraiment là, pour le coup, venu du constat qu’entre femmes on ne se parle pas de la même manière que quand il y a des hommes et qu’il y a aussi beaucoup de femmes qui ne viennent pas à des réunions où il y a des hommes ou alors, si elles viennent, elles n’osent pas prendre la parole de la même manière. Vu l’ensemble des problèmes qu’on rencontrait, on avait besoin d’espaces où on se sent en sécurité, on se sent bien pour aborder ces problèmes.
Parfois on parle de soucis liés justement au sexisme ordinaire, de tous ces sujets-là, là on est encore mieux pour en parler entre femmes puisqu’on peut en parler librement, mais on parle aussi d’autres sujets. Je pense que la non-mixité n’est pas l’unique solution mais c’est une solution, c’est déjà quelque chose qui est fondamental pour que les femmes puissent s’organiser entre elles et trouver des solutions.
Frédéric Couchet : D’accord. On va revenir sur ce sujet-là, les propositions concrètes, parce que j’ai vu sur vos sites que vous avez pas mal de propositions, on reviendra notamment sur l’organisation des conférences, justement quels conseils on peut donner aux structures qui organisent des conférences.
On va faire une pause musicale. On va écouter Age of Feminine par Kellee Maize. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Pause musicale : Age of Feminine par Kellee Maize.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Age of Feminine par Kellee Maize, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.
Vous écoutez l’émission libre à vous !sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons poursuivre notre discussion concernant les femmes, l’informatique et le logiciel libre, toujours avec Catherine Dufour, Katia Aresti et Caroline Corbal.
Juste avant la pause musicale nous parlions d’Open Heroines et de Duchess France ; je précise que Duchess c’est sans « e » à la fin ; on citera les sites à la fin de l’émission, on les mettra évidemment en référence et vous les retrouverez sur les sites de l’April et de Cause Commune. On commençait un petit peu à parler des propositions, des pratiques des unes et des autres dans vos structures. Tout à l’heure Caroline Corbal, dans les problématiques, a cité ce qu’on appelle les « manels », c’est-à-dire les panels d’intervenants avec que des hommes. Effectivement il y a beaucoup de conférences où on retrouve principalement des hommes. Quels conseils donnez-vous et d’ailleurs je crois, Katia Aresti, de mémoire, que tu participes à un comité de programme ?
Katia Aresti : Oui.
Frédéric Couchet : On va commencer par Caroline puisqu’elle est au téléphone. Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes qui organisent des conférences, des tables rondes ou des événements soit informatiques soit libristes, peu importe, justement pour donner aux femmes la place qu’elles méritent d’avoir ? Caroline Corbal.
Caroline Corbal : Déjà d’être vigilants sur cette question des « manels ». Déjà avoir un comité de programme paritaire il me semble que c’est un bon départ, c’est même une condition minimum. Ensuite, pour aller trouver des profils féminins, la question du référencement qui a été évoquée par Catherine tout à l’heure, il y a la plateforme Les expertes qui, du coup, est disponible et consultable et une autre plateforme pour l’international qui s’appelle speakerinnen.org où il y a pas de mal de profils féminins qui sont référencés. Le souci c’est qu’il y a pas mal de femmes qui n’osent pas encore se référencer sur ces plateformes.
Catherine Dufour : speaker quoi ?
Frédéric Couchet : speakerinnen.org.
Caroline Corbal : speakerinnen.
Frédéric Couchet : On mettra les références sur le site de la radio et sur le site de l’April puisque, effectivement, ce n’est pas évident à prononcer. Je précise aussi, et je te redonne la parole, que sur Duchess France il y a une liste d’expertes techniques, c’est d’ailleurs là que j’avais trouvé Katia Aresti quand je cherchais une développeuse pour l’émission de l’April. Je te laisse poursuivre.
Caroline Corbal : Je disais qu’il y a pas mal de femmes qui ne se référencent pas par manque d’information ou parce qu’elles ne se sentent pas légitimes à revendiquer une expertise. Mon message c’est vraiment « référencez-vous, vous êtes légitimes et votre parole compte » et si vous êtes un homme vous pouvez aussi référencer les femmes autour de vous ou, en tout cas, les inviter à le faire, à leur en parler.
Ensuite, pour terminer sur les conférences, je pense qu’il est important de créer un environnement dans lequel chacun et chacune se sente en confiance pour intervenir et que, pour ça, avoir des outils comme un code de conduite c’est quelque chose qui est tout à fait nécessaire pour créer des environnements dans lesquels on se sent en confiance.
Il y a aussi tout un tas d’outils qui sont expérimentés dans des conférences, beaucoup de conférences aux États-Unis où, par exemple à l’entrée de la conférence, on vous donne un badge avec le prénom par lequel vous voulez qu’on vous nomme lors de la conférence, est-ce que vous souhaitez ou non être pris en photo, etc.
Frédéric Couchet : D’accord. Katia Aresti.
