Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l’émission du 26 novembre 2019

Titre :
Émission Libre à vous ! diffusée mardi 26 novembre 2019 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s :
Noémie Bergez - Julien Négros - Chris Woodrow - Xavier Berne - Étienne Gonnu - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie
Lieu :
Radio Cause Commune
Date :
26 novembre 2019
Durée :
1 h 30 min
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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco.
transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

logo cause commune

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio dispose également d’une application Cause Commune pour téléphone mobile.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Nous sommes mardi 26 novembre 2019, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
La radio dispose d’un salon web. Vous pouvez utiliser votre navigateur web pour vous rendre sur le site de la radio, causecommune.fm, vous cliquez sur « chat » et vous nous rejoignez sur le salon dédié à l’émission pour échanger avec nous, faire des remarques ou poser des questions.
Le site de l’April c’est april.org et vous y retrouvez déjà une page consacrée à l’émission avec les références utiles que nous compléterons après l’émission en fonction de nos échanges
Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Nous allons passer au programme de cette émission.

Nous commencerons dans quelques instants par la chronique « In code we trust » de Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune, qui va nous parler de legal design et de legaltech.

D’ici une quinzaine de minutes nous aborderons notre sujet principal qui portera sur la stratégie logiciel libre de la MAIF et d’Enercoop.

En fin d’émission nous aurons chronique de Xavier Berne, journaliste à Next INpact qui va nous parler du projet de loi économie circulaire et notamment de l’obsolescence programmée.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Salut Fred.
Frédéric Couchet : Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]

Chronique « In code we trust » de Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune, sur le legal design et la legaltech

Frédéric Couchet : Évoquer le code à la main une règle de droit ou un procès en lien avec les œuvres, les données, les logiciels ou les technologies, c’est la chronique « In code we trust », « Dans le code nous croyons », de Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune. Bonjour Noémie.
Noémie Bergez : Bonjour Fred.
Frédéric Couchet : Aujourd’hui tu souhaites nous parler de legal design et de legaltech.
Noémie Bergez : Effectivement, la chronique de ce jour porte sur la véritable révolution numérique, technologique, qui s’opère actuellement dans le monde du droit.

Il faut dire que le droit est plutôt perçu comme une matière très classique et traditionnelle dans son approche et dans ses moyens. Pour ceux qui l’ignorent, cette perception était en fait assez réaliste mais jusqu’à peu parce qu’en effet, petit à petit, le monde juridique et judiciaire se transforme et s’habitue à l’ère numérique. Dans les cabinets d’avocat, les ordinateurs ont définitivement remplacé la machine à écrire ; les grands ouvrages théoriques sont à présent numérisés et accessibles sur abonnement en ligne ; les codes sont librement consultables sur Légifrance. Chez les notaires vous pouvez signer votre acte de vente électroniquement. Devant certaines juridictions les décisions sont même envoyées par voie électronique et vous pouvez contacter les greffes par e-mail. En matière pénale vous pouvez déposer des pré-plaintes en ligne.

Bref ! Les professionnels du droit ne passent pas à côté des moyens informatiques.

Mais, dans le même temps, il s’est passé une prise de conscience que le droit est complexe et souvent incompréhensible pour des profanes. Pourtant nul n’est censé ignorer la loi, aussi compliquée à comprendre soit-elle. C’est donc dans ce contexte que sont apparus le legal design et les legaltechs qu’on pourrait traduire comme le design juridique et les technologies juridiques.
S’agissant du legal design, comment pourrait-on le définir ? On pourrait dire que c’est une manière de proposer le droit et les raisonnements juridiques de façon illustrée ou visuelle. Historiquement c’est en 2009 que le legal design voit le jour autour d’un guide illustré pour présenter les droits des vendeurs ambulants à New-York sous forme de dessins et de schémas. Ce guide a été créé par la designer Candy Chang et le Center for Urban Pedagogy de New-York et il permettait, en fait, de comprendre des règles qui étaient assez complexes de manière visuelle donc adaptée à un public qui ne connaissait pas le droit. C’est en 2014 que le legal design est théorisé par Margaret Hagan à l’université de Stanford.

L’objectif du legal design c’est de rendre intelligible le droit par un usage de visuels, de symboles, de schémas, d’infographies. À terme, on pourrait même penser que le legal design va s’intégrer dans l’ensemble de nos productions juridiques, que ce soit dans des contrats avec des repères visuels, dans des notes avec des schémas ou même dans des conclusions pour les juges avec des tableaux.

Peu à peu le legal design prend sa place et les professionnels du droit se forment à ce domaine.

En France, depuis 2017, on a l’association Open Law dont je vous invite à consulter le site internet qui organise des ateliers sur le legal design et d’autres évènements. Il est également enseigné à l’École française du barreau qui forme les jeunes avocats depuis 2018. L’École des avocats du Grand Est enseigne également ce legal design aux élèves. Pour faire du legal design, évidemment, il faut un attrait pour le droit mais également pour le design parce que, au cœur du legal design, il y a l’image, l’importance de l’image.
Au-delà du visuel le monde du droit est aussi directement impacté par les technologies.

C’est là où j’en viens sur la legaltech. En français on pourrait dire comme technologie juridique ou plutôt une technologie au service du droit, elle vient de l’anglais Legal Technology donc l’usage de la technologie et de logiciels pour offrir des services juridiques. On peut faire le parallèle, en fait, avec le milieu de la finance et la Fintech, ou encore, dans le domaine médical, la Medtech.

Le terme legaltech provient des États-Unis, c’est depuis le début des années 2000 qu’il est utilisé. En fait, il désigne une automatisation d’un service juridique, que ce soit au niveau du support du document produit ou du processus ou de la relation avec les professionnels du droit. En réalité, c’est une nouvelle façon de dispenser des services juridiques dans un univers qui est resté quand même assez figé pendant des décennies. Évidemment les legaltechs attirent les jeunes générations puisque c’est une forme d’exercice qui est innovante. Elles visent un public très large. Initialement, les legaltechs étaient plutôt destinées à des très petites entreprises ou des entreprises de taille moyenne, voire des particuliers qui sont des justiciables, puisqu’elles leur permettaient en fait, avec des revenus très raisonnables, d’accéder à des services juridiques. Aujourd’hui ce public s’est élargi : les grandes entreprises développent leurs propres legaltechs. On a en France quasiment près de 200 legaltechs qui ont été créées. Elles s’adressent aussi, maintenant, directement aux acteurs traditionnels du droit. Donc on a un certain nombre de sociétés qui se spécialisent dans ces nouveaux services.

Depuis environ cinq ans, en France, l’écosystème de la legaltech s’est développé dans différents domaines, pas uniquement juridiques d’ailleurs puisqu’on a des services qui proposent de la gestion d’affaires, de la facturation, de la comptabilité. Les legaltechs permettent aussi le stockage et la génération de documents.

On se retrouve avec des plateformes qui peuvent parfois mettre en relation des clients avec des avocats ou qui peuvent fournir des outils à des particuliers ou des entreprises, leur permettant, par exemple, de faire eux-mêmes, de produire eux-mêmes du contenu juridique. L’accès est souvent simplifié : on s’inscrit sur la plateforme, on choisit sa prestation, on paye et on exécute la prestation. C’est relativement simple.
Ça m’amène à un sujet qui est, en ce moment, très en vogue dans le milieu juridique c’est la question du potentiel de la blockchain.

La blockchain c’est cette technologie de stockage et de transmission d’informations qui est transparente et sécurisée et qui fonctionne sans organe central de contrôle. Elle peut-être publique ou privée et elle permet, en fait, d’échanger des données qui sont sauvegardées dans des blocs liés les uns aux autres, d’où le terme de blockchain. Aujourd’hui, le monde juridique est particulièrement intéressé par ce service puisque, d’une part, il offre un caractère probant très fort puisqu’il permet de stocker un document juridique tel qu’un contrat par exemple pour sécuriser des engagements ; on sécurise les engagements des parties. En cas de litige chacune des parties y a accès facilement et elle peut démontrer quelles étaient les obligations que l’autre partie devait respecter.

Le deuxième aspect qui intéresse le monde juridique c’est la possibilité de créer des Smart Contracts, des contrats intelligents, pour exécuter automatiquement des engagements. Ces contrats sont créés directement depuis la blockchain qui est encore une nouvelle technologie qui vient, en fait, révolutionner le monde du droit.
On peut se poser la question : quel est le rôle des professionnels du droit dans ces innovations ? Il est quand même important puisque, effectivement, on produit du contenu, mais évidemment il peut y avoir un risque sur le contenu qui est produit d’où le fait qu’il puisse y avoir du contentieux sur ces documents qui sont faits par le biais de ces plateformes et c’est pour ça que l’avocat, aujourd’hui, a sa place, en fait, dans ces nouvelles technologies puisqu’il est là quand même pour vérifier que la documentation est bien correcte et avoir un rôle de support. C’est pour ça que les avocats se forment à la legaltech. On a notamment l’École française du barreau qui forme les avocats parisiens qui a créé un « lab », un espace de formation pour préparer aux enjeux de cette transformation de notre activité, notre profession. L’université Paris 2 propose également un diplôme universitaire de Transformation digitale du droit et legaltech. Il y a un incubateur physique qui a été lancé par le barreau de Paris pour accompagner les innovations qui sont portées par les avocats.

