Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l’émission du 19 mars 2019

Titre :
Émission Libre à vous ! diffusée mardi 19 mars 2019 sur radio Cause Commune
Intervenants :
Marie-Odile Morandi - Jehan Pagès - Lionel Allorge - Anne-Catherine Lorrain - Étienne Gonnu - Frédéric Couchet
Lieu :
Radio Cause Commune
Date :
19 mars 2019
Durée :
1 h 30 min
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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco.

Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

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Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur causecommune.fm. La radio dispose d’un webchat, donc utilisez votre navigateur web préféré, allez sur causecommune.fm, vous cliquez sur « chat » et vous rejoignez le salon de la radio.

Nous sommes mardi 19 mars 2019, mais vous écoutez peut-être un podcast ou une rediffusion.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, son délégué général. Avec moi également mon collègue Étienne Gonnu et Patrick Creusot en régie. Bonjour Étienne et bonjour Patrick. Je vous présenterai ultérieurement les invités pour cette émission.
Le site web de l’April c’est april.org. Vous y trouvez déjà une page avec des références concernant cette émission, qui sera mise à jour après l’émission évidemment en fonction de nos discussions et des liens que l’on citera. Je vous souhaite une excellente écoute.
On va passer au programme de cette émission. Nous allons commencer dans quelques secondes par la chronique de Marie-Odile Morandi, « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ». Normalement Marie-Odile est avec nous par téléphone. Bonjour Marie-Odile.
Marie-Odile Morandi : Bonjour.
Frédéric Couchet : On se retrouve dans quelques secondes.

D’ici une quinzaine de minutes, notre sujet principal portera sur les logiciels libres pour l’image et la vidéo. Avec moi en studio il y a Jehan Pagès. Bonjour Jehan.
Jehan Pagès : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et Lionel Allorge. Bonjour Lionel.
Lionel Allorge : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et ensuite, après ce sujet, nous passerons à un point sur la directive droit d’auteur à quelques jours du vote en séance plénière au Parlement européen avec notamment Anne-Catherine Lorrain qui travaille auprès du groupe des Verts européens au Parlement européen.

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture »

Tout de suite place au premier sujet. Nous allons commencer par l’intervention de Marie-Odile Morandi qui s’occupe du groupe Transcriptions pour l’April. La chronique de Marie-Odile est intitulée « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ». Marie-Odile va nous présenter des coups de cœur. Quels sont tes coups de cœur aujourd’hui Marie-Odile ?
Marie-Odile Morandi : Pas tout à fait des coups de cœur aujourd’hui. Nous sommes bombardés de tous côtés de mauvaises nouvelles, d’attaques à nos libertés, nous avons souvent l’impression d’un monde sans issue. Aujourd’hui je souhaitais faire un petit clin d’œil à nos auditeurs et à nos auditrices et leur parler de personnes et de projets qui nous élèvent et qui, n’ayons pas peur des grands mots, élèvent l’humanité tout entière, car ces personnes font de la politique au sens noble du terme.

Je souhaitais donc vous parler, avec le soutien de transcriptions, d’un Italien et d’une Italienne qui font carrière en France et quelle carrière !
Frédéric Couchet : De qui souhaites-tu nous parler, Italien et Italienne ?
Marie-Odile Morandi : La première personne dont il s’agit c’est Roberto Di Cosmo. Celles et ceux qui s’intéressent à l’informatique savent qu’il est impliqué depuis très longtemps, voire depuis toujours, dans la défense des logiciels libres. Diverses transcriptions de ses interventions ont été publiées.

Je voulais rapprocher trois transcriptions récentes qui concernent la présentation de son projet Software Heritage. Par ordre chronologique :

  • en avril 2018 Roberto est intervenu à la conférence Devoxx, c’est une conférence annuelle des communautés de développeurs, à Paris, et son intervention était intitulée « Software Heritage : pourquoi et comment préserver le patrimoine logiciel de l’Humanité » ;
  • en septembre 2018, Roberto a participé à une émission Autour de la question de RFI, Radio France Internationale, intitulée « Pourquoi une bibliothèque universelle des logiciels ? » et j’ai vu que cette émission avait été rediffusée en février 2019 ;
  • et récemment, lors de l’émission Libre à vous ! du mardi 12 février 2019, nous avons eu la chance et le grand honneur d’écouter Roberto et vous de bavarder avec lui, mais j’imagine que vous vous connaissiez déjà.

Frédéric Couchet : Comme tu le dis, nous avons reçu Roberto le 12 février et avec Roberto on se connaît depuis une vingtaine d’années maintenant. Le podcast de l’émission est disponible sur le site de l’April et évidemment, comme tu viens de la citer, la transcription est également disponible sur le site de l’April. Peux-tu nous rappeler l’objectif de Software Heritage ?
Marie-Odile Morandi : Je cite, l’objectif du projet c’est « de collecter, organiser, préserver et rendre accessible à tous et à toutes le code source de tous les logiciels disponibles. » Il s’agit donc de l’archivage de tous les codes sources de tous les logiciels disponibles dans le monde ; c’est la création d’une bibliothèque universelle des logiciels, c’est donc un projet d’envergure mondiale.

En lisant les transcriptions vous pourrez connaître la genèse de ce projet. Vous trouverez les liens vers ces transcriptions sur le site de l’April, à la page des références de l’émission d’aujourd’hui.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu considères que l’idée de Roberto est une idée géniale, novatrice, que personne d’autre n’avait eue avant ?
Marie-Odile Morandi : Oui. C’est ce qu’il explique dans ses interventions et dans les transcriptions. Certes Roberto a eu une idée géniale, mais il nous explique que son équipe, les personnes avec qui il travaille sont tout aussi géniales que lui et que, de plus, il a eu la chance de rencontrer des responsables qui ont compris l’importance de ce travail, lui ont fait confiance et l’ont suivi parce que c’était maintenant ou jamais. En effet dit-il : « On a une opportunité unique de pouvoir encore parler à la plupart des gens qui ont écrit les premiers logiciels, qui savent comment les logiciels qui ont fabriqué Internet, qui ont fabriqué le Web, ont été développés et pourquoi ils ont été faits de telle sorte ; ces personnes sont encore vivantes. » On ne peut s’empêcher de penser à Louis Pouzin, qui approche des 90 ans et qui a été beaucoup sollicité ces derniers jours au sujet de l’anniversaire des 30 ans du Web. Peut-être se connaissent-ils et se sont-ils rencontrés !
Frédéric Couchet : Comme tu le dis, on a fêté récemment les 30 ans du Web ; occasion aussi de saluer Tim Berners-Lee et également Robert Cailliau qui est un petit peu considéré comme le co-inventeur du Web il y a 30 ans. Donc Software Heritage est un projet technique, mais pas que ! C’est ça ?
Marie-Odile Morandi : On ne peut pas douter que Roberto et son équipe trouveront les solutions techniques adaptées pour réaliser ce travail titanesque. D’ailleurs il nous explique qu’une infrastructure a été mise en place, qu’un énorme aspirateur se connecte aux différents endroits de la planète dans lesquels on développe des logiciels. Il nous indique que plus de 4 milliards et demi de fichiers sources tous différents ont déjà été récupérés à partir de 80 millions d’origines. Toutes ces données seront dupliquées et conservées à divers endroits de la planète pour éviter la triste fin de la bibliothèque d’Alexandrie. C’est effectivement une énorme structure technique mais pas que !

Bien entendu pour réaliser un tel projet, la partie économique est très importante : une fondation est en train de se constituer, il faut chercher des soutiens, des sponsors et je laisse les lecteurs découvrir quels sont les sponsors de ce projet, même si la présence de certains en interpelle quelques-uns, mais les explications de Roberto sont convaincantes, le monde change !

