- Titre :
- Émission Libre à vous ! diffusée mardi 25 juin 2019 sur radio Cause Commune
- Intervenants :
- Marie-Odile Morandi - Stéphanie Robert - Christophe Cazin - Philippe Hemmel - Vincent Calame - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie
- Lieu :
- Radio Cause Commune
- Date :
- 25 juin 2019
- Durée :
- 1 h 30 min
- Écouter ou télécharger le podcast
Page des références utiles concernant cette émission
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. La radio dispose d’un webchat, utilisez votre navigateur web, rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, et retrouvez-nous ainsi sur le salon dédié à l’émission.
Nous sommes mardi 25 juin 2019, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être un podcast ou une rediffusion.
Soyez les bienvenus pour l’émission Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’association est april.org, vous y retrouverez une page consacrée à cette émission avec toutes les références utiles, les liens sur les pauses musicales et les moyens de nous contacter de manière à nous faire des retours à la fois sur l’émission et aussi sur les points, éventuellement, d’amélioration.
Je vous souhaite une excellente écoute.
Nous allons passer au programme du jour.
Nous commencerons dans quelques secondes par la chronique « Les transcriptions qui vous redonnent le goût de la lecture », de Marie-Odile Morandi.
D’ici dix-quinze minutes nous aborderons notre sujet principal qui portera sur la bureautique libre et plus particulièrement LibreOffice .
En fin d’émission nous aurons la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame.
À la réalisation Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Salut Fred.
Frédéric Couchet : On va vous proposer comme à chaque émission un petit quiz. Je vous donnerai les réponses en cours d’émission ou peut-être que ce seront les personnes invitées qui vous donneront les réponses.
Première question : lors de l’émission du 18 juin, donc la semaine dernière, a été évoqué un nouveau projet de Framasoft, un nouveau service libre dont l’objectif est de permettre aux internautes de se rassembler, de s’organiser, de se mobiliser en dehors des événements Facebook ou Meet-up. La question est : quel est le nom de ce projet et comment s’écrit-il ?
Deuxième question, combien de logiciels différents ou de modules existe-t-il dans la suite LibreOffice ? Et je complète la question par : est-il possible de faire de l’écriture collaborative avec LibreOffice ? Je vois les personnes invitées qui comptent sur leurs doigts pour être sûres de donner la bonne réponse tout à l’heure.
Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi sur le RGPD
Frédéric Couchet : Les choix, voire les coups de cœur de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions à l’April, ces coups de cœur mettent en valeur deux ou trois transcriptions dont Marie-Odile conseille la lecture. C’est la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » donc de Marie-Odile Morandi. Bonjour Marie-Odile.
Marie-Odile Morandi : Bonjour à tous les auditeurs. Bonjour à tous.
Frédéric Couchet : Quel est le sujet dont tu souhaites nous parler dans cette chronique aujourd’hui ?
Marie-Odile Morandi : Un peu plus de un an après son entrée en vigueur, j’ai souhaité revenir sur le RGPD, le Règlement sur la protection des données.
Au printemps de l’année dernière, 2018, le sujet était d’actualité, car ce règlement, dont le texte était connu depuis avril 2016, était applicable avec risques de sanctions d’un montant colossal pour les entreprises à partir du 25 mai 2018. Notre groupe avait alors transcrit l’enregistrement de quatre émissions de radio sur ce sujet et cette année, dans sa chronique In code we trust de mai 2019, Noémie Bergez a, en quelque sorte, fêté le premier anniversaire de l’entrée en vigueur de ce règlement. Toutes les références sont sur le site de l’April et les auditeurs peuvent s’y reporter.
De nombreuses personnes s’expriment sur le sujet dans les émissions que nous avons transcrites, bien entendu des avocats experts, mais aussi l’ex-secrétaire d’État en charge du numérique Mounir Mahjoubi, une journaliste de la rédaction de UFC-Que Choisir, un membre de La Quadrature du Net ainsi que les participants à un Décryptualité.
Frédéric Couchet : Quel est l’objectif de ce règlement ?
Marie-Odile Morandi : Ce règlement a pour objectif de protéger les données personnelles et plus précisément, selon l’un des avocats qui intervient, les données à caractère personnel. Il rappelle que dans la loi française de janvier 1978 – loi informatique, fichiers et libertés – on parlait de données nominatives puisque liées au nom. Avec les évolutions des textes on est passé aux données à caractère personnel. Ce sont toutes les données qui sont liées à une personne et qui permettent, directement ou indirectement, son identification : nom, prénom, pseudonyme, adresse mail, adresse IP (les quatre nombres qui permettent l’identification de la carte réseau d’un ordinateur sur Internet), tablette, photographie, plaques minéralogiques de sa voiture. C’est donc extrêmement large.
Frédéric Couchet : Tu as dit que c’était un règlement européen, qu’est-ce que ça signifie concrètement ?
Marie-Odile Morandi : Concrètement ce texte fournit un cadre harmonisé au niveau européen et s’applique, suite à une transposition dans le droit de chacun des pays, aux 27 ou 28 pays membres de l’Union européenne.
Ce texte s’applique à tous les acteurs mondiaux à partir du moment où les données qui sont traitées sont les données des Européens sur le sol européen, quel que soit le lieu où les entreprises responsables du traitement se situent, mais aussi les sous-traitants de ces entreprises, ce qui provoque un efficace effet boule de neige.
Dans chacune des transcriptions on retrouve toutes les obligations que ce règlement impose aux entreprises qui traitent les données. Je ne vais pas les énumérer ici ; les auditeurs et auditrices les retrouveront à la lecture de chacune des transcriptions.
Divers intervenants sont d’accord sur le fait que ce règlement va mettre du temps à se mettre en place, mais, en tout cas, qu’il va changer le paysage et que c’est même hyper-positif.
Frédéric Couchet : Qu’est-ce que cela implique côté entreprises ?
Marie-Odile Morandi : Coté entreprises, on peut retenir que ce règlement européen donne l’occasion à chaque entreprise, qu’elle que soit sa taille, de faire un peu le ménage dans ses bases de données. Il oblige les entreprises à une véritable introspection, elles sont obligées de s‘auto-responsabiliser pour essayer de beaucoup mieux documenter ce qu’elles font sur les données. Chaque entreprise doit se poser les questions suivantes indiquées dans l’une des transcriptions : qu’est-ce que je fais avec les données ? Pourquoi je les garde ? Combien de temps je les garde ? Quel est le fondement légal de tout cela ?
On peut retenir la nomination obligatoire d’un délégué à la protection des données qui ne reçoit pas d’ordres de sa direction et qui doit tenir un registre à présenter en cas de contrôle de ce que fait la personne morale, la société, avec toutes les données. Ce délégué à la protection des données est censé être un lanceur d’alerte.
On note aussi la nécessité de mettre en place de nouveaux process dans l’entreprise avec quand même l’impression qu’il faudra du personnel supplémentaire.
Un des avocats indique que cette mise en conformité ira de pair avec la mise en place d’une meilleure sécurité pour protéger l’entreprise contre les attaques et les risques de piratage. C’est une opportunité de développement et de renforcement de la sécurité avec, comme aspect positif, le fait que les clients s’adresseront davantage à ces entreprises.
Frédéric Couchet : On va quand même préciser que le RGPD ne s’adresse pas, ne s’applique pas uniquement aux entreprises mais en fait à tout le monde, toute organisation, y compris les associations et même les personnes individuelles qui gèrent des données personnelles. Côté internautes, ça se passe comment ?
Marie-Odile Morandi : En corollaire avec les devoirs des entreprises, ce règlement implique des droits côté utilisateurs, côté internautes.
Les experts indiquent que les internautes vont y trouver du bon, tout en reconnaissant qu’on est quand même dans des machineries extrêmement complexes, très compliquées à décortiquer pour le commun des mortels. Cependant cette meilleure hygiène du traitement de la donnée va entraîner un changement de paradigme qui ne peut être que rassurant au quotidien pour les consommateurs.
Pour les utilisateurs, les mesures sont assez protectrices. Cette loi demande plus de transparence et essaie d’informer l’internaute tout en le prenant par la main. Pour Mounir Mahjoubi c’est un réveil de l’esprit pour tous. Il faut se rappeler que nos données personnelles sont importantes, qu’il faut les protéger.
Les gens vont se rendre compte des risques qu’ils ont pris avant avec leurs données. On peut espérer qu’il y ait une sorte d’éducation de chaque utilisateur en vue de se responsabiliser.
Ce qu’on peut retenir en particulier c’est la possibilité de faire des actions de groupe, ce qui est une avancée importante. Le représentant de La Quadrature du Net rappelle l’action qui a été lancée par son association auprès de la CNIL à l’encontre des GAFAM.
Frédéric Couchet : Est-ce que des conseils sont donnés aux utilisateurs et utilisatrices ?
Marie-Odile Morandi : Tout à fait. Une des intervenantes rappelle que l’année dernière nous avons reçu des messages provenant des sociétés qui nous fournissent des applications, nous demandant de valider à nouveau les conditions d’utilisation. Elle nous incite à cesser de valider, comme toujours, sans faire attention, à prendre le temps de lire, ce qui va permettre de reconfigurer, de reprendre le contrôle de ces applications dont on a complètement oublié ce qu’elles faisaient avec nos données nous concernant et pour cause, souvent elles ne nous l’ont pas dit !
[Connexion téléphonique coupée]
Frédéric Couchet : Ah ça a coupé ! J’ai l’impression que nous avons perdu Marie-Odile, vous entendez ce doux bruit du téléphone. Elle va essayer de rappeler. Marie-Odile nous parlait, en fait, du représentant de La Quadrature du Net qui, dans une dans transcription, nous indiquait qu’il fallait en fait accepter de fournir le moins possible d’informations personnelles, de données, lorsqu’on s’inscrit sur des services. Cette personne, dont je ne me souviens pas du nom je l’avoue, conseille à chacun et chacune d’être discret, ce qui est applicable tout le temps, au quotidien dans tout ce qu’on fait. Les citoyens ne doivent pas hésiter à poser les questions : pourquoi demandez-vous toutes ces données ? À quoi vont-elles servir ?