Katia Aresti : Déjà je vais rajouter que ce qui arrive souvent aujourd’hui dans les conférences dès qu’il y a un panel dans lequel il n’y a pas de femmes, il y a quand même un peu de tweet bashing sur la conférence en mode « mais pourquoi il n’y en a pas ? Qu’est-ce que vous avez fait ? Vous avez fait de la merde, etc. » Et, en fait, souvent ce sont des hommes qui organisent ou qui ont une équipe dans laquelle il y a peut-être une ou deux femmes mais majoritairement des hommes qui ont quand même fait un effort de chercher, mais elles ont dit non. Il y a des femmes qui ont dit non pour y aller parce que souvent nous sommes les mêmes qui sommes sursollicitées. Pourquoi je trouve que c’est un problème ? Ce n’est pas que nous disons non, le problème est que souvent il arrive que les personnes qui organisent se disent « ah, on veut inviter justement des femmes mais qui sont ces femmes-là ? ». Donc ils ne les connaissent que très peu parce qu’en fait ça ne suffit pas de s’intéresser pour faire venir parler des femmes, juste pour cocher une case « diversité », il faut s’intéresser avant, bien avant !, genre des mois et des mois avant que tu organises une conférence. Comme ça, quand on va t’inviter, tu vas savoir que ce n’est pas parce que tu es femme – ce qui est une horreur quand tu te fais inviter juste parce que tu es une femme – parce que dès tu es visible tu es quand même un peu sursollicitée et tu as quand même cette impression-là. C’est un truc qui revient souvent quand on discute chez Duchess France, tu te dis « est-ce qu’on m’invite parce que je suis légitime ou juste parce que je suis une femme et que je vais cocher une case "diversité" ». Mais quand tu es invitée parce qu’on connaît ton travail et qu’on t’invite parce qu’on te veut, on a beaucoup plus tendance à dire oui et à ne pas sentir ce syndrome d’imposteur pour y aller et oser se lancer.
Le conseil fondamental que je donne aux gens, comme l’a déjà dit Caroline, avoir une équipe mixte c’est très bien parce que souvent les femmes s’intéressent à d’autres femmes, mais les hommes qui sont en train d’organiser doivent aussi s’intéresser à ce que font leurs collègues féminines, s’intéresser avec beaucoup d’avance. C’est quand même comme ça que se crée cette communauté, qu’elle s’agrandit et les femmes ont vraiment envie d’aller parler dans leurs conférences. Et tu ne vas pas avoir cette impression de « on m’invite parce qu’ils veulent cocher une case "diversité" et pas avoir un Twitter bashing derrière ».
Frédéric Couchet : Ce que je trouve bien, après je donne la parole à Catherine Dufour, notamment sur Duchess France ou d’autres sites comme ça, c’est que votre expertise est mise en avant, notamment la tienne sur ton développement. En fait, je connais quelqu’un dans le monde du logiciel, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vue, c’est Agnès Crépet que tu connais, qui est maintenant à Amsterdam chez Fairphone. En cherchant un petit peu les profils techniques j’ai vu que ce qui était mis en avant avant tout ce sont vos compétences techniques. On cherchait évidemment quelqu’un qui avait une expérience technique et aussi une longue expérience dans le développement logiciel, ce qui n’est pas forcément évident comme tu le disais au début, les gens qui ont 15 ans d’expérience dans le développement logiciel, ce n’est pas évident. Dans cette émission on voulait vraiment quelqu’un qui fait du développement et pas quelqu’un qui est devenu chef de projet.
Ce que je trouve bien sur ces sites-là ce sont ces mises en avant de la compétence technique, mais, comme tu le dis effectivement, il ne faut pas s’y intéresser au dernier moment, ça nécessite un travail et je pense, je poserai peut-être la question, que ça ne doit pas reposer, dans les comités de programme, que sur les femmes ; ça doit être la responsabilité du comité de programme, globalement, d’avoir cette démarche-là.
Une autre question me vient à l’esprit et je te laisse réagir, comme ça vous pourrez y répondre, un truc qui est dur à combattre c’est peut-être l’habitude des hommes, des réseaux, d’être entre eux ? Est-ce que vous avez vécu ça, par exemple quand vous participez à des comités de programme ou des événements, cette habitude que les hommes ont d’être entre eux ?
Katia Aresti : Justement, je pense que moi, comme femme, je vais avoir encore plus tendance à aller m’intéresser à des femmes. Je m’intéresse aussi aux hommes parce que c’est un milieu dans lequel j’ai énormément de collègues masculins, je suis habituée, j’ai beaucoup d’amis hommes dans l’informatique, mais, du coup je vais avoir cet intérêt-là. Donc je comprends que les hommes, par défaut, aient un intérêt pour d’autres hommes, comme tu dis, mais il faut qu’on essaye tous de briser ça, des deux côtés en fait, de s’ouvrir à des choses, c’est ça qui va aider. Justement, peut-être qu’au début tu ne vas pas forcément t’intéresser à ce que font d’autres gens et, en plus, pas que par rapport homme-femme mais aussi techniquement. Si tu fais beaucoup de trucs mais back-end.
Frédéric Couchet : Back-end ?
Katia Aresti : Désolée. Si tu fais beaucoup de Java peut-être que tu devrais t’intéresser aussi à ce qui se passe en JavaScript.
Frédéric Couchet : Ce sont deux langages de programmation qui ne sont pas exactement pareils. Il faut de l’ouverture.
Katia Aresti : Voilà. Il faut une ouverture dans tous les aspects, ça aide à aller justement sur un truc beaucoup plus diversifié dans tous les sens.
Frédéric Couchet : D’accord.
Catherine Dufour, je vous laisse réagir là-dessus et j’étends la question au monde professionnel sur le recrutement. Comment aujourd’hui, dans le recrutement en informatique, on peut encourager à avoir plus de femmes qui candidatent à des postes et qui sont recrutées après ? Catherine Dufour.
Catherine Dufour : Je me rappelle de mes débuts en tant qu’auteure, autrice de science-fiction ; des autrices de science-fiction en France à l’époque – je parle comme ça parce que je suis la cacochyme de l’émission, j’ai 53 ans –, donc il y a une vingtaine d’années, je crois qu’on était trois autrices de science-fiction. Eh bien j’y suis allée ! J’étais timide et je n’aimais parler ni sur des estrades ni dans le poste. Et j’y suis allée parce que sinon il n’y avait pas de femmes, il n’y avait personne. Il faut y aller et après il faut arracher le micro des mains des hommes, vous leur tapez sur la tête avec et vous prenez la parole. Vous n’êtes pas aimable et souriante parce que c’est ce qu’on attend de vous, vous parlez, vous râlez et vous protestez ; il n’y a que comme ça qu’on y arrivera. Peut-être que dans trois générations le sexisme ne sera plus qu’un mauvais souvenir, mais pour le moment le peu de femmes qui accèdent justement à un micro doit absolument y aller pour défendre les autres. Vous ressentirez, de toute façon, le syndrome de l’imposteur parce qu’on l’a toutes – de toute façon les bons ont le syndrome de l’imposteur, mâles comme femelles. Vous l’attrapez, vous faites comme Virginia Woolf, vous lui tordez le cou, après vous le mettez sur votre chaise et vous vous asseyez dessus des deux fesses.