C’est vrai qu’au-delà de ces services on a, en réalité, de nouveaux modes de compréhension du droit. C’est vrai que dans l’essor de ces nouvelles technologies on voit apparaître aussi, par exemple, les domaines de gamification, c’est-à-dire qu’on voit le secteur du jeu qui vient se confronter au secteur juridique. En septembre dernier a eu lieu la première édition de la Legal Games Week organisée par l’association Open Law et l’École des avocats du Grand Est. L’objectif, en fait, c’est de créer des outils juridiques ludiques pour comprendre des problématiques juridiques qui peuvent être complexes par le biais de serious games, de quiz, d’escape games. Donc c’est vrai que ce secteur est en train, petit à petit, de subir une révolution.
Autre révolution qu’on connaît un peu c’est la justice prédictive. C’est une notion qui est récente. Qu’est-ce que la justice prédictive ? La justice prédictive c’est s’appuyer sur des algorithmes pour analyser des décisions de justice qui sont rendues par les tribunaux et permettre de connaître des conséquences chiffrées de ces jurisprudences ou des arguments pertinents qui sont retenus par les juges.
On voit vraiment qu’aujourd’hui les nouvelles technologies s’intègrent dans notre manière d’exercer.

Ce qui est intéressant aussi, et je fais le lien avec le Règlement général sur la protection des données, c’est que, finalement, l’encadrement juridique est quand même présent et on met des gardes-fous puisque l’article 22 du RGPD prévoit qu’il doit y avoir une intervention humaine à toute décision automatisée. Donc toute personne a le droit d’obtenir une intervention humaine en cas de traitement de données à caractère personnel. Là aussi on voit quand même que derrière toutes ces nouvelles technologies il y a des hommes et qu’on fait attention à ce qu’il y ait toujours un homme derrière.
Si ces sujets vous intéressent et si vous souhaitez en savoir plus, se tient actuellement le Village de la Legaltech les 26 et 27 novembre 2019 à Paris à la Cité des sciences. C’est un salon qui organise des rencontres, de l’information, des espaces d’exposition et des conférences pour, justement, faire découvrir ces nouvelles technologies qui se confrontent au domaine du droit et faire en sorte qu’ensemble elles puissent aboutir à une meilleure compréhension de nos domaines et de nos règles.

J’en aurai terminé sur cette présentation.
Frédéric Couchet : Merci Noémie. Il y a beaucoup de références qui ont été citées. La plupart sont déjà présentes sur le site de l’April, april.org, et sur le site Cause Commune, causecommune.fm. Nous encourageons évidemment toutes les personnes, en tout cas celles qui habitent en région parisienne, à aller à la Cité des sciences et de l’industrie pour se renseigner plus en avant.

Je précise que la prochaine chronique avec Noémie sera en public, le 10 décembre 2019 en direct du salon POSS qui a lieu à Paris. On aura l’occasion d’en reparler. Donc la prochaine chronique sera en public. N’hésitez pas à venir pour voir Noémie intervenir en chronique et éventuellement lui poser des questions si vous en avez envie.

En tout cas merci Noémie. Je te souhaite une belle fin de journée.
Noémie Bergez : Merci. Excellente journée.
Frédéric Couchet : Donc à mardi 10 décembre.

Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter Natca par Khanat. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause commune.
Pause musicale : Natca par Khanat.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Natca par Khanat, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez la référence sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm.
Vous écoutez toujours Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm. Nous allons passer à notre sujet principal.
[Virgule musicale]

La stratégie logiciel libre de la MAIF et d’Enercoop

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur la stratégie logiciel libre de la MAIF et d’Enercoop. J’ai le plaisir d’avoir avec moi par téléphone Chris Woodrow qui est conseiller en technologies et responsable de la stratégie open source du groupe MAIF. Bonjour Chris.
Chris Woodrow : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et en studio avec nous Julien Négros administrateur système d’Enercoop. Bonjour Julien.
Julien Négros : Bonjour.
Frédéric Couchet : Aujourd’hui, l’objet de cette émission, c’est un peu d’expliquer pourquoi deux entreprises privées, qui ont évidemment des structures assez particulières et ces personnes vont l’expliquer, ont mis en place une stratégie logiciel libre, où elles en sont et quels sont les projets à venir.

D’abord une petite présentation personnelle et de vos structures, rapidement, pour poser un petit peu le cadre. On va commencer par Julien Négros.
Julien Négros : Moi je viens de la licence CoLibre dont vous aviez reçu le créateur, Vincent Mabillot, ici même je crois, par téléphone il me semble. Après j’ai travaillé dans une SS2I [Société de services en ingénierie informatique] plus classique où il y avait une démarche assez volontariste envers les logiciels libres, mais on était très loin de la priorité. Depuis deux ans je travaille chez Enercoop parce que j’ai vu, comme ça, une offre d’administration système avec un système d’informatique qui était basé en majorité sur des logiciels libres, notamment au niveau du poste de travail ; c’est ça qui m’a attiré le plus parce que ça se fait très peu finalement. Voilà.
Frédéric Couchet : Et petite présentation d’Enercoop, une phrase et on y reviendra en détail après.
Julien Négros : En une phrase. Enercoop c’est un réseau de coopératives un peu partout en France qui est un fournisseur d’électricité où tout le monde, particuliers et professionnels, peut s’abonner pour avoir de l’électricité, qui a la particularité d’être en contrat direct avec les producteurs. Beaucoup de structures font de l’énergie verte, mais pas comme nous où c’est du circuit court, très peu, et on est sous forme de coopérative.
Frédéric Couchet : D’accord. Même question pour Chris Woodrow de la MAIF.
Chris Woodrow : Je travaille pour la MAIF, la mutuelle d’assurance des instituteurs de France qui est une mutuelle d’assurance qui a été créée en 1934, qui s’adressait majoritairement aux instituteurs à l’origine et qui s’est ouverte depuis. Mon parcours c’est plutôt du côté développement logiciel, ça fait un peu plus de 15 ans que je travaille dans le développement logiciel, donc j’ai travaillé dans plusieurs sociétés ces dernières années. Il y a quelques années, la route m’a mené vers la MAIF à la fois pour la partie ingénierie logicielle et aussi architecture et tout mon travail à la MAIF nous a mené vers la mise en œuvre d’une stratégie open source qui est assez singulière. J’imagine qu’on va développer ça tout à l’heure.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Là c’était une présentation introductive. J’ai d’ailleurs noté un truc intéressant de convergence entre vous et entre l’émission : Enercoop, l’énergie militante ; la MAIF, l’assureur militant et vous intervenez dans Libre à vous ! l’émission militante. Voilà une convergence et ce n’est évidemment pas la seule convergence.

Premier sujet qu’on va aborder, la MAIF comme l’a dit Chris Woodrow c’est 1934 ; Enercoop, c’est 2005 je crois bien.
Julien Négros : C’est ça.
Frédéric Couchet : Donc deux structures avec quand même une histoire différente, mais deux structures qui ont une démarche logiciel libre. Première question : à quel moment a été fait ce choix de cette mise en place d’une stratégie logiciel libre ? Pourquoi et pour quelles raisons ? On va commencer par Chris Woodrow de la MAIF.
Chris Woodrow : L’utilisation de logiciels libres à la MAIF remonte à plusieurs dizaines d’années. On utilise assez massivement Linux sur nos serveurs de production. Évidemment on avait un historique qui était plus sur des systèmes propriétaires, mais on a assez rapidement bifurqué vers des solutions libres. Effectivement on a encore du reste, quelques logiciels propriétaires qui résistent, mais on a quand même une stratégie d’assez long terme sur le sujet.

Après, la particularité qu’on a, je pense, c’est le fait d’avoir une posture d’éditeur de solutions open source : on édite depuis janvier 2018 des solutions open source que nous avons développées et qu’on utilise chez nous en production. Ça répondait à un vrai besoin chez nous et on s’est dit que ça pouvait être cohérent, que c’était une idée qui pouvait être intéressante de partager ces logiciels pour pouvoir les ouvrir à l’utilisation ou à la contribution vers d’autres sociétés, des particuliers, etc.
Frédéric Couchet : D’accord. Julien Négros, concernant Enercoop, comment s’est mise en place cette stratégie ?
Julien Négros : Moi je suis encore un peu frais dans la coopérative, mais je me suis renseigné auprès de l’un des fondateurs, Julien Noé, qui m’a dit qu’il faut savoir qu’Enercoop est né en partie de Greenpeace et dans cette entreprise le DSI…
Frédéric Couchet : La DSI, c’est la direction des systèmes d’information.
Frédéric Couchet : Oui, la personne qui gérait le système d’information était très au fait des logiciels libres et aussi militante du logiciel libre, et elle lui a indiqué que ces valeurs étaient tout à fait en adéquation avec ce qu’il voulait faire avec Enercoop. Du coup ça a commencé de manière assez lente, on va dire, le début. Jusqu’en 2013 il n’y avait pas réellement de DSI, en l’occurrence de système d’information chez Enercoop parce que c’était trop petit et c’était donc Julien Noé qui s’occupait de ça.