Les transcriptions sont référencées sur le site de l’April, april.org, vous trouverez, je crois qu’il y a trois ou quatre transcriptions qui sont référencées sur le site, qui concernent donc le Règlement général sur la protection des données, règlement européen qui s’applique directement dans chacun des droits. Il n’y a pas forcément besoin de transposition, même si dans certains pays il y a eu des transcriptions ou des transpositions, notamment en France avec la modification de la loi informatique et libertés.
[Partie mancante de la chronique due à la coupure de téléphone]
Marie-Odile Morandi : Les intervenants sont plutôt contents de la mouture finale du texte et, ce qui est sûr, c’est que le monde entier regarde ce règlement européen. C’est une opportunité aujourd’hui pour les citoyens de l’ensemble de la planète d’être protégés éventuellement par le même système européen.
Le représentant de La Quadrature du Net considère que c’est une bataille qui a quand même été gagnée. Le texte, excepté quelques bémols, a été écrit pour aller dans le sens du respect des données personnelles du citoyen.
Pour terminer je souhaite insister sur la chronique de Noémie Bergez du mois de mai dernier. Un an s’est écoulé ce qui lui permet de revenir sur le sujet avec recul et d’apporter de nombreuses précisions quant à certaines décisions prises aussi bien au niveau européen que français. Elle revient en particulier sur la question des sanctions que la CNIL peut prononcer et rappelle la sanction infligée le 21 janvier 2019 à l’encontre de Google : la condamnation à une sanction de 50 millions d’euros.
Je vous laisse aller relire toutes les explications de l’avocate Noémie Bergez.
Dans sa chronique, elle précise les lignes thématiques diffusées par la CNIL pour 2019, sur lesquelles la CNIL va vraiment concentrer ses moyens. Je tiens à souligner la décision de porter une vigilance particulière au traitement des données des mineurs. La CNIL indique sur son site, nous dit Noémie Bergez, que c’est un public vulnérable, qui nécessite donc une protection particulière, notamment au regard des diverses problématiques liées aux réseaux sociaux ou également à la mise en œuvre de traitements biométriques dans les écoles.
Ces sujets sont effectivement très importants et actuels.
J’engage les personnes intéressées à écouter ces podcasts et à relire les transcriptions correspondantes car, de près ou de loin, c’est un sujet qui nous concerne toutes et tous. La protection de nos données personnelles est certes un droit, peut-être un devoir, que nous devons exercer de façon consciente.
[Fin]
Nous allons faire une petite pause musicale. Nous allons écouter, je cherche mes notes, Une hésitation par Les journées de création musicale Ziklibrenbib.
Pause musicale : Une hésitation par Les journées de création musicale Ziklibrenbib.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Bureautique libre (LibreOffice, The Document Foundation) avec Christophe Cazin et Stéphanie Robert de La Mouette et Philippe Hemmel de The Document Foundation
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Une hésitation par Les journées de création musicale Ziklibrenbib, cela veut dire en fait les musiques libres en bibliothèque et nous recevrons une personne de Ziklibrenbib le 9 juillet 2019. C’est en licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez l’émission Libre à vous !, sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur causecommune.fm.
Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur la bureautique libre et plus particulièrement sur LibreOffice, The document Foundation, La Mouette, les formats ouverts. Les invités du jour : Christophe Cazin, membre de la Mouette et du groupe MIMO. Il nous expliquera tout à l’heure ce qu’est le groupe MIMO. Bonjour Christophe.
Christophe Cazin : Bonjour.
Frédéric Couchet : Stéphanie Robert, membre également de La Mouette et cheffe de projet à Grenoble pour la migration vers LibreOffice. Bonjour Stéphanie.
Stéphanie Robert : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et Philippe Hemmel qui est également membre de La Mouette mais surtout, aujourd’hui, représentant de The Document Foundation. Bonjour Philippe.
Philippe Hemmel : Bonjour.
Frédéric Couchet : C’est une première émission sur la bureautique libre qui est un sujet, en fait, beaucoup plus vaste que simplement LibreOffice, donc on va essayer d’aborder les principaux points et nous ferons sans doute d’autres émissions pour entrer plus en détail sur certains aspects ou certaines migrations, peut-être. Déjà un petit tour de table pour vous présenter rapidement, savoir qui vous êtes. On va commencer par Christophe Cazin.
Christophe Cazin : Je suis le trésorier de La Mouette, association qui a été créée en 2009, et je suis aussi membre du groupe de travail MIMO, qui est une mission interministérielle pour une bureautique ouverte qui est normalement dédiée à la suite bureautique libre de l’État.
Frédéric Couchet : Stéphanie Robert
Stéphanie Robert : Pour ma part je suis donc membre de La Mouette et de l’ALDIL.
Frédéric Couchet : L’ALDIL c’est quoi ?
Stéphanie Robert : L’ALDIL, groupe d’utilisateurs de logiciels libres à Lyon. Dans le monde du Libre, suite à des études spécialisées dans les logiciels libres, donc depuis lors utilisatrice, puis en indépendante ou en salariée missionnée, j’accompagne des structures, entreprises, collectivités, dans la migration vers la bureautique libre ou PAO libre.
Frédéric Couchet : Philippe.
Philippe Hemmel : J’ai fait partie de la communauté historique OpenOffice depuis 2002, puis LibreOffice. Aujourd’hui je suis effectivement membre de The Document Foundation et aussi fondateur de la société Arawa qui est une société de services spécialisée dans les outils de collaboration documentaire open source bien évidemment.
Frédéric Couchet : D’accord. Voire libres.
Philippe Hemmel : Voire libres. Oui.
Frédéric Couchet : Je vais juste vous demander de bien parler proches du micro pour que les gens entendent bien. Premièrement on va d’abord essayer de présenter ce qu’est LibreOffice et peut-être un petit historique aussi parce que, en fait, l’historique est très ancien. Qui veut déjà présenter en quelques mots LibreOffice avant qu’on rentre plus dans les détails et rappeler l’historique ? Qui veut commencer ? Christophe Cazin.
Christophe Cazin : Je vais commencer et si j’oublie des petites choses… À l’origine il y avait une autre suite bureautique, qui s’appelait StarOffice, qui était un produit allemand, qui était un produit commercial édité par une société allemande.
Frédéric Couchet : Je précise, quand tu dis commercial, c’est une suite privatrice, propriétaire.
Christophe Cazin : Oui. Propriétaire. Qu’il fallait acheter.
Frédéric Couchet : Dans les années ? Quelles années ?
Philippe Hemmel : 1996.
Christophe Cazin : 1996.
Frédéric Couchet : Fin des années 90, début des années 2000.
Christophe Cazin : Oui. Et cette suite bureautique a été achetée par un géant américain qui n’existe plus, qui s’appelait Sun Microsystems. Sun Microsystems a racheté StarOffice et a libéré le code pour en faire un logiciel libre qui s’est appelé OpenOffice. De cette opération est née une communauté internationale puisque, effectivement, le code était libre et chacun pouvait se l’approprier et, en plus, le télécharger, l’installer librement sur tous les postes, donc ça a eu un gros succès, puisque c’était une suite. Il existait d’autres logiciels libres de bureautique mais pas aussi complets que ce produit. En fait beaucoup d’associations sont nées sur OpenOffice dont La Mouette pour faire la promotion de ce produit.
Malheureusement, Sun Microsystems, géant américain, a été racheté par un autre encore plus gros, Oracle, qui, en fait, n’a pas souhaité prolonger OpenOffice. On savait un petit peu que ses intentions étaient un peu hostiles par rapport au logiciel libre. En fait, la communauté OpenOffice a travaillé pendant un an à récupérer tout le code sur tous les serveurs de Sun Microsystems et, entre guillemets, au moment où un an après Oracle « lâchait » OpenOffice, a lancé la communauté, a lancé LibreOffice et là, sous une forme différente puisqu’en fait ce n’était pas porté par une entité commerciale mais par une fondation de droit allemand qui reste encore maintenant sous le terme LibreOffice. On n’a pas pu récupérer le nom, le copyright d’OpenOffice.
Frédéric Couchet : Oui. Oracle a refusé de « donner », entre guillemets, le droit d’utiliser le nom OpenOffice.
Christophe Cazin : Tout à fait. Voilà. Curieusement OpenOffice existe toujours, est toujours disponible, mais plus pour des raisons techniques pour un certain nombre d’opérateurs que pour des raisons d’intérêt global et général. Il s’est trouvé qu’au moment où Oracle voulait tout abandonner sur OpenOffice, IBM avait, en fait, beaucoup investi sur OpenOffice, donc le consensus a été de donner le trade-mark OpenOffice à une fondation américaine qui s’appelle Apache. Donc Apache a, entre guillemets, « pris en charge », hébergé OpenOffice, mais sans lui donner vraiment beaucoup de personnel, parce qu’en fait cette fondation c’est une auberge espagnole. Elle vous héberge.
Frédéric Couchet : Il y a de nombreux projets dans cette fondation.
Christophe Cazin : Voilà. Donc elle est restée très longtemps dans un incubateur et, juste pour des raisons techniques effectivement, IBM a continué de piocher dans le code OpenOffice et de le maintenir, mais c’est de plus en plus à l’abandon et actuellement OpenOffice est, entre guillemets, « malade » puisqu’un certain nombre de correctifs techniques importants de sécurité ne sont pas appliqués et la communauté, enfin les gens qui restent un peu sur OpenOffice, n’ont plus les moyens de les appliquer et, de l’autre côté, LibreOffice récupère la totalité des utilisateurs. Mais effectivement, le nom OpenOffice reste et, dans le grand public, il y a encore des gens qui ne connaissent qu’OpenOffice parce que c’est un produit qui a eu un essor important, une grosse communauté et c’est parfois difficile de leur expliquer qu’il vaut mieux passer sur LibreOffice. Que nous, association, on n’a pas d’intérêts particuliers à choisir l’une ou l’autre, mais on conseille à nos utilisateurs de passer sur LibreOffice puisque, effectivement, tout le code est maintenu, tous les gros opérateurs, éditeurs, qui participent à ce développement sont passés sur LibreOffice.
Frédéric Couchet : D’accord. On va justement aborder cette notion d’inciter les gens qui contribuent. Philippe et Stéphanie, est-ce que vous voulez compléter ce petit historique sur, justement, LibreOffice et The document Foundation, parce que tu as parlé d’une fondation, c’est The Document Foundation qui a été créée en quelle année Philippe ?