Je suis allée à des tas de conférences avec des hommes. Ils parlent bien, ils ont un bel organe, ça déroule et ils ne me passent jamais le micro ! Tout ça c’est une question de pouvoir. Finalement tout ça c’est une question d’argent, c’est une question de pognon ; il y a un gâteau, chacun en veut la plus grosse part. Il est évident que ce sont les hommes qui ont la main dessus et s’ils ouvrent la porte et qu’ils laissent entrer 50 % de la population, et je ne vous parle même pas de la population non blanche, il va y avoir beaucoup plus de monde sur le gâteau. Donc il faut juste ne pas attendre qu’on vous tende le micro, il faut le prendre et s’en servir pour taper sur la tête des autres ; ce n’est peut-être pas très gracieux mais c’est absolument indispensable.
Frédéric Couchet : Avant de donner la parole à Caroline Corbal, si vous appréciez la prise de parole de Catherine, je vous encourage à lire son livre Ada ou la beauté des nombres, vous allez notamment découvrir plein de choses sur Ada, mais, en plus, il y a de la truculence dans le texte et je précise qu’on va enregistrer une interview de Catherine Dufour, sur son livre, qui sera diffusée normalement le 19 novembre 2019, donc dans 15 jours.
Caroline, est-ce que tu veux réagir et, par rapport à mes questions que j’ai étendues sur la partie recrutement, est-ce qu’il y a des choses spécifiques par rapport au recrutement dans les sociétés d’informatique ? Et la question du début que j’ai oubliée, à laquelle on n’a pas répondu, c’est : est-ce qu’il y a une spécificité, bonne ou mauvaise, dans la partie logiciel libre par rapport à l’informatique en général ou est-ce qu’il n’y a aucune spécificité ? Caroline Corbal. Ça fait beaucoup de questions !
Caroline Corbal : Ça fait beaucoup de questions. Déjà je suis en phase avec tout ce qui vient d’être dit, je rajouterais peut-être aussi sur le côté « les hommes sont beaucoup entre eux » que c’est quelque chose que j’ai énormément vu et ressenti et c’est là où je pense que la solidarité féminine doit vraiment jouer parce que j’ai aussi vécu des cas où ce n’était pas le cas et j’ai reçu des refus de femmes à m’aider, à me tendre une main, notamment parce qu’elles avaient sûrement accédé aussi à des situations de pouvoir ; c’est peut-être un mécanisme qui se répète, je ne sais pas, mais j’ai trouvé ça vraiment dur et je pense que la solidarité féminine doit être au cœur de notre action et on doit vraiment créer des réseaux d’entraide et de soutien nous aussi.
Sur la partie recrutement, je pense qu’il faut que les recruteurs pensent à adapter impérativement leur processus de recrutement, c’est-à-dire rédiger les offres de manière plus inclusive. Il faut arriver à faire comprendre aux chercheuses d’emploi qu’elles sont ciblées par ces offres et les partager aussi sur les bons réseaux. Aujourd’hui il y a des dizaines de réseaux qui sont dédiés aux femmes dans le numérique ; il faut envoyer ces offres sur ces réseaux-là.
Ensuite, il ne suffit pas de recruter des femmes dans vos organisations, il faut aussi les accueillir dans de bonnes conditions et ça implique nécessairement d’y investir du temps humain, des moyens, donc c’est forcément un budget. Il faut vraiment se donner les moyens pour arriver à progresser sur ces sujets.
Ça rejoint ce qu’on disait tout à l’heure pour les événements, c’est exactement la même chose, il faut arriver à créer des environnements qui soient inclusifs, dans lesquels chacun et chacune se sent en confiance pour travailler. Ça rejoint, Fred, exactement ce que tu disais, je pense que ça ne doit absolument pas reposer sur une seule personne qui est trop souvent une femme. Il faut vraiment qu’on accepte que la charge mentale de la diversité soit partagée par tous en interne.
Ça ce sont des principes qu’on peut très bien, dans une organisation, élaborer collectivement, par exemple lors de sessions dédiées et ensuite les formaliser dans un document commun qui peut prendre la forme d’une charte, d’un code de conduite ou autre, peu importe la forme qu’il va prendre à la fin.
Frédéric Couchet : D’accord. Petite question avant d’aborder le sujet suivant sur le rôle de l’éducation, de l’école, des parents. Pour que les hommes évitent de se faire taper dessus avec un micro par Catherine, au-delà d’arrêter de faire des blagues sexistes au travail ou même en société, est-ce que vous avez des conseils à leur donner, des conseils pratiques ou simplement le conseil principal que vous voudriez leur donner ? Caroline.
Caroline Corbal : C’est un travail que j’avais fait avec mes collègues, notamment dans mon ancienne entreprise. L’idée c’est vraiment d’être un bon allié et, pour ça, les points qu’on avait un peu élaborés, c’était déjà de dire que quand on a une discussion collective avec des hommes et des femmes autour de la même table, il faut écouter jusqu’au bout chaque prise de parole, accepter de ne pas prendre toute la place et respecter le leadership des femmes. Je sais que parfois c’est difficile mais vraiment il faut respecter le leadership des femmes et, s’il vous plaît, ne pas rire aux blagues et aux remarques sexistes par convention ; c’est quelque chose qui arrive hyper-souvent, il y a une blague qui est adressée à l’auditoire — souvent ce sont des blagues qui, en plus, ne sont pas du tout drôles — et par convention, par habitude, on rit tous. C’est vraiment un réflexe qu’il faut qu’on arrive à déconstruire parce que ça fait beaucoup plus de mal qu’on ne l’imagine.