Au niveau des postes de travail ça restait du classique Windows, par contre, quand ils avaient un besoin logiciel, ils allaient chercher dans le catalogue Framasoft pour voir s’il y avait possibilité d’utiliser et dès que c’était viable, un minimum possible, il y avait quand même la volonté de prioriser le logiciel libre.

À partir de 2013, il y a une personne qui a été dédiée à la gestion de l’informatique, elle aussi militante du logiciel libre, qui a voulu migrer le parc de postes de travail sous Linux. Vous avez parlé de serveurs tout à l’heure, pareil les serveurs sont bien sûr sous Linux, mais là il y avait aussi les postes de travail. On a aussi un ERP, c’est un logiciel de gestion et de facturation ; au début, la volonté c’était de libérer des briques qui auraient été développées en interne pour en faire profiter d’autres acteurs énergétiques. Dans les faits ça ne s’est pas encore fait, mais l’idée c’est aussi de ne pas être tributaire d’un éditeur.
Frédéric Couchet : D’accord. Avant de rentrer dans les détails des contributions des uns et des autres et les retours d’expérience, sur les raisons de ce choix-là, côté MAIF, c’était quoi ? C’étaient des raisons de coût ? D‘interopérabilité ? De maintenance ? Quelles étaient vos principales raisons qui ont fait que finalement la direction a accepté d’aller dans une direction, dans un objectif de logiciel libre ?
Chris Woodrow : Il est important de rappeler ce qu’est une mutuelle d’assurance. Il faut bien se souvenir que nos valeurs fondamentales sont l’indépendance, la désintermédiation, la responsabilité. On a un mode de fonctionnement qui est quand même assez différent de celui d’une assurance classique et, de fait, il y a une certaine logique à créer du commun. C’est-à-dire que le logiciel libre, par rapport à l’ADN de la MAIF, c’est quelque chose d’assez naturel.

Si on prend une orientation et un regard un peu plus orienté vers l’informatique, pour la DSI, pour reprendre un gros mot qui a été prononcé tout à l’heure, le fait effectivement de ne pas avoir de dépendance ou de limiter au maximum les dépendances qu’on puisse avoir avec un certain nombre d’éditeurs de logiciels paraît être quelque chose d’assez important. D’une part, sur les règles fondamentales que nous apportent les logiciels libres à savoir pouvoir lire le code, exécuter le programme, modifier son contenu et le redistribuer, la plupart des éditeurs traditionnels n’apportent pas ce genre de choses et, dans certains cas, on s’est retrouvés dans des situations où soit les éditeurs étaient rachetés et les solutions abandonnées, soit on n’avait pas la possibilité facilement de modifier le logiciel alors qu’on en avait le besoin.

Donc le fait de se dire qu’une des façons de consommer de l’open source c’est aussi de contribuer à l’open source parce qu’on a conscience que l’open source se base sur le fait qu’il y a des contributeurs, ça a été quelque chose d’assez naturel et d’assez simple à vendre à notre direction informatique et notre direction en général. D’une manière générale on n’y serait jamais arrivé sans la direction, sans le conseil d’administration. On a été beaucoup soutenus et c’est quelque chose qui est assez important pour nous.
Frédéric Couchet : D’accord. Je pense qu’on reviendra tout à l’heure sur ce point, sur le soutien de la direction dans les entreprises, même dans d’autres structures.

Côté Enercoop, Enercoop a un statut de société coopérative d’intérêt collectif. Est-ce que le choix du logiciel libre, quelque part, c’est aussi de la cohérence avec ce statut de coopérative ?
Julien Négros : Oui, c’est tout à fait ça, c’est comme ça qu’on peut le défendre et c’est comme ça que ça a été à la base le choix. Coopérative, donc coopération. Il y a aussi la notion de transparence, de bien commun, ce sont des valeurs dans lesquelles même mes camarades qui ne sont pas forcément très au fait des logiciels libres et de l’informatique en général se retrouvent dès qu’on en parle un petit peu, qu’on leur explique la démarche, ce qu’on essaie de faire.

Au niveau plus de la direction stratégique d’Enercoop, dans notre première charte réseau il était question vraiment explicitement de l’open source – je n’ai pas l’extrait parce que ce n’est plus la même – et dans l’actuelle il n’y a plus la notion d’open source explicite, mais il est question de l’appropriation des enjeux énergétiques en mettant en bien commun les savoirs et savoir-faire intellectuels et industriels. Des choses qu’on retrouve tout à fait dans le logiciel libre.
Frédéric Couchet : D’accord. La mention de logiciel libre a disparu, mais elle est intégrée dans cette phrase-là quelque part, c’est ce qu’on peut dire.
Julien Négros : C’est ce qu’a défendu Julien Noé.
Frédéric Couchet : D’accord. OK.

Là on a compris que côté MAIF c’est à partir de 2018 et on va rentrer un petit peu dans le détail et Enercoop c’est un peu plus ancien, mais c’est un travail en cours.

On va parler un petit peu de la mise en œuvre de cette stratégie, comment ça se passe. Déjà, côté serveurs, donc un petit peu comme Chris Woodrow l’a dit, si j’ai bien compris, globalement vous avez principalement vos serveurs sur un système d’exploitation libre de type GNU/Linux. C’est ça ?
Julien Négros : Oui, tout à fait. Une Debian pour ne pas la citer.
Frédéric Couchet : Une Debian, ça c’est un côté on va dire historique, depuis le départ d’Enercoop ou ça s’est fait… ?
Julien Négros : Je crois bien que c’est depuis le départ oui. Il y a peut-être eu d’autres types de serveurs au début. Je sais que maintenant, dans notre parc, on n’en qu’un seul qui n’est pas Debian et qui nous sert quand même à pouvoir maintenir des postes sous GNU/Linux, parce que ça nous permet d’avoir des bureaux à distance pour certains logiciels qui n’existent pas sous GNU/Linux ou des besoins particuliers.
Frédéric Couchet : D’accord. Ça c’est la partie, quelque part on va dire, souvent la partie la plus simple, la partie serveurs, parce que les systèmes libres fonctionnent très bien, contrairement aux postes de travail il n’y a pas une interaction directe avec la personne utilisatrice, la formation est peut-être moins compliquées ; il n’y a pas de formation souvent. Peut-être que sur la partie poste de travail on va aborder cette question formation.

Avec Julien Négros, on parlait un petit peu de la place du logiciel libre côté serveurs, un peu historique côté Enercoop de Debian GNU/Linux présent un peu partout. Je crois que c’est un peu la même chose côté MAIF, une prédominance des systèmes libres sur la partie serveurs ?
Chris Woodrow : Tout à fait. On est plutôt côté CentOS, mais effectivement on a aussi du Red Hat. Du coup, oui, il y a une prédominance des logiciels libres côté serveurs.
Frédéric Couchet : Comme je disais c’est la partie, entre guillemets, peut-être « la plus simple » parce que les systèmes libres fonctionnent très bien sur la partie serveurs et il n’y a pas d’autres personnes utilisatrices directement, en tout cas il n’y a pas de formation. La partie plus compliquée c’est peut-être plutôt poste client et on va y revenir après avec Enercoop qui a une expérience là-dessus.

Continuons avec la MAIF. Tout à l’heure, en introduction, vous avez dit qu’en 2018 et vous avez prononcé, je crois, le mot « d’éditeur de logiciels libres » si je me souviens bien.
Chris Woodrow : Oui.
Frédéric Couchet : C’est quelque chose qui est intéressant. Moi j’ai découvert la MAIF, au-delà de la mutuelle d’assurance évidemment, dans le monde du logiciel libre, je crois que c’était l’an dernier quand vous reçu un prix au salon POSS à Paris de la meilleure stratégie logiciel libre et notamment la mise en libre d’outils que vous aviez développés en interne. Est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous avez fait ça et quels sont les outils que vous avez développés en interne en essayant de les rendre compréhensibles pour tout le monde parce je crois que c’est assez technique ?
Chris Woodrow : Bien sûr. Vers 2016, la direction de la MAIF a décidé de diversifier un petit peu son offre vers d’autres types de services en complément des services assurantiels et cette diversification a donné lieu à une expérimentation côté système d’information. On s’est dit « testons de nouvelles façons de faire et une autre façon de créer des logiciels et, pour cette nouvelle façon de créer des logiciels, repartons un peu d’une page blanche pour créer de nouveaux services à partir de ces nouvelles méthodes ».