Philippe Hemmel : The Document Foundation en 2010, ça c’était un point que je voulais effectivement rajouter. Donc la création de LibreOffice en 2010 ; ça veut dire que c’est déjà un produit qui a neuf ans, qui a une belle solidité, c’est un des points à soulever. The Document Foundation.
Frédéric Couchet : En quelques mots déjà ?
Philippe Hemmel : En quelques mots, The document Foundation est un organisme à but non lucratif dont l’objectif est la gouvernance du projet LibreOffice en particulier.
Frédéric Couchet : D’accord. Stéphanie Robert, est-ce que tu veux compléter la partie historique ou c’est bon ?
Stéphanie Robert : Elle me semble complète. Juste pour raccrocher les wagons avec La Mouette, l’idée de l’association La Mouette, à la base, c’était de prendre le relais justement de CUsoon [Prononcé <em
Frédéric Couchet : Tu parlais de La Mouette, l’entité morale, donc en France.
Stéphanie Robert : Oui. Totalement. Là où je voulais en venir c’est que du coup, suite au fork OpenOffice et LibreOffice, c’est La Mouette qui a repris le relais depuis lors ; l’association a été créée justement pour tenir ce rôle-là.
Frédéric Couchet : Donc petit historique qui montre déjà que c’est très ancien. Les plus anciens se souviennent sans doute effectivement de Star Division StarOffice et ensuite ce qu’est devenu OpenOffice, le rachat de Sun Microsystems par Oracle. On peut dire qu’aujourd’hui qu’OpenOffice, effectivement, n’est plus, en gros, maintenu, en tout cas n’évolue plus même s’il est encore utilisé, comme le dit Christophe, par de nombreuses personnes et qu’une des actions à mener, à faire, c’est évidemment convaincre ces gens-là de migrer vers LibreOffice.
Je dirais que la deuxième question que j’ai envie de poser c’est pourquoi utiliser une suite bureautique libre ? On va supposer que les personnes qui nous écoutent, majoritairement, utilisent une autre suite bureautique, sans soute la suite Office de Microsoft ou une autre ; peut-être que certaines utilisent d’ailleurs OpenOffice ou LibreOffice et ne savent même pas que c’est une suite bureautique libre. Quelles sont déjà les raisons qui font qu’on doit utiliser une suite bureautique libre ? Philippe Hemmel.
Philippe Hemmel : Déjà les avantages liés au logiciel libre d’une façon générale. Je ne vais pas développer l’aspect gratuit ; ce n’est pas gratuit. Il n’y a effectivement pas de coût d’acquisition, pas de coût de mise à jour, ça c’est quand même un point important. Il y a évidemment des coûts de migration, des coûts de support, des coûts de maintenance, c’est clair, comme tout autre logiciel libre. Ça c’est un point qui me paraît important.
Un autre point important c’est l’aspect transparent. Donc la transparence et la confiance qui en découle. Point commun aussi aux logiciels libres.
De cette transparence naît aussi le fait qu’on puisse suivre très efficacement les évolutions. On sait ce qui va se passer, on sait ce qui arrive, on sait quelles sont les nouvelles versions, ce qui est incorporé dans ces versions.
Et puis, un point fondamental, c’est également l’ouverture de ce logiciel, donc l’interopérabilité. Je pense qu’on reviendra sur le format de document ODF, mais LibreOffice c’est une garantie d’ouverture et d’interopérabilité.
Frédéric Couchet : On reviendra sur les formats et aussi sur le terme interopérabilité que les gens ne connaissent pas forcément, même si on l’a déjà employé, évidemment, dans cette émission. Stéphanie est-ce que tu veux compléter cette partie sur pourquoi utiliser… ? Toi d’ailleurs, en tant que professionnelle, quels arguments tu utilises quand tu dois convaincre des gens de migrer vers une suite bureautique libre et, en l’occurrence, LibreOffice ?
Stéphanie Robert : Pour rebondir sur ce que dit Philippe, en premier lieu au-delà du coût, bien sûr, à savoir que ça réduit le coût des licences, un logiciel libre n’est pas pour autant gratuit. Ce qu’on dit souvent c’est qu’il est gratuit parce que quelqu’un l’a payé avant nous avant. Donc il est plus accessible, c’est un argument recevable. Il permet aussi une transparence, comme le dit Philippe, et puis une simplicité dans les montées de versions. C’est-à-dire que jusqu’alors on a des contraintes commerciales qui nous poussent tous les dix ans ou un petit moins à changer de version, à faire une mise à jour. Donc ça a un impact financier, je l’ai dit. Ça peut aussi avoir un impact sur le parc : ça nécessite des fois de mettre à jour d’autres choses, des composants, du matériel.
Frédéric Couchet : Le parc, le parc informatique.
Stéphanie Robert : Totalement. L’intérêt c’est que non seulement on est libre de choisir quand on monte de version. On peut vérifier si le logiciel fait toujours bien son travail, c’est l’intérêt du Libre, il est très transparent, s’il continuera à le faire bien, donc c’est une certaine sécurité. Et puis c’est un modèle qui se veut plus durable, tout simplement et plus pérenne. L’autre avantage aussi c’est qu’à partir du moment où, on en reparlera après, mon logiciel génère des fichiers qui sont interprétables par d’autres logiciels, si un jour j’ai un problème avec mon éditeur, si un jour j’ai un problème avec mon logiciel, je change d’éditeur, je change de logiciel, mais je garde mes fichiers. Et ça, en termes de durabilité, de pérennité, ce n’est pas possible avec un modèle propriétaire à qui appartiennent et le logiciel et nos données.
Frédéric Couchet : Ça c’est un point important, d’ailleurs on va l’aborder un petit peu tout de suite. Christophe Cazin va peut-être pouvoir répondre. J’ai sous les yeux une intervention récente d’un sénateur, dans le cadre de la commission d’enquête du Sénat sur la souveraineté numérique, qui évoque le fait qu’il utilise LibreOffice, donc un logiciel libre, pour des raisons vraiment volontaires, mais qui se pose la question notamment sur la pérennité des données. Il dit notamment : « Est-ce qu’il y a une garantie de la pérennité de mes données, car l’association qui l’anime peut disparaître du jour au lendemain – ça va être l’occasion de préciser que ce n’est pas forcément qu’une association qui est derrière LibreOffice. Le deuxième questionnement c’est : « Et il ne m’apporte aucune garantie en matière de sécurité. »
Justement sur la première question, la pérennité des données, Stéphanie Robert a commencé à parler du format de document, donc format ouvert, etc. Quelle est la réponse qu’on peut apporter à ce sénateur ? Christophe Cazin.
ChristopheCazin : Effectivement, déjà quand il se pose la question de la pérennité du produit, il faut savoir que justement le fait d’être passé d’OpenOffice à LibreOffice a démontré qu’avec l’abandon du support de la grosse société américaine, on a pu récupérer le logiciel, le refaire tourner dans un autre contexte et lui redonner une nouvelle énergie. Ce qui n’est pas le cas quand des grosses sociétés abandonnent leurs propres logiciels et laissent tous leurs utilisateurs en plan. C’est arrivé avec de nombreux produits. On sait qu’Internet Explorer est abandonné ; dans l’histoire des logiciels, on sait qu’il y a beaucoup de logiciels qui ont été abandonnés avec leurs droits et qu’ils sont irrécupérables.
Là, justement, on a démontré qu’un logiciel d’une complexité intense, puisqu’il y a une dizaine de millions de lignes de code, peut-être plus, donc vraiment un gros logiciel, par le fait même qu’il soit open source, peut être récupéré même si, effectivement, il est abandonné par son éditeur principal, et ça lui donne une pérennité infinie.
Frédéric Couchet : Ce n’est pas une garantie à 100 %, mais c’est la seule possibilité, effectivement, de conserver et de faire évoluer ce logiciel parce qu’il est libre.
Christophe Cazin : Disons qu’à partir du moment où le logiciel a un intérêt, il va vivre. Si un jour LibreOffice est abandonné, c’est parce qu’il y aura quelque chose de mieux qui va le remplacer. On ne laissera jamais les utilisateurs en plan parce qu’il y aura forcément une communauté qui va s’intéresser à eux et qui va pouvoir poursuivre ce travail, ce qui n’est pas possible avec un logiciel propriétaire.
Philippe Hemmel : C’est le cercle vertueux du logiciel libre : plus il y a d’utilisateurs, plus il y de contributeurs qui sont intéressés pour satisfaire les utilisateurs, plus il y a de sociétés qui s’intéressent aussi à ça, qui proposent une offre de services, donc plus il y a d’utilisateurs et on boucle.
Frédéric Couchet : Donc plus il y a d’intérêts convergents qui permettent de faire évoluer le logiciel et de le maintenir.
Ça c’est sur la partie logiciel libre et sur la partie des données, parce que ce sont deux choses différentes. Il faut un peu essayer de faire comprendre aux gens que ce sont deux choses différentes. C’est quoi un format de données d’ailleurs ? Est-ce que quelqu’un peut essayer de faire comprendre aux personnes qui nous écoutent ce qu’est un format de données et ce qu’est un format ouvert ?
Christophe Cazin : Un format de données, en informatique, c’est une suite de 1 et 0, mais qui soit est documentée, soit n’est pas documentée. Si vous avez un format de données et que vous n’avez pas l’expression de ce à quoi servent ces 1 et ces 0, eh bien vous ne pouvez pas les utiliser. Si vous avez un format de données ouvert, documenté et libre d’accès, c’est-à-dire que vous pouvez entre guillemets « utiliser » ce format-là pour l’implémenter dans n’importe quel autre logiciel, vous pouvez construire un logiciel autour puisque vous avez la documentation. Vous avez le droit de le faire et ça vous permet de ne pas perdre vos données dans l’avenir. À partir du moment où vous aurez gardé une trace de cette documentation, eh bien vous pourrez toujours ré-implémenter ces formats de données.
Frédéric Couchet : Ça c’est ce qu’on appelle un format ouvert. Le format ouvert de LibreOffice, enfin de LibreOffice, en tout cas l’un des formats ouverts que LibreOffice ouvre et sauvegarde, c’est ce que disait tout à l’heure Philippe Hemmel, c’est ODF, OpenDocument Format, donc format de document ouvert.
Philippe Hemmel : Oui. Tout à fait.