Ce que j’ai trouvé intéressant au moment des transcriptions ce sont les questions juridiques soulevées par Roberto fervent défenseur de l’open science. Il ne manque pas de tacler le modèle encore trop souvent en vigueur qui repose sur la vente de licences et sur les notions de propriété intellectuelle, ce qui nous ramène aux combats récents directive droit d’auteur, article 13, etc.
Frédéric Couchet : On va reparler tout à l’heure de l’article 13, mais peux-tu nous rappeler les prises de proposition de Roberto Di Cosmo sur la proposition de directive droit d’auteur et son article 13 notamment ?
Marie-Odile Morandi : Je ne peux pas les rappeler dans les mots qu’il a employés, je sais qu’il est signataire ou cosignataire d’une lettre tout à fait contre cet article 13.
Frédéric Couchet : D’accord. Pourquoi peut-on penser que la politique au sens noble intervient aussi dans ce projet ?
Marie-Odile Morandi : Roberto indique que la reconnaissance de l’importance du code source des logiciels est indispensable et que ce travail est fait au jour le jour avec l’Unesco pour que le code source soit reconnu au niveau international et acquiert toute sa noblesse. Cependant, dans une des interventions transcrites, une question est posée par un responsable du projet SOHA au sujet du rôle à venir de l’Unesco. SOHA est projet de développement de la science ouverte en Haïti et en Afrique francophone. Cette personne souhaite que ce patrimoine de codes sources soit mis à disposition non seulement des étudiants, des chercheurs et de quiconque habitant le Nord de la planète mais aussi à disposition des Africains et des habitants du Sud de la planète. C’est donc un développement auquel il faudra tout à fait penser.
Frédéric Couchet : Pour rebondir sur ton introduction, tu souhaites que ces transcriptions soient lues par le maximum de personnes afin de redonner de l’espoir à chacun d’entre nous ?
Marie-Odile Morandi : Tout à fait. J’ai trouvé, en écoutant les interventions de Roberto et en transcrivant, que ce projet était vraiment en phase d’accélération. La conservation pour les générations futures de ce précieux patrimoine de l’humanité que sont les codes sources est entre les meilleures mains possibles qui en prennent le plus grand soin.

Je vous engage à réécouter Roberto Di Cosmo, homme passionné s’il en est, à relire les transcriptions. Il nous montre qu’avoir des utopies et les mettre en œuvre, avec un peu de courage et un peu de chance, c’est possible. Merci Roberto !
Frédéric Couchet : On retrouve ces références sur le site de l’April, april.org, dans la page consacrée à l’émission. Pour terminer de qui souhaites-tu nous parler maintenant ? Quelle est cette Italienne qui fait donc une carrière chez nous ?
Marie-Odile Morandi : Comme deuxième clin d’œil pour les auditeurs et les auditrices, et pour terminer la chronique, je souhaitais parler de notre amie Isabella, Italienne elle aussi, coordinatrice vie associative, responsable projets pour l’April depuis 2014 et qui est intervenue de nombreuses fois dans les émissions « Libre à vous ! »

On peut écouter et lire les transcriptions des entretiens qu’elle a eus au fil des mois, que ce soit avec les organisateurs des Rencontres mondiales du logiciel libre, de la Fête des Possibles, du Festival des libertés numériques ou du Libre en Fête. Personne ne lui échappe !

Ce que je voulais souligner c’est que le 29 mai 2018 elle était intervenue pour présenter le groupe de travail Sensibilisation de l’April dont « le but est de réaliser, de proposer des outils de communication pour sensibiliser le public au logiciel libre », nous dit-elle.

Elle a parlé à nouveau de ce groupe le 26 février dernier pour présenter les projets qui sont en cours développement grâce aux excellentes idées qui ont émergé de ce groupe : le jeu de Gnou basé sur le jeu de l’oie et le catalogue de fiches destiné à expliquer quelles sont les principales actions menées par l’April. Elle indique que tous ces projets permettront de faciliter le travail des bénévoles, des animateurs, des animatrices des stands.
Donc si vous voulez participer au groupe Sensibilisation vous trouverez toutes les explications sur la page de références en allant consulter, par exemple, la transcription de l’émission du 26 février.

Et si cette année, chers auditeurs et auditrices, pour diverses raisons, vous n’avez pas pu organiser ou participer aux événements coordonnés par Isabella pour l’April, je vous encourage à relire les transcriptions de ses interventions et qui sait, pour l’année prochaine, l’enthousiasme de Isabella puisse-t-il être contagieux et vous encourager à agir pour la « priorité au logiciel libre » !
Frédéric Couchet : Merci Marie-Odile pour ce clin d’œil et cette mise en valeur du travail de Isabella Vanni qui est ma collègue à l’April et évidemment celle d’Étienne Gonnu. Je précise que Isabella sera présente la semaine prochaine dans l’émission justement pour faire sa chronique « Le libre fait sa comm’ » et parler notamment d’actions de sensibilisation.

Marie-Odile, je te remercie pour cette chronique. Je te souhaite de passer une bonne journée et on se retrouve le mois prochain.
Marie-Odile Morandi : Au revoir. Merci à vous.
Frédéric Couchet : Bonne journée. C’était Marie-Odile Morandi pour sa chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ».
Nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter Waii​-​Ha par Silva de Alegría et on se retrouve juste après.
Pause musicale : Waii​-​Ha par Silva de Alegría.
Voix off : Cause Commune 93.1
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Waii​-​Ha par Silva de Alegría. C’est une musique sous licence libre comme toutes les musiques que l’on diffuse dans l’émission. Vous retrouvez la référence sur le site de l’April, april.org.

Logiciels libres pour l’image et la vidéo

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout dans le monde sur causecommune.fm. Nous allons maintenant démarrer une discussion concernant les logiciels libres pour l’image et la vidéo avec nos deux invités, Jehan Pagès. Rebonjour Jehan.
Jehan Pagès : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et Lionel Allorge. Rebonjour Lionel.
Lionel Allorge : Bonjour.
Frédéric Couchet : On va d’abord commencer par un petit tour de table de présentation pour que vous puissiez vous présenter en détail aux personnes qui nous écoutent. On va commencer par Jehan Pagès, est-ce que tu peux te présenter s’il te plaît ?

Jehan Pagès : Moi je suis un des développeurs de GIMP. En ce moment je suis engagé comme ingénieur au CNRS pour développer GIMP par un laboratoire qui s’appelle le laboratoire Greyc, g, r, e, y, c. Je suis aussi membre d’une association qui s’appelle l’association LILA, l, i, l, a. On promeut les logiciels libres pour les créations artistiques et on est aussi producteur d’un film d’animation…
Frédéric Couchet : Qui s’appelle ?
Jehan Pagès : ZeMarmot, z, e, m, a, r, m, o, t, c’est une blague parce que c’est de l’anglais mais comme on est français, on…
Frédéric Couchet : On prononce le the avec le « z ».
Jehan Pagès : Voila, exactement.
Frédéric Couchet : OK. On aura l’occasion de revenir sur ce projet-là aussi, sur tes activités à la fois bénévoles et professionnelles.

Lionel Allorge, on se connaît depuis de nombreuses années, mais je te laisse quand même te présenter.
Lionel Allorge : Je suis membre de l’April depuis l’an 2000, je crois, j’ai été membre du conseil d’administration pendant plusieurs années et j’ai été également président de l’April pendant trois ans. Aujourd’hui je suis redevenu simple membre, on va dire. Je m’intéresse depuis longtemps à tout ce qui est création audiovisuelle, notamment la photographie mais aussi aujourd’hui la vidéo. Donc c’est l’occasion de venir parler un petit peu des outils que j’utilise qui sont des outils libres.
Frédéric Couchet : Et tu es toujours membre, voire président, de l’association Lune Rouge ?
Lionel Allorge : Oui. Avec des amis on a monté une petite association qui s’appelle Lune Rouge, qui a pour but, justement, de créer des choses autour de l’audiovisuel dans le domaine notamment du fantastique, de la science-fiction, mais de manière, disons, très amateur. Le but c’est de se faire plaisir essentiellement.
Frédéric Couchet : C’est l’essentiel ! Lune Rouge existe depuis peut-être 25 ou 30 ans. C’est ça ?
Lionel Allorge : Depuis les années 80.
Frédéric Couchet : OK, oui 30 ans, d’accord, voire plus. Très bien.

Alors on va commencer. L’idée, évidemment, ce n’est pas d’aborder tous les logiciels libres qui existent dans l’image et la vidéo parce qu’il y en a beaucoup, mais de parler des principaux, à la fois en termes de fonctionnalités, en termes éventuellement de manque. On parlera aussi, dans une deuxième partie, des modèles de développement et des modèles économiques de certains des projets, parce que les gens, des fois, utilisent des logiciels dont ils n’imaginent pas la façon dont ils sont financés et là on a deux exemples assez différents avec Blender côté vidéo et GIMP côté image. Et on parlera évidemment aussi des façons de se mettre à ces outils de création images et vidéos et des premières pistes que l’on peut proposer aux personnes qui nous écoutent.

