- Titre :
- Émission Libre à vous ! diffusée mardi 3 juillet 2018 sur radio Cause Commune
- Intervenants :
- Frédéric Couchet - Isabella Vanni - Étienne Gonnu - Harmonie Vo Viet Anh - Jérémie Wojtowicz - Pierre Beyssac - Matthieu Vernet
- Lieu :
- Radio Cause Commune
- Date :
- 3 juillet 2018
- Durée :
- 1 h 30
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Page des références utiles concernant cette émission
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustrations :
- Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco
- transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.
Transcription
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site cause-commune.fm. C’est parti pour la troisième édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, délégué général de l’April et bien sûr nous allons avoir quelques invités pour nous parler de différents sujets aujourd’hui.
Le site web de l’April c’est april.org, a, p, r, i, l point org, et vous y retrouverez, normalement en fin d’émission, une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Nous allons commencer par un petit tour de table : Isabella Vanni qui est avec moi.
Isabella Vanni : Oui, bonjour.
Frédéric Couchet : Donc tu es ?
Isabella Vanni : Coordinatrice vie associative, responsable projets pour l’April.
Frédéric Couchet : Étienne Gonnu.
Étienne Gonnu : Bonjour. Moi je m’occupe des dossiers institutionnels pour l’April.
Frédéric Couchet : Ensuite nous allons avoir en studio Matthieu Vernet qui est médiateur au Carrefour numérique² à la Cité des sciences et de l’industrie mais qui est pour l’instant malheureusement bloqué dans les transports en commun. Nous aurons également Pierre Beyssac qui va nous rejoindre qui est ingénieur en informatique et fondateur d’Eriomem.net, un service de stockage de fichiers et nous avons par téléphone, nous avons le plaisir d’avoir par téléphone, Harmonie Vo Viet Anh et Jérémie Wojtowicz, en espérant ne pas avoir écorché vos noms, de l’équipe d’organisation des Rencontres mondiales du logiciel libre qui vont se dérouler à Strasbourg du 7 au 12 juillet 2018. Harmonie, Jérémie est-ce que vous nous entendez ?
Jérémie Wojtowicz : Bonjour.
Harmonie Vo Viet Anh : Oui, on vous entend très bien.
Frédéric Couchet : D’accord. Je vais juste parler du programme du jour. D’ici 30 à 45 minutes on va parler de la révision de la directive sur le droit d’auteur pour faire le point après le vote en commission des affaires juridiques et avant le vote en séance plénière au Parlement européen prévu jeudi 5 juillet. Avant d’aborder ce dossier nous parlerons avec Matthieu Vernet de la place du logiciel libre au Carrefour numérique² à la Cité des sciences et de l’industrie et tout de suite je vais laisser la parole à Isabella Vanni pour parler des Rencontres mondiales du logiciel libre avec Harmonie et Jérémie.
Isabella Vanni : Voilà. Donc bonjour Harmonie et Jérémie. Merci d’être avec nous aujourd’hui, merci notamment parce qu’on sait que vous êtes très occupés : c’est le rush final pour l’organisation de ce bel événement qui arrive bientôt, donc c’est le week-end prochain, les Rencontres mondiales du logiciel libre ; je vous invite à expliquer au public de la radio de quoi il s’agit.
Harmonie Vo Viet Anh : Les Rencontres mondiales du logiciel libre, contrairement à ce que tout le monde indique parce que c’est quand même un événement qui a à peu près 20 ans puisque ça a été créé dans les années 2000, c’est un festival transdisciplinaire sur la culture libre en général, même si c’est beaucoup plus centré sur le logiciel libre.
Jérémie Wojtowicz : Voilà, c’est un événement qui regroupe un petit peu tous les types d’utilisation de l’informatique donc, par des outils qui sortent un petit peu de ce qu’on peut avoir l’habitude avec Google, Facebook, etc., pour développer une informatique on va dire contre-hégémonique.
Isabella Vanni : Très bien. Cette année, l’édition 2018 des Rencontres mondiales du logiciel libre se déroule à Strasbourg et, comment dire, quel est le public, en fait, que vous visez avec cet événement, parce qu’il y a bien sûr les actifs, il y a les utilisateurs, les utilisatrices, mais il y a probablement aussi l’idée de promouvoir le logiciel libre auprès d’un public plus vaste. Est-ce que vous pouvez un petit peu parler du public qui fréquente les Rencontres mondiales du logiciel libre ?
Jérémie Wojtowicz : C’est vrai que cette année on a une petite différence par rapport aux années précédentes, c’est la thématique centrale qu’on a choisie « Éducation numérique : fabrique de la captivité ou nouvelle émancipation ? » et qui veut donc critiquer les modèles pédagogiques existants et voir lesquels proposer avec le logiciel libre. Donc nécessairement ça va toucher un public qui va être celui des enseignants, celui des étudiants, des élèves, celui des institutionnels aussi.
Harmonie Vo Viet Anh : Sans oublier l’éducation populaire donc tous les types d’éducation qui sont hors des institutions habituelles éducatives on va dire. On a aussi un peu rompu avec le vocabulaire habituellement utilisé, par exemple habituellement les RMLL organisent ce qu’on appelle le week-end grand public. On avait envie plutôt de parler d’initiation cette année, parce que le grand public ça ne nous semble pas assez parlant. Je pense qu’un de nos publics cibles c’est plutôt des technos curieux un minimum.
Isabella Vanni : C’est bien. D’ailleurs on va rappeler que les Rencontres mondiales du logiciel libre commenceront le 7 juillet prochain jusqu’au 12 juillet et les lieux, en fait, de cet événement sont différents. C’est-à-dire le 7 juillet les Rencontres mondiales du logiciel libre se dérouleront sur la presqu’île Malraux et c’est en coïncidence, en fait, avec l’EdgeFest. Donc c’est une volonté de votre part aussi peut-être d’élargir un petit peu le public qui peut fréquenter cet événement ?
Harmonie Vo Viet Anh : Exactement. Parce que l’EdgeFest c’est vraiment pour du beaucoup plus grand public, même pas forcément habitué aux nouvelles technologies. Et ce qui est drôle c’est que EdgeFest, à la base, est née de la volonté des organisateurs des RMLL 2011 à Strasbourg d’organiser un événement beaucoup plus orienté grand public. Donc cette année on renoue entre les deux événements.
Isabella Vanni : Très bien. Par contre les autres jours, donc du 8 au 12 juillet, les Rencontres mondiales du logiciel libre se dérouleront plutôt dans le campus de l’université de Strasbourg. Est-ce que vous pouvez dire un petit peu au public de la radio, de notre émission, quels sont les événements que vous proposez à l’occasion des Rencontres mondiales du logiciel libre ?
Jérémie Wojtowicz : Juste pour compléter sur les lieux parce qu’on a parlé de la presqu’île Malraux pour le 7 juillet, donc ce samedi, et du campus central pour le reste, en réalité il y a aura aussi des activités sur le campus central le 7 et il y aura aussi des activités sur la presqu’île Malraux le reste de l’événement. Le Shadok, qui est un des bâtiments emblématiques du numérique à Strasbourg, puisque c’est l’institution publique de la ville, de l’Eurométropole, sur toutes ces questions-là, accueillera du coup pendant toutes les RMLL un hackerspace, donc un espace ouvert dédié à la pratique collective de l’informatique et des technologies. Et il y aura aussi des ateliers qui auront lieu à la médiathèque Malraux.
Harmonie Vo Viet Anh : À la médiathèque Malraux on aura une programmation spéciale jeune public.
Isabella Vanni : Super !
Jérémie Wojtowicz : Et ensuite, sur tout le reste du campus du coup on aura trois bâtiments où on pourra retrouver des conférences, des ateliers, des tables rondes ; des salons de discussion aussi qui sont un peu un nouveau format qui nous tient à cœur cette année et on est contents de voir que les participants qui ont répondu à notre appel s’en sont emparés. Des journées comme inter-GULL, donc des groupes d’utilisateurs de logiciels libres ou les Chatons qui sont les hébergeurs associatifs vont se retrouver pendant toute une journée, du coup, pour discuter des problématiques qui leur sont chères.
Frédéric Couchet : Jérémie, Harmonie, deux petites questions. Tout à l’heure Harmonie a parlé de présence de jeune public. Donc la première question c’est à partir de quel âge les enfants peuvent venir pour assister à ces évènements ? Et la deuxième question, Rencontres mondiales, est-ce qu’il y a une langue officielle ? Est-ce qu’il faut forcément parler anglais ou est-ce qu’il y a des ateliers, conférences en français ? Comment ça se passe en pratique au niveau des langues ?
Harmonie Vo Viet Anh : Au niveau des langues il n’y a que deux langues différentes pour les interventions : soit elles sont en français soit elles sont en anglais et c’est matérialisé tout simplement par le fait qu’on a demandé que les interventions en français aient un titre et une description en français et que les activités en anglais aient un titre et une description en anglais sur notre site internet.
Frédéric Couchet : D’accord. Et pour le jeune public c’est à partir de quel âge ?
Harmonie Vo Viet Anh : Je dirais que c’est à partir de 7 ans, à partir du moment où l’enfant a une capacité de discernement et une capacité de concentration, je pense, pour assister à l’atelier, quand même.
Jérémie Wojtowicz : La programmation jeune public sera quand même assez limitée on va dire. Il ne faut pas non plus compter sur les RMLL pour être une espèce de camp de vacances pour les enfants !
Harmonie Vo Viet Anh : Mais c’est quand même un camp de vacances pour tous les libristes en général,
Frédéric Couchet : C’est le début des vacances pour les libristes en général. En plus, Strasbourg, il y a un camping sympa, la ville est sympa et le beau temps y est, donc…
Harmonie Vo Viet Anh : On a vérifié sur la météo, normalement ils donnent une météo excellente pour toute la durée des RMLL.
Frédéric Couchet : C’est super ! Isabella.
Isabella Vanni : D’accord. En fait je voulais savoir, en pratique, vous pouvez dire aux personnes qui souhaitent participer à l’événement, qui souhaitent suivre une conférence ou participer à un atelier, comment ça se passe ? Est-ce qu’il faut une inscription ? Est-ce que c’est payant ?
Harmonie Vo Viet Anh : Non. L’entrée est libre et gratuite. On peut accepter des petits dons, mais il n’y a aucune obligation financière pour assister aux RMLL, tout le monde est le bienvenu.
Isabella Vanni : Très bien.
Jérémie Wojtowicz : On peut aussi préciser qu’il y aura certains ateliers quand même sur inscription. Toutes les informations sont à retrouver sur notre site internet rmll.info et vous pourrez aussi retrouver dessus la programmation des soirées parce que chaque soir, après 20 heures, il y aura aussi des choses dans la ville pour fêter la culture libre, avec le samedi soir, notamment, la grande nocturne et le dimanche soir le repas du Libre, l’habituel repas du Libre pour rencontrer les grandes figures et partager autour d’un bon repas du Libre.