Frédéric Couchet : D’accord. Sur cette partie-là est-ce que vous voulez compléter, Katia ou Catherine, avant qu’on passe au sujet suivant ? Katia Aresti.
Katia Aresti : Dans les conférences ou dans le travail ne pas affecter un rôle à une femme sur son apparence. Je dirais pareil : quand on n’assume pas que tu es assez technique ou qu’on t’assigne un rôle ou un autre, en fait, tu as l’impression qu’on ne te prend pas au sérieux. Donc assumer que la personne qui est en face de soi est aussi expérimentée que soi, qu’elle en sait autant que soi et que, si elle n’est pas technique, peut-être qu’elle va le dire elle-même. Mais ne pas penser, dans une conférence technique avec 3000 développeurs, que la femme qu’on croise fait forcément du marketing. C’est très bien de faire du marketing, s’il vous plaît, c’est très bien.
Frédéric Couchet : C’est très bien. Justement ça me fait penser à une question et après je passe la parole à Catherine par rapport au logiciel libre. Je crois me souvenir qu’il y avait une statistique qui était sortie sur une plateforme de développement logiciel, peu importe le nom, qui listait le pourcentage d’acceptation de code venant d’un pseudo de genre masculin ou de genre féminin et, quand c’était un genre féminin, il y avait moins de chance que le code soit accepté rapidement. Est-ce que je me trompe ou est-ce que c’est une réalité ?
Katia Aresti : Dans mon expérience, j’ai une équipe remote.
Frédéric Couchet : À distance.
Katia Aresti : On est distribués dans le monde, ce sont tous des garçons sauf moi, et je ne me sens pas différente des autres. En fait, mon équipe est super : je me sens appuyée, soutenue. Quand il faut dire que ce n’est pas bien, ils le disent vraiment à tout le monde, bref !, c’est super. Mais je connais justement une développeuse qui était une grosse contributrice d’un gros projet open source appelé Docker, elle avait deux comptes différents dont un pour pouvoir envoyer des trucs sans qu’on sache que c’était elle et elle disait que ça passait justement plus simplement. Après, j’imagine que ça dépend de la communauté, que ça dépend du projet.
Frédéric Couchet : Je crois que c’est une statistique qui a été faite sur GitHub qui est une plateforme de développement. On vérifiera et on mettra les liens si besoin. Peut-être que je me trompe, mais mon intuition ne doit pas être loin. Caroline.
Caroline Corbal : Tu as tout à fait raison, c’est une étude qui était sortie en 2016 sur GitHub qui s’appelle Gender bias in open source programming.
Frédéric Couchet : Les biais de genre dans le logiciel libre. Voilà.
Caroline Corbal : Exactement.
Frédéric Couchet : D’accord. On mettra les références sur les sites de la radio et de l’April. Catherine Dufour.
Catherine Dufour : Si on veut en savoir un peu plus, de façon chiffrée, sur ce problème-là, cette problématique-là dans le monde du travail, il faut lire TGS, Travail Genre et sociétés. C’est une revue qui est menée depuis, je ne sais pas, 20/30 ans, en tout cas fondée par madame Maruani. Ils vont tout simplement poser des questions aux jeunes : que veux-tu faire plus tard ? Et c’est toujours la même chose. Quand une jeune fille dit « moi je veux être maître-chien », on lui dit « mais non, c’est mieux coiffeuse. » Quand un homme veut être coiffeur, il arrive dans une promo de 100 où elles sont 99 et il est tout seul, il est accueilli, bien sûr, comme le Saint-Sacrement. Quand une femme décide de faire génie mécanique, sur une promo de 100 elles sont deux, et les autres étudiants n’ont de cesse de dessiner des bites sur leurs boîtes à outils, de faire des bruits de bouche et de faire, bien sûr, des blagues sexistes qui vous ravalent à votre foufoune jusqu’à ce que, en général, sur les deux il y en a au moins une qui craque et qui va faire coiffeuse !
Malheureusement ça ne change pas tellement. Il est évident qu’on rêve de pouvoir compter sur une solidarité féminine. Les femmes c’est comme n’importe quel peuple opprimé, il y en a quand même un sacré nombre qui ont intériorisé leur infériorité et qui se feront couper en deux plutôt que de montrer la moindre solidarité. Et ça c’est un vrai problème !
Le problème de la misogynie féminine, permettez-moi de vous dire, c’est encore une terra incognita à défricher ; je vais laisser des femmes plus jeunes que moi se débrouiller avec et j’en suis ravie !
[Rires]
Frédéric Couchet : Vous venez de parler des enfants quand ils ont des ambitions de métier quel qu’il soit. Justement, c’est le dernier sujet, enfin l’avant-dernier avant les petits conseils de lecture et de podcasts, sur le rôle, même si on en a déjà un peu parlé tout à l’heure, de l’éducation, des parents, de l’école.
Katia a raconté son expérience avec son papa. Tout à l’heure Catherine Dufour a expliqué le rôle central du père dans l’autorisation de faire telle ou telle chose. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose sur ce point-là ? Est-ce que vous avez des conseils à donner aux parents, aux amis des parents ou, tout simplement, au système éducatif français. Caroline.