Déjà on va commencer à parler côté images. Quand on parle d’images et de logiciels libres, on pense assez naturellement et assez rapidement à GIMP qui est un logiciel libre pour créer des images, qui existe depuis, peut-être que je vais piéger Jehan en demandant depuis combien de temps il existe…
Jehan Pagès : Je crois que c’est 1996.
Frédéric Couchet : 1996. GIMP ça veut dire GNU Image Manipulation Programme donc c’est un programme de manipulation d’images qui est « issu » entre guillemets ou qui est chapeauté quelque part par le projet GNU de Richard Stallman, le projet fondateur du logiciel libre.
Jehan Pagès : Originellement le G voulait dire « Général ».
Frédéric Couchet : C’est vrai ?
Jehan Pagès : C’est Stallman qui a demandé à ce qu’ils changent le nom. Ou l’inverse, ou peut-être l’inverse. Ce sont peut-être les auteurs originaux qui ont demandé à Stallman s’ils pouvaient utiliser GNU. L’un des deux.
Frédéric Couchet : D’accord. J’avoue que je ne me souvenais pas de ce point de détail. Alors Jehan, comme tu l’as dit dans l’introduction, tu es développeur GIMP, à la fois développeur bénévole et puis tu as aussi aujourd’hui un travail dans un laboratoire de recherche pour travailler sur GIMP. Déjà est-ce que tu peux nous parler des fonctionnalités de GIMP, de ce projet et de ses usages pour des personnes qui souvent vont plutôt penser dans le monde privateur à Photoshop notamment ? Est-ce que tu peux nous présenter un petit peu ce projet GIMP ?
Jehan Pagès : GIMP, comme son nom l’indique, c’est vraiment un logiciel de manipulation d’images assez générique, ce qui fait qu´on peut faire un peu tout. Il y a certains projets qui décident d’être un peu plus spécialisés et beaucoup utilisent énormément GIMP pour la photographie notamment, il y a énormément de filtres, énormément de possibilités, et d’outils, etc. Il y en a qui l’utilisent pour le dessin, pour le design. Il y a aussi beaucoup de scientifiques qui utilisent GIMP parce qu’il y a tout un système d’API [application programming interface], de plugins, on peut faire des scripts et tout ça. Des fois dans les rapports de bugs, il y a des gens qui arrivent avec « moi j’ai cette image de 500 000 fois 500 000 », parce qu’ils font des trucs de recherche. Il y a un peu tout, vraiment, il y a même des gens qui font du pixel art. Un peu de tout. C’est ça.
Frédéric Couchet : D’accord. Par rapport à Photoshop, est-ce qu’on retrouve d’autres outils privateurs ou même d’autres outils logiciels libres, parce que j’ai l’impression qu’en termes de traitement d’images, en tout cas matricielles, GIMP est le principal logiciel libre qui existe et ou est-ce que je me trompe ?
Jehan Pagès : Oui, tout à fait. Il est tellement vieux : c’est une histoire d’ancienneté en fait. Ça fait plus de 20 ans qu’il est là ! Effectivement on est typiquement sur le créneau de Photoshop, même si certains croient qu’on essaie de copier Photoshop, ce qui n’est pas le cas, d’ailleurs moi je n’ai pas utilisé Photoshop depuis 20 ans, peut-être pas 20 ans, la dernière fois que j’ai dû utiliser ça j’étais au lycée, donc si, peut-être une vingtaine d’années. C’est ce créneau-là du logiciel qui fait un peu tout. C’est un logiciel générique, pas spécialisé effectivement. Ensuite, comme ça fait longtemps que je ne l’ai plus utilisé je ne pourrais pas comparer exactement les fonctionnalités. Je sais qu’il y a des choses qu’on n’a pas qu’il y a dans Photoshop, mais je sais qu’il y a aussi l’inverse. C’est souvent une histoire d’habitude, quand on est habitué ; on lit régulièrement des retours de gens qui ont utilisé GIMP pendant 15 ans et un jour ils se disent on va essayer Phososhop et, en fait, ils n’y arrivent pas, ils ne comprennent pas et ils sont aussi frustrés que quelqu’un qui sera très habitué à Photoshop.
Frédéric Couchet : C’est un point important dont tu parles qui est finalement la force des habitudes. Au-delà de la capacité de ces logiciels – c’est valable dans l’image, la vidéo, mais dans d’autres logiciels, de la bureautique ou autres, peut-être plus dans le traitement d’images et de vidéos parce que c’est peut-être un poil plus compliqué, on peut faire plus de choses –, le fait que quelqu’un est habitué à un logiciel, pour le faire changer, que ce soit vers le logiciel libre ou l’inverse, c’est quelque chose de pas du tout évident, parce qu’il y a des habitudes. Moi je ne connais pas du tout Photoshop et très peu GIMP, mais ce sont sans doute deux approches différentes en termes d’interface, donc on peut être troublé quand on passe de l’un à l’autre. Est-ce qu’il y a des moyens de casser cette problématique quand il y a des gens qui arrivent sur GIMP ? Est-ce qu’il y a des ateliers par exemple qui existent ? Est-ce qu’il y a aussi des formations par exemple aujourd’hui sur GIMP, je pense aux formations pour les graphistes ou autres, est-ce que la formation à GIMP est intégrée dans ces formations ?
Jehan Pagès : Il n’y en pas beaucoup je pense, mais ça arrive. On a dans notre association, notre réalisatrice animatrice qui fait un peu tout.
Frédéric Couchet : Qui s’appelle comment ?
Jehan Pagès : Aryeom Han, qui a donné, par exemple, des cours à l’université de Cergy-Pontoise. C’était sur quatre jours, je crois, à deux classes, c’était un programme de cours-invité ; une des classes était Graphisme puisque c’était la classe des infographistes et une classe c’était 3D patrimoine. Eux ont plus fait de la retouche, etc., parce que même pour la 3D on a besoin pour plaquer des textures, des choses comme ça. Donc ça arrive, il y en a qui commencent, ce programme-là ou d’autres, à les enseigner l’école, il y a peut-être des formations, etc. Ensuite il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas non plus encore une habitude, ça s’améliore. Il y en a certains qui ont mieux réussi ; Lionel en parlera plus tard, je crois, de Blender et eux sont déjà beaucoup plus implantés dans le milieu professionnel. Par exemple quand on regarde les compétences sur le site Pôle emploi, dans les compétences en général ils mettent en fait des logiciels, des choses comme ça ; il y a Blender dedans à côté des produits Adobe, etc.
Frédéric Couchet : D’accord. Alors que dans le domaine de l’image ce n’est pas le cas. C’est ça ?
Jehan Pagès : Il n’y a aura pas GIMP dans la liste. La dernière fois que j’ai regardé il n’y avait pas GIMP dans la liste.
Frédéric Couchet : D’accord, il y aura Photoshop.
Jehan Pagès : Oui, il y aura Photoshop et il y avait Blender, etc., enfin pas etc., juste Blender je crois en libre, c’est la seule chose que j’ai vue dans « image vidéo ». Donc eux commencent à être un peu plus enseignés, etc., dans les universités ; il y a pas mal de formations professionnelles aussi qui font du Blender. Mais sinon, pour débuter, c’est vrai que ça doit être plus dur, je pense, pour trouver GIMP. De toutes façons c’est vrai pour tous les logiciels, même en formation, ce n’est pas vraiment là, d’après moi, où on apprend. J’ai une vision assez particulière de l’université, je pense que c’est l’utilisation.
Frédéric Couchet : L’utilisation, la pratique.
Jehan Pagès : La pratique voilà, la pratique. En fait quand vous utilisez GIMP 8 heures par jour, 5 jours par semaine, tout devient facile, enfin tout, les choses que vous utilisez le plus fréquemment. Ce qui est aussi un des points : quand on parlait de l’habitude à Photoshop ce qui sera différent c’est que même des fois quand on a des fonctionnalités qui manquent ce n’est pas forcément un problème parce que, en vrai, même un professionnel utilise une petite partie, parce que ce sont des logiciels très complexes, très compliqués.
Frédéric Couchet : Même les pros utilisent 5 ou 6 % des fonctionnalités.
Jehan Pagès : Parce qu’en fait chacun utilise ce dont il a besoin. Une fois qu’on est habitué ensuite, même s’il y a plusieurs façons de faire une même chose, on va souvent réutiliser les méthodes auxquelles on s’est habitué, etc.
Frédéric Couchet : D’accord. Lionel Allorge tu disais que tu faisais beaucoup de photographie. Dans le cadre de ton traitement de photographies tu utilises GIMP ou tu utilises un autre outil ?
Lionel Allorge : Ça dépend. J’utilise beaucoup GIMP. Mais GIMP a ses limites dans certains types de fichiers photos qui sont ce qu’on appelle du RAW, r, a, w ; c’est le fichier le plus brut qui puisse sortir de l’appareil photo.
Frédéric Couchet : C’est ce que produit directement l’appareil avant…
Lionel Allorge : Avant d’être traité dans un format comme le JPEG, par exemple. Des fois GIMP n’arrive pas à lire correctement certains de ces fichiers RAW, parce que, bien sûr, chaque fabricant a sa propre idée de la manière dont ce fichier doit être composé.
Frédéric Couchet : Chaque fabricant d’appareil.
Lionel Allorge : Chaque fabricant d’appareil photo. Ce n’est pas du tout normalisé comme le JPEG par exemple ou le PNG ou ce genre de format plus grand public.
Jehan Pagès : Tu utilises quelle version de GIMP ?
Lionel Allorge : J’essaye d’être à jour. Donc d’avoir les dernières en date, mais les dernières dans ma distribution. Ce n’est peut-être pas la dernière sortie.
Jehan Pagès : En fait la dernière de GIMP donc les 2.10 et quelques, 2.10.8 en l’occurrence, en fait depuis 2.10.0 pour le RAW on utilise nous-mêmes d’autres logiciels.
Lionel Allorge : D’accord.
Jehan Pagès : C’est-à-dire en Libre les deux principaux c’est Darktable et RawTherapee.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux juste les répéter, donc Darktable et le deuxième ?
Jehan Pagès : RawTherapee.
Frédéric Couchet : RawTherapee. C’est donc pour traiter les fichiers RAW.
Jehan Pagès : Je crois qu’on appelle ça des développeurs. On dit développement numérique comme si c’était un labo photo quoi ! Maintenant GIMP détecte si ces logiciels sont installés et s’ils sont installés, il lance le logiciel, en plus si on a les deux d´installés on peut sélectionner dans les préférences notre préféré et on peut traiter ce fichier-là RAW et une fois que c’est fini ça revient dans GIMP. Effectivement ce n’est pas du tout la spécialité de GIMP de traiter les fichiers RAW. C’est pour ça qu’on se dit qu’il y a d’autres logiciels, d’ailleurs on connaît bien leurs développeurs, on les voit tous les ans, etc., on utilise ces logiciels-là nous-mêmes.
Frédéric Couchet : Cette remarque entre vous deux est intéressante parce que ça permet de rappeler que c’est aussi un peu la philosophie d´UNIX d’avoir des outils qui font un domaine vraiment bien et qui se reposent sur d’autres outils pour faire ce qu’ils ne maîtrisent pas. C’est la première chose. La deuxième chose c’est une question. Tu as parlé de version, tu as posé une question de version de logiciel ce qui est toujours évidemment important. J’ai deux questions : est-ce que dans les distributions GNU/Linux classiques ou même d’autres systèmes libres, est-ce que c’est la dernière version qui est généralement disponible, par exemple sur Debian, Ubuntu ou d’autres. Et ma deuxième question : ces outils dont on parle, GIMP, Blender et on citera peut-être tout à l’heure Inkscape, Krita et d’autres, ont aussi la particularité d’être multi-plateformes, c’est-à-dire d’être disponibles aussi sur des environnements Windows, Microsoft Windows ou Mac OS ? Est-ce que ce sont les mêmes versions sur les trois environnements, à votre connaissance ?
Jehan Pagès : Nous on fournit la même version, sauf que les distributions, elles, maintiennent leur propre build, leur propres version compilée.
Frédéric Couchet : Leur propres version compilée.
Jehan Pagès : Et elles sont souvent en retard. En fait ce qui est en retard c’est qu’elles ont ce système de version stable. En l’occurrence pour GIMP, quand ils ont fait le gel des fonctionnalités, le freeze, si à ce moment-là on avait encore la version 2.8, ce qui est le cas par exemple pour la Ubuntu stable à l’heure actuelle, ils ont dit « eh bien on reste sur les 2.8 ». Or 2.8 ça fait presque un an maintenant que pour nous c’est totalement déprécié et qu’on n’a plus de nouvelle sortie, de corrections de bugs, ni rien, mais la version, la Ubuntu LTS, Long-Term Support, utilise toujours une version totalement vieille.
Frédéric Couchet : D’accord. Dans ce cas-là, tu conseilles à la personne d’installer la version la plus à jour à partir du site de GIMP ?
Jehan Pagès : Maintenant sous Linux il y a ces nouveaux types de paquets qui sont Snap ou Flatpak. En gros ce sont des paquets qui peuvent marcher partout.
Frédéric Couchet : D’accord.
Jehan Pagès : Il y aussi AppImage. Nous, GIMP, on fournit juste officiellement un Flatpak, mais il y a des gens qui font aussi un Snap, c’est Ubuntu qui a fait son propre système. AppImage est un système un peu plus ancien mais qui est quand même un peu différent. En fait s’ils ne l’ont pas dans leur distribution, il faut qu’ils installent un de ceux-là. Ou alors maintenant souvent les distributions les PPA, je ne sais pas si vous connaissez.
Frédéric Couchet : C’est Ubuntu.
Jehan Pagès : Voilà. Ça c’est Ubuntu en PPA.
Frédéric Couchet : Je ne me souviens plus de ce que ça veut dire.
Jehan Pagès : Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais ce sont des paquets fournis par d’autres personnes, par des tiers.
Frédéric Couchet : Par d’autres personnes, par des tiers. Oui c’est ça. Ce ne sont pas des paquets officiels fournis par Ubuntu, mais ce sont des paquets fournis par des tiers.

