- Titre :
- Émission Libre à vous ! diffusée mardi 31 mars 2020 sur radio Cause Commune
- Intervenant·e·s :
- Marie-Odile Morandi - William Gonzalez - Étienne Gonnu - William de Cause Commune à la régie
- Lieu :
- Radio Cause Commune
- Date :
- 31 mars 2020
- Durée :
- 1 h 30 min
- Écouter ou enregistrer le podcast
Page des références utiles concernant cette émission
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Bannière de l’émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l’accord de Olivier Grieco.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La politique logiciel libre de Fleury-les-Aubrais c’est le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme un mois de Décryptualité et aussi le livre Une expérience libre.
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio diffuse désormais également en DAB+ en Île-de-France, c’est la radio numérique terrestre.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je ne suis pas Frédéric Couchet, délégué général de l’April, mais Étienne Gonnu en charge des affaires publiques pour l’association. Si vous êtes une auditrice ou un auditeur réguliers ce changement de voix vous aura peut-être étonné. Rassurez-vous, Frédéric va bien et vous le retrouverez dès la semaine prochaine. L’objectif est simplement de se répartir la charge et que Libre à vous ! soit aussi peu dépendant que possible d’une unique personne, une pratique de pérennisation qui vaut aussi bien pour un projet logiciel que pour une émission de radio.
Le site web de l’April est april.org, a, p, r, i, l, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration.
Nous sommes le 31 mars 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Je précise que, comme les deux précédentes, l’émission est diffusée dans des conditions exceptionnelles suite au confinement de la population. Toutes les personnes qui participent à l’émission sont chez elles. Nous diffusons en direct depuis Saint-Denis, Clamart, Fleury-les-Aubrais et Verbania en Italie. D’un point de vue technique, nous utilisons Mumble un logiciel libre de conférence audio. Nous espérons que tout se passera bien et je vous prie de nous excuser par avance si des problèmes techniques se produisent. Problèmes techniques ou problèmes humains, il s’agit après tout de mon baptême du feu !
Si vous souhaitez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission #libreavous.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Voici le programme de cette émission :
nous commencerons par la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ». Marie-Odile Morandi reviendra sur un mois de Décryptualité ;
d’ici dix/quinze minutes, nous aborderons notre sujet principal qui portera sur la politique logiciel libre de Fleury-les-Aubrais avec William Gonzalez délégué à la protection des données de la ville ;
en fin d’émission nous poursuivrons toujours avec William Gonzalez avec qui nous échangerons sur son livre Une expérience libre.
À la réalisation de l’émission William de Cause Commune.
Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi et son analyse de l’évolution des sujets du Décryptualité de ce dernier mois
Étienne Gonnu : Nous allons donc commencer par la chronique de Marie-Odile, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l’April qui aujourd’hui nous propose son analyse de l’évolution des sujets du Décryptualité de ce dernier mois. Elle nous précisera d’ailleurs ce qu’est ce Décryptualité. Je précise aussi que Marie-Odile vit et nous parle depuis l’Italie où l’intensité de la crise sanitaire, et je ne fais là aucun commentaire sur la gestion de cette crise d’un côté ou de l’autre, est un peu en amont de ce qu’on vit en France donc ça donne aussi une valeur particulière à la lecture qu’elle va pouvoir nous apporter. Bonjour Marie-Odile et je vais te laisser la parole.
Marie-Odile Morandi : Bonjour à tous.
En cette période inédite que nous vivons, je souhaitais parler de l’évolution des thèmes traités dans chacun des Décryptualité depuis un peu plus de un mois, c’est-à-dire depuis l’édition du 17 février 2020.
Qu’est-ce que Décryptualité ? Depuis le début de l’année 2017, un petit groupe de membres de l’April se réunit chaque semaine. Il y a le noyau dur avec Luc, Manu et Magali et, au gré des semaines, viennent s’ajouter Nico et Nolwenn ainsi que d’autres personnes. Les sujets concernant l’actualité informatique sont commentés de façon simple et accessible à toutes et tous, sans prétention, mais les choses sont dites.
Chaque Décryptualité commence par la revue de presse dont les articles sont choisis par Manu. Quelques articles principaux sont cités, accompagnés d’un court commentaire. Je rappelle que chacun d’entre nous peut envoyer à Manu, par divers canaux, les articles qu’il estime dignes de faire partie de cette revue de presse hebdomadaire.
La discussion s’articule ensuite autour du sujet choisi par les intervenants. L’ensemble dure une quinzaine de minutes. Chaque Décryptualité est transcrit et publié sur le site de l’April.
Le 17 février 2020 le sujet était : « Ce que l’affaire Griveaux rappelle sur les enjeux de la vie privée ». Évidemment le jeu de mots était facile et personne ne s’en est privé « ce soir on va parler de choses grivoises. » Chacun d’entre nous se souvient de cette affaire : sur un site internet un artiste russe a publié des documents pour montrer la soi-disant dualité qu’il y a entre le discours politique moralisateur et la vie privée de certains personnages politiques. Le député Griveaux avait envoyé à une jeune femme des vidéos intimes qui ont fuité. Les noms des protagonistes ont été clairement affichés, divulgués. Divers politiques ont réagi en demandant la levée de l’anonymat sur Internet, thème récurrent pour certains, alors qu’il s’agit là d’abus de confiance et de divulgation de contenus pornographiques condamnée par la loi.
Occasion de rappeler que notre vie privée est essentielle avec un sage conseil : à l’heure des réseaux sociaux, il faut être prêt à assumer certes ce que l’on fait aujourd’hui, mais se demander si on sera prêt à l’assumer aussi plus tard. Internet et l’Agence nationale de la sécurité américaine n’oublient rien, tout y est centralisé.
Le Décryptualité du 24 février 2020 restait dans la suite de l’affaire Griveaux : « La liberté d’expression sur Internet attaquée sous tous les prétextes ». Un certain nombre de politiciens s’attache à essayer de casser la liberté d’expression sur Internet et les réseaux sociaux avec un projet politique qui voudrait limiter la capacité des gens à partager des informations. Il est rappelé que la Chine a essayé, au début, de contrôler l’information concernant le Covid-19, information qui est finalement ressortie et la crédibilité de l’État central a bien diminué.
Les intervenants reviennent sur la question de la haine sur Internet. Certaines personnes se font harceler et c’est dramatique. Des lois existent, pas forcément toujours appliquées. La nouvelle loi qui est en train d’être élaborée, la loi anti-haine sur Internet, était-elle bien nécessaire ? En effet, ce sont les plateformes – Twitter, Facebook – qui devront s’assurer que les contenus dits haineux soient effacés automatiquement en moins d’une heure. Ce côté automatique ainsi que le fait de déléguer à des plateformes privées la responsabilité de déterminer ce qui relève de la liberté d’expression ne manquent pas d’inquiéter. N’est-ce pas là le rôle des pouvoirs publics et avant tout de la justice ? »
L’exemple de Mastodon est cité : décentraliser, gérer des petites communautés est une solution qui a montré ses atouts. Il faut aussi éduquer les gens et surtout les jeunes. Personne n’a jamais été réellement formé à l’utilisation des réseaux sociaux et bien informé des responsabilités que leur utilisation entraîne pour chacun de nous.
« Puisque les virus sont de saison, occasion de rappeler les bonnes pratiques pour ne pas se faire infecter », c’ était le thème du Décryptualité du 9 mars 2020.
Cette fois le mot virus est bien là. Les divers symptômes que peut présenter notre ordinateur sont décrits et il nous est rappelé ce qu’est une bonne hygiène informatique :
avoir un bon système d’exploitation sur son ordinateur ou son téléphone, un système d’exploitation sain dans un ordinateur sain, par exemple une bonne distribution GNU/Linux ;
faire des mises à jour, toujours, tout le temps, le plus tôt possible ;
faire des sauvegardes, c’est-à-dire enregistrer ses données à l’extérieur de son ordinateur pour le cas où on aurait un problème, sur un disque dur externe, sur une clé USB ou chez un hébergeur fiable ;
ne pas télécharger n’importe quoi ;
éviter de mettre sa clé USB n’importe où, sur des ordinateurs mal gérés, de gens qu’on ne connaît pas ou en qui on n’a pas confiance.
À partir du 16 mars, on passe à l’échelon supérieur : interdiction de sortir et télétravail pour toutes les personnes dont l’activité le permet. « Télétravailler et garder des contacts à l’extérieur en période de confinement avec le libre ».
Avec toutes les incitations à se mettre au télétravail, plein d’outils commencent à être utilisés dans tous les sens. Les gens sont obligés de se lancer et ont tendance, malheureusement, à se tourner vers des outils propriétaires, ceux qui sont les plus connus, ceux des GAFAM, et c’est bien dommage ! C’est en gros une période où on sait qu’on va se faire avoir, on va se faire embrigader dans des briques logicielles et des outils que les entreprises vont payer pour obtenir et utiliser. C’est effectivement rageant parce qu’on sait que ces manœuvres vont rendre les gens captifs.