De fait, à partir de ce moment-là, on a développé une solution qui permet notamment de gérer des API. Il est utile que j’explique ce qu’est une API ?
Frédéric Couchet : Je pense, oui.
Chris Woodrow : Une API c’est une façon qui permet à deux logiciels d’interagir et, à partir de ce moment-là, on peut, via un réseau informatique, permettre à deux ordinateurs qui sont distants d’interagir et de communiquer le plus simplement possible. Le problème c’est que si on peut fournir des services par API, c’est le cas d’un certain nombre d’API qui existent et qui permettent de récupérer des données, de souscrire à des services, etc., donc on a créé une solution d’API management qui sert à sécuriser ses API, à faire en sorte de créer de la traçabilité parce que c’est assez important dans notre métier de savoir que c’est telle personne qui a fait l’appel et qui a souscrit à l’API ; c’est pouvoir avoir de la gestion de flux, ce qu’on appelle du throttling, permettre de faire en sorte qu’on n’ait pas trop d’appels à un instant T pour éviter qu’il y ait soit des utilisations malveillantes soit des utilisations involontairement malveillantes, parce que ça arrive parfois qu’on fasse une erreur dans la configuration de son client. À partir de ce moment-là on a créé une solution qui permettait de faire de ça.

La deuxième solution qu’on a créée c’est une solution qu’on appelle de feature flipping. Le feature flipping c’est quoi ? C’est ce qui permet à un service ou aide en ligne d’activer à chaud une fonctionnalité.

Donc ça ce sont les deux premières briques qu’on a libérées et puis, courant de l’année 2018 et 2019, on a rajouté une solution de mise en œuvre de la GDPR. Cette solution c’est la solution qu’on a mise en œuvre chez MAIF pour adresser la problématique de la GDPR, à savoir principalement gestion des consentements, demande d’accès aux données personnelles et demande de suppression des données personnelles. Cette problématique on l’avait à l’échelle du groupe MAIF, je pense que vous imaginez qu’on a énormément de bases de données, d’applicatifs divers et variés qui contiennent des données personnelles et, suite à ça, on a rouvert d’autres briques et la toute dernière qu’on a ouverte c’est la solution de classification des mails entrants [Melusine, NdT]. À savoir, quand vous envoyez un mail à la MAIF, on peut avoir une quarantaine de personnes finales à qui adresser ce mail. On est parti du principe qu’il y a un certain nombre d’adresses qui existent. Ça paraît idiot comme ça de dire qu’on peut demander aux sociétaires d’écrire à la bonne adresse, néanmoins, quand vous avez un problème de fuite d’eau par exemple, en général vous prenez la première adresse sur laquelle vous tombez quand vous cherchez sur le Web. De fait, on recevait énormément de mails qui n’étaient pas forcément aux bonnes adresse, donc il y avait une nécessité de classer ces mails et de les envoyer aux bonnes personnes, etc.

Donc a créé une solution qui s’appuie sur du machine learning, qui analyse le contenu du mail, qui essaye de comprendre le contenu du mail et, en fonction de ça, envoie le mail au bon destinataire. Bien évidemment vos mails sont toujours traités par un humain. C’est juste pour en faire en sorte que le mail arrive le plus vite possible à la personne qui va traiter le mail.

On a jugé que c’était intéressant de libérer cette solution parce que, d’une part, en français il n’existait pas de solution efficace pour faire ça et d’autre part, ce que je trouve assez intéressant, c’est qu’on offre beaucoup de visibilité sur la façon dont on traite les données des utilisateurs.
Frédéric Couchet : Ça offre de la transparence par rapport à vos sociétaires par exemple ?
Chris Woodrow : Oui. Là quand vous envoyez un mail à la MAIF vous pouvez savoir la solution qui est utilisée pour le lire et pour le traiter.
Frédéric Couchet : D’accord. Avant de revenir à votre expérience côté MAIF je vais préciser que quand vous parliez de GDPR en français c’est le RGPD, le Réglement général de la protection des données.

Julien Négros, côté Enercoop, est-ce que vous aussi vous avez une politique de libération d’outils que vous développez en interne ? Peut-être que vous ne développez pas spécifiquement d’outils en interne, je ne sais pas. Est-ce que vous avez une politique équivalente ?
Julien Négros : Non. Il faut savoir, peut-être juste pour contextualiser, que là où je travaille, l’administration système, on est un peu séparés du reste du pôle numérique qui s’occupe notamment du développement et de la gestion des données et on n’a pas forcément les mêmes vues sur ce genre de choses. Historiquement, je crois qu’il y avait la volonté de le faire mais ça n’a pas été fait. Donc la contribution d’Enercoop au logiciel libre se fait de manière plus pécuniaire, je pourrais développer plus tard peut-être ?
Frédéric Couchet : On va développer plus tard. Je vais juste revenir sur la MAIF parce que j’ai une petite question et après on passera un peu au poste de travail aussi pour comparer : est-ce qu’en libérant ces outils que vous développez en interne vous avez d’autres objectifs ? Vous espérez peut-être des contributions externes, par exemple de la recherche de bugs, vous espérez peut-être que ça soit réutilisé par d’autres structures ? Ou vous n’avez pas du tout cette recherche d’objectifs ?
Chris Woodrow : Oui. Si on libère du code c’est pour qu’il soit le plus possible réutilisé. Si vous regardez un peu notre dépôt GitHub, on a pas mal de réutilisation de nos solutions. On a eu, notamment sur la solution de feature flipping dont je parlais tout à l’heure, une cinquantaine de contributions de personnes extérieures, ce qui est assez sympathique. Ce n’est pas le premier logiciel libre auquel je participe. Avant d’être à la MAIF j’ai déjà travaillé sur des logiciels libres en tant que contributeur et généralement c’est un monde qui se voit assez peu physiquement, on communique beaucoup à distance. Ça m’arrive régulièrement quand j’interviens dans une conférence, juste après le talk, d’avoir quelqu’un qui vient en me disant « je suis machin », généralement il y a un pseudo et c’est fort sympathique. Par exemple, une des réutilisations qui me paraît assez intéressante c’est Jyllands-Posten qui est un des plus gros quotidiens danois, qui est le journal qui avait publié les caricatures il y a quelques années, qui utilise les briques d’activation à chaud MAIF. Voilà. C’est le genre de contribution qu’on découvre au fil du temps avec quelqu’un qu’on croise et tout ça parce que bien évidemment, dans la mesure où ne va mettre de trackers sur des solutions qu’on libère, c’est difficile de savoir qui nous utilise vraiment. Après, je sais qu’il y a un certain nombre de sociétés françaises et étrangères qui nous utilisent, qui sont contentes et qui participent assez fréquemment, qui contribuent à nos solutions.
Frédéric Couchet : D’accord. Là on a parlé d’outils. Les personnes qui nous écoutent ont bien compris que c’était vos outils techniques permettant de rendre des services. Un point intéressant qu’on va aborder maintenant avant de revenir plus globalement sur le sujet de la contribution, c’est celui du poste de travail, parce que là, dans l’exemple d’Enercoop qui n’a évidemment pas du tout la même échelle en termes de personnes qui travaillent dans les deux structures, mais une spécificité d’Enercoop c’est que vous avez une bonne partie, je ne sais pas quel pourcentage mais Julien Négros va nous le dire, de postes de travail qui sont équipés en distributions GNU/Linux et en logiciels libres. Julien, est-ce que tu peux nous faire un petit point là-dessus ? Comment ça s’est fait et un retour d’expérience des personnes qui utilisent, en fait ?
Julien Négros : À partir du moment où il y a eu une vraie direction des systèmes informatisés la migration sous GNU/Linux s’est faite. Il faut savoir que les coopératives sont normalement indépendantes, à peu près, et, du coup, ce n’est pas la même politique chez toutes les coopératives, mais nous au national, comme on dit à Paris, on est 130 personnes à peu près et c’est quasiment 100 % des postes de travail qui sont sous GNU/Linux, il y a quelques exceptions pour diverses raisons. C’est une distribution qui est dérivée de Debian, qui est préparée par notre prestataire Easter-eggs que l’April connaît bien, avec qui on travaille très étroitement, que je salue d’ailleurs. C’est une Debian modifiée, on l’appelle distribution Enercoop. Une distribution ce sont des choix logiciels, des configurations particulières – c’est plus que ça, mais en gros c’est ça – donc cette distribution est installée sur toutes les machines à Paris et sur, je dirais, une bonne moitié des régions, 50 % à peu près des postes en région. C’est plus difficile de gérer ça à distance, mais on arrive à peu près à le faire grâce aussi à des outils développés par Easter-eggs qui sont libres d’ailleurs, bien sûr !

Des retours utilisateurs, c’est vrai que c’est très intéressant parce que c’est une rareté. Je ne connais pas vraiment d’exemples à notre échelle comme ça. Je parle de distribution, mais finalement je pense que le plus important c’est l’environnement de bureau, là, en l’occurrence, on utilise GNOME Shell. L’environnement de bureau ce sera la manière dont seront présentées les fenêtres, la manière dont on bascule d’un programme à l’autre, comment on le lance et tout ça. Auparavant, quand je suis arrivé, on utilisait Xfce. Ce sont deux approches assez différentes et, du coup, on a dû accompagner au changement ; c’est moi qui m’en suis occupé et j’en est été ravi, c’est exactement ça que je voulais faire depuis longtemps. C’était très intéressant, on a fait ça individuellement parce qu’il fallait mettre à jour les postes de travail et on a aussi fait des formations où on pouvait présenter un petit peu ce qu’est une distribution GNU/Linux, les principes du Libre, donc à des personnes qui sont réceptives mais qui ne sont pas forcément initiées.