Isabella Vanni : C’est super. Vous avez abordé le sujet du repas du Libre donc dimanche soir. Est-ce qu’il y a encore des places ? Est-ce qu’on peut encore s’inscrire ?
Harmonie Vo Viet Anh : Il y a encore des places. On a deux menus, un menu entre guillemets « carné » et un menu végan. Donc même si vous avez des particularités alimentaires ; je crois que le menu végan est même sans gluten, donc !
Isabella Vanni : Parfait. Par contre pour participer à ce genre d’événement, pour le repas du Libre, il faut s’inscrire sur le site.
Jérémie Wojtowicz : Tout à fait.
Harmonie Vo Viet Anh : Oui parce que les places sont limitées.
Jérémie Wojtowicz : Donc à 20 euros, menu carné ou végan ; c’est un tarif unique.
Isabella Vanni : Parfait. Très bien. En tout cas on est vraiment impressionnés par la richesse du programme ; j’ai compté jusqu’à dix événement,s entre conférences et ateliers, en parallèle, donc bravo vraiment pour cette organisation. Le programme est disponible sur le site, donc 2018.rmll.info. Est-ce qu’il y aura aussi un programme sur place, éventuellement sur papier ?
Harmonie Vo Viet Anh : Oui, on a prévu un programme papier. Cependant il est moins bien à jour que le programme qui est sur le site internet à cause de toutes les dernières annulations de dernière minute, etc.
Jérémie Wojtowicz : Il y a peut-être une dizaine d’erreurs qu’il faudra relever. On va essayer de faire un erratum dans les prochains jours avec notre petite équipe, nos petits bras.
Harmonie Vo Viet Anh : On tient à préciser que c’est peut-être la première fois que le noyau technique a moins de 25 ans et est majoritairement composé de femmes.
Isabella Vanni : C’est super ! En tout cas bravo, parce on l’a déjà dit peut-être au début mais c’est bien de le répéter c’est un grand événement donc on attend vraiment beaucoup de personnes ; c’est sur une durée quand même importante ; il y a énormément d’événements et l’organisation est complètement bénévole. Donc bravo deux fois pour ce que vous faites ! Vous souhaitez peut-être rappeler les partenaires de cette édition ?
Jérémie Wojtowicz : Ouais. On peut parler de la ville et de l’Eurométropole qui nous soutiennent ensemble à hauteur de 30 000 euros.
Isabella Vanni : Plutôt pas mal !
Harmonie Vo Viet Anh : Les éditions Diamond qui nous font de la publicité et nous fournissent des magazines à distribuer gratuitement dans les RMLL.
Jérémie Wojtowicz : Il y a l’April, les Mongueurs de Perl, Framasoft qui nous fait aussi un prêt. Il y a Oisux ; oh là là, c’est dur de n’oublier personne alors qu’on n’a pas la liste devant les yeux.
Harmonie Vo Viet Anh : Alsace Digitale qui organisent le EdgeFest et qui vont mettre en place le village du Libre pour le 7 juillet.
Isabella Vanni : Très bien.
Jérémie Wojtowicz : Il y a surtout la FSFE, la Free Software Foundation Europe, merci à Tsanta [stagiaire de la licence CoLibre,NdT] qui est à ma gauche et qui me l’a soufflé à l’oreille.
Isabella Vanni : Et que nous saluons. Vous avez parlé du village du Libre. De quoi il s’agit ?
Harmonie Vo Viet Anh : Le village du Libre ce sera un village dans lequel il y aura des stands tenus par des associations qui font du logiciel libre pour expliquer leurs actions et présenter au public qui ne connaît pas déjà les associations concernées.
Jérémie Wojtowicz : Juste pour revenir rapidement sur la Free Software Fondation Europe, on doit quand même dire qu’ils organisent une track à part entière. Une track c’est un ensemble de programmations plus ou moins linéaires, en quelque sorte, et donc cette organisation européenne va profiter du week-end, ce week-end du 7 au 8, pour faire leur rendez-vous annuel, leur grand-messe où il y a aura plein d’ateliers, de conférences, de débats, anglophones pour le coup.
Isabella Vanni : Très bien. Écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre intervention. Est-ce qu’il y a quelque chose… Oui ?
Frédéric Couchet : J’ai encore d’autres questions. Éventuellement, est-ce qu’il y aura cette année des captations vidéos permettant aux personnes qui ne sont pas présentes de pouvoir ultérieurement voir les vidéos de certaines conférences ou des conférences en totalité ?
Harmonie Vo Viet Anh : On aura quand même un minimum de captation qui sera assuré directement par les services de l’université de Strasbourg, qui nous offrent la prestation de captation. Mais c’est vrai que cette année on est un petit peu en difficulté pour ce qui est des captations vidéos étant donné que l’équipe historique est partie sur un autre événement qui s’appelle Pass the SALT, uniquement sur la sécurité dans le logiciel libre. Mais on va faire notre maximum. Il y a énormément de bénévoles qui sont en train de s’organiser pour qu’il y ait une captation Et on est en train de s’organiser également pour avoir un endroit pour s’occuper de vidéo, en tout cas pour qu’elles restent disponibles.
Jérémie Wojtowicz : Voilà. Il y aura aussi la radio qui sera coordonnée par Radio Rhino qui est une petite web radio locale et qui va faire le son pour retransmettre en direct avec l’aide de l’équipe captation quelques conférences. Mais vraiment, étant donné que notre budget est très limité cette année parce qu’on a été globalement un peu en retard, on a préparé en six mois, donc on fait de notre mieux.
Frédéric Couchet : D’accord. D’ailleurs ça me fait penser qu’il y a toujours le moyen d’aider les Rencontres mondiales justement financièrement, il y a un appel à don sur le site des Rencontres c’est rmll.info ; vous pouvez faire un don et tout don sera utile, comme vous l’entendez par rapport aux besoins, parce qu’en fait organiser les Rencontres mondiales, même si c’est organisé de façon bénévole, eh bien il y a des frais de déplacement éventuellement à prendre en charge, il y a des frais de location de matériel, etc., donc ça coûte de l’argent. C’est important de pouvoir les aider. Est-ce que vous avez éventuellement des derniers messages à faire passer ? Des appels ?
Jérémie Wojtowicz : Je pense qu’on a fait un bon tour.
Harmonie Vo Viet Anh : Venez nombreux. On aura de la bière bio artisanale libre.
Isabella Vanni : C’est bien ! C’est bien placé !
Frédéric Couchet : C’est très bien placé effectivement ; ça peut encourager pas mal de gens à venir. J’encourage les gens à s’inscrire notamment pour le repas du Libre parce que c’est toujours un moment très intéressant et très convivial qui permet de se rencontrer, parce qu’après, une des difficultés des Rencontres mondiales c’est qu’il y a beaucoup de choses partout ; des fois on pense qu’on va voir telle ou telle personne et finalement on ne la voit pas du tout. En tout cas Jérémie, Harmonie merci pour votre intervention. Merci aussi pour ce que vous faites, pour l’équipe. Ça fait plaisir d’entendre que l’équipe a moins de 25 ans, surtout qu’autour de la table, ici, je pense qu’on est au-delà des 25 ans en moyenne.
Isabella Vanni : Largement !
Frédéric Couchet : Largement. Donc ça fait plaisir de voir ce renouvellement. On sait d’expérience que l’organisation des Rencontres c’est quelque chose qui est vraiment très compliqué, qui prend beaucoup de temps, beaucoup d’énergie. Encore une fois bravo et merci à vous. Les personnes qui nous écoutent venez si possible à Strasbourg, ne serait-ce qu’une journée ou plusieurs journées ; la ville est belle, les rencontres sont intéressantes, comme l’ont expliqué Jérémie et Harmonie pour tous les publics. Que vous soyez très spécialiste du sujet ou que vous vouliez découvrir, vous pouvez même emmener, comme l’a expliqué tout à l’heure Harmonie, vos enfants. Je me souviens que lors de la dernière édition à Strasbourg j’avais emmené mes deux grands enfants qui avaient 7 et 9 ans je crois à l’époque, ils en étaient vraiment ravis. Donc merci Harmonie, merci Jérémie. Isabella.
Isabella Vanni : Merci beaucoup pour votre temps.
Harmonie Vo Viet Anh : Dernière petite anecdote : j’aimerais quand même dire que Strasbourg n’est qu’à une 1 heure 40 de Paris !
Isabella Vanni : Donc il n’y a pas d’excuse, même les Parisiens, les Parisiennes peuvent aller aux Rencontres mondiales du logiciel libre. Merci beaucoup pour avoir été avec nous aujourd’hui et bon courage pour ces derniers jours. On a hâte d’arriver, de vous rencontrer.
Jérémie Wojtowicz : Merci à vous. Merci pour le soutien.
Harmonie Vo Viet Anh : Merci beaucoup.
Frédéric Couchet : Merci, à bientôt.
Isabella Vanni : Merci. Je voudrais juste rappeler à notre public qu’un stand de l’April sera présent au village du Libre, au village associatif, donc passez nous voir, ça nous fera plaisir.
Frédéric Couchet : Il y aura des mugs disponibles, des tee-shirts, des sacs.
Isabella Vanni : Des goodies, des nouveaux goodies conçus spécialement pour les Rencontres mondiales ; il ne faut pas louper cette occasion. Les mugs et les sacs.
Frédéric Couchet : Les tee-shirts c’est une adaptation du Liberté j’écris ton nom de Paul Eluard, donc vous la découvrirez là-bas. Il y aussi deux conférences April au moins : dimanche à 16 heures la conférence « Au cœur de L’April » pour expliquer comment fonctionne l’April et le 10 juillet Étienne donnera une conférence sur les aspects plutôt institutionnels.
Étienne Gonnu : Le 11.
Frédéric Couchet : Pardon ! Le 11 juillet. Excuse-moi.
Isabella Vanni : Et l’April participera aussi à la journée inter-GULL, donc la journée dédiée aux groupes d’utilisateurs-utilisatrices de logiciels libres qui sera mardi 10 juillet sur toute la journée.
Frédéric Couchet : On va faire une petite pause musicale. C’est une pause musicale qui nous tient à cœur particulièrement parce que c’est un membre de l’April qui fait de la musique, je ne sais pas d’ailleurs de façon professionnelle ou pas, en tout cas son nom d’artiste c’est Texas Bardubos et le nom du titre c’est The sun is back et nous on est de retour juste après cette pause musicale.
Voix off : Cause commune 93.1 – La voix des possibles
Pause musicale : The sun is back par Rico da Halvarez.
Voix off : Cause commune – cause-commune.fm – Partage ta radio
Frédéric Couchet : Nous voici de retour sur Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April.