Conseil est donné de se tourner vers les services proposés par Framasoft. Framasoft victime de son succès : dans une circulaire du ministère de l’Enseignement supérieur intitulée « Plan de continuité pédagogique », parmi les actions possibles pour les activités de travail collaboratif, les solutions libres de Framasoft sont conseillées sans qu’aucun contact n’ait été établi avec les responsables de l’association comme l’affirme Pierre-Yves Gosset. Suite à cette incitation, Framasoft a subi une énorme affluence et a dû répartir l’utilisation de ses services sur les divers chatons, les associations et entreprises qui proposent des logiciels hébergés sur leurs propres serveurs et qui font partie du Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires.
Pour pouvoir discuter avec les personnes de manière efficace, Jitsi occupe une place de choix. Cette application fonctionne directement dans le navigateur : on va sur le site, on crée un salon et on transmet l’adresse de ce salon à tous les participants qui rejoignent alors la discussion en cliquant et en chargeant la page dans leur navigateur.
Une pensée particulière est dédiée à tous les élèves qui sont confinés chez eux avec leurs parents. Sont citées les ressources éducatives libres AbulÉdu, Sésamath, Gcompris.
Le dernier Décryptualité transcrit et publié est celui du 23 mars dont la description est « Face à la pandémie, de nombreuses initiatives s’appuient sur le Libre et ses principes pour proposer des solutions rapides, faciles à mettre en œuvre et mieux travailler ensemble. »
Il est à nouveau question de Jitsi pour communiquer, mais surtout sont cités les cas de hackeurs, bidouilleurs qui imaginent des solutions pour venir en aide à toutes les personnes, aux malades et à leurs soignants : fabriquer des masques, fabriquer des valves avec des imprimantes 3D, mettre au point des respirateurs. Toute cette inventivité est saluée : des gens compétents utilisent ces solutions offertes en partage, construisent rapidement, souvent avec des moyens modestes. On vit une période de crise, on n’a pas le choix, il faut agir même si les produits qu’on obtient ne sont pas de qualité optimale.
La conclusion nous laisse une lueur d’optimisme et revient à Magali : « c’est incroyable toutes les choses positives, collaboratives qui peuvent arriver en temps de crise, qui sont faites et ça mérite d’être salué ». Dans l’urgence et face à de tels enjeux de santé, on peut parler de l’intelligence des foules, de l’intelligence du monde quand on lui demande de contribuer dans un esprit de solidarité, en partie grâce à Internet et au logiciel libre.
Étienne Gonnu : Merci Marie-Odile, c’est une très belle chronique. C’est vrai que c’est important aussi de voir ce qui sort de positif de ces situations qui sont par ailleurs particulièrement difficiles.
Je vais rebondir sur deux choses que tu as évoquées. Tu parles de Jitsi. La semaine prochaine on va recevoir le créateur de Jitsi, justement, qui va pouvoir nous parler un peu de ce logiciel et puis je rappellerai aussi que là on utilise Mumble qui est donc un outil d’audioconférence et le Chapril, qui est le chaton de l’April, met à disposition, a ouvert un Mumble accessible.
Grand merci à nouveau Marie-Odile. Je suis ravi que tu sois la première intervenante de la première émission que j’anime. Je te souhaite une très bien fin de journée, sauf si tu avais un dernier mot.
Marie-Odile Morandi : Merci à vous. Toutes ces solutions qui sont trouvées sont effectivement à saluer. On remercie toutes les personnes qui donnent de leur temps pour les mettre œuvre. Bonne journée. Bonne continuation. Au revoir.
Étienne Gonnu : Salut Marie-Odile. Au revoir.
J’ai oublié de saluer Framasoft qui participera également à notre émission la semaine prochaine, donc une belle émission qui se profile.
Avant de passer à notre sujet principal nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Nous allons écouter Allons voir (cercle circassien) par Demi-sel. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Allons voir (cercle circassien) par Demi-sel.
Voix off : Cause Commune, cause-commune.fm, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Allons voir par Demi-sel, disponible sous licence Art libre. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écouter l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Je suis Étienne Gonnu chargé de mission affaires publiques pour l’April. Nous allons passer au sujet principal.
[Virgule musicale]
La politique logiciel libre de Fleury-les-Aubrais avec William Gonzalez, délégué à la protection des données et membre de l’April
Étienne Gonnu : Sujet principal qui porte sur la politique logiciel libre de Fleury-les-Aubrais avec William Gonzalez, délégué à la protection des données pour la ville. Bonjour William.
William Gonzalez : Bonjour à toutes et à tous. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : William, tu n’es pas « que », et je mets bien sûr des guillemets autour de ce que, délégué à la protection des données pour Fleury-les-Aubrais, DPO pour faire court, tu es aussi un libriste convaincu, tu es membre de l’April à titre individuel, tu as écrit un livre sur le logiciel libre dont on parlera tout à l’heure. Avant d’être DPO tu as été plusieurs années en charge du service informatique de la ville. À ce titre, tu as été un acteur important de l’engagement de Fleury-les-Aubrais pour le logiciel libre, notamment marqué par l’adhésion de la ville à l’April.
William, avant qu’on rentre dans le détail de cet engagement de Fleury-les-Aubrais, est-ce que tu veux bien nous parler un peu de ton parcours et notamment de comment tu es venu au logiciel libre ?
William Gonzalez : Oui, bien sûr. Tout d’abord je tenais à remercier l’April pour cette invitation, c’est d’ailleurs pour moi une grande première d’intervenir à la radio dans l’émission Libre à vous !, donc merci encore pour cette invitation.
Je suis arrivé à Fleury en septembre 2002. J’ai d’abord commencé en tant que technicien et j’ai pris assez vite le poste de responsable informatique après le départ de l’ancien responsable. Nous étions une petite équipe de trois personnes pour gérer l’ensemble du parc informatique de la ville de Fleury-les-Aubrais. Ça représentait environ, à l’époque, une centaine de postes de travail. Aujourd’hui on est à plus de 350 machines et une quarantaine de serveurs.
J’avais avec moi un technicien support pour toute l’assistance aux utilisateurs, un chef de projet applicatif et puis un administrateur système et réseaux. C’est vrai qu’avant Fleury j’avais travaillé dans le secteur privé pendant un an et demi et je ne connaissais pas du tout le logiciel libre. J’avais bien sûr connaissance des systèmes d’exploitation GNU/Linux, mais sans vraiment les avoir utilisés.
Dès mon arrivée à Fleury, j’ai travaillé avec un prestataire informatique, un consultant, une société qui avait de très bonnes connaissances dans l’open source, le logiciel libre, et ça m’a vraiment permis de comprendre qu’il existait une autre informatique, des alternatives à Microsoft notamment. Du coup je me suis intéressé au sujet et j’ai commencé à travailler ce sujet avec mon équipe.
Étienne Gonnu : OK ! Super. Comment ça a été accueilli ? Tu es donc arrivé, tu as voulu initier à un moment donné une pratique plutôt alternative vers du logiciel libre. Comment ça s’est mis en place justement et comment ça a été accueilli au sein de Fleury-les-Aubrais ?
William Gonzalez : J’ai commencé par un projet de migration vers la bureautique libre. À l’époque, en 2002, on utilisait principalement, comme l’ensemble des collectivités de la métropole d’Orléans. la bureautique Microsoft, donc Excel, Word, PowerPoint, et je me suis aperçu qu’il existait une alternative, à l’époque Open Office, c’était en 2004/2005. On était, quelque part, assez précurseurs sur le sujet puisqu’aucune ville de la métropole d’Orléans n’avait commencé à s’intéresser à cette migration, donc ça a été vraiment le projet important pour Fleury-les-Aubrais.
Comment convaincre pour aller dans ce sens-là ? J’en ai d’abord parlé à mon élu qui était l’adjoint à la communication et aux systèmes d’information. Il a très vite compris les bienfaits du logiciel libre pour une collectivité. Dans un premier temps ce qui l’a séduit c’était de pouvoir réduire un peu la dépense publique, les budgets, puisqu’on sait très bien qu’en collectivité les budgets sont contraints, on a de moins en moins de subventions de l’État. En tout cas, c’était une possibilité pour faire baisser les dépenses, notamment les dépenses en licences puisqu’on avait beaucoup de licences Microsoft.
Étienne Gonnu : C’est intéressant ce qu’on voit. Il y a deux choses, non pas qui me frappent, le terme est exagéré, mais d’une part que le travail a démarré par la bureautique, parce qu’on a déjà vu avec d’autres collectivités avec qui on a pu faire des émissions, je pense par exemple à la ville de Fontaine, que ça commence très souvent, en fait, par la bureautique qui est finalement un des premiers besoins et peut-être j’imagine, tu pourras me corriger, les premiers pas les plus simples à faire, en termes de démonstration, notamment parce qu’il y a un logiciel performant qui existe. Et puis cet argument du budget qui est assez souvent, finalement, également une première approche, une première manière de convaincre.