Le retour : moi je pense que beaucoup de gens se l’approprient, des fois même plus que ce que j’aurais cru. Il y a quelques difficultés, des personnes qui ont du mal à avoir quelque chose de différent. On essaie d’adapter dans ce cas-là, par exemple mettre une barre des tâches alors que dans GNOME Shell il n’y en a pas normalement. On essaye de voir ce qui fonctionne moins. Après, on a essayé d’avoir des ordinateurs assez performants, on a aussi mis à jour le matériel récemment. Je pense que globalement il fonctionne quand même très bien.

Après, c’est plus le choix des logiciels en eux-mêmes qui peut être un petit peu déroutant pour quelqu’un qui arrive d’un système plus classique et de logiciels plus usités, notamment en bureautique. Là on essaye de faire le maximum, ce n’est pas toujours évident, et il y en encore beaucoup de progrès à faire au niveau de la formation. Mais comme tout le monde est un peu dans le même bateau, en tout cas à Paris, ça se passe plutôt bien, les retours sont assez positifs. Là je me baserai pour ça sur une enquête interne qu’on a faite pour mettre en place une solution de bureautique collaborative comme on peut avoir avec un des acteurs principaux.
Frédéric Couchet : Avec un acteur dominant.
Julien Négros : Voilà, je ne sais pas si on peut le citer. Pour se donner une idée comme un Google Docs ou un Office 365. Donc l’idée c’était justement : est-ce que vous voulez qu’on passe sur une solution un peu classique, comme c’est dans le navigateur on n’est pas obligé de changer fondamentalement nos PC et nos OS, nos systèmes d’exploitation. On avait des questions : est-ce que vous êtes un peu à l’aise ? Est-ce que vous êtes un petit peu sensible aux valeurs du logiciel libre et tout ça ? Moi j’ai été agréablement surpris des retours qui étaient assez positifs, on a eu du très négatif mais très peu et du mitigé et on a beaucoup de positif. Je dirais que globalement ce n’est pas évident, mais c’est positif.
Frédéric Couchet : D’accord. Sur cette note positive on va faire une petite pause musicale et on revient juste après, Nous allons écouter Just Imagine par Hungry Lucy. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Pause musicale : Just Imagine par Hungry Lucy.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Frédéric Couchet : J’espère que vous avez apprécié cette magnifique chanson de Just Imagine par Hungry Lucy qui a en plus le bonheur d’être disponible sous licence libre CC BY SA, c’est-à-dire Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

Vous écoutez toujours Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm,
Nous parlons de la stratégie logiciel libre de la MAIF avec Chris Woodrow conseiller en technologie et responsable de la stratégie open source du groupe MAIF et Julien Négros administrateur système à Enercoop.

Juste avant la pause musicale on parlait du poste de travail et je voudrais revenir sur un sujet qui est l’impact du choix du logiciel libre sur les équipes. Tout à l’heure, en introduction, Julien expliquait qu’il a souhaité rejoindre Enercoop parce qu’il savait qu’Enercoop faisait du logiciel libre, mais je voudrais poser la question à Chris Woodrow, MAIF : comment a été vécu par les équipes internes, donc les personnes notamment du service informatique, le fait, tout d’un coup, de se dire qu’on va rendre public le code qu’on est en train d’écrire, qu’on va le mettre en logiciel libre ? Est-ce que ça a été bien perçu ? Est-ce que c’est une source de motivation ? Et, seconde question qui est liée, est-ce que ça a un impact par exemple sur le recrutement parce que je suppose que la MAIF a un recrutement au niveau service informatique ? Voilà, quel impact ça a sur les équipes internes ? Chris Woodrow de la MAIF.
Chris Woodrow : C’est une très bonne question. Effectivement, il y a un impact très vertueux quelque part. Ma conviction, en tant que développeur de logiciels, senior maintenant, c’est difficile à dire mais c’est comme ça, c’est que les gens ne sont pas leur code et qu’il y a un certain détachement à avoir entre la personne et le travail et plus on montre son code à un nombre important de personnes, plus, quelque part, on améliore ce code. À chaque fois qu’il y a un regard de plus qui se pose sur quelque chose qu’on construit quelque part on l’améliore, ne serait-ce qu’en ayant des questions naïves certaines fois. Avec une équipe avec laquelle je travaillais il y a quelques années, on faisait du croisement, c’est-à-dire que les développeurs back-end, c’est-à-dire tout ce qui est côté serveur, allaient régulièrement poser des questions et auditer le travail des développeurs mobiles et pareil dans l’autre sens, tout ça pour apporter un œil neuf, un regard neuf.

Ça c’est quelque chose de très vertueux. À partir du moment où on a dit aux gens « tout ce que vous allez développer maintenant on va le penser logiciel libre », ça a énormément motivé les gens : le souci de bien faire, l’envie de bien faire et puis être vraiment partie prenante d’une stratégie d’ouverture de la société. Et, en termes de recrutement, effectivement, ça un impact plutôt positif sur la marque employeur, savoir que les gens comprennent ce qu’on fait, voient dans quelles conditions on travaille, etc., et l’opportunité, pour un développeur, de contribuer ou de libérer des logiciels, c’est quelque chose d’assez important.

L’autre point vertueux qui n’est pas neutre c’est qu’à partir de maintenant on a globalement une politique, on se dit que ça va arriver assez régulièrement et, à partir du moment où on ne construit pas des briques spécifiques en open source mais qu’on se dit « tiens, ça a du sens de libérer telle brique de par un caractère universel », eh bien ça permet aussi aux gens dès le départ, dès la conception, d’avoir une approche très édition logicielle et donc d’essayer d’adresser un problème assez global. Donc, de fait, il y a un impact direct sur la qualité logicielle.
Frédéric Couchet : D’accord. Julien Négros, même question. Toi tu as expliqué que tu es venu à Enercoop parce que tu savais qu’il faisait du Libre, je suppose après avoir vu l’interview de David Affagard sur le Framablog, en 2014 si je me souviens bien, en tout cas je crois que c’est la première référence, la première fois qu’Enercoop prenait position sur le sujet. Quel est l’impact en interne ? Est-ce que les gens sont contents de faire ça ? Est-ce qu’ils ont l’impression d’avoir plus de sens parce qu’ils utilisent du Libre et parce qu’ils peuvent contribuer à du Libre ? Ou finalement ça serait un autre type d’informatique, peu importe ?
Julien Négros : Au niveau de tous les utilisateurs, pas forcément ceux de notre pôle numérique ?
Frédéric Couchet : Oui.
Julien Négros : Je pense que ça dépend des personnes, ça dépend des services. Il y a en qui sont beaucoup moins sensibles, voire presque hostiles… non, j’exagère !
Frédéric Couchet : On coupera ça dans le podcast.
Julien Négros : Non… Disons que ce n’est clairement pas du tout leur envie. Mais d’autres, plus, voient très bien l’intérêt au niveau des valeurs et de l’adéquation avec les valeurs de la coopérative, qui aiment bien l’idée d’avoir, justement, un petit peu une alternative à d’autres solutions et qui sont très réceptives à ça. Moi je travaille avec trois autres personnes, nous c’est notre moteur, si on ne travaillait plus avec du logiciel libre on serait très malheureux.
Frédéric Couchet : D’accord. Là c’est l’équipe interne. Je vais poser la question concernant les « équipes externes » entre guillemets, les prestataires, tout à l’heure, Julien, tu as parlé notamment d’Easter-eggs. Donc c’est une volonté de faire appel à des prestataires externes spécialisés en logiciel libre ?
Julien Négros : Pas partout, mais dans ce qu’on choisit au niveau de l’administration système, les services qui sont utilisés par nos utilisateurs et utilisatrices, on donne la priorité au logiciel libre. On est en train de choisir une nouvelle solution de visioconférence, on est en train d’essayer de mettre ça en place avec du logiciel libre. On travaille pour la suite collaborative avec Arawa et donc Easter-eggs. Pour la messagerie il y a SOGo, c’est la messagerie en général donc un groupware, je ne sais pas ce qu’est la traduction française, la gestion d’agenda et de messagerie.
Frédéric Couchet : Contacts, messagerie, etc. Donc dans ce cadre-là il y a une demande au prestataire de reverser ce qu’il contribue ? Potentiellement si, par exemple, il corrige un bug ou il y rajoute une fonctionnalité de les remonter dans la version originale du logiciel ?
Julien Négros : Dans ce cadre-là, oui. Je sais qu’Easter-eggs le fait et on a eu notamment des demandes précises parce qu’on utilise un gestionnaire d’annuaire qui est redistribué sous licence libre, qui est donc utilisable par n’importe qui, qui est développé par Easter-eggs à qui on a demandé des développements spécifiques qui ont donc profité au logiciel et qu’on a payés. Pour Collabora aussi, je sais qu’Arawa contribue à Collabora et on les paye. Easter-eggs fournit énormément de services informatiques et contribue énormément au logiciel libre d’une manière générale.
Frédéric Couchet : Côté MAIF, est-ce que vous faites tout en interne ou est-ce que vous faites appel à des prestataires externes ? Donc même question quelle est la relation par rapport aux prestataires externes, si vous en avez, notamment l’aspect contribution ?
Chris Woodrow : D’une manière générale, là je parle essentiellement du monde du développement, l’aspect contribution quand on modifie un logiciel libre et le reversement c’est plus, comment dire, qu’une problématique morale ; c’est même une problématique opérationnelle. Si vous récupérez un logiciel en version 1, que, pour x raisons, vous avez besoin de modifier ce logiciel et que vous y apportez des améliorations, si vous ne reversez pas vos contributions, le jour où la version 2 sort, eh bien vous allez être obligé de refaire ce que vous avez fait la fois d’avant. Alors que si vous avez fait un certain nombre de modifications, vous les avez redistribuées au logiciel source, eh bien ça vous permet de bénéficier directement de vos modifications dans les versions ultérieures du logiciel. C’est vraiment un gain économique et opérationnel important.