Caroline Corbal : Oui, sur le système éducatif, que l’école apprenne davantage déjà à connaître les nouveaux métiers qui utilisent le numérique. Tous les métiers, maintenant, vont utiliser du numérique – s’ils ne le font pas déjà – et je pense qu’il faut que les conseillers d’orientation et les profs qui accompagnent les élèves dans leurs choix puissent mieux parler de ces métiers-là, davantage les valoriser, les rendre plus attractifs pour donner plus envie et en parler évidemment de la même manière aux filles et aux garçons. Ensuite, je pense qu’il y a un rôle fort des écoles de code. Les écoles de code doivent aussi apprendre à lutter contre les situations de sexisme, je pense notamment aux polémiques qu’il y avait eues avec l’École 42. Ça faisait un petit peu froid dans le dos quand on lisait des témoignages de jeunes filles qui étaient rentrées brillamment dans cette école et qui en étaient sorties après quelques mois tellement elles disaient qu’elles expérimentaient au quotidien des situations de sexisme, de blagues, de réflexions sur leur tenue, etc.
Frédéric Couchet : Ça me fait penser, en termes d’école, et après je vais passer la parole à Katia et à Catherine, qu’il y a une école qui vient d’ouvrir ou qui va ouvrir, qui s’appelle Ada Tech School, principalement à Paris je crois, sauf erreur de ma part mais on vérifiera, qui est une école qui est ouverte à toute personne mais qui affiche très clairement, justement, un accueil bienveillant, inclusif, etc. Le nom d’Ada est évidemment choisi en référence à Ada Lovelace dont on parlera sans doute le 19 novembre avec Catherine Dufour.
Sur cette partie éducation, parents, enfants, amis des parents aussi parce qu’ils ont des rôles par rapport aux enfants, Katia Aresti tu veux ajouter quelque chose ?
Katia Aresti : Je ne sais pas, mais je constate que les enfants tout petits jouent vraiment au rôle de l’imitation, mais vraiment ! J’ai deux filles. Elles ont deux ans d’écart. Quand ma fille aînée a vu qu’on avait un bébé à la maison, elle a commencé à jouer à s’occuper des bébés. Quand elle avait trois ans et demi, un jour elle a monté un petit truc en Lego à la con et, d’un coup, elle s’est mise à faire « tic, tic, tic » comme ça. Le papa lui a demandé : « Qu’est-ce tu fais ? — Je fais comme maman à l’ordinateur. » ; « tic, tic, tic ».
Frédéric Couchet : Comme on est à la radio, je précise que Katia est en train de mimer quelqu’un qui tape sur un clavier.
Katia Aresti : Désolée. Je me croyais à la télé !
Frédéric Couchet : Bientôt !
Katia Aresti : Ce que je veux dire c’est qu’il y a un rôle d’imitation très fort qui se fait : les enfants imitent tout et justement, en tant que parents, il faut éviter de tomber dans des cases. Après il y a nous, il y a l’école, il y a les autres parents, il y a tout le monde. Moi je n’achetais pas de fringues roses à ma fille, mais là c’est juste pas possible, elle en veut. Malgré moi ! Du coup je ne sais pas comment faire. Je lui dis non ? Eh bien non, je lui achète aussi des trucs roses, à un moment donné je choisis mes batailles ! Je veux dire qu’il y a pas que nous. Oui, essayer de montrer différents exemples, surtout donner des choix et ne pas s’enfermer dans les box de marketing « ça c’est pour les filles, ça c’est pour les garçons », essayer de surpasser tout ça.
Frédéric Couchet : OK ! Catherine Dufour, vous vouliez réagir ?
Catherine Dufour : Oui. En général on essaye de donner l’éducation qu’on juge bonne à ses enfants et la société vient tout vous pourrir derrière, notamment en gavant les petites files de rose.
Il y a une très jolie petite histoire : madame de Maintenon, l’épouse de Louis XIV, ouvre une école pour filles, justement Saint Cyr [Maison royale de Saint-Louis]. Elle avait été une petite jeune fille plutôt mignonne, qui s’achetait des petites dentelles puis se mettait devant son miroir et elle se faisait des mines et des duckfaces comme toutes les gamines. Dans son école, deux bonnes sœurs ont chopé des gamines en train de se mettre du rouge à lèvres, quelque chose comme ça. Elles sont allées voir madame de Maintenon en disant « qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on les pend sur la place publique ? Est-ce qu’on leur donne 200 Ave et 200 Pater à réciter ? » Et madame de Maintenon a répondu : « Pour mourir à ces délicatesses il faut y avoir vécu, laissez-les faire ». C’est-à-dire que, globalement, il faut laisser les petites filles se gaver de rose jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus, elles lâcheront elles-mêmes la chose en temps voulu. On ne peut pas lutter contre la société complètement, on peut aiguiller et puis il ne faut quand même pas trop s’inquiéter : un gamin qui n’est pas trop contrarié sur une de ses lubies finira fatalement par passer par autre chose et, s’il est intelligent ou intelligente, par passer à quelque chose de bien.
Frédéric Couchet : D’accord. Il nous reste deux/trois minutes, donc ça va être la dernière question : quels conseils, ça peut être de lectures, de podcasts, de vidéos ou autres, vous conseilleriez que ce soit aux femmes, aux hommes, aux parents, aux enfants. On va commencer par Caroline Corbal.
Caroline Corbal : J’avais pensé à trois choses. Ce n’est pas lié directement au numérique mais ce sont des supports, des œuvres qui traitent de sujets féministes et qui me semblent très inspirants et éclairants pour comprendre les mécanismes qui sous-tendent les dynamiques sexistes qui sont à l’œuvre dans le numérique.
En podcast j’avais pensé à Les couilles sur la table qui est animé et pensé par Victoire Tuaillon, qui sort bientôt en livre et qui est hyper-intéressant. Et aussi « Un podcast à soi » de Charlotte Bienaimé.
En BD, toutes les BD de Liv Strömquist qui est une auteure suédoise, qui est hyper-drôle en plus et je pense notamment à L’Origine du monde ou à I’m every woman. C’est drôle, ça apprend plein de trucs sur le féminisme et je trouve que ça donne des grilles de lecture vraiment assez intéressantes.