Est-ce que c’est allé plus loin par la suite ? C’est resté très budget ? Est-ce que l’intérêt politique et pas seulement financier a aussi fonctionné auprès des élus ? Quel est le rapport, finalement, après plusieurs années ?
William Gonzalez : Oui. Après on a dépassé aussi le côté budgétaire. C’était aussi une façon de dépenser autrement l’argent public puisque, par exemple pour la migration vers la bureautique libre, ce que j’ai émis c’était de dire que l’économie faite en licences on va pouvoir la redistribuer aux utilisateurs sous forme de formation, puisqu’on s’est aperçu qu’en fait beaucoup d’agents n’avaient jamais eu de formation sur la bureautique et c’était aussi l’occasion de leur fournir une formation et aussi de montrer aux élus une certaine indépendance vis-à-vis des éditeurs du marché. Il faut savoir qu’en collectivité on utilise beaucoup d’applications métier, on a beaucoup de contrats de maintenance, on subit ces contrats de maintenance parfois assez onéreux. Donc l’idée c’était aussi d’être un peu plus indépendants vis-à-vis des éditeurs du marché.
Étienne Gonnu : Ce sont effectivement des points cruciaux et c’est vrai qu’on les met beaucoup en avant à l’April quand nous défendons une priorité au logiciel libre. Ça me fait penser qu’on entend souvent cet argument, moins maintenant, mais celui des coûts cachés et je pense que tu résumes très bien qu’il ne s’agit pas de coûts cachés mais de repenser la dépense, en fait d’être plus dans une démarche d’investissement, de réappropriation des systèmes d’information, notamment aussi entre les mains des agents publics qui vont la pratiquer au quotidien. Par ailleurs, on voit aussi cette notion d’indépendance. Comment s’exprime, finalement, cette notion d’indépendance au quotidien ? Tu l’as déjà un peu expliqué, mais si tu peux creuser un peu.
William Gonzalez : Oui, bien sûr. Après la bureautique libre on a continué à développer le logiciel libre au sein de la collectivité. Nous, service informatique, on devait montrer l’exemple, donc on a mis en place GLPI qui est le Gestionnaire Libre de Parc Informatique, c’est le logiciel qui nous permet de gérer l’ensemble du parc informatique, de recenser les postes de travail, les imprimantes, les copieurs, d’avoir aussi un outil de ticketing, de support vis-à-vis des utilisateurs. Donc, au lieu d’avoir un contrat de maintenance avec un logiciel, on a été capables, en interne, de pouvoir assurer la maintenance de l’outil sans recourir à un contrat de maintenance avec un éditeur, de pouvoir assurer nous-mêmes les montées de version du logiciel. C’est aussi ça l’indépendance, c’est peut-être se réapproprier les compétences en interne. Évidemment, il a fallu que les agents du service informatique se forment puisque mon équipe n’avait pas forcément de compétences dans l’open source donc il a fallu vraiment monter en compétence, mais après ça nous a permis, entre guillemets, de « reprendre la main » sur certains outils.
Si je rebondis sur le choix des élus, les élus ont vraiment bien compris le fondement de ce projet-là, du coup ils ont même adhéré, la ville de Fleury-les-Aubrais a adhéré à l’April en tant que ville, donc ça a été aussi un moteur de ce point de vue.
Étienne Gonnu : Oui, c’est effectivement un signe très positif. On peut aussi mentionner le fait que Fleury-les-Aubrais a été récompensée par le label 3 du Territoire Numérique Libre, qui est une initiative de l’association ADULLACT qui est un spécialiste du logiciel libre pour les collectivités. Ce sont aussi des signes qui sont encourageants parce qu’il est important, lorsque ce genre de démarche est initiée, qu’elle ne repose pas uniquement sur une personne, en l’occurrence toi, et qu’on puisse imaginer que si tu vas vers d’autres aventures – d’ailleurs c’est un peu ce que tu as fait, on en parlera plus tard – il y ait une pérennité dans cette ambition du logiciel libre. Elle te semble donc acquise, à priori oui d’après ce que tu nous dis, à Fleury-les-Aubrais ?
William Gonzalez : Oui, bien sûr. Après la bureautique on a enclenché vers la messagerie électronique puisqu’on avait le client Outlook et on voulait aussi s’affranchir des licences Microsoft Outlook. On s’est orientés vers la solution Zimbra et ensuite on a développé d’autres outils. On utilise GRR pour la gestion des réservations de ressources, on utilise aussi beaucoup d’applications métier, web-delib pour la gestion des délibérations. Aujourd’hui, les élus sont partie prenante en fait de cette orientation. Je pense qu’une fois qu’on a convaincu les élus, c’est vraiment une bonne chose.
Étienne Gonnu : Oui, ça me semble essentiel effectivement et on voit bien combien il est nécessaire qu’à la fois les pôles techniques et les pôles, entre guillemets, « plus politiques » travaillent main dans la main sinon on sait bien que ça peut vite traîner ; ce que tu nous dis est encourageant .
J’en profite aussi pour préciser, parce que tu cites de nombreux logiciels et c’est important d’utiliser une variété de logiciels libres pour les différents besoins que peut rencontrer une collectivité, qu’on les listera autant que possible sur le site. N’hésitez pas à venir sur le salon pour éventuellement nous le rappeler ; on citera tout ça suite à l’émission.
Je pense qu’il est aussi intéressant, tu parlais du service technique interne, tu parlais de formation en termes d’acquisition de compétences, etc., c’est quand même aussi un point névralgique, c’est la capacité en interne des équipes techniques de porter cette ambition. Quand toi tu as lancé tout ça, comment justement est-ce que les équipes techniques ont reçu cette envie, ont accompagné cette dynamique ? Est-ce qu’il y a eu des résistances ? Est-ce que, au contraire, il y a eu un plaisir à s’engager là-dedans ? Comment tu as ressenti tout ça et comment ça s’est déroulé de leur point de vue ?
William Gonzalez : En tout cas mon équipe n’avait pas forcément de compétences sur l’open source et du coup, tout de suite, je les ai formés et ils étaient assez emballés, en fait, de découvrir d’autres outils, donc ça s’est fait assez naturellement. En informatique, de toute façon quand on est informaticien il faut se remettre en question : aujourd’hui on peut être très bon, demain, si on ne se forme pas on peut être le plus mauvais, donc c’est aussi ancré dans notre culture. J’ai aussi profité de ça. On était une équipe jeune, dynamique et mes collègues ont vraiment bien accueilli cette nouvelle orientation d’aller vers le logiciel libre. On a d’ailleurs mis en place des serveurs sous Linux. On n’administre pas un serveur Windows comme on administre un serveur sous Linux, donc il a quand même fallu du temps pour s’approprier les choses. On s’est aussi fait aider par une société qui était spécialisée dans le domaine de l’open source qui nous a accompagnés justement pour être autonomes.
Étienne Gonnu : Une question qui est, je pense, importante et qui nous est revenue plusieurs fois quand on parle de collectivités. Tu nous as expliqué que le nombre de postes a augmenté donc j’imagine que dans tout ce processus il y a eu des besoins de recrutement. Est-ce que le côté libriste était un critère de recrutement ou pas forcément ? Il était simplement question de former la personne.
William Gonzalez : C’était un plus. Effectivement, quand je suis arrivé à la ville, au départ j’étais tout seul, j’ai dû recruter mes collègues et c’est vrai que même si mes collègues n’avaient pas forcément de compétences dans l’open source ce n’était pas un frein pour moi parce qu’on a la chance, en collectivité, de pouvoir se former assez facilement. On a des organismes, le CNFPT [Centre national de la fonction publique territoriale] notamment qui permet aux agents territoriaux de se former. Non, ce n’était pas un frein cette partie-là.
Étienne Gonnu : On sait aussi un autre aspect : puisque qui dit travailler sur des logiciels libres en général, veut peut-être aussi dire avoir des interactions avec des communautés qui sont d’ailleurs ces logiciels libres, donc on peut imaginer que les agents de Fleury-les-Aubrais vont peut-être interagir avec les communautés. Déjà, est-ce que ça s’est fait ? Est-ce qu’il y a des échanges positifs avec les communautés ou plutôt vous récupérez des logiciels – d’ailleurs ce n’est pas une critique si c’est le cas – et vous les utilisez en interne. Est-ce qu’il y a une politique de contribution aux projets logiciels ? Comment tout cela s’est mis en place ?
William Gonzalez : Il n’y a pas eu de politique de contribution aux logiciels. On utilisait les logiciels qu’on avait sur le marché. On utilisait beaucoup le projet openMairie, c’est un très bon exemple, puisqu’il dispose d’un catalogue de logiciels libres vraiment dédiés spécifiquement aux communes. Je citerai par exemple OpenADS qui est un logiciel libre de gestion des autorisations du droit des sols, openCimetière, etc. On s’est plutôt appuyés sur ce qui se faisait, on n’avait pas forcément le temps de pouvoir contribuer directement dans les communautés.