Notre intervenant de la Cité des sciences et de l’industrie a un problème technique donc nous avons changé le planning de l’émission. Nous a rejoints Pierre Beyssac qui est fondateur d’Eriomem.net, un service de stockage de fichiers, mais Pierre ce n’est pas simplement ça ! Avant de te laisser la parole, Pierre c’est aussi une des personnalités qui a permis l’introduction des systèmes libres en France il y a bien longtemps, l’un des cofondateurs, l’un des quatre cofondateurs de Gandi donc le bureau d’enregistrement de noms de domaine. C’est aussi un développeur de FreeBSD qui est un autre système d’exploitation libre, peut-être moins connu du grand public mais quand même très utilisé. Merci Pierre d’être avec nous.
Pierre Beyssac : Bonjour d’abord. Merci beaucoup à vous de me recevoir. Je suis très content d’être ici en particulier pour parler de la directive copyright.
Frédéric Couchet : Exactement. Nous allons revenir sur la directive droit d’auteur que nous avions longuement abordée lors de la précédente émission si vous vous souvenez bien, si vous l’avez écoutée ; en fait il y avait un vote en commission des affaires juridiques du Parlement européen qui devait avoir le lieu le 20 juin 2018 ; le vote a eu lieu. Étienne Gonnu, mon collègue, va faire un retour sur ce vote et sur ce qui nous attend en séance plénière ce coup-ci le 5 juillet 2018, tout simplement jeudi, parce que les choses ont un petit peu évolué et il faut toujours se mobiliser ; donc Étienne je te laisse la parole.
Étienne Gonnu : Merci. Tout à fait. Pour rappeler peut-être – on ne va pas refaire effectivement tout le contenu de l’émission, enfin de nos échanges du 5 juin – il y a dans cette directive deux points de tension en particulier : l’article 11 qui devait donner un droit d’auteur donc aux éditeurs de presse pour leur permettre de faire payer, voire d’interdire, les liens vers leurs articles ; on parle souvent là de taxe sur les liens de tax link pour décrire cette idée. Pour ceux peut-être qui s’intéressent à ces sujets, on se rappellera qu’en Allemagne et en Espagne ils ont tenté des législations similaires et que le résultat a été catastrophique, notamment pour la presse à qui ça a coûté beaucoup d’argent.
L’autre point de tension qui nous a concernés plus directement, l’article 13. L’article 13 qui, en gros, veut rendre les plateformes responsables des contenus que leurs utilisateurs et utilisatrices vont mettre en ligne et, pour ce faire, eh bien leur imposer la mise en place de filtres automatisés.
Donc pour résumer : l’article 13 serait un filtrage généralisé des contenus mis en ligne et l’article 11 l’instauration d’un droit voisin pour les éditeurs de presse.
Comme je vous ai dit, nous on s’était consacrés à l’article 13 parce qu’il faut quand même se rappeler que le code source relève du droit d’auteur, il est soumis au droit d’auteur et que les forges logicielles, en tant que plateformes, étaient donc concernées, dans un premier temps, par cette directive. Donc c’était un peu le centre de notre mobilisation, c’était de nous assurer que les forges seraient exclues du champ d’application.
Frédéric Couchet : Étienne est-ce que tu peux rappeler ce qu’est une forge logicielle ?
Étienne Gonnu : Bien sûr. Les forges logicielles ce sont donc des plateformes où les développeurs et les développeuses peuvent mettre en ligne leur code, le partager et construire ensemble des logiciels. C’est typiquement des plateformes de collaboration et de partage de contenus.
Alors ça a été la bonne nouvelle.
Tu parlais du vote du 20 juin. Effectivement c’est l’étape normale.
D’abord avant que ça arrive au Parlement européen ce sont les commissions, ce qu’on appelle la commission au fond qui va se saisir du dossier et, dans le cadre de cette directive, de fait c’est la commission affaires juridiques, la commission JURI qui se saisit de ce dossier.
Il y a eu une forte mobilisation et, pour le coup, elle a eu du succès sur ce point-là, car effectivement les forges logicielles ont été sorties du champ d’application, donc ça c’est à l’article 2. On voit d’ailleurs, et c’est assez significatif de l’usine à gaz qu’est ce texte, à chaque mobilisation qui a réussi à faire suffisamment de bruit, le résultat a été une exclusion spécifique du périmètre. On voit que ça a été le cas pour les forges logicielles libres ; Wikipédia a également été sortie, et encore heureux, du champ d’application du texte et il y a d’autres typologies de plateformes qui ont été sorties, mais il n’y a pas de corrélation entre ces différentes plateformes si ce n’est qu’à chaque fois il y a eu une mobilisation suffisante pour obtenir ce résultat.
Donc le 20 juin que s’est-il passé ?
Eh bien l’article 11, malheureusement, et l’article 13 ont reçu un vote favorable : 15 votes contre 10 pour l’article et 13 contre 12 en faveur de l’article 11. Donc effectivement, c’était un résultat décevant. Mais ce n’est pas fini ! Comme tu le disais il y a effectivement un vote à venir le 5 juillet.
On peut peut-être repréciser : ça c’est l’étape normale. À la commission, donc, le texte a été voté, les articles 13 et 11 notamment ont donc été votés. Ce n’est pas la seule chose qui a été votée à l’occasion de ce vote : la commission JURI, pour le Parlement européen, a donné ce qu’on appelle un mandat au rapporteur sur le texte afin qu’il porte ce texte dans ce qu’on appelle le trilogue ; on avait un peu expliqué ce que c’est.
Donc dans le processus on va dire normatif, normal d’une directive, la commission européenne va proposer un texte, là elle l’avait fait en septembre 2016 ; puis de son côté le Parlement européen par une commission au fond va retoucher le texte, il va faire sa propre proposition ; le Conseil de l’Union européenne composé des représentants des États membres, c’est une forme de Conseil des ministres, va faire de même de son côté. Puis, sur la base de ces textes, il va y avoir des négociations à trois voix, donc un trilogue, qui va aboutir à un texte final qui, en fin de parcours, sera acté par le vote au Parlement européen.
Donc là, théoriquement, le texte était acté et c’est sur ce texte que le rapporteur Axel Voss a un mandat pour porter et discuter ce texte.
Des voix, notamment par l’entremise de Julia Reda du groupe des Verts européens, qui est très active sur ces sujets-là et qui, depuis le début, s’oppose à ce texte liberticide, portent ce qu’on appelle une motion. C’est une procédure qui est prévue à l’article 69 semble-t-il du règlement intérieur, qu’importe !
La campagne Save your Internet a publié un court billet pour résumer un petit peu cette procédure. On a traduit ce texte en français, le lien sera disponible sur april.org.
Donc en somme, si 76 parlementaires se mettent d’accord, ils vont déposer une motion, une motion qui va être votée, et si cette motion est votée à majorité eh bien le texte sera rediscuté en session plénière. En gros ça remet en cause le mandat, ça rejette le mandat qui a été donné, donc ça ré-ouvre le champ à des amendements, pour qu’un nouveau mandat soit déposé.
C’est tout l’enjeu du 5 juillet ; c’est le rejet de ce mandat qui a été donné.
Frédéric Couchet : Pour comprendre, pour les personnes qui ont plus l’habitude de suivre les procédures parlementaires françaises où en commission on vote sur un texte et des amendements et ensuite en séance plénière on revote sur le texte et sur des amendements, là en l’occurrence, suite au vote de la commission des affaires juridiques en gros il y a des amendements qui ont été votés, certains positifs, mais globalement quand même le texte reste à rejeter, et il y a eu donc un mandat de négociation qui a été voté pour le rapporteur de la commission JURI et ce qui se passe là, en séance plénière, c’est qu’on ne va pas rediscuter des amendements, de nouveaux amendements sur le texte. Normalement il ne se passe rien, c’est-à-dire que le mandat a été voté, sauf si 10 % des parlementaires européens donc 76 sur 751, déposent une motion pour soumettre au vote du Parlement européen le fait de donner mandat effectivement à la commission JURI pour aller négocier avec les autres partenaires, donc le Conseil et la Commission.
Donc là, l’enjeu pour l’instant, le premier enjeu, c’est d’avoir que ces 76 parlementaires déposent ce recours et, si ce recours est déposé, à priori il sera soumis au vote jeudi 5 juillet et là il faudra évidemment une majorité de parlementaires pour dire « non, nous ne voulons pas donner ce mandat ; nous voulons revenir sur le texte et discuter pour si possible l’améliorer ou peut-être le repousser s’il n’est pas possible qu’il soit amélioré. »
Étienne Gonnu : Tout à fait. On peut déposer un amendement qui appelle à la suppression de l’article, ça se voit assez régulièrement, que ce soit au niveau européen ou français. Et d’ailleurs c’est intéressant, parce qu’on sait de source sûre, et ça ne nous surprend pas particulièrement mais c’est rassurant de le savoir que normalement les 10 %, donc ce nombre de 76 a été atteint, donc une motion devrait bien être votée ; et donc là, à nous aussi d’être en mesure de nous mobiliser pour convaincre au moins 50 % des parlementaires européens de soutenir cette motion, de voter le rejet de ce mandat. Au moins que le texte soit re-soumis au débat qui devrait, du coup, se dérouler en septembre, si la motion est acceptée.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc ça c’est la procédure, pour que les gens comprennent bien.
Ça change aussi l’argumentaire qu’on peut apporter parce qu’en fait vous avez parlementaires qui peuvent se dire même si l’article 13 par exemple est dangereux, globalement on est en faveur de la directive donc on va refuser de rejeter ce mandat alors qu’avant c’était amendement par amendement, article par article ; donc ça différencie un petit peu la discussion avec les parlementaires et on peut même dire que certains groupes parlementaires sont divisés parce qu’ils considèrent que globalement la directive va dans le bon sens alors même que certains articles pourraient effectivement être revus et corrigés.
Donc là c’est la situation juridique, on va dire. Donc le 5 juillet, à priori, il va y avoir un vote sur ce JURI-là. Il faut toujours agir pour exprimer nos inquiétudes, notamment sur la question évidemment de l’article 13 et du filtrage. C’est pour ça aussi qu’on a invité Pierre Beyssac qui, comme je le dis, fréquente Internet depuis des années et des années et qui a publié récemment un billet explicatif sur le filtrage.
Étienne Gonnu : Tout à fait. Pour simplement rappeler c’est vrai que le 5 juin on avait parlé de ça avec en pleine ligne de mire à cette époque le vote du 20 juin. Ce qui a été intéressant c’est que, entre l’enregistrement de cette première émission et puis la tenue de ce vote, on a vu une mobilisation s’intensifier et devenir quand même très forte, à un point d’ailleurs que les détracteurs de cette mobilisation accusent les GAFAM donc Google, Amazon, Facebook, surtout Google, on voit bien que c’est ça qui est en ligne de mire, de manipuler cette campagne derrière les rideaux ; c’est assez risible malheureusement mais ça a fait peur ! Ces réactions ça a fait peur ! Donc une grande mobilisation.