En tout cas au-delà de tous ces aspects, ces mots techniques, sans doute que les gens sont un peu perdus, même moi, d’ailleurs, je n’ai pas forcément tout saisi dans le détail, l’important c’est de vérifier la version qui est disponible sur son environnement et de vérifier par rapport à la version officielle actuelle, par exemple pour The Gimp et je poserai la même question pour Blender, éventuellement de mettre à jour, parce que effectivement sur un certain nombre de distributions GNU/Linux, notamment Debian, là je l’ai vérifié. Moi j’utilise une version qui n’est pas stable de Debian, c’est une version qu’on appelle de test, c’est la version 2.10 de GIMP qui est installée.
Jehan Pagès : C’est la version de test.
Frédéric Couchet : Voilà. Les personnes qui sont souvent sur une version stable, par exemple chez moi les autres ordinateurs sont sur une version stable, donc effectivement GIMP 2.8. Après ça dépend des fonctionnalités qui sont requises ; pour beaucoup de gens ça suffira, mais des fois il faudra mettre la version à jour. Ma question par rapport à Windows et Mac, tu as répondu, vous fournissez la version à jour.
Jehan Pagès : C’est plus facile, ils ont des installeurs ou Mac a un paquet dmg.
Frédéric Couchet : D’accord. En tout cas il est important de savoir que les personnes qui aujourd’hui utilisent un système privateur, que ce soit Microsoft Windows ou Mac OS, peuvent tester GIMP et le jour où elles migreront vers un système entièrement libre elles retrouveront GIMP et normalement la même version avec les mêmes fonctionnalités,

Sur Blender, logiciel de vidéo, c’est un peu le même principe en termes de version ?
Lionel Allorge : Blender est un logiciel qui a été créé et dès le départ les créateurs voulaient maîtriser leur interface. En fait l’interface, donc tout ce qui apparaît sur les fenêtres, a été défini à partir de zéro. Du coup le logiciel n’est pas lié à un système d’exploitation, il n’est pas lié par exemple à Windows ou à un système propriétaire.
Frédéric Couchet : Ils n’ont pas utilisé de librairies, enfin de bibliothèque de fonctions préexistantes pour construire l’interface ; ils sont partis vraiment de zéro, ce qui leur permet de livrer pour toutes ces interfaces.
Lionel Allorge : Voilà. Ça a permis assez facilement de faire des variantes, enfin des versions pour chaque système d’environnement, non seulement les plus connus donc Mac OS et Windows mais aussi pour d’autres plus exotiques, Spark [Solaris, Note de l’orateur], des choses comme ça.
Frédéric Couchet : D’accord.
Lionel Allorge : Ça permet une grande variété d’environnements.
Jehan : Pour GIMP, c’est marrant parce que c’est la même chose en fait. GIMP a créé son propre toolkit, le GTK.
Lionel Allorge : Oui c’est vrai historiquement. Qui après a été récupéré par Gnome notamment.
Jehan Pagès : Par Gnome, etc. GTK veut dire GIMP Toolkit.
Frédéric Couchet : Gnome est un environnement de bureau disponible sur des environnements libres. Il y a d’autres, un qui s’appelle KDE. N’hésitez pas à aller dans les fêtes d’installation de logiciels libres, allez voir des groupes d’utilisateurs et d’utilisatrices pour découvrir ça.