Moi, par contre, j’ai réalisé un rapport sur la migration vers la bureautique libre que j’ai mis à disposition sur le site officiel francophone Open Office à l’époque, au moins pour partager mon expérience, comment je m’y étais pris, ma méthodologie. C’était aussi une façon de contribuer à cette dynamique.
Étienne Gonnu : Très bien. C’est important, on le sait bien.
Tu avais évoqué quelque chose, je pense qu’il serait intéressant de rentrer un petit peu plus dans le détail. Parfois tu nous parles de compétences qui ont été formées en interne pour pouvoir, j’imagine, faire les développements nécessaires directement en interne, faire l’administration système en interne, etc. Par ailleurs, tu nous as aussi évoqué du recours à des prestataires. Les besoins techniques sont 100 % internalisés ? Est-ce qu’il y a un équilibrage ? Comment tout cela s’est mis en place ?
William Gonzalez : Non, ce n’est pas 100 % internalisé. Du fait qu’on est une petite équipe, trois personnes, on gère à la fois l’informatique, la téléphonie, l’assistance aux utilisateurs, la gestion des serveurs, des réseaux, donc c’est, en fait, en fonction du projet. Je prends l’exemple de la messagerie Zimbra. Pour Zimbra il faut quand même des compétences pour mettre en œuvre ce type de système et là on a fait appel à un prestataire qui avait vraiment les compétences pour mettre en place cette messagerie électronique. On a même contracté un contrat de maintenance avec ce prestataire pour nous aider à mettre en œuvre le projet et aussi à suivre et à maintenir ces outils.
En fait ça dépendait du type de projet, du type d’outil. Pour GLPI, le logiciel de gestion de parc informatique, on a pu le faire nous-mêmes en interne, mais sur la mise en place d’infrastructures importantes on s’est fait aider par des sociétés spécialisées dans le domaine. En interne on n’avait pas forcément les compétences et pas forcément le temps non plus, la disponibilité pour pouvoir le gérer.
Étienne Gonnu : D’accord. Si je comprends bien c’est plus en termes d’opportunités par rapport à vos propres compétences, aux compétences de l’équipe, et arbitrer en fonction des besoins.
William Gonzalez : Et aussi par rapport à la criticité d’une application. C’est vrai que la messagerie c’est très critique, il faut que ça fonctionne 24 heures sur 24, donc ça demande aussi un peu plus d’expertise qu’on n’avait pas en interne du fait de notre petite équipe.
Étienne Gonnu : Tu parles de la messagerie, ça permet peut-être de faire une transition. Là on parlait des équipes techniques. Bien sûr, j’imagine que les autres agents publics qui ne sont pas forcément techniques, qui vont avoir différents métiers au sein de la collectivité, sont inclus dans le processus, ils ont besoin d’être formés, ils vont peut-être avoir besoin de remonter des besoins. Est-ce que tu peux nous expliquer déjà comment ils ont été inclus dans le processus, au début, par cette bureautique et comment ça a pu évoluer par la suite ?
William Gonzalez : C’est vrai, c’est un point très important d’organiser vraiment une bonne communication autour du projet de migration. On l’a fait à Fleury-les-Aubrais. On a organisé plusieurs réunions d’information avec l’ensemble des utilisateurs pour leur expliquer pourquoi on voulait s’orienter vers tel logiciel de bureautique. Leur dire qu’on allait aussi les accompagner pour les rassurer puisque la bureautique touche quand même au quotidien des utilisateurs. C’est difficile, il y a beaucoup de conduite de changement, donc il a fallu les rassurer, leur donner aussi envie d’utiliser la suite bureautique. À l’époque j’avais distribué des CD avec Open Office pour que les agents puissent l’installer chez eux et ça a plutôt bien marché. On a vraiment été à l’écoute de leurs demandes et le service informatique a surtout été très réactif. À chaque fois qu’il y avait des questions posées sur cette suite bureautique on a essayé d’y répondre le plus rapidement possible pour vraiment que ça soit le plus transparent vis-à-vis de l’utilisateur.
Donc beaucoup d’accompagnement. Vraiment donner envie aux utilisateurs d’utiliser cet outil et qu’ils puissent en tirer un bénéfice. Ce bénéfice a été aussi de leur fournir une formation adaptée à leurs besoins et à leur niveau d’utilisation.
Étienne Gonnu : Entendu. Là c’était le stade bureautique. J’imagine qu’ensuite il a fallu aussi faire les migrations sur des logiciels métier. Est-ce que ça été plus simple du coup, le premier pas le plus difficile c’est la bureautique ? Ou, au contraire, peut-être que c’est plus difficile sur les logiciels métier ? Comment tu as vécu tout cela ?
William Gonzalez : J’ai trouvé que le plus difficile c’était la bureautique parce que finalement ça concernait l’ensemble des agents. Il y avait forcément des à priori. En plus, on passait sur un outil libre, gratuit, la gratuité ce n’est pas forcément à mettre en avant puisque souvent on se dit « si c’est gratuit ce n’est pas forcément un outil de bonne qualité ». La difficulté c’était plutôt sur la bureautique puisqu’en plus c’était le premier projet à Fleury-les-Aubrais.
Étienne Gonnu : Est-ce que tu peux nous rappeler sur quelles dates ça s’était fait ? Je pense que c’est important de se aussi remettre dans le contexte des époques. Vous avez entamé quand cette migration bureautique ?
William Gonzalez : On a entamé ça en 2005. On l’a fait sur plusieurs années, on a migré service par service, on l’a fait sur trois ans. On a commencé la migration dès 2005, c’était à l’époque d’Open Office, la version 2 qui venait de sortir. Donc 2005 pour la bureautique, Open Office.
Étienne Gonnu : D’accord. Je t’ai interrompu. Ensuite sur les logiciels métier du coup, dans un second temps, ce que tu nous expliquais.
William Gonzalez : Les logiciels métier c’était plus facile parce que, finalement, ça touchait moins d’utilisateurs. L’essentiel, en fait, c’était de répondre aux besoins du service. Je mets toujours en avant qu’il faut que le logiciel réponde aux besoins ; si c’est un logiciel libre tant mieux ! C’est ce qui avait été décidé dans la collectivité et les élus avaient bien compris qu’à chaque fois qu’on avait un nouveau besoin logiciel, on regardait ce qui se faisait du côté du logiciel libre, mais la priorité il fallait que ça réponde aux besoins du service.
Étienne Gonnu : D’accord. La priorité c’est le besoin du service, mais quand même le facteur logiciel libre restait aussi un facteur pas exclusif mais du moins quand même discriminant dans le choix, le caractère libre du logiciel ?
William Gonzalez : Oui, bien sûr parce qu’on a beaucoup de logiciels métier en collectivité. En fait, de mon expérience, on s’aperçoit qu’on n’utilise pas toujours 100 % des fonctionnalités du produit et pourtant on paye 100 % de la licence, en tout cas on règle la totalité de la facture. Du coup, en utilisant des logiciels libres on a des coûts moins élevés. Ça me semblait aussi intéressant de ce point de vue.
Étienne Gonnu : En fait, ce que tu décris est très intéressant. C’est justement ce qu’on dit, on le répète souvent quand on défend la priorité au logiciel libre, il ne s’agit pas de dire que les collectivités, les administrations, même à un niveau personnel, qu’on a une sorte d’obligation hors-sol d’utiliser du logiciel libre. Il faut juste, effectivement, que ce soit un facteur important, qu’il y ait conscience de tous les intérêts que tu as pu évoquer en termes d’indépendance, en termes de bonne gestion des deniers publics, etc., s’appuyer là-dessus, prendre conscience que c’est important, mais il ne faut pas être hors-sol, il faut lier aux besoins. C’est juste un facteur important de décision, c’est surtout ça que veut dire priorité. Si on n’utilise pas les logiciels libres il faut qu’il y ait de bonnes raisons de ne pas le faire.
Avant de passer à la suite, je pense qu’on va pouvoir faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Je vous propose d’écouter My Little Kingdom par Golden Duck Orchestra. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commue, la voix des possibles.
Pause musicale : My Little Kingdom par Golden Duck Orchestra.
Voix off : Cause Commune, cause-commune.fm, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter My Little Kingdom par Golden Duck Orchestra, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix de possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April, et nous échangeons avec William Gonzalez délégué à la protection des donnés de la ville de Fleury-les-Aubrais et ex-responsable de son service informatique. Nous parlons donc de la politique logiciel libre de la collectivité.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Avant la pause musicale nous discutions de toute la politique mise en place en termes de migration, notamment de la formation et de l’importance de former et de convaincre les agents publics pour les intégrer dans le processus.