Christophe Cazin : Il y a une quinzaine d’années j’ai vu, par exemple, on avait un logiciel de GED propriétaire.
Frédéric Couchet : GED, c’est quoi ?
Christophe Cazin : De gestion électronique de documents, excusez-moi, propriétaire. L’éditeur a disparu et, en fait, a disparu avec la possibilité de traiter les documents qui étaient dedans. Donc les gens qui avaient choisi ce produit-là ont perdu les documents qui étaient dedans parce qu’ils ne pouvaient plus les sortir du logiciel. Ça on peut l’éviter, il faut l’éviter à tout prix et un format de document ouvert c’est ce qui garantit la plus grande pérennité dans l’avenir des documents qu’on met dedans, que ce soit des textes, des images, des photos et tout autre type de documents.
Frédéric Couchet : Donc pour répondre à ce sénateur, la réponse ce sont les formats ouverts et aussi la partie logiciel libre sur la partie sécurité. On lui transmettra évidement le podcast de cette émission. Tu veux compléter Christophe.
Christophe Cazin : On ira même plus loin. En fait j’ai pris contact avec la DSI [Direction du système informatique] du Parti communiste qui pourra peut-être nous proposer un entretien. C’est le rôle de La Mouette.
Frédéric Couchet : Je précise qu’en fait la question de ce sénateur est peut-être une question à laquelle il connaissait déjà la répondre car c’était dans le cadre d’une audition. En fait il interrogeait Henri Verdier, ancien DSI de l’État, directeur informatique de l’État. On peut supposer, connaissant en plus un peu ce sénateur, qu’il connaissait un petit peu la réponse, mais c’était une façon d’amener ces sujets sur la table.
Stéphanie, est-ce que tu veux compléter cette partie sur la partie formats ouverts, OpenDocument Format ?
Stéphanie Robert : Pour le mettre en lien, ce qui peut être apprécié avec l’outil de bureautique c’est que bien souvent il est lié à d’autres applicatifs. L’intérêt d’un format standard c’est cela, c’est-à-dire que si les applicatifs sont ouverts à l’ODF on a vraiment la possibilité de coupler notre outil de bureautique et tous les autres applicatifs avec des restitutions des formats de fichiers impeccables et puis des gestions de style, par exemple, et de mises en forme qui sont déjà intégrées, interprétées par les applicatifs, donc ce qui boucle la boucle. Un format standard est accessible et ergonomique.
Frédéric Couchet : Je vais préciser tout de suite, même si on abordera sans doute le sujet dans le cours de l’émission, concernant les institutions, les administrations, il y a un Référentiel Général d’Interopérabilité qui existe depuis de très nombreuses années et qui a vécu de nombreuses versions. Il faut préciser que la dernière version, qui est de 2016, met le format ODF, on va l’appeler l’ODF pour parler plus simplement, comme version recommandée à utiliser dans les administrations et que le format de Microsoft donc OOXML pour Office Open XML est mis en observation.
Christophe Cazin : En observation.
Frédéric Couchet : Et le document explicite clairement des manques dans ce format de Microsoft, donc recommande l’utilisation du format ODF pour les administrations. C’est le RGI, la dernière version de 2016.
Maintenant on va poursuivre maintenant pour expliquer un peu les fonctionnalités. Tu voulais compléter Philippe.
Philippe Hemmel : Oui, je voulais compléter deux choses sur le format. Effectivement, ce qu’il y a à noter aussi c’est que c’est géré par un consortium indépendant l’OASIS [Organization for the Advancement of Structured Information Standards], que c’est un format normalisé. Donc premier point positif, c’est l’indépendance vis-à-vis de tout éditeur ; c’est vrai que c’est un point à noter. Et puis un petit aspect important aussi c’est la simplicité de ce format-là comparée justement à Open XLM de Microsoft Office. Il n’y a qu’à compter le nombre de pages des spécifications, ça n’a rien à voir !
Christophe Cazin : C’est rapport 10.
Philippe Hemmel : Oui, rapport 10, tout à fait. Ça c’est un point important quand on veut le mettre en œuvre, c’est beaucoup plus simple à mettre en œuvre que le format concurrent, on va dire.
Frédéric Couchet : À ce sujet-là je vais juste lire un extrait du Référentiel Général d’Interopérabilité concernant le format de Microsoft et pourquoi il est au statut d’observation. Les raisons c’est « sa complexité, son manque d’ouverture, notamment dans la gouvernance de la norme, et le strict respect tardif de la norme par Microsoft-même n’ont pas permis de réviser son statut », donc il est laissé en observation. On explique très clairement que contrairement au format ODF, comme tu viens de l’expliquer, ce format de Microsoft est problématique à la fois par son contenu très compliqué et aussi, tout simplement, par sa gouvernance et même Microsoft, évidemment – je dirais que c’est un peu traditionnel avec Microsoft – ne respectait même pas son propre format, de façon assez volontaire, pour éviter, évidemment, d’avoir des concurrents.
On a parlé pas mal de formats, un petit peu avant ce qu’on avait prévu mais ce n’est pas très grave. On va revenir un petit peu sur LibreOffice et ça va nous permettre de répondre indirectement au quiz de tout à l’heure sur les fonctionnalités de LibreOffice et des modules. Parce que des suites bureautiques libres, enfin des outils bureautiques libres on en a connu certains, une des caractéristiques de LibreOffice, d’un point de vue technique, ce sont ses fonctionnalités : ça fait beaucoup de choses LibreOffice. Est-ce que « succinctement », entre guillemets, on peut passer en revue les principales fonctionnalités de LibreOffice ? Stéphanie.
Stéphanie Robert : Eh bien oui, c’est un produit complet puisqu’on va retrouver du traitement de texte, du tableur, du diaporama, du dessin vectoriel, un logiciel de bases, mathématiques et je me demande s’il n’en manque pas un. Vous en voyez un autre ?
Christophe Cazin : Non.
Philippe Hemmel : Non.
Frédéric Couchet : Donc tu en as cité combien ?
Stéphanie Robert : Six. Il y en a six.
Frédéric Couchet : Six. En fait oui, il y en a six. Donc la réponse au quiz de tout à l’heure c’est qu’il y en a six modules ou, en tout cas, six grosses fonctionnalités dans LibreOffice.
Stéphanie Robert : Et le tout avec des fonctionnalités répondant aux usages classiques, courants et avancés, puisque, si on reste d’un point de vue pragmatique, un tableur reste un tableur, un traitement de texte reste un traitement de texte et ainsi de suite. Donc de Microsoft Office à LibreOffice on va retrouver les mêmes choses, voire mieux, des fois, parce que mieux interprétées, mieux gérées. Que dire d’autre ? Le point fort, je dirais, ce serait la gestion des styles de mise en forme, je ne sais pas si tout le monde connaît.
Frédéric Couchet : Explique ça parce que c’est un point essentiel dans la bureautique que, je pense, pas grand monde n’utilise ou ne maîtrise.
Stéphanie Robert : C’est vrai que ça fait partie des choses qui sont méconnues mais qui sont fondamentales dans le traitement de texte. Le nerf de la guerre de la bureautique c’est la gestion des styles. Typiquement, si je dois faire une analogie, qu’est-ce qui fait qu’un site internet est restitué identiquement quel que soit notre ordinateur, notre smartphone, notre tablette ? C’est qu’il y a des standards et tout est régi par des titre 1, titre 2, du corps de texte. Eh bien c’est pareil en bureautique. LibreOffice est très carré. On a des outils pour automatiser la mise en page avec des paragraphes, des titre 1, des titres principaux, des styles de page, qui nous permettent d’appliquer aux paragraphes différents styles de mise en forme de façon automatique. Je ne fais qu’une fois ma mise en forme et je la répète dans mon document. Ça c’est intéressant pour les particuliers, c’est intéressant pour les collectivités qui ont bien souvent une image avec des logos, une charte graphique, donc ça fait partie des points forts de LibreOffice. Il y a aussi des versions applicatives de LibreOffice pour la lecture d’ODF sur les tablettes et smartphones en lecture pour l’instant et en bêta pour l’édition. Et il y a une version en ligne de LibreOffice, dont on parlera sûrement tout à l’heure, qui est aussi un des points des forts de cette suite-là. Donc c’est un produit en évolution constante, performant, et qui répond, je pense, à des usages personnels et professionnels, totalement.
Frédéric Couchet : Je vais essayer de compléter Christophe et Philippe. Juste pour préciser que sur le salon web on nous a signalé notamment le module, je ne sais pas si c’est un module, mais extérieur, qui est Grammalecte pour la correction grammaticale. C’est aussi une des forces du logiciel libre d’avoir des modules complémentaires qui viennent du monde du logiciel libre et qui permettent de former un tout encore meilleur.
Donc sur cette partie fonctionnalités à la fois pour le grand public mais aussi pour les professionnels, Christophe.
Christophe Cazin : Je voulais que La Mouette est un sponsor de Grammalecte puisque, si vous installez Grammalecte, vous faites « À propos » sur Grammalecte, vous verrez La Mouette qui sort en sponsor principal du produit.
Frédéric Couchet : Je ne savais pas. J’ai cité Grammalecte sans savoir ça.
Christophe Cazin : Voilà. C’est vrai que c’est un produit de correction grammaticale et orthographique qui est vraiment top et qui est intégré, on en parlera tout à l’heure, dans la version MIMO.
Autre chose qu’on n’a pas citée tout à l’heure dans les grands avantages du logiciel libre et, en particulier, sur LibreOffice, c’est qu’il existe une version pour tous les systèmes d’exploitation. Moi qui travaille sous Linux je suis heureux d’avoir une suite bureautique sous Linux alors que je ne peux pas installer la suite de Microsoft sur un poste Linux.
Frédéric Couchet : En fait il en existe sur GNU/Linux, il en existe sur Mac OS, Windows, etc.
Christophe Cazin : Tout à fait. Sur BSD, enfin il y en a plein, sur des processeurs ARM on peut faire tourner LibreOffice. Le fait que le code soit libre on peut l’intégrer sur tout type de processeur et tout type de système d’exploitation.