Sur le salon on nous apporte des contributions utiles parce qu’on cherchait ce que veut dire PPA, ça veut dire Personnal Package Archive, donc une archive de paquets personnels fournie effectivement par des tiers et non pas par Ubuntu.

On va parler aussi un petit peu de Blender. Blender historiquement ce n’est pas un logiciel libre si je me souviens bien, Lionel Allorge ?
Lionel Allorge : Voilà.
Frédéric Couchet : Historiquement c’est un logiciel privateur.
Lionel Allorge : C’est ça. Même au départ il y a une notion qui est le fait que les premières versions ont été faites par une entreprise, au sein de l’entreprise, pour être utilisées en interne. C´est ce qu’on appelait des logiciels à façon, c’est-à-dire des logiciels qui ne sont pas destinés à être diffusés. Quand le développeur a voulu commencer à diffuser son logiciel, il l’a fait dans une manière qui était à l’époque relativement classique, qu’on appelait le shareware ou le partagiciel en français, c’est-à-dire que les gens pouvaient gratuitement récupérer le logiciel, l’essayer et puis si ça leur convenait à ce moment-là on les encourageait à payer une certaine somme et notamment ça leur permettait d’avoir des fonctionnalités supplémentaires par exemple. Donc c’est comme ça que Blender a commencé à se faire connaître du grand public. Ce n’est pas un logiciel libre.
Frédéric Couchet : Ce n’était pas un logiciel libre.
Lionel Allorge : Ce n’était pas un logiciel libre.
Frédéric Couchet : Aujourd’hui c’est un logiciel libre.
Lionel Allorge : C’est ça. Il faut bien insister sur la différence : le logiciel libre apporte les fameuses 4 libertés qu’un shareware n’apporte pas. Il y a que, éventuellement, la liberté 0, c’est-à-dire celle d’utilisation, et encore elle est limitée, comme on vient de le dire, puisqu’il faut payer pour certaines fonctionnalités. L’histoire est intéressante parce que du coup ce logiciel a commencé, a eu un certain succès parce qu’il n’y avait pas beaucoup de solutions on va dire entre guillemets « gratuites » pour l’utilisateur, donc il a été beaucoup utilisé, mais l’entreprise qui le diffusait, qui s’appelait Not a Number [Not a Number Technologies], une entreprise néerlandaise, en 2002 a fait faillite, parce que les gens qui avaient investi dedans ont constaté qu’ils n’arrivaient à gagner d’argent avec ce modèle économique. Du coup le logiciel, et c’est le gros défaut de tous les logiciels qui ne sont pas libres, c’est qu’il risquait de disparaître corps et âme si on peut dire puisque l’entreprise aurait été fermée et le logiciel disparaissait. On pouvait toujours avoir les exécutables, mais il n’y avait plus moyen de pouvoir intervenir dessus. Le développeur principal qui s’appelle Ton Roosendaal a donc essayé de sauver, en quelque sorte, son logiciel en demandant aux investisseurs de le rendre public, en tout cas au début au moins d’autoriser sa diffusion et là les investisseurs ont dit : « Oui, mais nous on veut rentrer un peu dans nos frais ». Donc ils ont demandé une somme assez importante de 100 000 euros. 100 000 euros c’était le prix pour pouvoir rendre ce logiciel libre, pour pouvoir le diffuser sous licence libre. Personnellement j’avais suivi un peu cette histoire et quand j’ai vu de montant je me suis dit : ça ne marchera jamais !
Frédéric Couchet : Ça ne marchera jamais ! C’était en 2002, pour rappel.
Lionel Allorge : 2002. J’étais très négatif parce que je me disais 100 000 euros ! Surtout pour des gens qui étaient jusque-là habitués à avoir ce logiciel gratuit sur Internet. En fait j’avais tort. La somme a été réunie très rapidement ; en quelques mois ils ont réuni les 100 000 euros donc le logiciel a pu un, être publié sous licence libre et, en plus, ça a permis de créer une fondation qui s’appelle la fondation Blender qui permet aujourd’hui d’assurer l’avenir de ce logiciel, puisque ce logiciel continue à être activement développé, mais aujourd’hui c’est grâce aux dons des utilisateurs que le système fonctionne.
Frédéric Couchet : Ça c’est très intéressant. Ça veut dire que ce travail fait par Ton Roosendaal a permis de libérer ce logiciel, ce qui en plus a permis une grande dynamique parce qu’aujourd’hui Blender est quand même très largement utilisé, comme le disait Jehan tout à l’heure il est même signalé dans les compétences proposées sur le site de l’ANPE contrairement à The GIMP ou d’autres. À l’époque, effectivement, on était un peu dubitatifs sur la possibilité de réunir 100 000 euros. C’était 100 000 euros ou 100 000 dollars ?
Lionel Allorge : 100 000 euros puisque c’est une entreprise néerlandaise. Il y avait déjà l’euro en 2002.
Frédéric Couchet : Il y avait déjà l’euro. Donc on était un peu dubitatifs, mais ça a fonctionné, c’était en 2002, nous sommes en 2019, donc 17 ans après, ce logiciel continue à se développer avec un modèle économique, comme tu le dis, de fondation, qui est basé sur les dons des utilisateurs, ce qui nous permettra, après la pause musicale, de parler un petit peu du modèle de The GIMP. Jehan peut-être que tu voulais rajouter quelque chose avant la pause musicale ?
Jehan Pagès : Je voulais dire qu’un ami me disait ça, que c’était le premier crowdfunding sur Internet à priori de l’histoire avant toutes les plateformes de crowdfunding en fait.
Frédéric Couchet : C’est possible effectivement, je ne sais pas du tout ; on vérifiera.
Jehan Pagès : C’est très vieux et à l’époque personne ne faisait de crowdfunding sur Internet, c’est un choix de financement. Donc c’est assez intéressant de ce point de vue historique.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Après la pause on parlera un peu de GIMP, du fonctionnement économique et puis du travail de Jehan Pagès au CNRS sur The GIMP, justement. On va faire une pause musicale. Nous allons écouter Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra et on se retrouve juste après,
Pause musicale : Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra.
Voix off : Cause Commune, cause-commune.fm, 93.1,
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra. Les références sont sur le site de l’April ; c’est toujours de la musique libre et vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio cause Commune 93.1 et partout ailleurs sur causecommune.fm.
Avant la pause nous discutions de Blender, logiciel privateur de vidéo, devenu en 2002, suite à un lancement de financement participatif pour un montant de 100 000 euros, un logiciel libre. Aujourd’hui il est très utilisé, en plein développement.