Il n’y a pas vraiment de différences entre nos prestataires et nos développeurs internes parce qu’on a aussi une politique d’embauche de développeurs en interne pour pouvoir maîtriser notre système d’information, enfin l’idée de diluer la maitrise de notre système d’information et donc, d’une manière générale, la redistribution est totalement encouragée chez les développeurs quand il y a matière à, sachant que nos outils de développement ce sont essentiellement des outils libres, on travaille notamment beaucoup sur Java et Java c’est un langage informatique open source.
Frédéric Couchet : D’accord. Tout à l’heure Julien, dans son retour d’expérience, parlait des postes de travail, je ne peux pas m’empêcher de poser la question concernant la MAIF : est-ce qu’il est prévu, à un moment ou à un autre, déjà d’étudier la migration des postes de travail du personnel de la MAIF sur un environnement libre ou est-ce que n’est pas du tout prévu pour le moment ?
Chris Woodrow : Ce n’est pas quelque chose qu’on se ferme, néanmoins, comme vous le disiez tout à l’heure, nous on a un historique qui n’est quand même pas neutre avec un certain nombre de logiciels qui sont basés plutôt sur un environnement Windows et, de fait, c’est plus compliqué. Effectivement, pour l’instant ce n’est pas quelque chose qu’on envisage à court terme en tous les cas. Par contre, tous les gens qui sont directement impliqués dans la technique ont le choix d’avoir un poste Linux et d’utiliser les outils qu’ils veulent. Sachant que les suites logicielles, même propriétaires pour la plupart maintenant, sont compatibles avec Linux ce qui permet d’avoir une adoption progressive et ce qui permet d’avoir un libre choix par rapport à un certain nombre de nos collaborateurs.
Frédéric Couchet : D’accord. Le temps passe vite, on arrive bientôt à la fin de l’échange. J’ai une question que je ne voudrais pas oublier, on va commencer par Julien Négros d’Enercoop : quels conseils vous pourriez donner à des structures qui voudraient faire de même, c’est-à-dire qui se posent déjà des questions et qui se diraient « je voudrais aller vers le logiciel libre » ? Est-ce qu’il y a des points de vigilance, est-ce qu’il y a des conseils, des incontournables que vous pourriez leur donner ? Julien Négros d’Enercoop.
Julien Négros : Vaste sujet ! En plus, notre expérience, du coup, est très liée aux utilisateurs et utilisatrices et, dans ce cas-là, il faut accompagner, beaucoup, il faut aussi expliquer la démarche, je pense. Là je ne voudrais pas dénigrer, mais je trouve que mes collègues ont beaucoup de mérite parce qu’ils sont très réceptifs en majorité et ils sont tout à fait prêts à essayer de comprendre, à essayer d’évoluer, à essayer d’apprendre et ce n’est pas forcément évident. Ça dépend peut-être aussi du public. Est-ce qu’il y a un terreau qui est plus favorable ? Moi je pense qu’à Enercoop c’est effectivement le cas et je le constate. Je pense que c’est possible dans beaucoup de structures à partir du moment où il y a une prise en compte des salariés. Ça vaut pour le monde du travail en généra, essayer d’être un peu attentif et faire bien attention, faire plus attention aux retours qu’on peut avoir.
Frédéric Couchet : C’est-à-dire tenir compte des retours des personnes utilisatrices ?
Julien Négros : Tout à fait. Oui.
Frédéric Couchet : D’accord. Et de votre côté à la MAIF, Chris ?
Chris Woodrow : Je suis totalement en phase avec ce qui vient d’être dit. Je pense que c’est effectivement vraiment important d’accompagner les utilisateurs et de vraiment prendre en compte l’UX du poste de travail et de l’informatique en général, l’expérience utilisateur.
Frédéric Couchet : Merci.
Chris Woodrow : C’est un anglicisme mais je ne connais pas l’équivalent !

Après, sur l’utilisation de logiciels libres au sens serveurs, je pense que c’est extrêmement important de démystifier un côté, une espèce de crainte de « on n’a pas de support ; s’il y a des bugs qu’est-ce qu’on va faire ? La sécurité, etc. » Je pense que là il y a vraiment un mythe autour de ça, qui est souvent relativement faux, à savoir que pour la plupart des logiciels phares open source les correctifs arrivent très vite et il y a une communauté qui est très active, donc ça fonctionne plutôt bien. Je pense vraiment qu’il faut se lancer et voilà ! Ce qui ne veut pas dire qu’il faut se lancer, comment dire, directement sans acquérir plus que ça de l’expérience. Je pense qu’il faut internaliser les compétences sur les différents sujets et avoir des gens qui sont compétents sur ces points-là.

Et sur l’édition de logiciels open source et la contribution, là aussi je pense qu’il faut se lancer. Il ne faut pas avoir peur de ce que les gens vont en dire. Dans le pire des cas le problème passera inaperçu et je pense que c’est important que toutes les entreprises, notamment les grosses entreprises qui utilisent du logiciel libre, soient contributeurs et soient acteurs forts du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Écoutez c’est super. Ma dernière question pour tous les deux, on va commencer par Chris, est-ce que vous avez des annonces à faire, des évènements à venir MAIF ?
Chris Woodrow : Oui. Guillaume Rincé, le CTO de la MAIF fera une keynote au Paris Open Source Summit le 11 décembre prochain, donc si vous voulez assister à cette présentation, c’est avec plaisir qu’on vous accueillera.
Frédéric Couchet : On y sera. Le CTO c’est le directeur technique, en gros. Et côté Enercoop, est-ce qu’il y a une annonce à faire ? Julien Négros.
Julien Négros : Jeudi prochain on a notre prochain « Ca deb’watt ! », petit jeu de mots, un petit débat du coup sur good coop, bad coop, donc des réflexions, un débat sur le statut de coopérative, ce que ça implique et est-ce que c’est toujours forcément positif d’être une coopérative.
Frédéric Couchet : C’est dans les locaux d’Enercoop à Paris ou c’est ailleurs ?
Julien Négros : C’est ailleurs, je vais juste regarder où c’est exactement.
Frédéric Couchet : On mettra les références sur le site de l’émission. C’est donc le jeudi 5 décembre 2019, c’est bien ça ?
Julien Négros : C’est ça, c’est aux Grands Voisins à côté de Denfert-Rochereau.
Frédéric Couchet : Aux Grands Voisins. D’accord. Chris vous serez vous-même au Paris Open Source Summit ?
Chris Woodrow : Non, malheureusement je peux pas m’y rendre cette année, mais il y aura un certain nombre de mes collègues, deux de mes collègues qui ont des slots pendant le Paris Open source Summit pour parler machine learning et stratégie open source. Malheureusement pas moi cette année mais vous pourrez voir mes collègues.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce sera avec plaisir.

Nous étions avec Julien Négros administrateur d’Enercoop et Chris Woodrow conseiller en technologie et responsable de la stratégie open source du goupe MAIF. Je vous souhaite de passer une agréable fin de journée et à bientôt.
Julien Négros : Merci.
Chris Woodrow : Merci beaucoup. Au revoir.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale. On va écouter The Manx Lullaby par Sláinte. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune.
Pause musicale : The Manx Lullaby par Sláinte.
Voix off : Cause Commun 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter The Manx Lullaby par Sláinte disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

Vous écoutez toujours Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.

Nous allons aborder notre sujet suivant.
[Virgule musicale]

Chronique « Parole libre » de Xavier Berne, journaliste à Next INpact sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et économie circulaire, et plus particulièrement sur la partie consacrée à l’obsolescence programmée

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique de Xavier Berne journaliste à Next INpact. Dans sa chronique, Xavier Berne nous parle de l’actualité politique et juridique du numérique et le sujet du jour va être la lutte contre l’obsolescence programmée dans le cadre du projet de loi pour l’économie circulaire.

Xavier, tu es avec nous au téléphone ?
Xavier Berne : Je suis bien là. Bonjour.
Frédéric Couchet : Bonjour. Le projet de loi dit anti-gaspillage arrive cette semaine à l’Assemblée nationale. Est-ce que tu peux nous dire ce que prévoit ce texte, notamment afin de lutter contre ce qu’on appelle l’obsolescence programmée ?
Xavier Berne : Oui, bien sûr.