Je pense qu’il est intéressant de citer deux éléments de cette mobilisation qui ont été assez marquants : une lettre ouverte qui a été signée le 12 juin et qui a été publiée sur le site de la EFF, l’Electronic Frontier Foundation, le titre étant que « plus de 70 sommités sonnent l’alarme sur le filtrage automatisé ». Je n’ai pas voulu citer les 70 ; on peut quand même mentionner Tim Berners-Lee, l’inventeur du Web ; Jimmy Wales et Katherine Maher, respectivement cofondateur et directrice exécutive de la Wikimedia Foundation ; il y a le directeur du MIT Media Lab ; Bruce Schneier, un des plus grands spécialistes de la cryptologie ; voilà, des gens de cet acabit-là qui ont sonné l’alarme.
D’autre part, également, une lettre de David Kee ; David Kaye est tout simplement rapporteur spécial pour les Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression. Il a écrit à la Commission européenne pour s’inquiéter des conséquences du texte qu’il considère disproportionné dans ses atteintes à la liberté d’expression.
Comme tu le disais il y a eu aussi des mobilisations en France, notamment celle de Pierre Beyssac qui a fait un excellent billet. À titre personnel ou du moins pour l’April, merci, car dans ma mobilisation en tant que chargé de missions affaires publiques, je contactais par courriel et par téléphone les députés et ce texte m’a beaucoup aidé, notamment parce qu’il était difficile [facile, NdT] de dire « regardez, là ce ne sont pas les grandes plateformes qui poussent, ce sont des professionnels du logiciel libre, ce sont des professionnels d’informatique, ce sont des militants de longue date, des gens qui savent de quoi ils parlent ». Donc c’était intéressant car c’est un des grands sujets qui était au centre des discussions : est-ce qu’il y a bien filtrage et en quoi les filtrages sont dangereux ? Voilà ! Peut-être tu peux nous parler de ce qui t’a poussé à écrire ce billet et ce que tu as voulu exprimer dedans.
Pierre Beyssac : D’abord merci beaucoup Étienne pour ton retour et tes explications et je suis très touché de savoir que mon texte a servi à quelque chose.
En fait, ce n’est pas la première fois que j’appelle des parlementaires pour différentes lois, les lois renseignement, les choses comme ça. Je sais qu’un peu toutes les formes de mobilisation sont utiles, donc la pétition, de signer une pétition ça a un petit effet, mais on atteint vite un effet de masse. Par exemple je crois qu’il y a une pétition sur change.org qui a dû dépasser les 700 000 ou 800 000 ces derniers jours contre les articles 11 et 13. Et j’ai déjà effectivement appelé des parlementaires ; je n’ai jamais eu la chance d’avoir directement un parlementaire lui-même, mais en général, au mieux, on tombe sur l’assistant, l’assistante, et donc c’est quand même toujours bien d’avoir un argumentaire personnel à développer plutôt que de répéter des choses en boîte qu’on ne maîtrise pas forcément, donc de se faire sa propre idée à son propre niveau. Et les argumentaires que j’avais vus étaient très juridiques donc ils étaient très intéressants, en particulier ceux de Julia Reda, mais moi j’ai voulu faire un argumentaire à ma sauce de tekos de l’Internet. Voilà ! Donc j’ai un petit peu démonté le texte, j’ai regardé un petit peu sachant qu’effectivement, comme tu l’as dit, mon billet je l’ai écrit avant le vote en JURI, quelques jours avant en fait parce que je m’y suis pris assez tard. J’ai suivi d’assez loin les débats sur le sujet ; j’avais vu l’épisode GitLab lorsque GitLab a fait son appel.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux expliquer ce qu’est GitLab ?
Pierre Beyssac : Pardon, excuse-moi.
Frédéric Couchet : C’est GitHub, je crois, qui a fait l’appel.
Pierre Beyssac : Pardon GitHub, excuse-moi, tout à fait. Donc GitHub c’est une forge logicielle, comme on l’a expliqué tout à l’heure, qui est semi-commerciale, on peut dire, mais qui est très prisée par les gens qui écrivent des logiciels libres, qui a formé toute une communauté et qui donc risquait d’être sévèrement impactée par la version initiale de la directive, de l’article 13 et donc qui a obtenu une exemption. Moi j’ai vu passer ça ; l’exemption donc a été votée, si j’ai bien compris, lors de la commission JURI le 20 juin.
Mais ce que je n’avais pas compris, enfin ce que je n’ai vu qu’assez tard, c’est que je pensais que l’article 13 allait sauter beaucoup plus rapidement que ça parce que c’est quelque chose d’assez énorme quand même et que la mobilisation était suffisante pour écarter les risques qu’il comporte. Mais en fait, comme l’a très bien expliqué Étienne, ce qui s’est passé c’est qu’il y a eu des exclusions ponctuelles, donc celle demandée par GitHub, les exclusions pour Wikipédia ; il y a une exclusion également pour les sites de vente en ligne d’objets physiques, donc les sites type eBay ont réussi à éviter d’avoir à mettre un filtre sur les copyrights des photos des objets vendus, ce qui paraît être la moindre des choses. Mais ce qui veut dire aussi que si par exemple GitHub n’avait pas existé ou s’il n’y avait eu aucune forge logicielle militante pour exclure les forges de l’article 13, elles seraient touchées sans même qu’on le sache puisque les concepts n’ayant pas été inventés !
Enfin je ne suis peut-être pas très clair, mais ce que je veux dire c’est qu’avec des exclusions ultra-ponctuelles on est en train de se couper de tout un tas de potentiels usages futurs qui vont être tués dans l’œuf parce que, pour citer l’étude impact elle-même – donc là ce n’est pas un chiffre que je sors de mon chapeau – le coût d’un service de filtrage à priori de contenus c’est environ 900 euros par mois pour 5 000 transactions : ça correspond à un service réel qui, tel que j’ai compris, était étasunien — c’est facile à retrouver, il est cité dans l’étude d’impact de la directive — donc ça représente un coût d’environ 20 centimes d’euros par transaction. Inutile de dire qu’un petit réseau social qui veut se monter n’est pas en mesure de payer 20 centimes d’euro pour chaque commentaire ou chaque photo postée par ses utilisateurs et ça, qu’il soit à but non lucratif ou à but commercial.
Ce qui s’est passé aussi le 20 juin c’est qu’apparemment il y a eu une exclusion des sites à but non lucratif, tel que j’ai compris les amendements, mais alors vous me détromperez peut-être.
Étienne Gonnu : C’est un peu la difficulté. Ce texte est par ailleurs assez mal écrit ce qui fait qu’effectivement il est difficile de se rappeler de tout ce qui est spécifiquement. Sur les forges, dans un premier temps, c’était seulement les forges à but non lucratif et c’est parce que la mobilisation a été suffisamment forte pour expliquer et se faire entendre, de dire qu’exclure les forges qui seraient uniquement à but non lucratif ne servirait à rien, notamment parce que c’est tout un équilibre économique qui fait que c’est aussi en fournissant des services, par exemple dans le cas GitHub des services payants, que d’un autre côté il y a aussi des activités non lucratives qui sont disponibles. On voit que c’est tout ça, de cette manière-là que ça a été écrit. Dans le cas de Wikipédia je crois que c’est plus eux qui sont concernés dans cet aspect non lucratif.
Alors la liste exacte des exceptions je ne l’ai pas en tête.
Pierre Beyssac : La formulation est assez ambiguë. Là j’ai le papier, mais je ne vais peut-être pas vous le lire surtout c’est la version anglaise, mais tel que c’est rédigé ça parle de sites non lucratifs, no profit, tels que, par exemple, les encyclopédies en ligne.
Étienne Gonnu : Oui c’est ça.
Pierre Beyssac : Wikipédia est donnée, enfin Wikipédia n’est pas citée mais l’encyclopédie en ligne est donnée comme exemple, mais juridiquement est-ce que ça ne cadre pas un peu ? Est-ce qu’un site non lucratif d’un autre type, similaire mais pas identique, ou complètement différent va être touché ou pas ?
Frédéric Couchet : C’est un peu le problème de définir, de lister des exceptions parce qu’en fait ils sont partis du principe de viser un certain nombre de services, très large, et ensuite, suite à la mobilisation et suite à des explications disant « eh bien oui, les forges logicielles libres vont être touchées, Wikipédia va être touchée, etc. », on rajoute des exclusions et effectivement un, juridiquement on ne sait pas si ça va tenir. Et puis effectivement, de rajouter des exclusions ça ne fonctionne pas, en fait. Il faudrait plutôt définir exactement ce qui est visé, très clairement, voire ne rien faire du tout, plutôt que mettre en place ces exclusions.
C’est pour ça d’ailleurs que même si les forges logicielles ont été exclues du dispositif de l’article 13, on continue à se mobiliser parce que ça ne veut pas dire que le logiciel libre n’est pas touché. Par exemple Peertube qui est un outil de partage de vidéos décentralisé, que poussent nos amis de Framasoft, pourrait très bien être touché par cet article 13 ; donc il est important de se mobiliser.
Ce qui était un point intéressant dans ton article aussi, c’était que tu revenais sur cette question du filtrage qui semble être le mot tabou chez la plupart des gens qui sont pro-article 13 en disant « mais non, le filtrage n’est pas marqué dans le texte », alors qu’en fait il est clairement question de filtrage. Est-ce que tu peux revenir un petit peu rapidement, enfin rapidement, pas trop longuement, mais en tout cas pour expliquer les différents types possibles de filtrage qui existent aujourd’hui et en fait leurs limites aussi ?
Pierre Beyssac : Tout à fait. Donc en fait, en gros on peut considérer qu’il y a trois types de filtrage à priori : on a le filtrage par fichiers identiques ; c’est ce qu’on appelle les « résumés crypto » ou les checksums. C’est assez fruste et ça peut servir dans certains cas, mais c’est très facile à contourner donc ce n’est pas extrêmement efficace pour protéger des œuvres copyrightées.
Frédéric Couchet : En fait il suffit de légèrement modifier le fichier pour que finalement l’empreinte change et donc ça ne fonctionne pas.
Pierre Beyssac : Oui. On modifie même un bit du fichier, rien du tout ! Et à fortiori, évidemment quand on ré-encode le fichier dans un autre format c’est la même chose ; donc c’est extrêmement facile à contourner.
En général, ce que font les YouTube et compagnie, c’est qu’ils ont des systèmes beaucoup plus complexes qui connaissent et comprennent le format du fichier concerné et qui en extraient les informations pertinentes pour être capables de reconnaître tel contenu audio, telle image, quel que soit le format sous-jacent et même avec des modifications mineures.