Nous allons revenir après sur la vidéo pour parler d’un autre logiciel qui s’appelle Kdenlive qu’utilise Lionel Allorge, mais avant cela on va revenir sur GIMP et un petit peu sur le fonctionnement du modèle économique de GIMP. Comment il se développe et pour savoir aussi un petit peu comment se fait-il que Jehan Pagès soit payé par le CNRS pour développer sur GIMP. Donc Jehan est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu tout ça ?
Jehan Pagès : Déjà GIMP lui-même n’a pas vraiment de modèle économique. C’est un logiciel entièrement communautaire. On peut faire des donations ; Gnome est né de GIMP mais maintenant Gnome ils ont plein de sous, ils ont une fondation, etc., et en fait GIMP, on va dire, a un « compte » en guillemets chez Gnome. On peut donner en fait pour GIMP par l’intermédiaire de Gnome, mais cet argent n’est utilisé que pour, par exemple, du matériel, pour les contributeurs et puis aussi pour les faire se rencontrer tous les ans, notamment au Libre Graphics Meeting qui est une conférence annuelle de logiciels libres pour le graphisme ; juste comme ça. Mais comme il n’y a pas vraiment d’entité légale pour GIMP, ça ne peut pas payer, ça ne paye pas de salaire ni rien de ce genre.
Frédéric Couchet : Donc c’est principalement du développement communautaire bénévole.
Jehan Pagès : Voilà. On est en gros trois gros développeurs chez GIMP, à l’heure actuelle, alors il n’y a vraiment pas grand monde ; pour des petits patchs il y a d’autres gens, mais on est trois à faire la plupart des choses.
Frédéric Couchet : Les deux autres sont situés où physiquement ? Si tu le sais.
Jehan Pagès : Oui. Le mainteneur, Michael Natterer, Mitch, est en Allemagne, il a une librairie, c’est son boulot.
Frédéric Couchet : D’accord.
Jehan Pagès : Il développe beaucoup et je ne sais pas comment il fait parce qu’il a des employés, etc. et, entre deux livres qu’il vend il fait des patchs. Il y en a un autre qui s’appelle ell, e, l, l ; on ne sait pas son vrai nom, on ne sait pas où il est, on ne s’est vraiment jamais vus. En plus il est très fort, donc on pense que c’est un robot ou un alien, quelque chose comme ça. Voilà !
Frédéric Couchet : D’accord. Donc toi tu fais partie de ces trois-là. C’est finalement une petite communauté de principaux développeurs. Je suppose qu’il y a des petites contributions à côté.
Jehan Pagès : Voilà. Ensuite, pas tout à fait, on est un peu plus, parce maintenant GIMP et son moteur graphique se sont, on va dire, séparés. On utilise GEGL qui est le moteur graphique de GIMP et qui lui-même a plusieurs développeurs qui travaillent beaucoup. Et vu qu’on l’utilise, c’est notre moteur graphique, évidemment si on comptait ça ferait, je dirais, au moins un développeur de plus, le mainteneur de GEGL. Voilà !
Frédéric Couchet : D’accord. OK. Toi à titre personnel, en plus de ta contribution bénévole en tant que développeur de GIMP, aujourd’hui tu es au CNRS pour travailler en partie sur GIMP ? Ou totalement sur GIMP ?
Jehan Pagès : Totalement.
Frédéric Couchet : Totalement. D’accord. Qu’est-ce que tu fais là-bas ?
Jehan Pagès : En fait c’est juste un contrat d’un an. Je ne sais plus comment ils appellent ça, ingénieur je ne sais plus quoi, c’est un CDD. C’est une équipe, un labo à Caen, qui eux-mêmes développent un logiciel libre qui s’appelle G’MIC.
Frédéric Couchet : G, M, I C.
Jehan Pagès : Moi je dis « G MIC », mais je crois qu’ils disent « GMIC », donc c’est G, ’, M, I, C et qui est, je pense, j’en suis à peu près sûr, le plugin le plus utilisé, le plus téléchargé de GIMP. En fait c’est toute une plateforme. C’est pareil, ils ont aussi, je crois, enfin ce n’est pas je crois, on peut l’utiliser par la ligne de commande, etc. G’MIC a des centaines de filtres ; c’est une plateforme pour créer des filtres et pour tester en fait ; ils font des papiers de recherche, etc.
Frédéric Couchet : Donc ce sont des chercheurs spécialistes en traitement de l’image, qui développent un greffon à GIMP, qui peut être utilisé aussi, comme tu le dis, en ligne de commande c’est-à-dire tout seul, pour appliquer des filtres divers et variés à des images.
Jehan Pagès : Exactement.
Frédéric Couchet : Donc toi tu es embauché pour un an pour travailler là-dessus.
Jehan Pagès : En fait au tout début ils voulaient m’embaucher pour faire un plugin Photoshop pour G’MIC et je leur ai dit non, que ça ne m’intéressait pas vraiment. Finalement ils ont changé le truc, parce que je travaille en fait sur l’amélioration de l’architecture pour installer des plugins dans GIMP. À l’heure actuelle c’est encore un peu à l’ancienne, on prend un zip sur Internet qu’on met dans un dossier et puis il faut…
Frédéric Couchet : Tu veux dire pour faciliter l’installation d’un greffon sur son ordinateur.
Jehan Pagès : Exactement.
Frédéric Couchet : D’accord.
Jehan Pagès : Là l’idée serait plus à la Firefox ou autres, c’est-à-dire on peut chercher des extensions, on peut les installer en cliquant.
Frédéric Couchet : On clique sur un bouton.
Jehan Pagès : En fait ça les intéressait parce que ça permet aussi d’étendre, enfin de faire mieux connaître G’MIC, etc. Ils ont été intéressés par ça et ensuite, comme je sais qu’ils font plein d’algorithmes vachement intéressants dont un qu’on appelle la colorisation intelligente. Ça aussi ça m’a intéressé, On a discuté et j’ai déjà fait un premier projet dans le cadre de mon contrat, qui est fini, ça va sortir je pense d’ici quelques jours, dans la prochaine version de GIMP, qui est d’implémenter la colorisation intelligente dans GIMP. Ce sont des algorithmes : quand on colorie dans un espace fermé, on peut colorier à l’intérieur, mais par exemple s’il n’est pas bien fermé, la couleur va sortir. En fait, ça permet de deviner que là il faut relier.
Frédéric Couchet : Il faut relier pour fermer.
Jehan Pagès : Il faut fermer. C’est un peu l’idée.
Frédéric Couchet : D’accord.
Jehan Pagès : Je pense que c’est un très bon usage de l’argent public parce que ça permet d’améliorer les logiciels libres et c’est assez cool.
Frédéric Couchet : Ah oui, j’imagine bien. En tout cas c’est effectivement un bel usage de l’argent public et on espère que plus d’argent public peut être utilisé dans ce cadre-là, c’est-à-dire dans le développement de logiciels libres. Lionel, tu voulais ajouter quelque chose.
Lionel Allorge : Oui. J’avais rencontré les gens qui développent ce plugin. Ça peut sembler comme ça bizarre qu’une université développe ce genre de choses. Il y a certes un aspect créatif, mais il y a aussi un énorme aspect scientifique, c’est-à-dire beaucoup de ces plugins sont utilisés pour traiter des fichiers issus de la recherche, avec des algorithmes des fois vraiment très sophistiqués qui sont mis en œuvre dedans. Donc c’est justifié, me semble-t-il, qu’une université française développe ça et, en plus, ça va bien avec le modèle universitaire de le diffuser ensuite comme un logiciel libre.
Frédéric Couchet : Tout à fait ! Lionel tout à l’heure tu nous as parlé de Blender, de son modèle économique enfin de son modèle de libération et aujourd’hui de l’aspect fondation. Blender c’est un outil de création de vidéos, mais ce n’est pas le seul qui est utilisé, il y en a d’autres, et toi je crois que tu utilises beaucoup un logiciel qui s’appelle Kdenlive. Est-ce que tu peux nous en parler un petit peu ?
Lionel Allorge : Oui, c’est ça. Kdenlive est un logiciel pour faire du montage vidéo. L’idée c’est d’avoir fait des images animées, donc typiquement tournées avec une caméra ou de nos jours avec un téléphone, et on veut pouvoir rassembler ces images pour faire un tout cohérent, pour faire quelque chose d’intéressant. L’idée c’est qu’il faut un logiciel qui permette de couper dans toutes ces images, de les assembler correctement, éventuellement d’ajouter des effets de transition par exemple pour passer d’une séquence à une autre. Et puis pourquoi pas, pour ceux qui s’en sentent l’âme, d’ajouter carrément des effets spéciaux, d’ajouter des manipulations de l’image, par exemple des filtres comme ceux qu’on vient d’évoquer mais au lieu de les appliquer à des images fixes, on peut les appliquer à une image animée.