Frédéric Couchet : Et ça me permet de préciser que ce n’est pas le seul outil grand public comme ça, il y a aussi d’autres outils comme VLC pour lire de la vidéo. Et ça permet à des gens qui veulent commencer d’utiliser LibreOffice sur leur plateforme, que ce soit Microsoft ou autre, et ensuite, quand elles vont migrer sur un système entièrement libre, que ce soit un GNU/Linux ou un BSD, elles vont retrouver le même outil, avec la même version, avec les mêmes fonctionnalités, globalement, qu’elles avaient sur l’autre plate-forme.
Philippe tu veux compléter cette partie-là ?
Philippe Hemmel : Oui, tout à fait. On a cité l’extension Grammalecte, mais ce n’est pas la seule. L’intérêt de cet environnement LibreOffice, c’est aussi qu’il y a un écosystème derrière avec des développeurs qui proposent d’autres extensions. Je pense, Christophe tu en parleras peut-être tout à l’heure, mais dans le LibreOffice MIMO, typiquement, il y a pas mal d’extensions qui sont également intégrées. C’est un peu comme le système Firefox, c’est un des intérêts. On peut trouver un certain nombre d’extensions pour différents besoins. Donc c’est un point qui me paraît important.
Un autre petit avantage qu’on cite également souvent c’est l’export PDF de LibreOffice qui est excellent, quelle que soit sa version d’ailleurs, qui est intéressant, très utilisé. Moi je détecte tout de suite qu’un PDF est fait par LibreOffice parce qu’il est quand même mieux foutu, on va dire, que par un autre logiciel.
Frédéric Couchet : Très bien. J’allais essayer tendre un piège à la régie en disant qu’on allait faire une pause musicale, mais on va faire une pause musicale. Nous allons écouter My Little Kingdom par Golden Duck Orchestra.
Pause musicale : My Little Kingdom par Golden Duck Orchestra.
Voix off : Cause Commune 93.1
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter My Little Kingdom par Golden Duck Orchestra. C’est sous licence Creative Commons Attribution. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je vais en profiter pour répondre à la première question du quiz de tout à l’heure. Lors de l’émission du 18 juin a été évoqué un nouveau projet de Framasoft, un nouveau service libre, dont l’objectif est de permettre aux internautes de se rassembler, de s’organiser, de se mobiliser en dehors des événements Facebook et Meet-up. Je demandais quel était le nom de ce projet et comment s’écrit-il. Je n’ai pas eu de réponse, donc visiblement les gens n’ont pas forcément trouvé. Le nom de ce projet c’est Mobilizon, mais ça s’écrit avec « zon ». Il y avait un objectif de financement de 50 000 euros. Nous sommes à 15 jours avant la fin de la campagne et actuellement c’est 48 158 euros, donc il ne manque pas grand-chose, franchement ! Chers auditeurs et autrices, si vous voulez contribuer vous allez sur le site joinmobilizon.org, donc Mobilizon avec un « z » et sans « s » à la fin ou sur le site de Framasoft, framasoft.org.
Nous allons poursuivre notre sujet sur la bureautique libre, toujours avec nos invités Christophe Cazin, Stéphanie Robert et Philippe Hemmel. Sur le salon web de la radio, sur causecommune.fm, on a une question, je la retrouve, comment on installe LibreOffice ? On va supposer que c’est dans un cadre particulier, donc sur un ordinateur particulier. Stéphanie Robert.
Stéphanie Robert : Le plus simple c’est d’aller sur le site officiel, de faire libreoffice.org et de télécharger, tout simplement via l’invite de la page d’accueil, la dernière version stable délivrée par la communauté. Après, depuis ce site-là, on a la possibilité d’ajouter ou non des extensions pour accéder peut-être à des fonctionnalités supplémentaires. Il y a Grammalecte qu’on a citée, mais il y a tout un tas d’autres extensions qui permettent de personnaliser son LibreOffice à ses usages.
Frédéric Couchet : Donc c’est tout à fait simple. Sur les environnements libres, notamment, vous avez des magasins d’applications, je crois que c’est le terme français, sur lesquels vous cherchez tout simplement LibreOffice et vous allez l’installer. Vous aurez l’ensemble des modules, les six modules installés par défaut. Tu voulais compléter Christophe ?
Christophe Cazin : Non.
Frédéric Couchet : Je te voyais t’approcher du micro,
Christophe Cazin : On m’a dit de m’approcher du micro.
Frédéric Couchet : Ah oui ! C’est vrai. En régie Étienne nous a dit de parler près du micro pour que les gens entendent bien.
Ça c’est l’installation. On reviendra tout à l’heure sur la partie pour les professionnels et aussi les collectivités, parce que c’est peut-être un plus compliqué, ce n’est pas juste installer ; on profitera notamment de l’expérience de Stéphanie Robert. Là on va aborder une question que pose indirectement le sénateur dont j’ai parlé tout à l’heure et que se posent, sans doute, beaucoup de gens, c’est : comment est développé LibreOffice ? Par qui ? Parce que c’est un énorme projet. Tout à l’heure Christophe Cazin parlait de millions de lignes de code. Donc qui développe LibreOffice et pour quelles raisons ? Philippe Hemmel de The Document Foundation.
Philippe Hemmel : Je reviens un petit peu sur la Fondation justement, The Document Foundation. La Fondation, comme je disais, est un organisme à but non lucratif. Elle est là pour piloter le projet. Elle est complètement indépendante de toute société particulière — d’ailleurs, dans ses statuts, une société ne peut pas prendre le contrôle de cette fondation —, donc elle est constituée de membres qui élisent ce qu’on appelle un board des directeurs.
Frédéric Couchet : Un conseil d’administration.
Philippe Hemmel : Exactement. C’est un système un peu méritocratique, complètement même, ce sont les membres de la Fondation qui élisent ce board, ce conseil d’administration en français. Il y a une structure en place, ce n’est pas le seul comité ce board-là. Il y a d’autres structures qui sont intéressantes à citer telles que l’Engineering Steering Committe, ESC, on va dire.
Frédéric Couchet : En français ? Comité technique on va dire, d’ingénierie.
Philippe Hemmel : Exactement. Tout à fait. Un comité technique qui a des réunions hebdomadaires qui sont complètement ouvertes, on peut savoir ce qui s’est dit, ça c’est point important, typique d’un logiciel libre, donc on peut savoir quelles sont les décisions prises par ce comité technique, dans quelle direction va évoluer le produit. Donc il y a ça.
À noter aussi l’Advisory Board, on va dire le bureau de conseil.
Frédéric Couchet : Le groupe de conseillers. Le groupe de conseil.
Philippe Hemmel : Voilà. Le groupe de conseil qui est constitué d’un certain nombre de sociétés qui n’ont pas du tout de rôle de direction mais juste de support conseil. Parmi ces sociétés-là, je vais le citer quand même, il y a Google par exemple, il y a la ville de Munich, il y a d’autres sociétés.
Frédéric Couchet : La ville de Munich, ce n’est pas une société, c’est une ville qui a un long historique avec le logiciel libre.
Philippe Hemmel : Exactement. Tout à fait.
Frédéric Couchet : C’est intéressant parce qu’on voit quand même que des structures ayant à priori des intérêts différents, peut-être divergents des fois, se retrouvent derrière une fondation qui développe un logiciel libre.
Philippe Hemmel : Tout à fait. Et ce qu’il est important de savoir c’est que la Fondation ne salarie aucun développeur. Ce n’est pas du tout la Fondation qui développe le projet LibreOffice, mais ce sont d’autres membres, des individus, beaucoup de sociétés, qui interviennent sur le sujet, donc qui proposent des développeurs pour faire avancer le logiciel. Pourquoi des sociétés proposent des développeurs ?
Frédéric Couchet : Ça paraît surprenant dit comme ça.
Philippe Hemmel : Eh bien oui, tout à fait. Ce ne sont pas uniquement des sociétés philanthropiques, puisque dans le temps, on l’a rappelé, Christophe citait IBM, on ne voit pas IBM comme une société purement philanthropique. Effectivement, ces développeurs sont mis à disposition du projet parce que la société est intéressée d’une part par le projet et son principe, mais aussi parce qu’elle a un autre modèle économique qui est souvent basé sur le support et la maintenance et qui fait que plus elle est contribue, plus elle est crédible pour proposer du support et de la maintenance aux entreprises et aux administrations qui déploient du LibreOffice. Voilà. Donc il y a un autre modèle économique qui fait qu’il y a plusieurs sociétés qui vont proposer ce type d’offres. Donc plus il y a de sociétés qui proposent cette offre, plus le produit est solide. C’est pour ça que le produit a dix aujourd’hui et qu’il a démontré sa solidité.
Je peux citer quelques sociétés : les principales sociétés qui contribuent et qui proposent des développeurs sont Collabora, qui est une société anglaise, Red Hat, que les techniciens reconnaîtront malgré mon accent, et CIB, une société allemande aussi qui contribue beaucoup.
Frédéric Couchet : Quelle société ?
Philippe Hemmel : CIB, moins connue.
Frédéric Couchet : D’accord. OK.
Red Hat édite notamment une distribution GNU/Linux, propose une version communautaire et une version, on va dire, entreprise.
Donc des intérêts vraiment très divergents. Le rôle de la fondation, vu qu’elle ne développe pas, c’est de garder, on va dire, l’esprit du projet, la direction du projet ?
Philippe Hemmel : Exactement. C’est pour ça qu’il y a ce conseil technique, ce conseil de pilotage, c’est de voir aussi comment on utilise les fonds de la Fondation parce que la Fondation a des fonds, essentiellement par des dons, et ces fonds sont essentiellement utilisés pour les quelques salariés de la Fondation, il n’y en a pas beaucoup, une dizaine on va dire, eh puis les équipements, les serveurs qui vont héberger les outils de traduction, les outils de test, etc. Il y a beaucoup d’outils pour faire tourner ce logiciel, beaucoup d’outils auxquels les membres et tous les contributeurs ont accès, pour proposer, par exemple, la traduction française ou la traduction en basque ou je sais je ne sais quoi. Tiens, c’est un avantage qu’on n’a pas cité tout à l’heure : il y a énormément de traductions de LibreOffice, donc on peut l’avoir dans des langues très variées.
Frédéric Couchet : Ce qui est un des avantages, globalement, du logiciel libre et qui ne dépend pas d’un marché économique, qui dépend simplement de l’envie de gens de faire ces traductions
Philippe Hemmel : Exact. Tout à fait.