Et puis l’excellent Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet qui là, pour le coup, est un peu plus dense mais qui est tout aussi intéressant.
Frédéric Couchet : Tu m’enverras les références précises pour que je les rajoute sur le site. Je confirme que le podcast Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon est excellent.
Catherine Dufour, au-delà de vos livres, j’encourage vraiment à lire Ada ou la beauté des nombres – je l’ai fini avant-hier – et l’autre que je n’ai pas lu, que je vais commander, qui est le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas devenir princesses, est-ce que vous avez des conseils de lecture, de podcasts ou autres ?
Catherine Dufour : J’aurais un peu les mêmes. Vous pouvez faire tout Mona Chollet et après vous passerez à Sylvia Federici et vous commencerez par Caliban et la Sorcière. Après on se recause.
b>Frédéric Couchet : Je crois que l’an dernier ou il y a deux ans, Mona Choleta publié un livre Sorcières, la puissance invaincue des femmes.
Catherine Dufour : Sorcières. Avant elle avait fait un livre je ne me souviens plus du titre, c’est sur la façon d’habiter chez soi [Chez soi, une odyssée de l’espace domestique] et avant elle avait fait Beauté fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine. Tout Mona Cholet est effectivement incontournable.
Si vous préférez la BD, vous pouvez passer par Les Culottées de Pénélope Bagieu, ce n’est pas mal.
Frédéric Couchet : D’accord. Pareil vous m’enverrez les références que je n’ai pas. En tout cas les personnes qui écoutez l’émission, n’hésitez pas à nous envoyer des références et il y a d’autres sites ressources : on ne l’a pas cité mais, par exemple, opensourcediversity.org sur lequel il y a pas mal de références.
Par contre on n’a pas cité les sites web : Duchess France c’est duchess-france.org sans « e » à « duchess » et vous verrez sur le site pourquoi ça s’appelle Duchess, je vous laisse découvrir, ça a un lien avec la mascotte Java.
Open Heroines, c’est quoi le site principal Caroline ?
Caroline Corbal : C’est openheroines.org et, pour le chapitre français, vous pouvez plutôt nous retrouver sur le site codefor.fr.
Frédéric Couchet : OK. En tout cas je vous remercie, c’était passionnant et ce n’était qu’une première émission sur le sujet parce qu’il y a évidemment plein de sujets qu’on n’a pas abordés.
Nous étions avec Caroline Corbal de Code for France et d’Open Heroines, Katia Aresti développeuse chez Red Hat et Duchess France et Catherine Dufour ingénieure en informatique qui a écrit de la fantaisie et qui a publié récemment Ada ou la beauté des nombres c
hez Fayard et qu’on retrouvera le 19 novembre dans notre studio.
Merci à vous et passez une agréable fin de journée.
Catherine Dufour : Merci.
Katia Aresti : Merci.
Caroline Corbal : Merci.
Frédéric Couchet : On va faire une petite pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter Balloon girl par Hungry Lucy. On se retrouve juste après. Passez une bonne journée à l’écoute de Cause Commune.
Voix off : Cause Commune - 93.1
Pause musicale : Balloon girl par Hungry Lucy.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Balloon girl par Hungry Lucy, disponible sous licence libre Creative Commons BY SA c’est-à-dire Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez les références évidemment sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons maintenant passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Interview au sujet du Pacte pour la Transition
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec une interview de présentation du Pacte pour la Transition avec Julie Bideux chargée d’accompagnement au Pacte pour la Transition. Le site c’est pacte-transition.org. Bonjour Julie.
Julie Bideux : Bonjour.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu nous entends bien ?
Julie Bideux : Je vous entends très bien.
Frédéric Couchet : Super. Première question toute simple : qu’est-ce que le Pacte pour la Transition ?
Julie Bideux : Le Pacte c’est un projet qui est porté par une soixantaine d’organisations dont l’April, qui vise à favoriser la participation et la mobilisation citoyenne au niveau local sur la transition écologique et démocratique, notamment dans le contexte des prochaines élections municipales.
Concrètement, le Pacte ce sont 32 mesures et les défis techniques qui les accompagnent pour qu’on fasse la transition dans les communes. Ces mesures sont à destination à la fois des élus et des candidats, mais surtout des associations et des collectifs citoyens qui vont souhaiter interpeller ces candidats sur les questions de transition dans les prochains mois et dans les prochaines années et nous on accompagne également ces collectifs dans cette démarche.
Frédéric Couchet : D’accord. On va rappeler que les élections municipales c’est les 15 et 22 mars 2020, mais que la mobilisation commence. D’ailleurs les candidats et candidates commencent à se déclarer en fonction des villes. Donc le Pacte, comme tu l’as dit, est porté par des collectifs avec pas mal d’organisations et initialement par le collectif Pour une transition citoyenne. Tu as cité l’April, effectivement on fait partie des partenaires. Est-ce que tu peux nous citer quelques autres partenaires un petit peu, entre guillemets, « emblématiques », de la diversité de ce collectif ?
Julie Bideux : Pour faire un petit tour, on a des partenaires qui travaillent sur les questions environnementales et climatiques, Alternatiba, la FNE [France Nature Environnement], la FNH [Fondation Nicolas Hulot], Greenpeace, WWF France ; des partenaires qui travaillent sur les questions plutôt sociales comme Emmaüs ou le Secours catholique et enfin certains qui travaillent plus sur la démocratie, Démocratie Ouverte.
Frédéric Couchet : D’accord. En tout cas, tous les autres partenaires sont sur le site pacte-transition.org ; dans l‘énergie il y a aussi Enercoop qui fait partie, je crois, des partenaires très actifs.