Donc ce logiciel est maintenant bien au point, je crois qu’on en est à la version 18 actuellement ; c’est quelque chose qui est développé de manière active et c’est un logiciel qui permet des résultats vraiment au niveau professionnel, c’est-à-dire que ça peut manipuler à peu près tous les fichiers vidéos disponibles et ça permet de faire des montages sophistiqués avec plusieurs couches d’images, plusieurs couches de son, ce genre de choses.
Frédéric Couchet : D’accord. Si quelqu’un demain veut faire du montage vidéo, entre Blender et Kdenlive ou autre outil logiciel libre de montage vidéo, est-ce qu’il y a des vraies différences ? Pourquoi toi tu préfères Kdenlive plutôt que Blender, par exemple ?
Lionel Allorge : Blender est un logiciel qui au départ est fait pour créer des images virtuelles qu’on appelle 3D, donc il inclut un module de montage vidéo.
Frédéric Couchet : OK ! Ce n’est pas la même fonctionnalité.
Lionel Allorge : C’est une sous fonctionnalité, sans que ça soit péjoratif. Ce module marche plutôt bien, mais il est quand même limité dans ses capacités. L’énorme intérêt c’est que comme il est dans le même logiciel, il s’interface très bien avec les objets en 3D, c’est-à-dire que si on a conçu des objets en 3D d’un côté dans Blender, qu’on a fait une petite animation, on peut monter cette animation facilement tout en restant dans le logiciel Blender, donc dans un logiciel dont on maîtrise l’interface, normalement.

Alors que Kdenlive est fait pour traiter plutôt pour traiter des fichiers qui ont été tournés plutôt avec des caméras vidéos et qu’il faut monter pour pouvoir faire quelque chose d’intéressant. Donc j’aurais tendance à dire que quelqu’un qui a besoin de faire du montage vidéo un peu sophistiqué a plutôt intérêt à prendre un outil spécialisé, donc Kdenlive.
Frédéric Couchet : D’accord. J’ai exposé au monde entier ma méconnaissance de Blender et de Kdenlive parce que je pensais que c’est un peu la même chose, mais pas du tout ! Je vois évidemment l’intérêt de Kdenlive. Donc Blender c’est pour les personnes qui veulent plus faire de la création d’objets animés 3D qui nécessite peut-être des compétences un peu plus compliquées parce que j’imagine que créer des objets comme ça il faut un talent supplémentaire ou pas du tout ? Est-ce que n’importe qui peut se lancer avec quelques tutoriels pour créer des images, par exemple ?
Jehan Pagès : Non.
Frédéric Couchet : Non ? Jehan.
Jehan Pagès : C’est compliqué. [Il ne suffit pas de « quelques tutoriels ». Il faut du travail. À force de travail, on devient bon et « tout le monde » peut devenir bon. Note de l’orateur]
Frédéric Couchet : Déjà Lionel vas-y et après on parlera de l’expérience de Jehan et notamment aussi avec ZeMarmot et LILA.
Lionel Allorge : L’idée générale c’est que les logiciels dits de 3D donc qui permettent de générer des images complètement artificielles, par calcul, sont des logiciels très compliqués à prendre en main. Bien sûr il y a quelques petites choses qu’on peut faire de manière assez simple, par exemple faire une petite animation dans Blender d’un objet qu’on a récupéré dans une bibliothèque peut se faire relativement facilement. Il y a pléthore de tutoriaux y compris en vidéo qui sont disponibles sur Internet, mais il y a ce qu’on appelle une courbe d’apprentissage qui est assez élevée. Il ne faut pas espérer faire des dessins animés type Pixar demain matin avec Blender ; ce n’est pas possible ! Ça demande de s’y investir et d’y investir du temps. Comme disait Jehan tout à l’heure plus on l’utilise plus on le maîtrise, mais on ne peut passer l’étape de l’apprentissage.
Frédéric Couchet : D’accord. Jehan, on va revenir sur le côté bénévole. Tout à l’heure en introduction tu parlais de ZeMarmot, de l’association LILA. C’est peut-être l’occasion de nous présenter ZeMarmot et l’association LILA et de l’usage de ces outils que ce soit GIMP ou autre dans le cadre de ce projet.
Jehan Pagès : ZeMarmot est un film d’animation mais en 2D, donc c’est dessiné. En fait on utilise GIMP, on utilise Blender aussi mais pour la partie édition vidéo essentiellement, pas vraiment pour la 3D même si on pourrait parce que de nos jours il y a beaucoup de 3D.

En fait moi j’ai commencé surtout à beaucoup développer GIMP. À l’origine c’était pour commencer à faire quelques petits projets comme ça parce que je connais Aryeom qui fait de l’animation, qui elle est professionnelle ; elle a été à l’université, elle a étudié l’animation, ensuite elle a travaillé un peu. On a commencé à essayer un peu de l’utiliser, mais au tout début, la première fois que je lui ai montré GIMP, moi je ne connaissais pas tellement plus que ça, eh bien ça a planté, c’était un des premiers patchs que j’ai faits, puisque quand on a débranchait la tablette graphique ça plantait, des choses comme ça, ce n’était pas vraiment utilisable. En fait j’ai commencé à faire des patchs, à en faire de plus en plus, ce qui fait que de nos jours je suis l’un des principaux développeurs, mais au début c’était ça, c’était parce qu’on l’utilisait.

Et nous on aime bien l’idée un peu dans notre association c’est que finalement on crée nos propres outils, on les utilise et les améliore vraiment par rapport à un usage réel. C’est-à-dire comme en fait tous les jours…
Frédéric Couchet : C’est-à-dire que vous êtes confrontés à la réalité de la création graphique et donc vous adaptez l’outil.
Jehan Pagès : Exactement. Tous les jours Aryeom l’utilise, elle se plaint, elle dit « ça ce n’est pas bien » et puis je corrige ce que je peux, etc. et j’améliore. Depuis on a aussi fait beaucoup de fonctionnalités pour améliorer différents points et ça continue.