Frédéric Couchet : Christophe Cazin et Stéphanie Robert, est-ce que vous voulez compléter sur cette partie : qui développe et maintient LibreOffice ? Christophe.
Christophe Cazin : En fait non, je n’ai pas grand-chose à rajouter sur ce point.
Frédéric Couchet : Le site web de The Document Foundation c’est documentfoundation.org ?
Christophe Cazin : Oui.
Frédéric Couchet : D’accord.
Christophe Cazin : On pourrait parler de l’accessibilité avec Hypra. Je voulais aussi parler, on le fera peut-être plus tard, de la communauté francophone ou française-francophone.
Frédéric Couchet : On peut en parler maintenant parce que, comme je vous l’ai dit avant l’émission, le temps très vite, beaucoup plus vite qu’on le pense pendant l’émission. Si vous voulez parler rapidement de la communauté francophone, parce que là, on l’a bien dit, The Document Foundation c’est international. La fondation est de statut allemand. Donc la communauté francophone.
Christophe Cazin : Il y a une belle communauté francophone avec des développeurs et des intervenants divers, très fidèles, en fait, sur le projet. On a l’occasion, d’ailleurs, de se retrouver régulièrement parce qu’on organise des ateliers, souvent à Paris, pour de la traduction, du test, etc. Donc des développeurs indépendants. On a cité par exemple la personne qui fait Grammalecte, qui est directement intéressant pour LibreOffice, mais également d’autres, je ne vais pas tout citer, mais on a cité la société Hypra qui travaille sur l’accessibilité. On a aussi d’autres sociétés qui supportent le projet, je parlais justement des ateliers, Philippe parlera du HackFest qui aura lieu à Paris bientôt. On a la société Inno3 qui supporte également le projet par la fourniture de locaux et plus. C’est intéressant de noter cette activité, en fait, au niveau de la communauté francophone.
Frédéric Couchet : Tant qu’on est à la communauté francophone et après on parlera administrations et collectivités, notamment aussi migration et puis groupe MIMO, parce que depuis tout à l’heure on parle du groupe MIMO, je pense qu’on a oublié ce que c’est. La Mouette rapidement, sur la communauté francophone La Mouette. Christophe.
Christophe Cazin : La Mouette, en fait, est née en 2009 au moment où effectivement OpenOffice a pris son essor. Le statut de La Mouette, à l’origine, c’était vraiment le support de la communauté OpenOffice. Au moment où Oracle a abandonné OpenOffice, eh bien nous on a changé nos statuts et on ne voulait pas se faire avoir une autre fois. En fait, La Mouette a repositionné son statut sur le support de la bureautique ouverte et du format ODF, ce qui nous permet de supporter activement LibreOffice qui est le principal produit qui anime notre association.
La Mouette, en fait, assure un certain nombre de représentativités dans les salons pour, justement, expliquer ce que c’est que la bureautique ouverte et ce que c’est que LibreOffice. Nous avons le droit d’utiliser le trade-mark LibreOffice avec un accord avec The Document Foundation, donc on met aussi bien notre petit panneau La Mouette, mais parfois un grand panneau LibreOffice et, dans les salons, les gens viennent nous demander : c’est quoi la différence avec OpenOffice ? Comment on l’installe ? Et toutes les questions qu’on se pose dans cette émission. On fait beaucoup de salons informatiques d’une manière générale, mais on a aussi fait des salons un peu plus grand public comme Primevère à Lyon et la Fête de l’Humanité, donc tous les salons qui nous acceptent et où le droit d’entrée n’est pas insupportable pour notre petite association.
Frédéric Couchet : Excellent. Ça me fait penser, sur les marques déposées, que c’est important cette marque déposée LibreOffice parce que ça garantit le logiciel, en fait, sa provenance. Je crois avoir vu passer récemment des news comme quoi il y avait des gens qui prenaient des logiciels libres, les modifiaient, remettaient un nom et faisaient à peu près n’importe quoi. Le fait qu’il y a cette trade-mark, ça explique, c’est important. Donc The Document Foundation est responsable de cette trade-mark et décide quand les gens ont le droit de l’utiliser.
Christophe Cazin : Oui et c’est pour ça qu’il faut vraiment aller chercher LibreOffice à la source, sur le site qu’a cité Stéphanie pour la version française, et ne pas aller taper LibreOffice dans un moteur de recherche quelconque et arriver sur n’importe quel lien, parce que là on peut tomber sur des produits qui ne sont pas très fiables.
Frédéric Couchet : Et c’est vrai pour tous les logiciels libres. Malheureusement il y a des gens qui se comportent très mal. Donc allez à la source.
Tout à l’heure, Stéphanie, tu as expliqué comment installer LibreOffice pour une personne, mais évidemment, dans le cas d’une institution, soit une entreprise, une collectivité, c’est un peu plus compliqué. On a eu récemment Laurence Comparat, adjointe à la ville de Grenoble, qui nous expliquait notamment la migration en cours vers LibreOffice, les questions d’adhérence aux outils métiers, etc. Toi tu es cheffe de projet de cette migration. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu en quoi consiste une migration dans une collectivité, les points auxquels il faut faire attention et le temps que ça prend pour migrer correctement d’un environnement totalement propriétaire à un environnement de bureautique libre ?
Stéphanie Robert : Je pense que c’est la même logique pour tout le monde, pour tous ceux qui font le choix de migrer. Après, ce ne sera pas le même opératoire. Pour faire simple, au gré des retours que nous avons déjà, en tant que La Mouette, d’autres collectivités qui ont migré, et au vu de ce qui se passe à Grenoble, je dirais qu’une migration est avant tout plus un projet humain que technique. C’est-à-dire qu’on a tendance à se focaliser sur la technique alors qu’en réalité il va s’agir surtout de s’axer sur les ressources dont on va avoir besoin, à savoir que c’est un projet comme un autre qui va nécessiter quand même une équipe dédiée, idéalement sensibilisée au Libre, du moins qui connaît son fonctionnement. S’attendre aussi à ce qu’il y ait des êtres humains derrière les ordinateurs, nous sommes tous frileux face au changement, qu’il va y avoir la conduite du changement à mettre en place. Je pense que le point clef c’est avant tout ça, cet aspect humain.
Ce n’est pas technique, à mon sens, parce que ce sont avant tout de points d’accompagnement. On parle des applicatifs métiers, il y a des adhérences à certains applicatifs métiers, mais cela ne concerne pas tous les applicatifs et puis il y a différents niveaux d’adhérence. Une application métier qui n’exporte par exemple qu’en format Microsoft Office XLSX ou DOCX ce n’est pas un point bloquant, parce que, pour mémoire, LibreOffice est en effet capable d’interpréter les formats de Microsoft Office, donc tout va bien. Donc il y a différents niveaux de compatibilité, je dirais, des applications métiers, mais ce n’est pas un point bloquant. Selon les retours qu’on a il y a entre 80 % des postes de travail ou 60 % des postes de travail qui vont migrer totalement à LibreOffice et le reste c’est ponctuel.
Il y a aussi un accompagnement à prévoir dans la reprise des fichiers, c’est-à-dire qu’il faut s’attendre à ce qu’il y ait la majorité des fichiers qui soient repris naturellement de Microsoft Office à LibreOffice, mais il y a des points d’accompagnement. C’est à prendre en charge dans le cadre du projet.
Et ensuite, bien sûr, il y a de la formation. Dans la conduite du changement, on a le déclic au moment où on clique et on re-clique, donc il faut mettre en place des formations pour que les agents retrouvent leurs repères et puis de l’assistance et du support.
Je pense que ce sont les grandes étapes à mettre en place et nous préconisons de préparer la migration avant de passer au nouvel outil en sachant qu’idéalement l’outil doit être installé le plus tôt possible et que la migration se matérialise idéalement lorsque les agents sont formés et ont l’occasion, en effet, de cliquer et d’utiliser le nouvel outil.
Il y a un point qui est important aussi, bien souvent ça se fait naturellement lors de l’analyse des usages, c’est que la migration c’est souvent l‘occasion d’optimiser les usages. C’est-à-dire que souvent les agents produisent, n’ont pas l’occasion de remettre forcément en question les process, les protocoles, ni les fichiers. Là, souvent, on se rend compte qu’on peut simplifier, optimiser, mettre à disposition des nouveaux outils, on en a parlé tout à l’heure, les fichiers modèles, notamment, c’est un cas typique. Mettre à disposition des nouveaux fichiers modèles à la charte, avec tous les outils automatiques qu’on peut ajouter avec LibreOffice — des sommaires automatiques, des numérotations des pages et j’en passe —, tout ça fait que la migration peut se passer en douceur et bien. Puisque concrètement, une fois qu’on a passé le déclic psychologique de « j’ai retrouvé mes repères », en fait on a des bons retours de la part des agents qui trouvent que la suite est plus ergonomique, plus simple.
Frédéric Couchet : D’accord. Philippe Hemmel, tu voulais compléter ? Quelque chose sur la migration ?
Philippe Hemmel : J’acquiesçais beaucoup, tout à fait. J’ai également un lourd passé, on va dire, d’accompagnement de migrations. Je suis tout à fait d’accord avec ce que je dis Stéphanie, j’ajouterais peut-être deux points. C’est un sujet où on a besoin d’obtenir l’adhésion des utilisateurs, de convaincre, donc c’est aussi un sujet de communication. J’ai pu constater, par le passé, qu’on y arrive, en fait en présentant comment ça va se passer, ce qu’il y a d’inclus dans le logiciel, etc., on peut rassurer les utilisateurs et changer leur état d’esprit parce qu’ils n’ont pas obligatoirement envie au départ, et ça se comprend, c’est une réaction normale.
D’autre part, il faut présenter les bénéfices. Là on présentait quelques points, par exemple Stéphanie parlait des modèles. Eh bien oui. On peut aussi faire un packaging personnalisé en ajoutant une galerie d’images spécifiques à l’organisation avec les logos, d’autres éléments de type images : avoir un palette de couleurs, avoir un accès direct aux modèles. Par exemple on fait « Fichier - Nouveau - Modèles » et direct on a les modèles de l’organisation. Donc on peut personnaliser pour faire en sorte qu’ils aient un environnement bureautique meilleur qu’avant.