Je voulais juste mentionner rapidement une expérience personnelle. J’étais venu à Fleury-les-Aubrais, j’ai oublié de noter la date, mais il y a deux ans de mémoire pour le Forum du Numérique et j’avais été très marqué par l’enthousiasme. J’avais discuté avec l’agent public qui était un peu en charge d’organiser l’évènement, qui n’était pas du tout une personne libriste à la base, qui n’était pas une technicienne, qui était une personne du service administratif, qui était extrêmement emballée et qui disait : « William nous a tous convaincus. Depuis j’utilise aussi à la maison. » J’avais trouvé que c’était un super compliment déjà vis-à-vis de ton travail et puis un bel exemple, une belle illustration de comment essaimer un peu le Libre et l’intérêt d’aller vers le Libre.
Là on a parlé pas mal de l’intérieur. Avant de se tourner aussi un peu vers l’extérieur, les administrés, en gros pour résumer, quel bilan tires-tu de cette migration et quels conseils, quels points clefs donnerais-tu à une collectivité qui voudrait se lancer dans cette démarche ?
William Gonzalez : Les conseils que je pourrais donner à une collectivité, c’est bien sûr de bien former son équipe en interne vraiment sur les produits open source, bien maîtriser en interne ces systèmes-là. Je trouve que c’est important d’explorer cette direction, c’est un avantage pour une collectivité. C’est une façon, je l’ai dit tout à l’heure, d’être moins dépendant des éditeurs. C’est une façon d’optimiser la dépense publique et ça c’est important, dépenser autrement. C’est aussi une façon de mieux protéger les données personnelles et c’est vrai que maintenant je suis bien concerné par le sujet. Donc il y a vraiment des bienfaits pour les collectivités. C‘est aussi le rôle d’une collectivité de montrer aux citoyens qu’il existe des alternatives. On n’a pas beaucoup de marketing autour du logiciel libre et je pense que les collectivités ont leur rôle à jouer de ce côté-là pour promouvoir un peu ces outils.
Étienne Gonnu : Oui, ce rôle me semble particulièrement important, déjà parce que par la dépense publique, ça va pouvoir enrichir les logiciels de la collectivité qui, puisqu’ils sont libres, pourront être réutilisés par les citoyens que ce soit à titre individuel, dans le cadre d’entreprises. Ils pourront être utilisés par d’autres collectivités, donc on va avoir une forme d’investissement commun justement à la création d’un commun logiciel qui pourra bénéficier à toutes et à tous. On voit vraiment l’importance de ça. Et puis par l’exemple, comme tu le dis. Finalement il n’a pas de meilleure, entre guillemets, « campagne marketing » que la démonstration par l’exemple, concrètement, de l’efficacité. C’est l’exemple que je citais de cette fonctionnaire de Fleury-les-Aubrais qui, du coup, était convaincue non seulement dans son travail mais dans son usage informatique personnel de l’intérêt d’utiliser du logiciel libre.
William Gonzalez : Juste pour rebondir, j’essaye toujours de faire aussi le lien avec la vie personnelle : quand on utilise des outils à titre professionnel, on peut aussi les utiliser à titre personnel. Je fais beaucoup ce lien et je continue d’ailleurs à le faire en tant que délégué à la protection des données lors des formations de sensibilisation. Donc bonnes pratiques au travail qu’on peut transposer assez facilement à titre privé.
Étienne Gonnu : Parfaitement. C’est très bien dit. C’est bien de voir tout ce qui est positif mais peut-être qu’il est intéressant aussi pour progresser et tirer une expérience de savoir si tu as identifié, si tu as dû surmonter des freins, des obstacles – j’imagine que oui – pendant tout ce processus ? Est-ce que tu pourrais les identifier et nous expliquer, le cas échéant, comment tu as pu les dépasser et avancer malgré tout ?
William Gonzalez : Le principal frein c’est la réticence de l’utilisateur. Ce que je dis assez souvent, la clef de la réussite finalement c’est l’utilisateur. Si l’utilisateur n’utilise pas le logiciel, eh bien finalement le projet a échoué. Donc c’est toujours convaincre, puisqu’aller vers le logiciel libre ce n’est pas forcément un chemin facile : aujourd’hui on nous vend plutôt du Microsoft, du Google, etc. Donc il faut sans cesse expliquer notre démarche, ne pas rester que sur l’aspect budgétaire, gratuité, puisqu’il ne faut pas résumer le logiciel libre à la gratuité, c’est inexact, ça serait vraiment très réducteur. Le principal frein c’est faire connaître, en fait, le monde du logiciel libre, je pense que c’est aussi un problème culturel, d’acculturation, donc c’est très important de communiquer, d’être vraiment à l’écoute des agents.
Étienne Gonnu : C’est très intéressant. En fait l’informatique, en général, c’est compliqué, ce n’est pas évident, ce n’est pas de la magie, ça demande un peu de formation, ça demande de la compréhension, du temps d’apprentissage, ce n’est inné pour qui que ce soit. Donc le logiciel libre, comme toute chose informatique, peut demander du temps. On voit bien par ailleurs, et tu faisais un peu ce parallèle il me semble, que l’informatique dominante, moderne, a plutôt tendance à nous pousser à avoir un rapport plutôt passif à l’informatique, peut-être pour recréer cette illusion de magie et faire que la personne n’ait pas envie de savoir comment ça fonctionne derrière, alors qu’on sait bien que l’informatique est un outil par lequel on va avoir des interactions sociales. Notre liberté d’expression dépend de plus en plus de ces outils, le respect de nos intimités, etc., donc c’est un outil qui est extrêmement important. Savoir comment ça marche est un enjeu politique, donc de formation, etc. C’est très important, effectivement, cette idée d’accompagnement et de repartir des utilisateurs pour qu’ils aient un rapport émancipé à l’informatique. Je ne peux qu’être d’accord avec ce que tu dis.
Tu parles de sensibilisation, donc je propose de faire un pont vers les administrés, vers les citoyens et citoyennes, vers les usagers. Lorsqu’on avait échangé en amont de l’émission, tu me faisais part notamment des actions de sensibilisation que mène Fleury-les-Aubrais vers les citoyens et les citoyennes. Est-ce que tu peux nous en dire deux mots ?
William Gonzalez : Oui, bien sûr. On a organisé des ateliers à la bibliothèque de la ville de Fleury, des ateliers à destination des citoyens. Un atelier vraiment spécifiquement au logiciel libre pour leur expliquer qu’on a des alternatives aux outils propriétaires qu’ils utilisent principalement. J’ai également fait un atelier sur le RGPD, le Réglement général sur la protection des données personnelles, et je fais beaucoup le lien entre le logiciel libre et la protection des données personnelles. On a beaucoup travaillé avec la bibliothèque qui est un lieu, en plus, de culture, où les gens se rencontrent et l’idée c’était d’animer des ateliers pour faire connaître ces outils-là.
On a également travaillé avec les écoles. Ça me semblait aussi important d’en parler.
Étienne Gonnu : Je suis d’accord. Tu devances une de mes questions, donc je t’en prie.
William Gonzalez : Un petit focus sur les écoles. Ça me semblait important de montrer aussi aux enfants le monde du logiciel libre puisque très souvent les enfants connaissent le système d’exploitation de Microsoft, le moteur de recherche Google et, dès tout petits, ils sont déjà conditionnés avec ces outils. L’objectif c’était de développer un peu leur curiosité, de montrer aussi aux parents une nouvelle façon d’appréhender l’informatique avec une même facilité. Dans les écoles on a travaillé avec les enseignants, le corps enseignant, le conseiller TICE [Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement], pour proposer des alternatives qui collent vraiment aux besoins de l’apprentissage. C’est comme ça qu’on a mis en place une expérimentation avec la mise en place de nano-ordinateurs, le Raspberry pour ne pas le citer, avec un système d’exploitation adapté au monde scolaire, la solution Primtux.
Étienne Gonnu : OK. Pourrais-tu expliquer ce qu’est un nano-ordinateur et en particulier un Raspberry Pi à quelqu’un qui ne connaîtrait pas l’informatique ?
William Gonzalez : Un nano-ordinateur c’est un ordinateur de toute petite taille. Pourquoi on a choisi ce nano-ordinateur pour les écoles ? Déjà parce que ça permet de gagner de la place, c’est un nano-ordinateur qu’on peut fixer derrière l’écran, ça remplace l’unité centrale. L’intérêt c’est aussi le coût qui est faible, c’est une cinquantaine d’euros et le nano-ordinateur a aussi une vertu écologique puisqu’il consomme très peu de watts, environ 5 watts, donc très peu par rapport à un ordinateur classique. Évidemment il ne remplace pas un PC puisque, en termes de performances, il est beaucoup moins évolué, mais en tout cas il permet de faire des choses assez simples et pour les enfants ça suffit amplement pour répondre aux besoins.
Étienne Gonnu : C’est intéressant. Du coup je trouve que ça fait un parallèle avec ce que tu as pu évoquer plus tôt sur le fait que ça ne sert à rien d’avoir des outils très puissants dont on ne va se servir que d’une part infime. Tu parlais de ça par rapport au fait de payer les licences, en fait on n’a que quelques usages. Là finalement, pour un ordinateur dans le cadre de l’éducation, il n’y a pas besoin de bêtes de guerre, on peut déjà former et enseigner avec des tout petits ordinateurs qui consomment très peu.