Le problème c’est que ces systèmes sont très propriétaires, donc on ne sait pas du tout comment ils fonctionnent de l’extérieur. Il n’en existe aucune implémentation libre évidemment. Ils fonctionnent sur une base qui doit être remplie par les ayants droit qui fournissent des œuvres types et, au final, même éventuellement ça peut peut-être fonctionner en ce qu’on appelle l’apprentissage profond, c’est-à-dire les réseaux de neurones mais avec des résultats encore plus aléatoires sur la détection. Donc on ne sait pas exactement quels vont être les résultats en termes de faux positifs, donc des contenus qui ne sont pas en infraction mais qu’ils vont détecter comme l’étant, incorrectement, ou faux négatifs : donc des contenus qui devraient être détectés comme étant en infraction mais qui vont passer à travers.
Et par ailleurs, en particulier sur les faux positifs, ça pose la question des mèmes, qui a donné lieu à un certain nombre d’articles en France.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux expliquer ce que sont les mèmes ?
Pierre Beyssac : Les mèmes ? Eh bien je prends une image de OSS 117, par exemple, et puis je mets une déclaration de Macron dessus, au hasard ! Il peut très bien se produire que les ayants droit de OSS 117 n’aient pas envie que les extraits du film soient utilisés d’une façon détournée, sous forme de parodie.
Frédéric Couchet : C’est marrant que tu prennes cet exemple-là, parce que le réalisateur de OSS 117 c’est Michel Hazanavicius qui a été célèbre pour faire un de ses premiers films basé sur des reprises ; c’est le grand détournement de films de la Warner dans les années 90, je crois.
Pierre Beyssac : J’ignorais cet élément ; d’accord ! C’est d’autant plus intéressant effectivement. Donc ce qui risque de se produire c’est qu’il y ait des filtrages abusifs sur les mèmes qui empêchent un utilisateur de poster sa parodie, alors que la loi lui donne un droit d’exercice de parodie ; parodie, mèmes, etc.
Frédéric Couchet : Là en fait, ce que tu expliques, et je vais relaisser la parole à Étienne c’est que finalement ils veulent mettre en place des robots de filtrage, tu citais tout à l’heure quand tu parlais du filtrage par, je sais plus quel terme tu as employé, tu parlais de Content ID notamment de YouTube.
Pierre Beyssac : Oui. Par similarité.
Frédéric Couchet : Par similarité voilà, je ne me souvenais du terme. Ces robots, en fait, vont remplacer, finalement, la loi, ce qui est strictement impossible, et donc le résultat, effectivement c’est qu’il y a des vidéos qui vont se faire déréférencer, supprimer, sans qu’on puisse intervenir sauf éventuellement à aller tenter de faire valoir son droit devant un juge, donc quelque chose de très compliqué. C’est pour ça qu’on dit clairement que c’est un filtrage ; c’est de la censure. Étienne ?
Étienne Gonnu : Là-dessus moi je voulais aussi rebondir parce qu’effectivement une des campagnes qui a fait pas de mal de bruit, notamment je pense parce qu’elle a un côté assez fun, c’était Save the meme qui était « les mèmes sont en danger, sauvons les mèmes ! Pour ça il faut se mobiliser ». Ça a été aussi du coup en réaction, et ça faisait partie de ce discours « non il n’y a pas de filtre ». Les défenseurs de l’article 13 nous disant « bien sûr qu’on ne veut pas s’attaquer aux mèmes ; l’article 13 n’interdit pas les mèmes ». Et au cœur de leur argumentaire c’est de dire « ça ne touche pas à l’exception, les exceptions au droit d’auteur continuent à exister et sont encore protégées ».
Pour moi ça évoque deux choses : d’une part effectivement il y a des exceptions, alors ça reste des exceptions au droit d’auteur et il faut savoir que le droit des exceptions n’est pas un droit qui est harmonisé ; donc chaque pays va avoir sa propre manière d’appréhender ce que va être de la parodie, de la citation, et est-ce que ça relève bien d’une exception légitime. On sait très bien comment, on imagine sans mal comment au niveau d’un marché européen, d’un marché unique numérique — vu que c’est ça qu’ils essayent de défendre, le numérique — on imagine bien que les services vont s’aligner sur le plus restrictif pour limiter le risque, enfin pour assurer leur sécurité juridique. Donc si la parodie est interdite dans un pays on va s’aligner sur ce pays-là, en caricaturant un peu.
Moi ce qui m’inquiète le plus, au cœur de leur discours ils disent « regardez, dans l’article 13 on dit bien : il faut que les plateformes assurent un recours, un moyen de recours aux personnes dont le contenu sera bloqué alors qu’elles ont mis du contenu légitimement, que ça peut relever par exemple d’une exception ».
Déjà on imagine bien le temps que ça peu prendre, mais ça veut surtout dire que c’est la plateforme qui sera, dans ce cas-là, juge de la légitimité du moyen d’expression ; c’est elle qui va décider, dans le cas d’un mème, si effectivement ça relève bien de la parodie. Moi je ne trouve pas ça acceptable que la liberté d’expression, parce que c’est une exception au droit d’auteur et c’est déjà contestable que ce soit juste une exception alors que c’est une des garanties de la liberté d’expression, que cela dépende, finalement d’un recours auprès d’un opérateur privé.
On sait d’ailleurs très bien d’ailleurs qu’un amateur, quelqu’un qui va mettre ce mème-là, son contenu va être bloqué, est-ce qu’il va vraiment aller s’embêter à aller attaquer la plateforme ? Sauf s’il est militant un petit peu ou qu’il a un petit peu cette fibre-là ! Sinon la plupart vont s’autocensurer et accepter de laisser passer. Donc c’est assez emblématique ; ce truc sur les mèmes peut paraître accessoire, mais en fait il est assez emblématique.
Pierre Beyssac : Oui. D’ailleurs Julia Reda l’explique très bien dans son argumentaire c’est que le fait de pouvoir contester ne garantit rien. Parce que les plateformes vont se trouver dans une situation où elles auront tout intérêt à bloquer, enfin à sur-bloquer, à bloquer plus que nécessaire, pour ne pas risquer d’ennuis vis-à-vis des ayants droit du copyright, même dans les cas où elles seraient protégées. J’ai même vu des gens ce matin qui râlaient sur Twitter parce qu’un article de presse avait été cité, mais juste deux paragraphes, ce qui était à priori du droit de citation, mais qui n’avait pas l’air de leur convenir.
On voit qu’il y a une interprétation assez subjective de la chose, d’une part, et que, d’autre part, les plateformes n’auront absolument aucun intérêt à prendre des risques en la matière, effectivement.
Frédéric Couchet : Et c’était aussi un des risques pour les plateformes d’échange de code source effectivement, c’est qu’à la fois les plateformes ne voudraient prendre de risques d’avoir un téléversement de contenu éventuellement soumis à droits qui interdiraient ce téléversement, mais également les contributeurs et contributrices n’ont pas forcément envie de se considérer par défaut comme des contrefacteurs alors qu’en fait ils téléversent un contenu pour lequel ils ont les droits. Effectivement, on met un principe de précaution monstrueux qui fait que, au-delà même des actions de ces fameux robots filtrants, robots copyrights, il y a effectivement la limitation préventive, finalement, des plateformes.
Moi j’avais aussi une question. Tu as dit que tu avais contacté des euro-députés, des parlementaires et que tu avais eu principalement leur collaborateur ou collaboratrice ; c’est souvent le cas ; c’est rarement le parlementaire qui répond directement, mais ce n’est pas inquiétant parce que, finalement, les collaborateurs sont aussi là pour faire ce travail d’analyse, de rédaction d’argumentaire, de compréhension. Quand tu as eu ces personnes est-ce que tu as senti une compréhension du sujet ? Quels sont les arguments clefs qu’on t’a opposés pour te dire finalement « l’article 13 c’est le bien » ?
Pierre Beyssac : En fait on ne m’a pas opposé d’arguments !
Frédéric Couchet : Ah !
Pierre Beyssac : Dans un cas on m’a dit « de toutes façons le parlementaire compte voter contre l’article 13 », donc ce n’est pas la peine d’insister. Dans un autre cas ça concernait un parti qui venait juste d’être bloqué par YouTube, dont le compte venait d’être fermé par YouTube en raison d’utilisation d’extraits d’actualités – donc là encore, à priori c’étaient des droits de citation – et qui était en train de faire campagne, trouvait que c’était une censure inacceptable ; mais parallèlement le parlementaire, enfin l’assistant du parlementaire que j’ai eu, m’a expliqué que son député comptait voter comme la chef de file du parti en la matière, c’est-à-dire en faveur de la directive.
Frédéric Couchet : Tu parles du Parti Front national ?
Pierre Beyssac : Oui, c’est ça ; Regroupement national je crois maintenant. Oui exactement.
Frédéric Couchet : Je ne me souviens plus du nom de la parlementaire européenne.
Pierre Beyssac : Moi non plus, je suis désolé.
Étienne Gonnu : C’est Marie-Christine Boutonnet.
Frédéric Couchet : Voilà. Marie-Christine Boutonnet. Parce que c’est vrai que nous aussi on a envoyé des messages et c’est vrai que c’était assez marrant de les voir hurler sur, effectivement, ce qu’ils appelaient cette censure et puis, d’un autre côté, vouloir voter pour quelque chose qui allait automatiser cette censure ! C’est des fois l’absence de cohérence des parlementaires. Visiblement on a eu la même personne, en tout cas le même cas. Et on a bien vu d’ailleurs que dès que l’article 13 a été voté, Marie-Christine Boutonnet et d’autres parlementaires du même acabit ont diffusé directement un communiqué de presse pour se féliciter de ça, ne même pas avoir conscience de l’opposition avec ce qu’ils reprochaient en France en fait !
Pierre Beyssac : À cet égard d’ailleurs, il faut noter que ça peut être intéressant de se renseigner sur les positions des parlementaires qu’on veut appeler, effectivement avant d’appeler l’assistant de son collègue. Je n’ai pas réussi à avoir directement les assistants de Mme Boutonnet. Il n’y avait pas de répondeur, il n’y avait rien ! J’ai appelé plusieurs fois à Bruxelles et ça sonné dans le vide ! Mais bon, ça ce n’est pas très grave ! Et j’ai vu sur les expressions publiques qu’elle avait fournies sur la question qu’elle était fermement en faveur de la directive. Je l’ai appelée quand même, au cas où, parce qu’il y avait quand même un argument percutant sur la question. Mais c’est quand même intéressant de voir ! Par exemple, ce n’est peut-être pas la peine d’appeler Jean-Marie Cavada, je ne pense pas qu’on le fera changer d’avis.
Frédéric Couchet : Ah ! Jean-Marie Cavada ça parait assez compliqué. Mais par rapport à ce que tu dis c’est toujours intéressant de contacter des parlementaires, alors peut-être pas Jean-Marie Cavada parce qu’effectivement il a l’air vraiment sur une ligne très claire, pour lui en tout cas, mais il y a pas mal de parlementaires, en fait, qui ne maîtrisent pas forcément tous les sujets ; qui, des fois, suivent les consignes de groupe mais sont ouverts au débat. On a vu ça sur d’autres sujets : il y a des parlementaires qui peuvent changer d’avis, ça existe, ce n’est pas toujours le cas mais ça peut exister ; il ne faut pas, effectivement, hésiter à passer du temps avec ces personnes-là. Et c’est vrai que par rapport à ce que tu dis, si on a le temps d’essayer un peu de comprendre le positionnement de ce parlementaire, on comprend mieux sa logique et on est capable de dialoguer même si on n’est pas forcément d’accord avec sa logique. Donc c’est important, effectivement, de faire ce travail préparatoire avant d’appeler ou avant d’envoyer un courriel. Étienne.