Déjà je voudrais quand même préciser que ce texte a déjà été examiné et même voté par les sénateurs au mois de septembre, le Sénat qui en a d’ailleurs profité pour introduire de nombreuses mesures en lien notamment justement avec l’obsolescence programmée.

Vous avez peut-être déjà entendu parler des mesures prévues pas ce texte sur la consigne pour les bouteilles en plastique ou même sur l’interdiction de destruction des produits neufs mais invendus, mais ce projet de loi dit anti-gaspillage qui porte aussi sur l’économie circulaire est, en fait, très vaste.

Sur le sujet de l’obsolescence programmée, ce texte, à la base porté par le gouvernement, contient une mesure phare, c’est l’introduction, à partir de 2021, d’un indice dit de réparabilité des produits électroniques. L’idée c’est un petit peu comme la fameuse étiquette énergie : quand vous achetez un frigo ou une machine à laver on vous donne grosso modo une idée de la consommation d’électricité avec des lettres A, B, C, etc. Là, l’idée c’est de faire un petit peu pareil pour donner une note, pour informer le consommateur quant aux possibilités qu’il aura par la suite de réparer le produit qu’il s’apprête à acheter.

Pour calculer cet indice, le gouvernement pense s’inspirer, en fait, de la durée de disponibilité des pièces détachées, savoir si la batterie pourra être achetée ensuite pendant dix ans, etc., mais aussi sur le prix des pièces détachées, parce que parfois les pièces détachées coûtent très cher et que c’est un peu inutile, compliqué pour le consommateur de se dire qu’il va falloir payer une pièce détachée quasiment aussi cher que le produit neuf. Ça c’est vraiment la mesure clef qui a été proposée par le gouvernement qui espère ainsi que les consommateurs se tourneront vers des produits plus durables, quitte à devoir payer un peu plus à l’achat.

Le hic qui a été soulevé notamment par les associations de consommateurs : ce n’est pas parce qu’un bien est réparable qu’il est forcément durable. Les sénateurs ont d’ailleurs bien suivi ce raisonnement puisqu’ils ont voté un amendement qui prévoit qu’en plus de l’indice de réparabilité il y ait un indice dit de durabilité.
J’ai aussi relevé d’autres amendements intéressants votés au Sénat. Il y en a un, par exemple, qui prévoit que les collégiens devront être initiés aux techniques de réparation de mécanique et d’entretien des produits.

Autre mesure qui parlera probablement aux utilisateurs de produits Apple, je ne veux pas faire de publicité, il y a un amendement qui oblige les fabricants de smartphones à proposer des mises à jour de leur système d’exploitation pendant dix ans.

Voilà. Je pourrais en citer d’autres, mais ça permet déjà de donner une idée de ce qui se trame actuellement au Parlement.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc c’est plutôt une bonne nouvelle ce qui a été voté au Sénat même si, sans doute, on peut aller plus loin. Est-ce que tout ça va être conservé par les députés ou est-ce que ça va être, comme on dit souvent, détricoté ? Est-ce qu’on a des pistes ?
Xavier Berne : Désolé pour ceux qui n’aiment pas les spoilers, mais la réponse est clairement que ça risque d’être détricoté par les députés. Je pense qu’il y a beaucoup de mesures qui vont passer à la trappe, tout simplement parce que le gouvernement a clairement dit au Sénat qu’il y était opposé. Par exemple sur le fameux indice de durabilité et non plus de réparabilité, le gouvernement a expliqué qu’en fait il était difficile d’établir des critères permettant justement d’établir si un produit est oui ou non durable : est-ce qu’on parle du taux de retour auprès du service après-vente, des délais moyens entre deux pannes ? Ce sont des informations qui ne sont pas toujours faciles à obtenir pour les pouvoirs publics et, ensuite, il y aura un problème de mise en œuvre du fameux indice de durabilité contrairement à celui réparabilité qui, visiblement, serait plus abouti, sachant qu’il y a déjà eu des travaux menés ces derniers mois sur ce sujet-là.
Après, ceci dit, on ne sait pas du tout ce qui peut se passer à l’Assemblée. Peut-être que les députés suivront les sénateurs. Il n’est pas rare que quand il y a une mesure qui est votée au Sénat ça permette, tout le moins, de déboucher sur un compromis, quitte à ce que la réforme prévue soit un petit peu allégée. Et je pense qu’il ne faut surtout pas oublier que les députés vont vouloir laisser leur marque sur ce texte clef.

J’avoue que je n’ai pas encore eu le temps de faire le tour des 1700 amendements qui ont été déposés rien que pour les débats de cette semaine à l’Assemblée en commission. Il y a quand même des choses qui émergent. Par exemple la députée Paula Forteza a fait adopter hier un amendement pour que les informations sur la réparabilité des produits, ou même sur leurs caractéristiques environnementales, soient mises en ligne en open data, c’est-à-dire dans un format de publication ouvert, ce qui permettrait de les intégrer ensuite par exemple dans des applications de type Yuka, vous savez cette application pour smartphone qui vous permet de scanner un code-barre quand vous faites vos courses au supermarché et qui vous indique si le produit est bon ou, au contraire, peu recommandé pour votre santé.

Il y a beaucoup d’amendements dont certains n’ont clairement guère de chance d’aboutir.

Je pense par exemple à cet amendement du groupe La France insoumise qui demande carrément à ce que les publicités pour téléphones portables soient purement et simplement interdites.

J’ai vu un amendement pour qu’un certain pourcentage des dépenses en publicité vienne alimenter un fonds dédié à la promotion de la consommation durable.

Peut-être plus intéressant, j’ai vu un amendement pour que les batteries puissent obligatoirement être changées directement par l’utilisateur, notamment sur les téléphones portables ou sur les ordinateurs.
Frédéric Couchet : Ce qui aujourd’hui n’est quasiment plus possible : la dernière fois que j’ai essayé en fait j’ai niqué un téléphone !

Je précise juste que quand tu parles de Yuka, j’encourage les personnes à utiliser évidemment Open Food Facts, on en a parlé dans l’émission Libre à vous ! il y a quelque temps.

Comme on a un petit peu d’avance, si tu me le permets Xavier, je vais donner la parole à mon collègue Étienne Gonnu en charge des affaires publiques, car il a lui aussi tenté d’étudier un certain nombre d’amendements et a publié une actu sur le site de l’April. Il a peut-être envie de compléter sur les amendements intéressants à l’Assemblée nationale. Étienne c’est à toi.
Étienne Gonnu : Oui. Tout à fait. On a agi. Déjà on avait fait une émission pour parler d’obsolescence logicielle. On a proposé plusieurs amendements pour lutter contre cette problématique.

Xavier tu citais parmi les ajouts, les apports des sénateurs et sénatrices à ce projet de loi, effectivement cette idée qu’on peut presque qualifier de rétrocompatibilité, c’est-à-dire que les fabricants de terminaux mobiles, tablettes ou téléphones, doivent mettre à disposition et assurer la compatibilité des mises à jour pendant dix ans sur toute leur gamme de produits. On avait trouvé l’approche intéressante. On avait une crainte pour certains projets comme le FairPhone, comme Librem, qui sont des projets vertueux on va dire, basés notamment sur du logiciel libre et du matériel libre.

On avait proposé une contribution. On en avait eu beaucoup d’autres à partir de cette disposition : considérer que si le code source était accessible, en gros si c’est sur du logiciel libre, que le logiciel est librement modifiable et partageable, dans ce cas-là finalement l’objectif était intrinsèquement atteint puisque ça apportait des garanties structurelles de durabilité, même si elles ne suffisent pas en elles-mêmes elles apportent au moins cette brique fondamentale. Donc c’était une manière d’enrichir le texte. Ce qu’on a pu voir sur cette disposition c’est qu’il y a eu de nombreux amendements, qu’ils ont tous été déclarés irrecevables, on va dire, donc, à la discrétion de la commission, au seul profit d’un amendement de la rapporteure pour les Affaires économiques en l’occurrence, finalement une manière un petit peu de taire et d’arrêter un débat en cours, d’arrêter un processus de construction. On a pu le regretter, on en parle dans l’actu. On voit la difficulté d’un texte ambitieux dans la lettre et malheureusement, dans les débats, on va voir où ça peut nous mener. On attend en tout cas de voir.
Frédéric Couchet : Xavier, tu veux compléter ?
Xavier Berne : Non, ça me semble bien. Dans ce sujet-là, je ne l’ai pas mentionné, mais vu qu’on a un petit peu de temps, il y a aussi une mesure qui vise à instaurer une sorte de droit à la réparation. Plus exactement les sénateurs ont souhaité que soit interdite toute technique, éventuellement logicielle, qui vise à rendre impossible justement la réparation d’un appareil, en dehors des circuits agréés, il est dit aussi que les propriétaires de certains smartphones… Nous verrons à quoi il est fait allusion au travers de cet amendement.
Étienne Gonnu : Oui. D’ailleurs on a proposé un amendement qui a été repris par le député Vincent Thiébaut et qui s’appuie sur cette avancée-là : c’est une vieille problématique dont, je pense, de nombreux libristes ont conscience, c’est l’existence de ce qu’on appelle des restrictions d’installation logicielle, une manière générique de décrire une pluralité de mesures techniques, en particulier on peut penser au phénomène de secure boot, donc cette couche logicielle dans la carte mère des ordinateurs qui permet d’installer uniquement le système d’exploitation de Microsoft, le système d’exploitation Windows, qui est une atteinte évidente aux libertés informatiques et un frein tout aussi évident au reconditionnement, à la réutilisation et à la durabilité des équipements. Nous on s’est appuyés là-dessus. C’est une des manières avec laquelle on peut essayer de contribuer au débat.
Frédéric Couchet : Je précise qu’il y a une actualité sur le site de l’April, april.org, avec les amendements qui nous paraissent intéressants de ce point de vue-là, bien sûr.