Pour que les gens comprennent bien, ce pacte ce n’est pas un document avec des engagements généraux, ce sont des engagements généraux mais aussi des mesures techniques très précises, une concerne le logiciel libre, mais je suppose qu’il y en a plein d’autres. Il y a 32 mesures, c’est ça ?
Julie Bideux : C’est ça. 32 mesures qu’on a définies après tout un processus qu’on a voulu le plus participatif possible, qui par d’écologie, solidarité, démocratie encore ; mener une politique de sobriété et d’efficacité énergétique, d’énergie renouvelable dans les bâtiments des communes ; développer le foncier agricole ; lutter contre l’accroissement des grandes surfaces commerciales sur le territoire ; garantir l’accès à un logement abordable ou adhérer aux monnaies locales complémentaires et citoyennes du territoire.
Frédéric Couchet : D’accord. On va préciser : quand tu dis qu’il y a eu tout un processus d’élaboration de ces mesures, ces mesures ont été discutées, élaborées avec des partenaires et il y a aussi eu une consultation, je crois que c’était en début d’année 2019, tu me corrigeras sinon, qui a permis, en fait, aux personnes de voter en faveur ou contre ces mesures et aussi de proposer des amendements. Donc c’est un processus collaboratif.
Julie Bideux : C’est ça. En fait on a d’abord commencé à travailler en fin d’année 2018 avec les organisations qui étaient déjà partantes pour le projet. À partir de la quarantaine de mesures, d’idées qu’on avait, on a fait une consultation qui a duré à peu près un mois, en février 2019, où on encourageait les gens qui souhaitaient participer, il y en a eu environ un millier, à voter pour les mesures proposées, les amender et en proposer de nouvelles. À partir de ça on a réuni un comité d’experts. Par experts on entend des chercheurs, des élus, des représentants d’associations, mais aussi des citoyens et avec ce comité d’experts on a revu les contributions pour faire une liste de 32 mesures.
Comme on a voulu rendre ces mesures applicables pour toutes les communes françaises, on les accompagne de fiches techniques pour les rendre plus précises, les adapter aux contextes locaux et expliquer comment c’est possible de les mettre en œuvre sur les différents territoires. Et ça a été une nouvelle phase de travail avec les organisations pour établir ces fiches de trois à quatre pages à chaque fois et qui sont aussi disponibles sur notre site.
Frédéric Couchet : C’est important de préciser que dans ces fiches, je vais prendre l’exemple de la fiche que je connais le mieux c’est celle sur le logiciel libre, qu’il y a des niveaux possibles d’engagement des personnes qui seront élues dans les municipalités. Par exemple, sur le logiciel libre, l’engagement un ça peut être simplement de faire des initiations au logiciel libre dans les espaces publics numériques et le dernier engagement ça peut être de migrer l’ensemble de son système informatique vers le logiciel libre. Il y a différentes étapes qui permettent de s’engager plus ou moins fortement et qui dépendent aussi, évidemment, de la temporalité, parce que les élections municipales, de mémoire, si je ne dis pas de bêtises, c’est six ans, en six ans on ne peut pas tout faire. Une question me vient : quand on est candidat ou candidate à l’élection municipale, est-ce qu’il faut s’engager sur les 32 mesures ou est-ce qu’il y a un nombre minimal de mesures sur lesquelles il faut s’engager ? Comment ça se passe concrètement quand on est candidat ou candidate ?
Julie Bideux : D’abord, ce que je disais c’est que les mesures, toutes les fiches techniques, sont disponibles et accessibles à tous sur notre site, donc si un candidat passe, si un candidat nous entend, il peut complètement aller sur le site et s’en inspirer pour faire son programme. Après, ce qu’on propose comme accompagnement et comme engagement entre personnes, citoyens lambda mobilisés sur le territoire et candidats, c’est de signer un pacte local où le candidat s’engage à mettre en place un minimum de dix mesures. Après ça, le nombre de mesures, quelles mesures et les niveaux d’engagement c’est défini par les collectifs locaux qui connaissent le mieux leur territoire.
Frédéric Couchet : D’accord. Justement c’est intéressant. Comment se passe la coopération et le travail en commun entre le collectif qui porte au niveau national ce pacte et ses 32 mesures et les structures locales qui vont porter les mesures et aller voir les candidats et candidates dans le mois qui viennent ?
Julie Bideux : Du coup, sur le site internet du Pacte pour la Transition, on peut voir une carte avec toutes les personnes qui se sont déjà déclarées intéressées et prêtes à se mobiliser sur le Pacte pour la Transition. Il y a des personnes qui se déclarent intéressées sur environ 1300 communes, mais pour l’instant on doit avoir une grosse cinquante de collectifs actifs. On propose à ces collectifs des façons de faire, des manières de s’engager et d’interpeller les candidats et on essaye de suivre comment ils avancent. On s’est rendu compte qu’il y a à la fois des néo-militants complets qui découvrent et qui s’engagent dans la transition par ce biais, mais aussi des associations, notamment des associations locales, des partenaires du Pacte, qui se saisissent du projet pour avoir un fil conducteur pour les prochains mois et interpeller des élus.
Frédéric Couchet : D’accord. D’ailleurs je vois que quand je vais sur le site pacte-transition.org, la première chose à remplir c’est le code postal. Que se passe-t-il dans ma commune et ensuite il y a trois points :
- le Pacte pour Transition propose 32 mesures concrètes pour une transition locale ;
- les habitant·es définissent les mesures prioritaires pour leur commune. Comme tu l’as expliqué c’est en local qu’on va définir quelles mesures sont prioritaires pour la commune en question ;
- ensuite les candidats et candidates aux Municipales de 2020 s’engagent à les mettre en œuvre une fois élu·es, en mars 2020.
Est-ce que tu veux ajouter quelque chose, peut-être sur l’agenda à venir ou sur le Pacte ?