Frédéric Couchet : Très bien. Christophe Cazin, tout à l’heure tu as parlé du groupe MIMO. Tu vas nous expliquer le groupe MIMO et j’aurais envie de te dire qu’est-ce qui se passe dans l’administration, dans l’État ? On a parlé récemment du SILL qui a été publié, le SILL, le Socle Interministériel des logiciels libres, c’est un peu la liste des logiciels libres qui sont recommandés, encouragés, je ne sais pas exactement, par l’État dans les administrations ; évidemment LibreOffice en fait partie. C’est quoi MIMO et un peu l’état, peut-être, de LibreOffice dans l’administration ?
Christophe Cazin : MIMO est un groupe de travail interministériel qui réfléchit sur le choix d’un certain nombre d’outils libres qui peuvent être diffusés dans l’administration. La règle pour, entre guillemets, « être diffusé », il faut qu’il y ait un référent et, si possible, au moins deux administrations qui l’utilisent d’une manière active. À partir de ça, il faut que les gens se mettent d’accord et publient cette liste.
MIMO existe depuis plus d’une dizaine d’années ; il est né sur la bureautique libre, justement sur OpenOffice. MIMO ça voulait dire Mutualisation interministérielle autour d’OpenOffice ; on a gardé ce terme pour Mutualisation interministérielle pour une bureautique ouverte et on a gardé le sigle MIMO puisqu’il était rentré dans le domaine courant.
Ce groupe de travail sélectionne un certain nombre de logiciels du SILL, Socle interministériel logiciels libres, et customise une version de LibreOffice particulière. Enfin il en choisit une pour l’année et il corrige un certain nombre de petits défauts qui sont liés à son utilisation dans les administrations de l’État. Ces correctifs sont reversés à The Document Foundation qui les utilise ou ne les utilise pas, suivant le choix ou la qualité.
Une fois que cette customisation est faite, on y rajoute un certain nombre de plugins dont le célèbre Grammalecte dont on a parlé. Cette année on a rajouté un plugin important qui s’appelle LireCouleur, qui permet aux personnes dyslexiques de pouvoir, entre guillemets, « adapter » le traitement de texte, de corriger en fait le texte, lui rajouter des couleurs suivant les syllabes, suivant les premières lettres, toutes les formes de dyslexie et ce produit packagé, en fait, forme MIMO ; il est téléchargeable par tout un chacun, y compris les particuliers ; sur un moteur de recherche vous taperez MIMO, vous pouvez trouver ce produit. C’est une installation qui n’existe que sous Microsoft Windows puisque la majorité des postes de travail de l’État sont sous Microsoft Windows. Par contre, une fois installé, vous y retrouverez un certain nombre d’outils qui sont utilisés par les administrations et qui sont, entre guillemets, « vérifiés », comme le publipostage ou des choses comme ça qui sont des choses courantes utilisées dans l’administration. Non seulement les administrations de l’État, les ministères, l’utilisent, mais aussi beaucoup de collectivités territoriales qui choisissent cette distribution justement parce qu’elle est vérifiée, corrigée pour le type d’utilisation qu’on en a.
Frédéric Couchet : Tout va bien dans l’État pour la partie logiciel libre ?
Christophe Cazin : Je dirais tout va bien dans l’État pour la partie logiciel libre.
Frédéric Couchet : Est-ce qu’on a un état des lieux, ou pas, de l’utilisation ?
Christophe Cazin : Oui, on en un a un, mais je ne saurais pas dire, entre guillemets, ministère par ministère qui prend et qui abandonne. C’est toujours un rythme, ce sont des choix politiques qui sont faits. Notre groupe de travail se contente de fournir ces outils-là ; ils sont utilisés ou pas. Après, chaque ministère a sa stratégie d’utilisation ou pas de cette suite bureautique. Mais bon ! Globalement ça se tient. C’est quand même très utilisé. Par contre je vois vraiment beaucoup d’utilisation dans les collectivités territoriales et de plus en plus.
Frédéric Couchet : D’accord. Concernant l’État, à la dernière émission avant la pause estivale, le 9 juillet, nous recevons Bastien Guerry qui travaille à la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État, on lui posera la question pour savoir s’il a des éléments. En tout cas on a mieux compris le groupe MIMO.
Il nous reste relativement peu de temps, enfin même très peu de temps. Tout à l’heure, dans les questions du quiz, j’avais posé une question : est-ce qu’il est possible d’écrire de façon collaborative avec LibreOffice ? Je crois que Stéphanie Robert a évoqué LibreOffice Online. Rapidement, est-ce que quelqu’un peut expliquer ce qu’est LibreOffice Online. Peut-être Philippe Hemmel.
Philippe Hemmel : Oui. LibreOffice Online c’est effectivement un éditeur en ligne, accessible depuis son navigateur, avec aucun outil installé sur le poste de travail. Il nécessite un autre outil pour gérer les documents, LibreOffice Online c’est uniquement l’édition, donc on l’adosse à un outil de gestion de documents type Nextcloud ou Alfresco, à une autre gestion électronique de documents. On l’installe, en général, sur les serveurs de l’organisation. Ça c’est une différence. Souvent on pense que c’est dans le cloud. Non, là c’est chez soi, donc avantage, on maîtrise les données, c’est complètement géré. Les points particuliers à noter c’est que ça s’appuie complètement sur LibreOffice pour le rendu des documents, donc ça apparaît exactement comme ça va apparaître dans un LibreOffice ; il y a une très bonne fidélité de rendu des documents, c’est important. Évidemment on peut accéder à plusieurs utilisateurs en simultané pour éditer le même document. On voit qui est connecté, on voit ce que font les autres. Ça c’est fondamental aussi. En fait, on se rend compte qu’au niveau usages, ce qu’il y a de très intéressant c’est que, du coup, il n’y a pas de verrous pour accéder à des documents. Donc on peut dire « tel document, le budget, l’appel d’offres ou je ne sais quoi, votre partie est là, accédez-y quand vous voulez, vous ne serez pas gêné par les autres ». Donc ça c’est un cas d’usage qui facilite vraiment la vie des utilisateurs. Et puis des fonctions qui sont essentiellement accès sur la collaboration, avec des fonctionnalités avancées qui sont intégrées au fur et à mesure, il y a une évolution assez rapide du produit.
Frédéric Couchet : D’accord. Super. En une minute l’actu. Tout à l’heure vous avez parlé de LibreFest ?
Philippe Hemmel : HackFest.
Frédéric Couchet : HackFest, ça se passe où et quand ?
Philippe Hemmel : Ça se passe à Paris, dans les locaux d’Inno3, Paris 10e. C’est le 5 et 6 juillet, j’ai un gros doute tout d’un coup, le vendredi et le samedi
Frédéric Couchet : 6 et 7 juillet, vendredi et samedi, c’est 6 et 7. Quel est le public attendu ?
Philippe Hemmel : Le public attendu ce sont des développeurs essentiellement. Ce sont des gens qui ont envie de s’intégrer dans le projet LibreOffice et qui veulent comprendre comment ça fonctionne, comment avancer, comment compiler et développer. Ils seront encadrés par des gens des sociétés expertes qui travaillent sur LibreOffice, donc des cadors. Donc c’est vraiment l’occasion de venir pour comprendre comment ça marche et être mis le pied à l’étrier
Frédéric Couchet : D’accord. Dix secondes chacun si vous avez envie d’apporter un mot de conclusion ou un complément. Christophe Cazin.
Christophe Cazin : Sur La Mouette on lance notre nouveau site qui a été co-réalisé avec Stéphanie, lamouette.org. Donc on a un tout nouveau site et on offre à nos adhérents un accès à LibreOffice Online, parce que ce n’est pas quelque chose qu’ils peuvent mettre en œuvre personnellement, avec un espace disque. Donc ils pourront tester ce produit en ligne pour tous ceux qui seront adhérents de La Mouette.
Frédéric Couchet : Bien. Véronique … Pourquoi Véronique ! Stéphanie Robert.
Stéphanie Robert : Eh bien oui, pour clôturer. Donc nouveau site internet avec ces fameux témoignages et retours d’expérience, si je reboucle avec la migration vers LibreOffice pour les collectivités. On les appelle à témoigner, si elles peuvent. Bénéficier des témoignages des autres collectivités. Et puis, s’il faut finir sur une autre note…
Philippe Hemmel : La conférence LibreOffice internationale à Almeria en septembre aussi, pour ceux que ça intéresse, trois-quatre jours intenses avec beaucoup de présentations de tous les pays du monde qui utilisent LibreOffice, donc on a comme ça une restitution de l’évolution des migrations un peu partout, c’est très intéressant.
Frédéric Couchet : Écoutez, on se donne rendez-vous là-bas, en tout cas les personnes qui seraient intéressées.
Je remercie nos invités : Christophe Cazin de La Mouette et du groupe de travail MIMO ; Stéphanie Robert de La Mouette et cheffe de projet de la migration LibreOffice à Grenoble ; Philippe Hemmel de The Document Foundation et de la société Arawa. Merci à vous et belle journée.
Christophe Cazin : Merci
Stéphanie Robert : Merci.
Philippe Hemmel : Merci beaucoup.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter HT Moi par Dag-z et on se retrouve juste après.
Pause musicale : HT Moi par Dag-z
Voix off : Cause Commune 93.1.</em
Chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame sur la quête du libre à la FPH
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter HT Moi par Dag-z c’est sous licence Art Libre. Vous retrouvez les références sur le site de l’April.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique de Vincent Calame « Jouons collectif », donc choses vues, entendues et vécues autour de l’usage des logiciels libres au sein de collectifs, associations mouvements, équipes en tout genre. Témoignage d’un informaticien embarqué au sein de groupes de néophytes. C’est ta chronique, Vincent Calame, et le sujet du jour intitulé peut-être un peu pompeusement mais en tout cas « La quête du libre à la FPH ». Alors quand commence cette quête et quelle est cette quête ?
Vincent Calame : Cette quête commence fin 2004, donc là aussi on parle de l’archéologie de l’informatique. Je voulais d’abord parler de migration autour du logiciel libre, mais je me suis rendu compte, quand j’ai écrit cette chronique, qu’on avait un peu tous les éléments d’une histoire épique, qu’on avait un but initial clair qui était de basculer vers le logiciel libre, qu’on avait des obstacles, des culs de sac, des tentations, des renoncements, et surtout une très belle galerie de méchants à affronter et de dragons à terrasser parce que, comme disait Hitchcock, « meilleur sera le méchant le meilleur sera le film ». Dans notre cas, les méchants ce sont les logiciels privateurs. En 2004 le grand méchant, lui, s’appelait Microsoft. Avant 2004, la FPH…
Frédéric Couchet : La FPH, on va rappeler, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme, qui est située à Paris et qui soutient de très nombreux projets.