Je ne doute pas que Next INpact publiera une actu détaillant l’ensemble des amendements. Peut-être une question pour les personnes qui nous écoutent : quand est-ce qu’a lieu l’examen du texte à l’Assemblée nationale, Étienne ?
Étienne Gonnu : Il a commencé en Commission développement durable. La plupart des amendements qui nous intéressent sont après l’article 4 ; il y a plusieurs articles 4 dans différentes versions : 4 bis, 4 ter, 4 quater, c, d, enfin voilà ! Toute une gamme de nouveaux amendements, de dispositions qui viennent notamment du Sénat. On peut imaginer que ces dispositions seront discutées mercredi ou jeudi. Normalement l’agenda est en ligne, vous pouvez le retrouver justement dans notre actualité et de mémoire les discussions en séance publique, Xavier pourra peut-être confirmer ou infirmer, c’est entre le 9 et le 16 décembre ; je crois que ça avait été discuté en ce sens.
Xavier Berne : C’est ça.
Frédéric Couchet : D’accord. Occasion de rappeler que les débats à l’Assemblée nationale, que ce soit en commission ou en séance publique, sont diffusés. Souvent ça peut se terminer très tard le soir voire très tôt dans la nuit. En tout cas on vous encourage à les écouter parce que c’est souvent d’une grande qualité grâce aux personnes qui interviennent. Il ne faut pas toujours être choqué du fait qu’il y ait peu de parlementaires qui sont en hémicycle ou en commission, c’est le travail parlementaire qui est fait comme ça. Il faut plutôt se satisfaire et se féliciter de la qualité des échanges et que, même si effectivement à l’Assemblée nationale il y a un groupe qui est ultra-majoritaire, il n’est pas impossible que des parlementaires obtiennent soit de sauver des amendements du Sénat, soit en votant des amendements qui renforcent la lutte contre l’obsolescence logicielle notamment. Je vous encourage vraiment à suivre ces débats donc à l’Assemblée nationale et évidemment on vous fera un compte-rendu la semaine prochaine ou lors d’une émission dédiée à ces sujets-là.

Xavier est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose sur ce sujet ?
Xavier Berne : En termes de procédure, du coup, c’est la première lecture qui se joue en ce moment. Du coup, une fois que l’Assemblée aura voté le texte, devrait se réunir ce qu’on appelle une commission mixte paritaire, une instance où siègent sept députés et sept sénateurs qui tentent de trouver un compromis sur le texte qui vient d’être voté. S’il y a un compromis, eh bien on va dire qu’après c’est entériné très rapidement par les deux chambres, sinon on repart pour une navette parlementaire, mais en sachant que là l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Étienne est-ce que tu veux ajouter quelque chose ?
Étienne Gonnu : Peut-être préciser que la procédure accélérée est devenue la procédure normale. Normalement il est censé y avoir deux lectures dans les chambres ce qui permet d’avoir un débat, un texte plus abouti, mieux construit. On peut regretter que maintenant la norme soit cette lecture simple dans chaque chambre.
Frédéric Couchet : Pour les personnes qu’approfondir ce sujet intéresse, je vous invite à écouter le Libre à vous ! du 17 septembre 2019. Le sujet était « Obsolescence programmée et projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire » avec Adèle Chasson de Halte à l’Obsolescence Programmée, Frédéric Bordage de GreenIT.fr et mon collègue Étienne Gonnu. Vous pouvez l’écouter. Vous retrouverez le podcast sur le site april.org ou sur le site de la radio, causecommune.fm.

Xavier, je te remercie pour cette chronique et on se retrouve, pas le mois prochain mais en 2020, pour la prochaine chronique « Parole libre » de Xavier Berne. Je te souhaite une belle journée.
Xavier Berne : Merci. Pareillement. Au revoir.
Frédéric Couchet : À bientôt.

Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]

Annonces

Frédéric Couchet : Nous allons donc terminer par quelques annonces. Je regarde un petit peu le programme.

La semaine dernière nous avions eu l’interview de Romain Pierronnet de la ville de Nancy qui nous parlait de l’évènement Le Libre sur la Place, toute une journée autour du logiciel libre et des collectivités qui se déroule en ce moment donc mardi 26 novembre 2019. Une fois que vous avez fini d’écouter l’émission vous pouvez évidemment aller écouter les débats. Les informations sont sur nancy.fr et sinon vous pouvez aller à Nancy ce soir pour la soirée débat autour de la diffusion du documentaire LOL, une affaire sérieuse de 18 heures à 20 heures 30. Toutes les infos sont sur nancy.fr. C’est un documentaire vraiment d’une grande qualité qui explique le logiciel libre et qui tourne en ce moment.
À Paris, jeudi 28 novembre, il y a une soirée sur les nouvelles formes d’engagement sur Internet, organisée au CICP, 21ter rue Voltaire, de 19 heures à 22 heures. Le réseau Ritimo coorganise avec Attac et Globenet une soirée de discussion autour des nouvelles formes d’engagement de la jeunesse sous l’angle des usages, des outils numériques employés pour communiquer, s’organiser et se mobiliser. Je suppose que c’est pour discuter GAFAM, comment sortir des outils GAFAM et se mobiliser. L’occasion sans doute de signaler Framasoft et son projet Mobilizon.
À Lyon, vendredi 29 novembre, il y aura une soirée hommage à Jean-Yves Royer qui était un libriste lyonnais décédé il y a quelques jours. Ça se passe à la Maison pour tous, Salle des Rancy, 249 rue Vendôme à Lyon. C’est le vendredi 29 novembre 2019 de 19 heures à 22 heures. Il faut s’inscrire pour participer, pour l’organisation, et il y a également un livre d’or ; les informations sont évidemment sur le site de l’April, april.org, et aussi sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org.
Le week-end dernier il y avait l’Ubuntu Party à La Villette, à la Cité des sciences et de l’industrie et j’ai notamment donné une conférence intitulée « Raconter les libertés informatiques à la radio ». Les personnes qui organisent l’Ubuntu Party sont d’une incroyable rapidité pour mettre en ligne les vidéos, car elles sont déjà disponibles donc vous pouvez voir la vidéo de ma présentation et pouvez voir évidemment les vidéos de l’ensemble des présentations ; c’est sur le site ubuntu-paris.org et c’est le premier lien qui apparaît : revoir les vidéos ou voir les vidéos. Surtout n’hésitez pas à aller les voir.
Vous trouverez tous les autres évènements évidemment sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org.
J’allais oublier : tout à l’heure dans le sujet sur la stratégie logiciel libre d’Enercoop et de la MAIF j’allais oublier dans les annonces le Pacte pour la Transition. Enercoop fait partie du collectif qui a lancé ce Pacte, c’est dans le cadre des municipales de 2020, l’April en fait aussi partie. Ce sont 32 mesures que les candidats et les candidates peuvent soutenir. Vous allez sur pacte-transition.org, vous pouvez vous emparer de ces mesures pour aller voir les personnes qui tractent. Ce matin, en déposant ma fille à l’école maternelle, ça commençait déjà les tracts juste devant l’entrée. Je ne trouve pas ça super devant une école, mais bon ! Chacun fait comme il veut. En tout cas si vous voyez ces gens qui tractent ou même, évidemment, les personnes candidates, n’hésitez pas à leur parler du Pacte pour la Transition avec 32 mesures qui englobent, on va dire, toute la vie de la société .
Notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Noémie Bergez, Julien Négros, Chris Woodrow, Xavier Berne, Étienne Gonnu à la manette de la régie et également en intervention.

Merci également à Sylvain Kuntzmann, enseignant, compositeur et bénévole à l’April qui s’occupe de la post-production du podcast. Merci à Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio, qui finalise le traitement et la préparation du podcast avant sa mise en ligne.
Vous retrouverez sur le site de l’April, april.org, et sur le site de la radio, causecommune.fm, une page avec toutes les références utiles concernant l’émission.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 3 décembre 2019 à 15 heures 30. Notre invité principal sera Guillaume Poupard, le directeur de l’ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 3 décembre 2019 et d’ici là portez-vous bien.
Générique de fin d’émission :Wesh Tone par Realaze.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.