William Gonzalez : Exactement. Et c’était aussi dire aux parents que si leur enfant veut découvrir l’informatique on n’est pas obligé d’acheter un PC à 500 euros. Le nano-ordinateur peut suffire pour faire découvrir l’informatique à un enfant sans dépenser beaucoup d’argent. C’était aussi l’idée du projet : montrer aussi aux parents qu’il existe ce petit ordinateur que les enfants, notamment dans les écoles primaires, maternelles, peuvent utiliser.
Étienne Gonnu : Je connais de nom Raspberry Pi, je n’ai pas encore vraiment manipulé l’objet, c’est dans ma liste des choses à faire, on en a tous. J’ai la sensation que c’est aussi une manière, pour un enfant, d’avoir un rapport non seulement avec les aspects logiciels mais aussi de faire le lien avec l’aspect matériel parce qu’il va pouvoir un peu manipuler l’objet. Je pense que c’est important aussi de voir que dans l’informatique il y a l’aspect numérique mais aussi l’aspect matériel et que les deux sont interdépendants.
William Gonzalez : Oui. D’ailleurs ça a fait l’objet d’un atelier à la bibliothèque de Fleury-les-Aubrais. On a présenté le Raspberry, on l’a démonté pour montrer le processeur et vraiment tous les composants du Raspberry et ça a vraiment plu. Il y avait des enfants dans la salle et ça a été très bien accueilli. Donc oui, c’est intéressant aussi de montrer en fait tout l’aspect matériel, il n’y a évidemment pas que le logiciel, pour que le logiciel fonctionne il faut bien sûr l’aspect matériel.
Étienne Gonnu : Très bien. Tu as plusieurs fois évoqué les données personnelles, le Règlement général des données, le fait que tu es délégué à la protection des données. Je pense que ce sont beaucoup de choses intéressantes à voir. Avant qu’on passe à ce sujet différent mais bien sûr connexe, est-ce qu’il y a un dernier point que tu voulais évoquer dans le rapport peut-être aux administrés, dans tout le processus de la politique logiciel libre dans un sens plus strict de Fleury-les-Aubrais ?
William Gonzalez : Comme ça non. Je pense que c’est important de communiquer auprès des usagers. C’est vrai qu’on l’a fait aussi par l’intermédiaire des écoles, parce que les écoles c’est souvent, en plus, le parent pauvre de l’informatique donc ça me semblait important d’essayer de développer le numérique au sein des écoles. Je pense qu’il faut continuer, les collectivités doivent continuer à faire la promotion du logiciel libre auprès des citoyens, ce sont aussi des valeurs à transmettre, de belles valeurs de partage et aussi de solidarité. Je n’en ai pas parlé, j’en parlerai peut-être tout à l’heure avec le livre. Le logiciel libre a de belles valeurs.
Étienne Gonnu : Il me vient à l’esprit cette phrase de Richard Stallman ; on sait qu’il est un des premiers penseurs, même le premier, à avoir théorisé le logiciel libre. Il aime bien cette phase qui dit que le logiciel libre est l’incarnation de la devise liberté, égalité, fraternité. Ça résume bien ce que tu nous expliquais et je trouve que c’est une phrase qui est très parlante.
Rappelons aussi justement que l’échelon administratif qui s’occupe des écoles primaires dont tu parlais c’est justement les villes. Donc on voit bien qu’il y a une responsabilité directe à gérer ce niveau d’éducation.
William Gonzalez : Bien sûr.
Étienne Gonnu : Sur ces sujets, je pense qu’il y a un sujet extrêmement important : ce lien entre logiciel libre, protection de nos intimités, respect des données personnelles, etc. Tu as un regard particulier, tu as été responsable des services informatiques, maintenant tu es délégué à la protection des données. Est-ce que tu peux déjà nous dire ce qu’est un DPO, qu’est-ce que ça fait ?
William Gonzalez : Le délégué à la protection des données est lié à la nouvelle réglementation européenne, on en entend beaucoup parler, le RGPD, qui est le Règlement général sur la protection des données, qui est entré en application le 25 mai 2018. Le rôle du DPO c’est vraiment de faire en sorte que la collectivité soit en conformité avec cette nouvelle législation européenne.
Qu’est-ce que ça veut dire être en conformité avec cette législation ? Dans un premier temps, le délégué à la protection des données doit constituer le registre des traitements de la commune. Je ne l’ai pas dit mais toute commune, toute collectivité, quelle que soit la taille de la commune, a l’obligation de nommer un délégué à la protection des données.
Si je reviens aux missions du DPO, il doit constituer le registre des traitements de la commune. Qu’est-ce que c’est que le registre des traitements de la commune ? C’est l’ensemble des traitements utilisés par la commune et des traitements avec des données à caractère personnel. Ça peut être à la fois des tableaux bureautiques avec des données personnelles, ça peut être des logiciels métier puisqu’on collecte beaucoup de données personnelles à travers des logiciels métier. Ça peut être aussi des traitements papier puisque les traitements papier sont aussi intégrés dans le RGPD.
Donc le rôle du DPO c’est de faire ce recensement des différents traitements. Ce recensement va assez loin puisqu’il va falloir définir quels types de données on collecte, définir des durées de conservation puisque le RGPD oblige les organisations, les collectivités, les entreprises, à définir des durées de conservation ; on ne peut pas garder des données indéfiniment. Il va falloir ensuite décrire les mesures de sécurité par rapport à ces traitements.
C’est à travers ce recensement que le délégué à la protection des données va pouvoir établir un plan d’action, mesurer les non-conformités, pouvoir aller justement vers cette conformité et apporter des solutions aux collectivités.
Une des missions importantes du délégué à la protection des données c’est aussi de sensibiliser le personnel, notamment sur la sécurité informatique, sur les usages, les bons usages de nos outils numériques, avoir les bonnes pratiques, par exemple savoir reconnaître un mail frauduleux. On sait très bien qu’on a beaucoup de cyberattaques, surtout en ce moment avec le contexte actuel, donc c’est important de sensibiliser le personnel. La sécurité informatique ce ne sont pas que les outils, ce ne sont pas que les pare-feu, les antivirus. L’être humain c’est aussi une faille et on ne peut pas être derrière l’épaule de chaque personne donc c’est important de sensibiliser le personnel. C’est vraiment une mission importante du délégué à la protection des données.
Et puis c’est celui qui sera l’interlocuteur de la CNIL qui est la Commission nationale informatique et libertés, qui reste l’unité de contrôle en France. C’est vraiment le DPO qui fera le lien entre la CNIL et la collectivité. La CNIL n’est pas là que pour sanctionner les organisations. On peut aussi la contacter, lui poser des questions.
Donc voilà les différentes missions du délégué à la protection des données.
On va dire trois grandes compétences pour le DPO : la première, bien connaître les nouvelles technologies, la sécurité informatique donc avoir des compétences informatiques évidemment. Des compétences juridiques, bien connaître le RGPD, la loi informatique et libertés puisque le DPO peut aussi être amené à rédiger des clauses RGPD notamment dans les contrats de maintenance, ça peut être aussi dans les marchés publics puisqu’il va falloir aussi vérifier la conformité des sous-traitants. Et puis être aussi communicant. Le DPO ne doit pas rester seul dans son bureau, il doit aller vraiment au contact des personnes, aller sur le terrain et bien faire passer le message. Moi, ce que je dis assez souvent, c’est que le RGPD n’est pas une contrainte, mais qu’il faut s’en servir pour justement mieux maîtriser nos données personnelles. Il faut finalement se servir de cette contrainte comme d’une opportunité pour mieux gérer ses process en interne.
Étienne Gonnu : Parfait. C’est très clair et je pense que c’est un argument qu’on utilise d’ailleurs depuis longtemps, que ce soit des notions effectivement d’une informatique loyale, de la protection des intimités en ligne, etc. Effectivement ce ne sont pas des contraintes, ce sont des choses sur lesquelles s’appuyer pour bâtir une meilleure informatique, un meilleur rapport à nos outils. Ce que tu nous dis est très clair.
Un point que je pense important de souligner, dont on se rend pas compte quand on est extérieur à tout ça. Je pense que les collectivités brassent une quantité de données personnelles qui est énorme, donc on peut se rendre compte de l’importance de la bonne gestion de ces données et on entend aussi régulièrement que le consentement au traitement des données n’est qu’un des aspects qui permet justement d’avoir un traitement conforme. En fait, les collectivités font plein de traitements sans consentement direct, tu pourras me corriger, parce que ça va relever, finalement, de leur mission service public, dans les autres critères du RGPD. Parfois on a l’impression que les personnes n’ont pas conscience de ça.