Étienne Gonnu : On appelle aussi, du coup on a encore deux jours et encore le temps d’avoir un impact, et le fait d’appeler et d’envoyer aussi des courriels c’est extrêmement utile en ce sens ; ça participe finalement à montrer aussi la réalité de cette opposition. Ce n’est pas seulement quelque chose de factice et construit par les GAFAM.
Peut-être quelques points clefs : on va vous donner le lien vers la liste officielle, enfin sur le site du Parlement qui liste les parlementaires français. Vous pouvez ensuite les trier par circonscription, par groupe politique ; donc il y a plusieurs filtres que vous pouvez appliquer. Ils ont deux numéros : Strasbourg et Bruxelles ; cette semaine, donc jusqu’à vendredi, ils sont à Strasbourg ; si vous cherchez à les contacter choisissez bien le bon numéro.
Effectivement Marie-Christine Boutonnet je n’ai même réussi à avoir son bureau non plus ; alors je lui ai écrit, mais je n’ai jamais réussi à avoir son bureau ; ça sonne effectivement dans le vide. Il y a des parlementaires il faut réessayer : parfois j’ai mis deux-trois fois, mais j’ai réussi à avoir quelqu’un. Donc il ne faut pas hésiter et se décourager si ça ne répond pas. Et effectivement il y a différents profils.
Ceux qui sont déjà convaincus de la nocivité de ce texte, effectivement après c’est remercier la personne de son soutien et passer à la suite.
Parfois on tombe sur des gens qui sont très opposés ; c’est une manière de travailler un peu ses arguments mais c’est vrai que ce n’est pas la peine d’y déployer une énergie folle.
Et puis, on tombe sur des personnes qui nous disent « mon député ou moi en tant que député je vais soutenir la délégation ou mon groupe politique », mais on sent qu’il y a quand même un appétit, qu’il y a un intérêt pour les questions ; donc peut-être qu’on ne la convaincra pas directement sur ce point-là, mais c’est aussi un travail de longue haleine, c’est une manière de montrer ce qu’on défend et qu’il y a aussi une réelle mobilisation.
Moi je trouve qu’il y a un argument qui a la portée qu’il a, mais c’est aussi de rappeler sur ce texte que l’objet ce n’est pas tout de suite de supprimer l’article, même si peut-être la personne peut avoir un regard favorable, il s’agit de rouvrir simplement les débats et de rouvrir la possibilité d’amendements et de faire ça en assemblée plénière. Donc même si la personne est convaincue qu’il s’agit d’un bon texte, ce qu’on peut trouver regrettable, il ne s’agit pas de le rejeter tout de suite. Donc juste appeler à voir rouvrir un peu le débat, je pense qu’il y a des parlementaires qui peuvent être sensibles à ce genre de choses.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Pierre ?
Pierre Beysac : Je crois, effectivement. Pour compléter un petit peu, appeler un parlementaire ça prend du temps ; il y a d’autres moyens d’action : on peut passer par du courrier électronique aussi. C’est bien déjà de se présenter pour dire un petit peu d’où on vient, expliquer un peu avec ses propres mots et suivant les angles d’intérêt de chacun pour présenter son propre argumentaire parce que ça a toujours plus de poids. Mais même signer une pétition qui est un truc un petit peu en boîte, c’est déjà utile parce que ça fait quand même… Après à chacun suivant son temps, mais toute action est utile même si on n’a pas forcément l’envie ou la possibilité d’appeler un parlementaire.
On peut appeler aussi des parlementaires, si on maîtrise des langues étrangères, on peut appeler d’autres parlementaires. Moi j’avais appelé une députée luxembourgeoise parce qu’en France le sujet a l’air quand même relativement, je ne dirais pas passé sous silence mais ça n’a pas tellement buzzé en France. Curieusement le buzz est plutôt venu des pays limitrophes et même éventuellement des États-Unis, d’ailleurs. En France il y a eu d’autre préoccupations avec des lois, la nouvelle loi de programmation militaire, etc. ; il y a pas mal de choses qui se passent par ailleurs, qui ne sont pas forcément plus réjouissantes, je pense.
N’appelez pas forcément uniquement des parlementaires français ; ça peut être utile aussi d’appeler des parlementaires francophones belges, si vous en avez la possibilité ou des parlementaires en anglais dans un peu n’importe quel pays si vous avez un petit peu le courage de parler anglais à ce niveau-là.
D’ailleurs j’ai traduit mon article français initial pour l’utiliser en anglais également, à toutes fins utiles.
Frédéric Couchet : C’est important ce que tu dis. Effectivement c’est que les parlementaires restent sensibles aux appels ou aux messages de gens qui appellent de leur propre plein gré et en expliquant leurs problématiques. C’est-à-dire que les parlementaires reçoivent quotidiennement des notes de lobbies, etc., de représentants d’intérêt et quelque part c’est le boulot, mais ils sont preneurs de gens qui peuvent expliquer leurs problématiques quotidiennes avec leurs propres mots. Il ne faut pas avoir peur de ne pas être une experte du sujet ou un expert du sujet pour appeler. On peut aussi simplement relayer des messages sur les réseaux sociaux ; relayer les articles qui sont de qualité ; il y a l’article de Pierre effectivement sur le filtrage qui est relativement court et qui explique bien les trois méthodes de filtrage et leurs limites et qui explique aussi, en fait, que ce que veut mettre en place l’article 13, eh bien quelque part existe déjà et que, notamment, les artistes reçoivent quand même beaucoup d’argent via les différentes plateformes.
Par rapport à la mobilisation en France on peut constater que la mobilisation commence à prendre parce qu’on voit notamment des vidéos d’artistes français qui appellent. J’ai vu tout à l’heure — quel nom j’ai dit ? je ne me souviens plus — Cabrel voilà ! qui a fait une petite vidéo de quelques secondes disant « je soutiens l’article 13 ». On sent bien qu’en fait il y a une mobilisation qui prend.
Ça veut dire aussi qu’il y a sans doute un écart très faible en faveur de la directive et contre la directive au Parlement européen parce qu’il y a une mobilisation ; on voit bien. Donc c’est important de se mobiliser et effectivement se mobiliser ce n’est pas agir contre les auteurs ou les artistes ou autres ; au contraire, c’est essayer de trouver une solution. Et clairement il a été démontré que l’article 13 et notamment la directive n’est pas la solution donc il faut revenir sur le tapis, sachant que ce sera peut-être le rôle de la prochaine Commission européenne de mettre en place ça, le prochain Parlement qui sera renouvelé l’an prochain.
Donc n’hésitez pas à vous mobiliser. Effectivement sur le site de l’April il y a un certain nombre de références ; il y a la campagne aussi saveyourinternet.eu, site sur lequel il y a des éléments en français. Et n’hésitez pas aussi à utiliser vos propres outils pour contacter des parlementaires. Étienne je crois d’ailleurs que certains se sont plaints de l’intense mobilisation ; des parlementaires qui, tout d’un coup, trouvent anormal d’être contactés ! Intense mobilisation, disant même finalement ce sont les GAFAM qui pilotent tout ça. Là-dessus tu as quelque chose à dire ?
Étienne Gonnu : Peut-être que ça va dans la ligne de ce que tu disais c’est que finalement ils sentent, à mon avis ils commencent à sentir cette mobilisation monter, ça leur fait peur ; donc ils inventent.
C’est vrai que moi, comme d’autres personnes, je m’amuse sur les réseaux sociaux parfois — c’est une manière de travailler un petit peu son argumentaire — à aller taquiner les défenseurs de l’article 13. On voit très vite qu’il n’y a absolument aucun argument de fond ; ça tourne autour de deux choses : « vous êtes les méchants GAFAM qui voulez finalement enlever le pain de la bouche des artistes » et c’est uniquement ça qu’on trouve et « il n’y a pas de filtrage, arrêtez vos fantasmes ; en 2001 tout le monde criait au loup sur la directive, la précédente directive droit d’auteur et Internet va très bien ». Sauf que si Internet allait très bien il n’y aurait pas besoin de tous ces textes-là qu’ils défendent ; donc on voit très vite les incohérences de tout ça.
Oui, les GAFAM ! Il y a l’April en France, il y a Framasoft, il y a La Quadrature, il y a Wikimedia France qui se lèvent ; je pense qu’on peut difficilement les critiquer d’être des soutiens de ces silos technologiques. D’ailleurs le cœur de notre action c’est de lutter contre, justement, le modèle des GAFAM. Il y a Roberto Di Cosmo qui est un cador du logiciel libre, d’ailleurs tout le monde reconnaît la qualité de son projet Sofware Heritage, une sorte d’archive universelle des codes, donc vraiment un modèle sur le partage et sur la protection d’une connaissance commune ; tous les pionniers et pionnières que je citais tout à l’heure et le rapporteur spécial des Nations Unies ; il me paraît quand même créatif d’imaginer qu’il serait au service des GAFAM. De manière générale on parle de fake news et pour moi quelqu’un qui fait appel à l’argument du fake news se disqualifie automatiquement et prouve finalement qu’il n’a aucun argument à avancer.
Frédéric Couchet : Sur la page qui listera les références de l’émission, sur le site de l’April, vous retrouverez un lien vers le rapport de ce rapporteur spécial liberté d’expression et vous verrez qu’effectivement il est très clair, donc rapporteur spécial auprès de l’ONU ; on ne peut pas dire qu’il soit à la solde de qui que soit, au contraire il exprime une problématique très claire.
On a vu tout à l’heure que wikipedia.it, le Wikipédia italien, a fermé ses portes donc a mis un bandeau, en fait comme il y a quelques années au moment d’autres batailles sur la neutralité du Net. Donc ça montre bien quand même que ces gens-là sont très inquiets et on ne peut pas nier l’importance de Wikipédia.
On parlait aussi de la prise de débat qui était peu présente en France tu disais. En fait ce soir vous avez une façon d’agir alors sur une autre radio, un peu plus connue que radio Cause Commune mais c’est temporaire, c’est sur France Inter. À 19 heures 15 vous avez l’émission Le téléphone sonne qui sera consacrée à la révision de la directive droit d’auteur avec deux invités donc Pascal Durand qui est un eurodéputé d’Europe Écologie Les Verts, qui est contre la directive, l’article 13, et Virginie Rozière qui est pour la directive droit d’auteur [Jean-Marie Cavada est le troisième invité de cette émission, NdT]. Je rappelle le principe du Téléphone sonne : vous pouvez appeler pour poser des questions, pour exprimer une inquiétude ; il faut être relativement court parce qu’évidemment vous ne pouvez pas discuter pendant cinq minutes, mais si vous exprimez une prise de position claire et une question claire, vous avez une chance de passer. Donc je vous encourage à appeler le numéro de France Inter que je n’ai pas en tête mais vous trouverez ça facilement, sinon vous vous branchez sur France Inter à 19 heures 15.