Julie Bideux : Peut-être préciser justement sur ce dernier point « les candidats s’engagent et les mettre en œuvre une fois élus », c’est que le Pacte ce n’est pas seulement un projet jusqu’en mars 2020. On compte bien continuer et continuer à accompagner les collectifs qui sont déjà là et les nouvelles personnes qui souhaiteraient s’engager pour continuer à interpeller cette fois-ci les élus, suivre la mise en place des mesures du Pacte dans les communes et faire en sorte qu’on avance progressivement et toujours réussir les ambitions.
Frédéric Couchet : Oui parce qu’en plus, effectivement, il est important que les candidats et candidates s’engagent, mais il est aussi important de vérifier que les promesses sont tenues derrière, on ne va pas faire les célèbres citations sur les promesses. En tout cas on encourage toutes les personnes à aller sur pacte-transition.org pour découvrir ces mesures, se les approprier dans le cadre des élections municipales qui, je le rappelle, auront lieu les 15 et 22 mars 2020. Si vous avez besoin de contacter le collectif, tous les moyens de contact sont sur le site.
Julie je te remercie et à bientôt.
Julie Bideux : Merci beaucoup. À bientôt.
Frédéric Couchet : Belle journée.
On va passer aux annonces finales.
[Virgule musicale]
Annonces
Frédéric Couchet : Les annonces finales. D’abord les réponses au quiz.
Tout à l’heure Catherine Dufour a répondu à une des questions du quiz qui portait sur le nom de la personne qui a écrit le premier programme informatique. C’est Ada Lovelace et je rappelle que Catherine Dufour sera interviewée par Magali Garnero, administratrice de l’April et libraire dans le 11e arrondissement ; la diffusion aura lieu le 19 novembre 2019 mais ce ne sera pas en direct. l’émission va être enregistrée juste après pour des questions de planning.
La réponse à l’autre question. Je vous disais que l’émission du 29 octobre 2019 était la 42e émission de Libre à vous !, 42 étant un nombre fétiche dans la culture geek, la culture de l‘informatique, de l’imaginaire. Nous avions fait quelques clins d’œil et références à une œuvre. La question était : laquelle est-ce ? La réponse c’est Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams et sur le site de l’April j’ai mis toutes les références parce que la semaine dernière on m’a dit : « Mais pourquoi à la fin tu as dit "encore merci pour le poisson", je ne comprends pas. » C’est une des références.
Je vous ai mis les réponses sur le site de l’April.
Dans l’agenda il y a déjà un apéro April, on a parlé des rencontres, l’importance des rencontres ; il y a un apéro au local de l’April vendredi 8 novembre à partir de 19 heures.
Il y a une soirée de contribution au Libre jeudi soir 7 novembre à la FPH [La Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme] dans le 11e arrondissement, 38 rue Saint-Sabin. N’hésitez pas à y aller.
Il y a évidemment beaucoup d’autres évènements sur le site agendadulibre.org.
Dans les évènements aussi à venir, à La Cité des sciences et de l’industrie, les 16 et 17 novembre, il y a l’Ubuntu Party. Je vous parle de ça parce que, outre le fait de découvrir Ubuntu ou d’autres distributions libres, il y a des conférences et il y a des ateliers. Notamment ma collègue Isabella Vanni coanimera un atelier sur un jeu qui s’appelle le jeu du gnou qui est un jeu inspiré du jeu de l’oie sauf que c’est un jeu coopératif. Allez à cet atelier qui sera coanimé par Isabella et Mohican qui est un bénévole de l’April. Moi-même je donnerai une conférence, peut-être le dimanche 17 novembre, ce n’est pas encore fixé, sur l’émission de radio, l’occasion de vous expliquer pourquoi on fait cette émission, peut-être aussi l’occasion de vous faire parler de vos propres usages du logiciel libre. Surveillez le programme de l’Ubuntu Party qui a lieu les 16 et 17 novembre 2019 à la Cité des sciences et de l’industrie.
Petit message interne mais c’est important parce qu’il y a des gens dans l’informatique dont on entend peu parler sauf quand ça se passe mal, ce sont les personnes qui s’occupent de l’administration système c’est-à-dire de mettre à jour les serveurs, etc. L’équipe de l’administration système de l’April, qui est composée uniquement de personnes bénévoles, a œuvré tout ce week-end pour mettre à jour les serveurs dans la nouvelle version dans la nouvelle version de notre distribution préférée libre qui est Debian. Le système d’information de l’April a été migré. Le système d’information de notre Chapril, donc chapril.org, qui permet d’utiliser des outils pour vous sortir des outils Google et compagnie a été également migré. Il reste quelques « pétouilles » à corriger comme ils disent. En tout cas je les remercie grandement parce que c’est un travail dans l’ombre mais qui est très important et il y a quelques photos qui sont disponibles sur le site de l’April.
Notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Luk, Katia Aresti, Catherine Dufour, Caroline Corbal, Julie Bideux. Aux manettes de la régie aujourd’hui Isabella Vanni.
Un grand merci également à Sylvain Kuntzmann et à Olivier Grieco qui s’occupent du traitement des podcasts et de leur mise en ligne sur le site de la radio puis sur le site de l’April.
Vous retrouverez sur le site de l’April, april.org, toutes les références utiles. On va compléter les références avec les liens cités au cours de cette émission.
Toutes vos remarques et questions sont évidemment les bienvenues pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi les points d’amélioration.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître la radio Cause Commune et l’émission de l’April.
La semaine prochaine on va parler des applications d’analyse de produits alimentaires ; certaines applications sont propriétaires mais il existe aussi des solutions libres. Donc notre sujet principal portera sur Open Food Facts qui est un projet collaboratif en ligne et mobile dont le but est de constituer une base de données libre et ouverte sur les produits alimentaires commercialisés dans le monde entier.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 12 novembre 2019 et d’ici là portez-vous bien.
Générique de fin d’émission :Wesh Tone par Realaze.