William Gonzalez : Oui. Le consentement n’est pas toujours nécessaire quand on met en place un traitement. Je vais prendre un exemple assez simple : dans les collectivités on développe beaucoup la vidéoprotection, les systèmes de vidéoprotection, eh bien il n’est pas utile de demander à chaque citoyen si on peut le faire, c’est pour protéger les citoyens, protéger les bâtiments, etc. Effectivement en collectivité on a beaucoup de traitements qui ne nécessitent pas de consentement de la personne.
Étienne Gonnu : On pourrait avoir tout un débat sur le fait qu’une vidéo permet de protéger, mais je crois ce sont des débats de fond en politique. Effectivement c’est un exemple qui rentre dans une case qui n’est pas celle du consentement mais celle de la mission de service public que la collectivité va ensuite définir. C’est donc très différent, effectivement.
William Gonzalez : Bien sûr. Après, le consentement n’empêche pas de bien informer les usagers sur la façon dont on traite leurs données. Ce sont deux choses différentes : il y a le consentement et il y a le droit à l’information. Il faut bien distinguer les deux. C’est aussi important de bien montrer aux citoyens qu’on traite leurs données dans les règles du RGPD.
Étienne Gonnu : Tout à fait. Tu nous expliquais le rôle du DPO, tu nous parlais aussi de l’importance de cette sensibilisation et de l’accompagnement. Je me disais que tout le travail de migration et de formation que tu as fait lorsque tu étais responsable du service informatique, j’imagine que ça a dû te servir dans ton travail actuel en termes de rapport avec les agents, de formation et de sensibilisation.
William Gonzalez : Oui, bien sûr. L’informatique c’est très transversal, on touche forcément tous les métiers, tous les services de la collectivité, puisque tous les services de la collectivité sont informatisés. Le RGPD, la protection des données personnelles, c’est un peu la même chose finalement. On touche tous les métiers et ça me permet de continuer, d’être vraiment avec les services, de les accompagner. En tout cas je retrouve des similitudes entre le DSI, la direction des systèmes d’information et le délégué à la protection des données.
Étienne Gonnu : Il y avait cette question qui était la plus importante à mes yeux quelque part : en gros pourquoi le logiciel libre est-il important selon toi ? En quoi le logiciel libre est-il vecteur d’une meilleure protection des données justement ? Vaste question.
William Gonzalez : Bien sûr. C’est vrai que je fais beaucoup le lien entre le logiciel libre et les données personnelles et je m’en sers beaucoup au quotidien. Je dirais simplement que le logiciel libre respecte nativement l’utilisateur, sa vie privée. D’une part parce que son développement est transparent, le code source est ouvert et accessible. Finalement on sait exactement ce que fait le logiciel, en tout cas si on a les compétences pour aller voir le code, donc on a vraiment une transparence. C’est aussi l’idée du RGPD d’être transparent vis-à-vis de l’usager. Et puis le modèle économique du logiciel libre ne s’appuie pas sur les données personnelles de l’utilisateur, contrairement à certaines entreprises, notamment les GAFAM, qui demandent nos données pour en faire un commerce. Ce n’est pas du tout le cas pour les logiciels libres.
Voilà pourquoi je fais vraiment le lien entre la protection des données personnelles et le logiciel libre.
Étienne Gonnu : Synthèse parfaite. Je suis complètement d’accord et je pense qu’on parle beaucoup du consentement mais ce qui est peut-être le plus important c’est en fait d’avoir des systèmes d’information loyaux dans lesquels on peut avoir confiance. Le consentement, finalement, apparaît après presque secondaire par rapport à ça à partir du moment où on peut avoir confiance dans les systèmes sur lesquels s’appuient nos données. Mais je ne fais que te paraphraser peut-être là.
William Gonzalez : Pour en revenir à l’usage de ces outils, c’est vrai qu’on a de plus en plus d’outils en ligne directement accessibles sur le cloud. Je recommande toujours aux utilisateurs d’utiliser plutôt des services plus protecteurs de la vie privée, je vais citer quelques exemples : on utilise souvent Doodle pour planifier une réunion. Je leur dis d’utiliser plutôt Framadate, les outils de Framasoft. On utilise Google Forms pour réaliser des sondages alors qu’il y a Framaforms. Voilà !
J’essaye aussi d’orienter les usages puisque les utilisateurs ne se rendent pas forcément compte qu’aujourd’hui il y a des outils assez facilement accessibles sur le Net. Pourtant on a des conséquences en matière de données personnelles, donc je suis vigilant aussi sur ce terrain-là puisque finalement, aujourd’hui, c’est vraiment le cœur de mon sujet.
Étienne Gonnu : Très bien. Je pense qu’on est en train de glisser vers le sujet suivant, la démarche pour sensibiliser que tu as pu réaliser, tu en diras plus, avec ton livre.
Je te propose avant de parler de ton livre, Une expérience libre, de faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Nous allons écouter Arcane par CloudKicker. On se retrouve juste après. Une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Arcane par CloudKicker.
Voix off : Cause Commune, cause-commune.fm, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Arcane par CloudKicker disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. J’espère que ça vous a plu. Quand je suis tombé là-dessus j’ai eu un petit coup de cœur. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez toujours Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
[Virgule musicale]
Échange avec William Gonzalez sur son livre Une expérience libre
Étienne Gonnu : Je suis toujours Étienne Gonnu chargé de mission affaires publiques pour l’April et nous allons poursuivre toujours avec William Gonzalez non plus seulement sous sa casquette de délégué à la protection des données de Fleury-les-Aubrais, mais plus généralement en tant que libriste et membre de l’April et nous allons discuter de son livre, Une expérience libre, paru en novembre 2019.
William, pourquoi ce livre et de quoi parle-t-il ?
William Gonzalez : C’est un projet que j’avais dan la tête depuis plusieurs années et j’avais vraiment envie de partager mon expérience sur ce que j’avais appris dans le domaine des logiciels libres, mon expérience professionnelle, mon expérience personnelle. J’avais vraiment envie de la partager, je ne voulais pas la garder pour moi parce que ça me semblait utile aux autres et ça donnait aussi du sens à mon histoire personnelle puisque, comme je l’explique dans le livre, pour moi le logiciel libre va au-delà de l’informatique, ce sont des valeurs qu’on partage, le partage avec les autres, la solidarité, la liberté au sens large. Ce sont vraiment des valeurs qui s’inscrivent au plus profond de moi-même, donc j’avais vraiment cette envie de partager mon expérience avec le citoyen qui n’a pas forcément toujours connaissance quand il ne connaît pas ce domaine.
Le livre parle essentiellement de logiciel libre. J’aborde aussi un chapitre sur le développement personnel, ça peut paraître un peu décalé mais pas tant que ça. C’était un point que je voulais aussi aborder dans mon livre puisque, comme tout le monde, on peut parfois rencontrer des difficultés dans sa vie professionnelle, dans sa vie personnelle et ça me semblait important d’apporter quelques solutions justement pour dépasser ces moments de doute.
Étienne Gonnu : Tu évoques la fin de ton livre que je m’étais laissée en conclusion. En fait, on peut largement ouvrir là-dessus. Souvent tu ne parles plus d’informatique ou des enjeux de protection de la vie privée, mais tu proposes une approche, un retour d’expérience, enfin c’est comme je l’ai reçu, pour rependre le titre de ton livre. À la lecture de ton livre, j’ai trouvé justement intéressant ce lien et la manière avec laquelle tu l’amènes : on voit que le logiciel libre c’est avant tout une question d’émancipation, de liberté et ce rapport à sa propre émancipation c’est ce que j’ai un peu retrouvé aussi. Tu partages ta démarche qui, peut-être comme celle du logiciel libre, est une démarche d’apprentissage et de formation. Tu reprends, à un moment donné, cette phrase de Framasoft « le chemin est long mais la voie est libre » et ça peut assez bien résumer cette idée.
William Gonzalez : Oui bien sûr. Il y a cet esprit de liberté, de partage et c’est ce que je retrouve dans le logiciel libre. Je pense que ce sont des valeurs qu’on peut appliquer dans sa vie personnelle. Ce sont aussi de belles valeurs à transmettre. Je suis de nature assez positive et j’essaye toujours de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide parce que je pense que c’est aussi en positivant les choses que les choses vont mieux. C’est vrai que c’est ce que j’aborde aussi dans mon livre, un peu de développement personnel, assez simplement finalement.
Étienne Gonnu : Je trouve qu’un mérite de ton livre c’est d’être très simple et très clair quand ça parle de logiciel libre. Je pense que c’est à la fois un bon outil pour des personnes qui veulent découvrir le logiciel libre parce que c’est dit très simplement, en fait, et de manière pragmatique ça propose aussi des logiciels pour se lancer. Je pense que ça peut être aussi un outil intéressant pour des personnes, par exemple des membres de l’April qui tiennent des stands, ou des personnes qui veulent parler du logiciel libre mais qui ont peut-être besoin d’idées, de comment le formuler, de comment approcher cette sensibilisation. Je trouve que ton ouvrage est aussi un bon outil de ce point de vue-là.