On va bientôt passer à la suite avec une pause musicale, mais est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, peut-être, Pierre ou Étienne ?
Pierre Beysac : Peut-être un petit mot. Effectivement comme Étienne j’ai trouvé assez cocasse d’être inclus comme suppôt des GAFAM avec tous les libristes. Quand on connaît l’historique d’Internet c’est assez comique. Et par ailleurs, effectivement il y a une grosse campagne médiatique en ce moment par les défenseurs de l’article 13 et 11 et je n’ai pas vu de couverture équivalente dans les médias généralistes disons, sur l’autre point de vue. Donc ce sont des gens qui ont porte ouverte chez les grands médias ; il y a eu une interview de Jean-Michel Jarre dans Le Monde ; il y a eu des articles dans Les Échos, dans Le Figaro et par contre, côté anti-article 13, eh bien c’était plutôt la presse tech qui a couvert ça ; la presse généraliste s’en est relativement peu préoccupé effectivement.
Frédéric Couchet : Il faut rappeler que la presse généraliste est plutôt en faveur de l’article 11.
Pierre Beysac : Sans en parler beaucoup !
Frédéric Couchet : Sans en parler beaucoup, mais ce qui peut expliquer aussi ce soutien, finalement, à la directive. Ils défendent aussi leur intérêt sans voir, en fait, que ce n’est pas forcément leur intérêt qu’ils défendent, ils n’ont pas compris le fond du problème, mais enfin ce qui peut expliquer cela. Étienne est-ce que tu as quelque chose à rajouter ?
Étienne Gonnu : Peut-être juste rappeler. Bien sûr qu’il y a un enjeu, il y a une question fondamentale de comment collectivement on rémunère la création, comment on assure finalement une équitable rémunération des personnes qui produisent en ligne : tout ce qui peut être avancé en faveur de l’article, de ce que c’est censé justifier l’article 13. Ce qu’il faut rappeler, justement, c’est qu’en promouvant un Internet libre et ouvert, un Internet neutre, un Internet acentré, c’est en promouvant ces choses-là qu’on promouvra la création. Internet est un formidable outil de liberté ; la liberté, la création, la créativité vont main dans la main. Donc il me paraît complètement absurde et incompatible de vouloir protéger la création en censurant. Ne serait-ce que là, je pense que finalement le vice premier de ce texte-là réside ici. Il faut un débat de fond qui dépasse le droit d’auteur, qui promeuve un Internet décentralisé. Tu citais Peertube, donc l’initiative qui serait une alternative à YouTube mais basée sur le logiciel libre, basée sur un réseau acentré, c’est une initiative qui serait mise à mal par l’article 13. Donc il faut absolument que cet article saute.
Frédéric Couchet : N’hésitez pas à aller sur le site april.org, sur aussi saveyourinternet.eu. On est à la radio, dommage vous ne voyez pas le tee-shirt que porte Pierre Beyssac mais c’est marqué I’m director Internet France, deal with it, donc « je suis le directeur de France de l’Internet, faites-en ce que vous voulez », je ne sais plus comment se traduit deal with it .
Pierre Beysac : Débrouillez-vous !
Frédéric Couchet : Débrouillez-vous ! Voilà ! En tout cas donc nous avions le directeur d’Internet France et donc le directeur d’Internet France est contre l’article 13, tenez-vous le pour dit ! On va passer par une petite pause musicale avant de changer de sujet car Matthieu Vernet nous a rejoints. La pause musicale c’est Con Nombre De Tango par Daniel Bautista on se retrouve.
Pierre Beysac : Merci à vous pour votre invitation.
Frédéric Couchet : Tu restes encore un petit peu avec nous parce que tu es concerné encore par ce qui suit.
Pierre Beysac : D’accord !
Frédéric Couchet : Donc Con Nombre De Tango par Daniel Bautista.
Voix off : Cause commune 93.1 – La voix des possibles
Pause musicale : Con Nombre De Tango par Daniel Bautista.
Voix off : Cause commune – cause-commune.fm – Partage ta radio
Frédéric Couchet : Nous sommes de retour dans Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April. Nous venons de parler de la directive droit d’auteur. Nous allons maintenant changer de sujet pour parler, en fait, de la place du logiciel libre à la Cité des sciences et de l’industrie. Pour cela j’ai invité Matthieu Vernet qui est médiateur au Carrefour numérique² de la Cité des sciences et de l’industrie. Avant de lui passer la parole et de lui poser quelques questions, eh bien un petit historique parce qu’en fait ça 20 ans : en octobre 1998 l’April, avec d’autres organisations, a lancé les premiers événements autour du logiciel libre à la Cité des sciences ; c’était la Semaine de la science donc une semaine d’initiation au logiciel libre avec des ateliers dédiés au grand public et aux enfants notamment. Il y a avait un enseignant, Charlie Nestel, qui était venu avec les élèves de sa classe de Saint-Denis, donc imaginez en 98 ; je vous parle bien de 98. Il y avait des conférences, je disais que Pierre Beyssac était concerné parce qu’à l’époque Pierre était venu faire une conférence sur les systèmes BSD et les logiciels libres ; ça avait duré pendant une semaine et depuis cette période il y a de nombreux événements autour du logiciel libre à la Cité des sciences. Donc on fête nos 20 ans, en tout cas de la présence du Libre à la Cité des sciences ; ça c’était important. Pour cela on a invité Matthieu Vernet ; donc tu es médiateur au Carrefour numérique² de la Cité des sciences et de l’industrie. Bonjour Matthieu et déjà est-ce que tu peux nous présenter le Carrefour numérique² ?
Matthieu Vernet : Bonjour à vous. Je vais tenter de le faire. En fait, c’est un lieu qui fait 1000 m2, qui se trouve au niveau moins 1 de la Cité des sciences et de l’industrie et qui accueille des événements de manière générale, mais aussi un fab lab et un living lab ainsi qu’une salle de CAO, où nous tentons de faire la promotion des logiciels libres depuis quelque temps.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux expliquer fab lab, living lab et CAO, s’il te plaît ?
Matthieu Vernet : Ouais. Donc la CAO c’est la création assistée par ordinateur, c’est-à-dire qu’on va employer des logiciels qui sont libres, pour la plupart, parce qu’on n’a pas les licences pour les logiciels payants et on ne veut pas les avoir. Donc pour faire du dessin vectoriel on va utiliser un logiciel comme Inkscape, c’est-à-dire dessiner avec des traits ; pour faire de la 3D on va utiliser un logiciel comme Blender ou alors OpenSCAD ou alors LibreCAD, qui sont des logiciels libres qui nous permettent de modéliser des modèles qu’on va ensuite pouvoir passer dans les imprimantes 3D ou alors les découpes laser ou alors les découpes vinyle, qui sont des machines à commande numérique.
Donc on a simplement, en fait, besoin de passer par cette étape de création assistée par ordinateur pour pouvoir justement réaliser un projet.
Frédéric Couchet : En fait, ça permet aux gens de modéliser via des outils libres et ensuite de voir l’impression de cet objet via l’imprimante 3D ; donc de voir clairement, de repartir carrément avec son objet en fait.
Matthieu Vernet : En effet. Ils vont pouvoir, de manière concrète, repartir avec un objet qu’ils auront créé eux-mêmes parce que moi je ne ferai pas à leur place ; je suis médiateur ; je ne fais pas de la presta quoi ! Donc ça sera plutôt les assister et les accompagner pour qu’ils soient en confiance avec ces outils numériques et que, justement, ils ne soient pas en défaut au moment où ils vont devoir réaliser leur projet.
Frédéric Couchet : D’accord. Et le public que tu accueilles, j’ai l’impression qu’il y a la fois des enfants et des adultes ?
Matthieu Vernet : Il y a un peu tout le monde. Ce qui est intéressant dans un lieu comme celui-ci, enfin ce qui est intéressant surtout dans ce lieu, c’est que les personnes peuvent s’approprier la Cité des sciences.
Frédéric Couchet : D’accord !
Matthieu Vernet : À la limite la hacker j’ai envie de dire !
Frédéric Couchet : Donc la détourner de son usage initial ?
Matthieu Vernet : Non ! Se l’approprier réellement.
Frédéric Couchet : Se l’approprier, d’accord ! OK ! Tu n’aimes pas le terme « détourner ».
Matthieu Vernet : C’est déjà un rôle premier de la Cité des sciences et de l’industrie. C’est un des premiers lieux où on a eu le droit de manipuler, toucher les différentes expériences qui étaient proposées. Mais là, en fait oui, en plus les gens peuvent réellement fabriquer quelque chose qui va se retrouver dans le Carrefour numérique² et le présenter. Ça peut être une lampe, ça peut être tout et n’importe quoi. Il y a des personnes qui fabriquent des fèves en céramique.
Frédéric Couchet : D’accord !
Matthieu Vernet : On a imprimé un clitoris pour une chercheuse qui travaille auprès du Planning familial. Parce qu’en fait le clitoris n’a été recensé qu’à partir de 1993, ce qui est flippant.
Frédéric Couchet : C’est un peu flippant effectivement ! Oui !
Matthieu Vernet : Donc ma collègue Mélissa l’a aidée à modéliser, lui a apporté les clefs.
Frédéric Couchet : Mélissa Richard ?
Matthieu Vernet : Oui tout à fait !
Frédéric Couchet : D’accord !
Matthieu Vernet : Sur Blender pour réussir à modéliser, pour qu’on puisse ensuite imprimer via des imprimantes 3D un clitoris. En fait, c’est une chercheuse qui travaille sur la manière dont on enseigne aux enfants, en quatrième, l’éducation sexuelle en SVT.
Frédéric Couchet : D’accord !
Matthieu Vernet : En Sciences de la vie et de la Terre. Donc elle travaille autour de ce domaine pour apprendre à appréhender la chose. Donc ma collègue l’a aidée à modéliser un clitoris pour qu’ensuite on puisse l’imprimer en 3D et qu’elle puisse présenter. On parle toujours du pénis et du vagin, mais on parle rarement du clitoris.
Frédéric Couchet : D’accord ! Donc en fait les gens viennent avec leur projet, avant toute chose, et le Carrefour numérique² est là pour aider, les accompagner à établir leur projet, à le réaliser.
Matthieu Vernet : Oui, à le mettre en place.
Frédéric Couchet : À le mettre en place. Donc c’est un échange avant toute chose, dans les deux sens.