Vincent Calame : On avait déjà commencé à tenter de quitter Microsoft en utilisant des logiciels qui n’étaient pas libres comme Star Office ou Netscape, Star Office qui a été cité par l’intervenant précédent. Mais le grand virage, où on a commencé, ça a été 2004 avec la sortie fin 2004 de Firefox, la version 1.0 de Firefox, le navigateur, et c’est là que nous avons fait la migration en constituant un peu, je dirais, ce que s’appelle le trio magique de la bureautique, en tout cas en ce qui me concerne, qui était Thunderbird pour la messagerie, Firefox pour la navigation et OpenOffice, largement abordé dans l’émission, dans la partie précédente, sur la question du traitement de texte. Nous avons installé ça en 2004-2005 et, à ce moment-là, avec ce trio magique, on avait 80 % de l’usage quotidien de l’informatique par les salariés de la FPH qui était couverts par du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Est-ce que l’installation s’est bien passée ?
Vincent Calame : C’est là qu’on a affronté les premiers obstacles, c’est une quête. Pour Firefox c’était sans problème parce que, en fait, un navigateur a des outils assez basiques.
Frédéric Couchet : À l’époque.
Vincent Calame : À l’époque voilà. À l’époque il n’y avait pas d’extensions, ce n’était pas aussi répandu, donc fondamentalement ça c’était très rapide.
Thunderbird ça s’est très bien passé, c’est même, on peut dire, la meilleure réussite pour une raison toute simple, c’est que le logiciel que nous avions avant n’avait pas de filtres contre les indésirables, donc les gens traitaient à la main. À ce moment-là Thunderbird est arrivé avec ce filtre, on l’a installé et les gens étaient ravis puisqu’il y avait vraiment un gain de confort de travail immédiat.
En fait, le vrai obstacle a été OpenOffice, son installation.
Frédéric Couchet : À cause du logiciel ?
Vincent Calame : Non. Je ne remets pas en cause le logiciel. C’était la version 1.0 à l’époque, tout comme, il restait encore plein de choses à faire. Simplement, comme il a été dit, eh bien un traitement de texte, tableur et ainsi de suite c’est un outil beaucoup plus complexe qu’un simple navigateur, mais il faut dire aussi que le problème est venu de nous-mêmes, des informaticiens dans la place.
Frédéric Couchet : Qu’est-ce que vous avez fait ?
Vincent Calame : On a commis l’erreur d’installer OpenOffice sur les postes des gens sans avertissement
[Bouh !!!]
Vincent Calame : Oui. Tout à fait. En fait les personnes se sont retrouvées au retour des vacances avec leur environnement changé, donc situation effectivement…
Frédéric Couchet : Vous n’imaginez pas la tête de Stéphanie Robert, cheffe de projet de migration qui est désespérée ! Mais c’était à une autre époque.
Vincent Calame : C’était en 2004. Voilà ! Nous étions encore pleins d’allant en pensant que le simple fait d’installer du logiciel libre allait créer des miracles alors qu’effectivement ça a été perçu comme ce que c’était, c’est-à-dire une décision verticale, prise par les informaticiens qui jouaient avec leur bébé et aussi, négatif, l’impression c’est que c’était fait uniquement parce que c’était gratuit, donc uniquement aussi pour des raisons budgétaires. Et ça, nous en sommes sortis en organisant des formations, bien sûr, parce que deux apports énormes de la formation c’est de faire intervenir un tiers hors de la structure qui va guider.
Frédéric Couchet : Un ou une professionnelle de la migration.
Vincent Calame : De la formation et ça permet aussi de montrer qu’on n’est pas là pour faire des économies. Au contraire, on investit dans la formation ce qu’on a économisé sur les licences.
Mais le deuxième obstacle qu’on a rencontré avec OpenOffice, qui n’est pas le problème d’OpenOffice, mais c’était notre environnement de travail, puisque la Fondation est un organisme qui travaille beaucoup à l’international avec de nombreux partenaires à travers le monde et là, le problème c’est que nous étions pionniers à l’époque et très peu de gens utilisaient OpenOffice, donc utilisaient le format ; la norme étant le piratage de Microsoft Word, il faut bien le dire.
Frédéric Couchet : On va dire la copie illicite plutôt que le piratage. C’est un terme un peu moins de propagande.
Vincent Calame : Tout à fait, allons-y, copie illicite. Bref, pour les gens c’était la même chose puisque c’était la gratuité qui comptait et là on devait même maintenir des versions de Microsoft Word un certain temps quand on affrontait des mises en forme complexes qui se trimballaient d’une organisation à une autre quand on travaille sur un document commun. Là je parle des années 2000, donc il n’y avait pas tous ces outils de travail en ligne.
Frédéric Couchet : Tout à l’heure tu as parlé du trio courrielleur Thunderbird, bureautique OpenOffice et navigateur web Firefox, qui couvrait 80 % des besoins des personnes de la FPH. Et les 20 % restants ?
Vincent Calame : Les 20 % restants, on va dire que ce sont trois choses :
il y a des petits logiciels pour des petites applications spécifiques, à l’époque, par exemple, c’était WinZip pour la question des archives ZIP. Dans ce cas-là il a suffi d’attendre, d’une certaine manière, que les solutions libres se développent, par exemple 7-Zip pour la question des compressions de fichiers.
Après il y a le deuxième cas qui sont les logiciels très spécifiques, on va dire les logiciels métiers comme la comptabilité, donc qui sont d’autres problèmes.
Ensuite il y avait des développements maison qui existaient avant, parce qu’on partait évidemment d’un existant. On avait une application qui tournait sur un logiciel du début des années 90 et qui fonctionnait très bien, enfin très bien pour un logiciel des années 90, il était très performant, c’était pour la gestion des documents et de l’annuaire, et là ça a été mon travail en tant que codeur, j’ai développé la nouvelle version de ce logiciel, mais sous un mode client-serveur et évidemment les gens passaient par leur navigateur. Là, le passage s’est fait sans problème parce que le but était d’améliorer, donc les gens n’ont pas eu de problème à passer à ce type de logiciel, mais ça a pris du temps parce qu’il faut reprendre toutes les fonctionnalités, les implémenter et changer un peu les habitudes de travail.
Frédéric Couchet : Jusqu’à présent tu as parlé de logiciel libre, mais je suppose que c’était sous un environnement Windows. Quid du système d’exploitation, et notamment de GNU/Linux ?
Vincent Calame : GNU/Linux c’est effectivement l’objectif de la quête, c’est comme le Saint Graal, si on veut aller vers un système 100 % libre. Mais là c’est aussi une très longue histoire. Ce sera l’objet de ma chronique la semaine prochaine, puisque la semaine prochaine nous avons une série de chroniques ; la suite sera au prochain numéro. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine.
Frédéric Couchet : Waouh ! Amis auditeurs et auditrices, nous allons devoir attendre, patienter jusqu’à mardi prochain pour savoir si le chevalier Vincent a permis à la FPH de réussir sa quête de la sainte liberté informatique. Écoute, Vincent, je te dis à la semaine prochaine et passe une belle journée d’ici là.
Frédéric Couchet : Merci.
Frédéric Couchet : Merci Vincent.
[Virgule musicale]
Annonces
Frédéric Couchet : Nous approchons de la fin de l’émission.
Dans les annonces il y a un apéro April ce vendredi 28 juin 2019, au local de l’April dans le 14e, toutes les personnes sont les bienvenues ; nous aurons beaucoup de bouteilles d’eau et d’autres bouteilles qu’il faut consommer un peu moins en général et encore plus quand il fait très chaud.
Il y a un autre événement qui se passe à Choisy-le-Roi en Île-de-France, dans le Val-de-Marne si je me souviens bien, ça s’appelle Pas Sage en Seine, une rencontre consacrée au logiciel libre, au hacking et sa culture, depuis 2008. C’est de jeudi 27 juin à dimanche 30 juin. Il va y avoir beaucoup d’événements, je crois qu’il y a 80 conférences, et l’April aura un stand.
La semaine dernière je vous parlais du documentaire Disparaitre qui faisait un appel à financement. L’appel à financement s’est terminé positivement. Donc nous aurons le documentaire Disparaitre qui sera financé, qui est la suite du documentaire Nothind to Hide dédié à l’acceptation de la surveillance de la population à travers l’argument de « je n’ai rien à cacher ».
Tous les autres événements vous les retrouvez sur l’Agenda du Libre, agendadulibre.org.
Début juillet, le week-end des 6 et 7 juillet il y a un événement lié à LibreOffice à Paris et ensuite, à la rentrée, c’est en Espagne, si je me souviens bien. En tout cas vous retrouverez tous ces événements sur l’Agenda du Libre.
Notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Marie-Odile Morandi même si on l’a perdue en cours de route, on la retrouvera bientôt pour une nouvelle chronique ; Philippe Hemmel ; Véronique, décidément ! En fait je sais pourquoi je veux t’appeler Véronique, mais je te le dirai après. Stéphanie Robert, Christophe Cazin, Vincent Calame.
Je remercie également Christian Pierre Momon qui est revenu dans le studio pour faire quelques photos.
Aux manettes de la régie aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu. Merci à lui aussi.
Évidemment un grand merci également à Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio, qui s’occupe notamment de traiter les podcasts, donc il va enlever tous les petits bruits du direct qui sont inutiles, ce qui nous permettra la rediffusion à 21 heures de l’émission.
Vous retrouverez sur le site de l’April, april.org, un page avec toutes les références utiles. Vous pouvez également nous contacter, nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais également les points d’amélioration.
Comme l’a dit Vincent, la prochaine émission aura lieu mardi 2 juillet juin 2019 à 15 heures 30, émission spéciale avec que des chroniques ; il y aura Vincent Calame pour « Jouons collectif » qui nous donnera la fin de sa quête ; il y aura Véronique Bonnet ; je pense qu’il y aura ma collègue Isabella Vanni et puis je ne sais plus. Écoutez, regardez sur le site de l’April pour le programme.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 2 juillet et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.