William Gonzalez : Oui, bien sûr. En fait, j’ai essayé de parler à monsieur Tout-le-monde, j’ai essayé d’être le plus pragmatique possible, le plus pédagogue possible parce qu’on a toujours tendance à penser que les logiciels libres c’est plutôt réservé aux geeks et pas du tout. Peut-être qu’il y a quinze ans je n’aurais pas eu ce discours-là, mais aujourd’hui je pense qu’on peut largement utiliser ces outils. Parfois on les utilise sans le savoir : on utilise Firefox en navigateur internet, on utilise l’encyclopédie libre Wikipédia. Qui n’a pas utilisé Wikipédia ! Je pense que c’est important de montrer aussi que ces outils ne sont pas réservés qu’aux informaticiens, que tout le monde peut les utiliser assez simplement, que ce ne sont pas des outils compliqués. On a des outils aussi simples que les outils qu’on peut retrouver chez Google, chez Microsoft. C’était aussi ça l’idée, être le plus pragmatique possible pour que les personnes puissent en tirer un petit peu un avantage et aller vers ce logiciel libre.
Étienne Gonnu : C’est important. Nous on le dit aussi souvent. Par exemple, quand il m’arrive de faire une conférence, je prends souvent soin de dire que je ne suis pas informaticien et que le logiciel libre n’est pas réservé aux personnes informaticiennes, qu’en fait ça concerne tout le monde. Ça concerne tout le monde politiquement et tout le monde peut se saisir de ces outils, il n’y a pas une barrière infranchissable à l’entrée, mais après, comme pour toute chose, il y a de la capacité d’apprentissage et de progression et on peut aller plus loin, mais c’est accessible à toute personne. Il suffit de se lancer et accepter parfois certaines contraintes, mais il y a aussi un plaisir à les dépasser. C’est peut-être l’avantage de ces outils-là que d’aider à dépasser les premiers petits obstacles et progresser progressivement, justement.
William Gonzalez : Bien sûr. Complètement.
Étienne Gonnu : Tu es entré dans cette démarche, tu nous as expliqué ce qui t’avais donné envie. Assez rapidement parce que le temps file, mais si tu veux bien nous dire comment tu t’y es pris et peut-être quels conseils tu donnerais à une personne qui nous écoute et qui se dirait « moi aussi j’ai cette envie-là ». Tu es passé par un système d’auto-édition si j’ai bien compris.
William Gonzalez : Oui, exactement, je suis passé par un système d’auto-édition. C’était une première pour moi, évidemment je ne suis pas écrivain. Je ne voulais pas forcément passer par une maison d’édition, je n’avais pas cette prétention et ce sont souvent des démarches assez longues. Il faut d’abord trouver la maison d’édition qui accepte. Du coup, je suis passé par l’auto-édition et j’ai utilisé le service de lulu.com. C’est un service gratuit. Ça permet de publier assez simplement un bouquin. Il y a beaucoup de conseils, de tutos pour accompagner dans la publication d’un livre, ça se fait assez rapidement finalement. C’est pour ça que je suis passé sur de l’auto-édition. Avec le service de Lulu on a aussi la possibilité de créer un ebook, une version numérique de son livre ce que je n’ai pas encore fait et puis il y a la possibilité de vendre son livre sur d’autres sites sans problème, même sur les sites comme Amazon.
Pour la création de la couverture du livre je me suis fait aider, je connaissais un ami qui est infographiste qui, du coup, a pu réaliser cette couverture. Il a utilisé évidemment des logiciels libres, c’était un peu sa contrainte, c’est ce que je lui avais donné comme contrainte.
Dans l’écriture du livre je me suis aussi fait aider par un écrivain public pour la rédaction. Je ne suis pas spécialiste dans la matière même si j’ai un certain goût pour l’écriture. Je me suis fait aider et l’auto-édition permet de publier assez rapidement, finalement, un bouquin, assez simplement sans être un expert en la matière.
Étienne Gonnu : On arrive sur la fin. Combien de temps ça t’a pris pour écrire depuis le moment où tu t’es lancé dans le projet et la parution fin 2019 ?
William Gonzalez : Environ un an et demi. J’écrivais quand j’avais un peu de temps entre la vie professionnelle et la vie personnelle ; ça prend quand même beaucoup de temps pour poser ses idées sur papier. Donc à peu près un an et demi entre le moment où j’ai décidé d’écrire ce livre et où il a été publié ensuite, en novembre 2019.
Étienne Gonnu : OK. Marie-Odile nous dit « belle couverture, joyeuse et lumineuse ». Elle partage tes choix graphiques, c’est vrai que c’est très sympa.
William Gonzalez : Je la remercie.
Étienne Gonnu : Bien sûr, on invite les gens à ne pas commander sur Amazon mais plutôt à se tourner vers leur libraire de quartier.
William, sauf si tu as un dernier mot que tu voudrais partager avec nous, je te propose de nous arrêter là, mais pour un dernier mot tu as une dernière minute.
William Gonzalez : D’accord. Juste remercier encore une fois l’April pour cette invitation. Je n’ai pas l’habitude d’intervenir à la radio, j’espère que j’ai été à la hauteur. J’espère avoir pu apporter un éclairage sur le logiciel libre notamment dans les collectivités, encourager les collectivités à aller vers le logiciel libre. Je vous invite aussi à partager le livre que j’ai écrit et j’espère que ça aidera aussi le citoyen à s’engager dans une nouvelle voie.
Étienne Gonnu : Parfait. J’ai des retours très positifs sur le salon web de l’April sur le salon #libreatoi [Salon #libreavous sur talk.libre-a-toi.org/, NdT]. Les gens t’ont trouvé très clair.
J’ai été ravi de partager cette première émission avec toi. Je te souhaite une très bonne fin de journée William et merci encore de ta participation.
William Gonzalez : Merci à tous. Au revoir.
Étienne Gonnu : Au revoir William.
Nous approchons de la fin de l’émission. Je vais vous proposer quelques annonces.
[Virgule musicale]
Annonces
Étienne Gonnu : Sachez que l’édition 2020 de LibrePlanet, un évènement libriste très important qui se déroule à Boston chaque année, organisé par la Fondation pour le logiciel libre, s’est déroulé les 14 et 15 mars et a été entièrement réalisé en ligne du fait de la période actuelle de confinement, de la crise sanitaire et l’expérience semble avoir été un franc succès. La FSF, la Free Software Foundation, la Fondation pour le logiciel libre, en tire un bilan sur son site, en anglais pour le moment, la référence est sur le site de l’April.
À cette occasion il y a eu les Free Software Awards 2019. On on félicite les lauréats, Jim Meyering et Clarissa Lima Borges. Pareil, les informations, les détails seront en lien sur le site de l’April.
Je mentionnais suite à la chronique de Marie-Odile qui nous parlait du Collectif des Hébergeurs, Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires — je me suis lancé en improvisation là-dessus, je m’en sors bien ! — que le chaton de l’April, Chapril, a ouvert un nouveau service pour faire des conférences, basé sur Mumble justement, le logiciel que nous utilisons pour enregistrer l’émission, ouvert au public. Vous pourrez trouver le lien sur april.org.
Par ailleurs, nous avons réalisé une playlist de plus de huit heures, à partir des différents morceaux de musique libre diffusés dans Libre à vous !. C’est la playlist Libre chez vous qui est disponible également sur le site de l’April. Nous sommes en train de préparer une émission spéciale dédiée justement aux musiques libres. On vous tiendra informés de tout cela. L’idée c’est de parler autour de ces musiques, de les commenter et d’écouter ça tous ensemble.
Toutes les références sont sur la page dédiée.
Notre émission se termine. Je remercie toutes les personnes qui ont participé à l’émission : Marie-Odile, William Gonzalez, aux manettes de la régie un autre William, William de la radio Cause Commune.
Merci également à Sylvain Kuntzmann, bénévole à l’April,et à Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio, qui s’occupent de la post-production des podcasts. Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April lui aussi, qui découpe les podcasts complets en podcasts individuels par sujet.
Enfin j’en profite pour remercier Frédéric Couchet, le délégué général de l’April, qui est le cœur et les poumons de Libre à vous !. C’était un plaisir pas de le remplacer, mais du moins de partager l’animation de Libre à vous !. Je passe à la suite parce que je m’embrouille !
Vous retrouverez sur notre site web, april.org, toutes les références utiles comme je vous l’ai souvent dit ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse libreavous chez april.org.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles, il y a plein de très belles émissions.
La prochaine émission aura lieu en direct le 7 avril 2020 à 15 heures 30. Nous prendrons des nouvelles de Framasoft avec Angie Gaudion. Nous aurons également le créateur de Jitsi, un logiciel libre de visioconférence et plein d’autres invités.
Nous vous souhaitons de passer une très belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 7 avril et d’ici là, prenez soin les uns et les unes des autres.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.