Matthieu Vernet : Ensuite on lui a demandé de documenter son projet, qu’elle mette les fichiers en ligne, qu’ils soient réemployables dans n’importe quel autre fab lab et qu’on puisse, justement, échanger autour. Ça a créé plein de choses, en fait. Maintenant il y a plein de gens qui viennent se faire des pendentifs clitoris, des boucles d’oreilles, des emporte-pièces pour faire des gâteaux.
Frédéric Couchet : D’accord !
Matthieu Vernet : Oui, justement, de ce projet initial qui était réellement un projet de recherche…
Frédéric Couchet : Ont dérivés d’autres projets, d’autres usages.
Matthieu Vernet : Énormément d’autres projets, enfin des projets totalement ! Jamais je pensais que je ferai un emporte-pièce !
Frédéric Couchet : Quand on libère la créativité des gens, ils en font finalement des choses qu’on n’a pas prévues au départ. Pierre tu voulais réagir ?
Pierre Beyssac : Ça peut remplacer le modèle classique de la théière qui était utilisé dans toutes les simulations 3D de rendu. Voilà un nouvel objet fétiche pour remplacer la théière.
Frédéric Couchet : Ah oui ! Je vois à quoi tu fais référence ; d’accord ! Qui était effectivement utilisé classiquement dans les objets de rendu. J’ai une petite question pratique parce que je vois que le temps avance. À la Cité des sciences donc les expositions sont payantes, au Carrefour numérique² l’accès est libre et gratuit ?
Matthieu Vernet : Est libre et gratuit, ouais. C’est ouvert tous les après-midis, en fait, pour tout un chacun. Le matin on est ouverts mais pour les groupes constitués, les assos…
Frédéric Couchet : Les écoles.
Matthieu Vernet : Les écoles… Donc le matin c’est plutôt sur ce ton-là. Sinon on a des résidences d’artistes. Il est possible aussi de répondre à l’appel à résidence sur le site du Carrefour. Je vous invite vivement à checker le wiki, enfin à aller jeter un œil, parce qu’il y a réellement des réalisations qui sont marrantes.
Frédéric Couchet : D’accord ! Donc là c’est le Carrefour numérique² en général.
Pour revenir sur le sujet de la place du logiciel libre au-delà de ce que tu nous expliques parce qu’effectivement c’est du quotidien on va dire, il y a des événements qui sont plus récurrents et ciblés ou, en tout cas, qui ont un objectif un peu différent. Je pensais notamment aux Premier samedi. Donc chaque premier samedi du mois, sachant que le prochain c’est samedi 7 juillet, c’est le samedi qui vient.
Matthieu Vernet : Tout à fait.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux nous expliquer ce que sont les Premier samedi à La Villette ?
Matthieu Vernet : Les Premier samedi du Libre nous permettent d’accueillir différentes communautés. Par exemple Parinux organise les installe-parties qui se déroulent en classe numérique et certaines conférences aussi qui se déroulent dans l’agora. On accueille Wikimedia. On a des ateliers Brique Internet.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux expliquer ce qu’est La Brique Internet ?
Matthieu Vernet : La Brique Internet ça permet de s’auto-héberger. C’est quelque chose qui a été développé par la FFDN. Alors là, par contre, je ne connais pas l’acronyme.
Frédéric Couchet : C’est French Data Network, donc c’est la Fédération des French Data Network, FFDN ? Pierre ?
Pierre Beyssac : Alors c’est fédération française quelque chose.
Frédéric Couchet : On est pris en défaut !
Pierre Beyssac : Je suis désolé, je n’ai pas révisé.
Frédéric Couchet : Les gens chercheront La fédération FDN regroupe des Fournisseurs d’Accès à Internet associatifs, NdT
Matthieu Vernet : En tout cas c’est un petit boîtier qui vous permet d’avoir votre Internet partout, là où vous le souhaitez. Ça peut-être dans un hôtel ou même chez vous. Ça vous permet de vous auto-héberger.
Frédéric Couchet : Auto-héberger son courriel par exemple, son serveur de courriel, son petit site web, etc.
Matthieu Vernet : Exactement. Et l’ensemble de toutes ces données, en fait, est garanti et protégé par cette technologie. En gros c’est une petite « boîboîte » qui fait on va dire…
Frédéric Couchet : Là Matthieu fait des gestes.
Matthieu Vernet : Je suis désolé.
Frédéric Couchet : En gros ça fait quoi ? 5-6 centimètres ?
Pierre Beyssac : 5 par 10.
Frédéric Couchet : 5 par 10 centimètres.
Pierre Beyssac : oui, en effet. C’est tout petit.
Frédéric Couchet : C’est tout petit. OK !
Matthieu Vernet : Mais c’est un outil qui est plus que puissant et tout à fait intéressant pour justement justifier la garantie de la liberté de ses données.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc les Premier samedi, si je comprends bien, s’adressent en fait à tout public. Parce que là tu t’adresses à un public un peu avancé qui, effectivement, veut faire de l’auto-hébergement, mais il y a aussi le public qui veut simplement découvrir les logiciels libres et qui peut assister soit à des conférences ou des ateliers, soit se faire aider à installer un système d’exploitation libre sur son ordinateur ?
Matthieu Vernet : Il y a toutes les personnes, en fait, qui viennent. Premièrement, du fait du lieu dans lequel ça se passe, j’ai une disparité des publics qui est relativement énorme, mais en plus il y a énormément de gens, puisqu’on travaille avec les communautés de manière générale ; ça peut être les Repair Cafés, ça peut être… Ils ont une connaissance de notre existence par ces biais. Moi j’ai de la mamie de 93 ans qui vient avec son vieux PC portable qu’elle ne réussit plus à faire tourner au gosse de 6 ans qui veut jouer à Minetest parce que Minecraft c’est payant et que ses parents ne peuvent pas lui payer une licence Minecraft.
Donc la pluralité des publics est gigantesque, mais c’est normal c’est un lieu public.
Frédéric Couchet : Oui, c’est le but de la Cité des sciences et de l’industrie. On comprend, en fait, que ça fonctionne aussi en partenariat avec les structures locales de Paris, donc Parinux par exemple qui est le groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres ; Wikimedia qui permet de faire des initiations autour de Wikipédia. Donc c’est vraiment un centre de ressources où les gens apportent leurs compétences pour enrichir une connaissance commune et produire des choses ensemble ou se faire aider en fait.
Et le Premier samedi c’est un rendez-vous récurrent, donc chaque premier samedi de 14 heures à 18 heures, pareil, l’accès est libre, ce qui permet aux personnes de se dire « tiens si demain je veux découvrir le logiciel libre ; si samedi 7 juillet je veux découvrir le logiciel libre parce que je ne suis pas à Strasbourg pour les Rencontres mondiales du logiciel libre, je peux aller à la Cité des sciences, il y aura Matthieu qui sera là, il y aura Parinux qui sera là ».
Matthieu Vernet : Oui. On dira bonjour et on paiera notre café ou notre thé ou ce que vous voulez. Oui, en effet, c’est toujours comme ça. En fait les premiers samedis de chaque mois on organise des événements autour du Libre de manière générale, donc du monde du Libre et là je suis même ouvert à toute forme de proposition.
Frédéric Couchet : Même des BSD, par exemple, pourraient venir, Pierre ?
Pierre Beyssac : Mon dieu !
Frédéric Couchet : C’est clair que la Cité des sciences est un endroit ressource et tu expliques bien, effectivement, que tu es preneur de personnes qui apportent quelque chose pour effectivement…
Matthieu Vernet : Je suis réellement là pour mettre à disposition un lieu, pour que les gens se sentent chez eux et se l’approprient. Je sais que c’est un bâtiment qui est impressionnant : 300 mètres de long, 42 mètres de haut ; oui, ça peut faire peur, mais en fait ce lieu vous appartient.
Frédéric Couchet : C’est un lieu magnifique ; en plus il n’est pas très loin : c’est Porte de la Villette, c’est juste à la sortie du métro pour ceux qui ne sont jamais venus à la Cité des sciences. Il y a un parking souterrain pour ceux qui préfèrent venir en voiture. Une fois qu’on rentre, le Carrefour numérique² est au niveau moins 1. C’est totalement accessible comme tu l’as dit. C’est ouvert du mardi au dimanche, c’est ça ?
Matthieu Vernet : Du mardi au dimanche.
Frédéric Couchet : Le lundi c’est fermé. Effectivement l’expérience qu’on a nous depuis 20 ans, même si aujourd’hui on n’organise plus d’événements directement à la Cité des sciences, mais on est présents de temps en temps au Premier samedi, c’est que c’est un univers ressource formidable tant en termes matériels qu’en termes humains. Là il y a Matthieu Vernet ; tout à l’heure on parlait de Mélissa Richard qui, dans le passé, a travaillé aussi à La Quadrature du Net.
Je vois le temps qui passe, je voulais quand même faire un petit coucou, je ne sais pas s’ils sont encore là Pierre Ricono, Thomas Séchet qui ont été des gens très importants pour la place du Libre à la Cité des sciences et aussi Jérémie Nestel qui a été celui qui a fait introduire ça il y a une vingtaine d’années.
Matthieu Vernet : Thomas étant le premier président de Parinux.
Frédéric Couchet : Thomas Séchet donc premier président de Parinux [Thomas Séchet n’a pas été le premier président de Parinux, association créée en 1998, mais président en 2009 et 2010, NdT]). Avant qu’on conclue, est-ce que tu as quelque chose à rajouter Matthieu ?
Matthieu Vernet : Je n’ai pas décrit ce que c’était qu’un living lab.
Frédéric Couchet : Ah ! Exactement. Alors qu’est-ce que c’est qu’un living lab ?
Matthieu Vernet : Un living lab c’est une manière d’expérimenter avec des usagers, donc notre public, les personnes qui viennent, qui fréquentent le lieu de manière générale, chaque étape de l’élaboration d’un projet. C’est-à-dire qu’en fait on accueille des personnes en résidence ; ça peut être des artistes, mais ça peut être des expériences scientifiques. On accueille souvent des événements avec le CRI [Centre de Recherches Interdisciplinaires] ou ce genre de choses et en fait ils viennent expérimenter et avoir un retour d’usage.
Frédéric Couchet : OK ! Là c’est le générique de fin qui arrive, donc rendez-vous à la Cité des sciences. Je voulais remercier l’ensemble des intervenants et William Asgavari qui est en régie et je voulais juste dédier cette émission, parce qu’on a parlé des 20 ans, à René Cougnenc qui a disparu il y a 22 ans, en juillet 1996, et qui était une des personnes qui a permis la découverte du logiciel libre pour beaucoup de gens de ma génération. Quelqu’un qui était très important. Je voulais lui dédier cette émission.
On se retrouve le 4 septembre 2018 pour la prochaine émission. Je vous souhaite de passer un bel été et d’ici là portez-vous bien.
Pause musicale : Wesh Tone, Realaze.