L’animation c’est un truc particulier, en plus GIMP n’est pas un logiciel d’animation. À l’époque, quand on a commencé de toute façon il n’y avait pas de logiciel. Maintenant il y en a quelques-uns qui commencent à avoir des modules animation voire certains ont été libérés. Il y en a un qui avait été utilisé par le Studio Ghibli qui a été libéré, OpenToonz, dont on a entendu pas mal parler ces dernières années, mais à l’époque il n’y avait rien donc on utilisait un logiciel de dessin et on rajoute un plugin ; j’ai développé un plugin pour organiser les dessins en animation, on va dire, que j’appelle GIMP Motion qui devrait sortir un jour, mais là je ne le sors pas encore. Le code source est public, c’est dans les dépôts, dans une branche dans les dépôts de GIMP, mais on ne le sort pas encore en version stable parce que je ne le trouve pas très stable, en fait, même si nous on l’utilise tous les jours.
Frédéric Couchet : D’accord. Cette association vous avez des financements, c’est du travail uniquement bénévole ?
Jehan Pagès : Oui. On a du financement, pas énormément, mais on en a un peu et en fait, quelque chose qu’on veut vraiment faire, c’est justement professionnaliser cela, c’est-à-dire que ce n’est pas juste pour faire des petits projets amateurs. Donc on paye à l’heure actuelle Aryeom avec le financement mensuel. C’est un financement mensuel.
Frédéric Couchet : Via plateforme particulière ?
Jehan Pagès : Plusieurs plateformes. En fait on est sur Patreon, Tipeee, Liberapay. Voilà ! Et puis il y a aussi des gens qui donnent directement à l’association. Vous pouvez aller voir sur le site, c’est libreart.info. En fait il y a plusieurs centaines de personnes parce qu’on améliore énormément le logiciel d’une part et parce qu’on fait un film qui lui-même sera libre, en licence Creative Commons BY-SA, c’est un peu comme la GPL.
Frédéric Couchet : Partage à l’identique.
Jehan Pagès : Voilà. Tout le monde peut le télécharger, se l’échanger, etc., le modifier. On donnera même tous les fichiers sources à la fin pour que les gens en fassent ce qu’ils veulent.
Frédéric Couchet : Donc c’est libreart.info. Les sites que tu as cités ce sont des sites de soutien financier mensuel où des gens peuvent donner mensuellement une petite somme à différents projets.
Jehan Pagès : Tout à fait. Ils peuvent chercher ZeMarmot dessus et ils nous trouveront.
Frédéric Couchet : ZeMarmot avec un « z ».
Jehan Pagès : ZeMarmot avec un « z », z, e, m, a, r, m, o, t, sur Patreon, Tipeee, Liberapay, on y est. Si les gens veulent aider à améliorer GIMP et à sortir un film d’animation très sympa, vous pouvez voir, vous verrez quand vous allez sur les pages, c’est très joli.
Frédéric Couchet : On a cité quelques logiciels libres, image, vidéo, mais il y en a plein d’autres. On fera sans doute d’autres émissions. On n’a pas cité par exemple pour la PAO, la publication assistée par ordinateur, Scribus. Pour le dessin vectoriel, il y a Inkscape ; il y a aussi Krita pour le traitement d’images.
Jehan Pagès : Krita ils sont spécialisés sur le dessin.
Frédéric Couchet : Krita spécialisé sur le dessin. D’accord.
Jehan Pagès : Comme je disais GIMP est générique et Krita ils ont décidé de se spécialiser, ils disent « c’est pour du dessin, c’est pour de la peinture numérique ». Voilà.
Frédéric Couchet : D’accord. Pour les personnes qui voudraient s’y mettre est-ce qu’il a des tutoriels qui existent sur le Web ? Est-ce que vous avez des conseils ? Est-ce qu’il y a des ateliers qui existent ou des structures spécialisées qui peuvent faire de la formation ou de l’initiation ? Tout à l’heure on parlait de Blender et que la prise en main de Blender ce n’est pas forcément évident. Est-ce que vous avez des conseils à donner pour les personnes qui nous écoutent ?
Lionel Allorge : Pour Blender notamment, comme c’est justement complexe, il y a régulièrement des ateliers qui sont organisés pour ceux qui veulent s’essayer à ça. Le conseil qu’on peut donner c’est d’aller sur un site qui s’appelle l’Agenda du libre.
Frédéric Couchet : agendadulibre.org.
Lionel Allorge : Où ils ont pouvoir chercher dans leur région des ateliers, notamment sur Blender, qui sont souvent organisés lors d’événements autour du logiciel libre. Notamment à Paris, régulièrement, il y a des ateliers qui sont organisés dans le cadre de ce qu’on appelle le Premier samedi du Libre. Ça se passe à La Villette.
Frédéric Couchet : À la Cité des sciences et de l’industrie, chaque premier samedi du mois.
Lionel Allorge : Le premier samedi du mois, l’après midi et là il y a régulièrement un groupe d’utilisateurs de Blender qui s’appelle le BUG, le Blender User Group, qui se réunit et qui peut aider les gens, notamment à mettre un peu le pied à l’étrier. Après si les gens veulent se spécialiser il y a des formations beaucoup plus, on va dire, professionnalisantes, mais qui sont, à ce moment-là, payantes.
Frédéric Couchet : D’accord. Sur le salon on nous signale un site web qui est sur YouTube, donc des tutoriels en vidéo pour Inkscape et GIMP. C’est Charlotte Boulanger qui ne pouvait pas assister à l’émission mais qui, finalement, nous suit quand même, qui nous signale ces tutos. On va les rajouter sur la page de références sur le site de l’April. J’en profite aussi pour citer un autre type de structure qui sont les espaces publics numériques ou toutes les structures de médiation numérique. Dans beaucoup de villes il y a ce qu’on appelle les Cyber-bases ou des espaces publics numériques où souvent il y a des formations alors peut-être pas Blender, mais GIMP a minima, Inkscape et Scribus. Jehan tu veux rajouter quelque chose.
Jehan Pagès : Oui. Surtout pour la photographie, il y a une très bonne communauté sur le Web, il faut parler anglais, c’est pixls.us, p, i, x, l, s, point us.
Frédéric Couchet : Donc pixls.us.
Jehan Pagès : p, i, i, x, l, s, point us. C’est Patrick David, c’est lui qui nous a fait le site web de GIMP d’ailleurs. C’est un très gros contributeur, ce n’est pas un développeur mais c’est vraiment un très gros contributeur quand même, qui fait aussi cette communauté et c’est une très grosse communauté, très bien au niveau qualité et c’est vraiment très sympa pour les photographes.
Frédéric Couchet : Très bien. On va rajouter ces références sur le site. Je vais rappeler aussi que dans le socle interministériel des logiciels libres conseillés dans l’administration, la version 2018 parce que malheureusement la version 2019 n’est toujours pas en ligne, certains de ces logiciels sont cités, il y a notamment Scribus, Avidemux dont on n’a pas parlé mais qui fait du montage vidéo, Inkscape, The GIMP. Et évidemment, côté lecteur multimédia, le célèbre VLC dont nous avons déjà parlé dans une émission.

Jehan Pagès, Lionel Allorge, est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose, quelques mots de conclusion ? Lionel ?
Lionel Allorge : En tout cas il y a moyen de faire beaucoup de choses avec des logiciels libres. C’est vrai que souvent dans le monde créatif, il y a quelques grands noms qui se sont imposés, on les a cités en début d’émission, mais en fait, aujourd’hui, il y a vraiment moyen de faire beaucoup de choses. C’est souvent juste un problème de passage, de sortir du monde privateur, faire l’effort de passer au monde libre. Et, comme le disait Jehan, le problème c’est surtout d’accepter de passer du temps sur un logiciel. Tous ces logiciels qu’on vient de citer sont des logiciels sophistiqués, donc il faut y passer du temps et ensuite on finit par maîtriser les outils.
Jehan Pagès : Et ce sera pareil sur un logiciel propriétaire.
Frédéric Couchet : Exactement.
Lionel Allorge : Exactement.
Frédéric Couchet : J’en profite : en faisant l’émission de radio, j’ai redécouvert Audacity ; il y a une certaine prise en main et on découvre des choses absolument fantastiques, des filtres, etc. Jehan Pagès, est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?
Jehan Pagès : Non, je pense que ce que Lionel a dit c’est très bien. De manière générale, les professionnels peuvent utiliser les logiciels libres pour la plupart des choses au niveau graphisme et vidéo, etc. Il y a quelques manques, mais en tout cas pour les logiciels qu’on a cités, tout ce qui est 2D, 3D, je pense qu’il y a de quoi faire. On peut être professionnel et il y a pas mal de professionnels déjà.
Frédéric Couchet : On aura l’occasion sans doute de refaire une émission, je pense notamment avec notre graphiste à l’April, bénévole, Antoine Bardelli, qui lui-même, dans le domaine professionnel, utilise beaucoup de logiciels libres pour son travail. On aura sans doute l’occasion d’en discuter. C’est effectivement un point très intéressant et important de préciser qu’on peut utiliser ces logiciels libres qu’on a cités dans le monde professionnel. Après il peut y avoir des contraintes, mais on aura l’occasion d’en reparler dans une prochaine émission.

En tout cas je vous remercie, Jehan et Lionel, d’avoir participé à cette émission.
Lionel Allorge : De rien.
Frédéric Couchet : Nous allons faire une petite pause musicale avant d’aborder le prochain sujet. Nous allons écouter Who’s that kid ? et on se retrouve juste après.
Pause musicale : Who’s that kid ? par Defy the Mall.
Voix off : Cause Commune 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Who’s that kid ? de Defy the Mall. La référence est sur le site de l’April et évidemment c’est sous licence libre.

Proposition de directive droit d’auteur

Nous allons aborder notre sujet suivant. Je vais bientôt passer la parole à mon collègue Étienne Gonnu. Nous avons avec nous au téléphone pour parler sur la proposition de directive droit d’auteur, Anne-Catherine Lorrain conseillère politique à la commission parlementaire des affaires juridiques au Parlement européen pour le groupe des Verts européens. Étienne et Anne-Catherine je vous passe la parole. À toi Étienne.
Étienne Gonnu : Merci Fred. Je pense qu’on ne va pas rentrer dans les détails et présenter à nouveau la directive droit d’auteur, on en a déjà beaucoup parlé. Pour rappel nous on est vraiment très mobilisés contre l’article 13 qui entend, pour dire les choses simplement, imposer la mise en place de filtrages automatisés sur les plateformes de partage de contenus soumis au droit d’auteur. Pour nous c’est incompatible avec les valeurs qu’on défend. Le vote final sur ce texte, après toute la procédure – là on arrive sur la fin –, se profile le 26 ou le 27 mars normalement. Anne-Catherine pourrais-tu peut-être nous donner plus d’informations sur ce sujet, s’il te plaît ?
Anne-Catherine Lorrain : Bonjour. Effectivement pour le moment le vote aura lieu en principe le mardi, c’est toujours ce qui est sur l’agenda de la plénière de la semaine prochaine, mais on fait en sorte que le vote soit décalé à mercredi, ne serait-ce que pour respecter un peu la logique des choses, parce qu’on a un vote sur un autre dossier copyright qui est ce règlement transformé en directive qu’on appelle SatCab, qui sera voté mercredi et qui a été conclu il y a déjà deux mois. Ce serait logique de garder les deux votes ensemble.
Étienne Gonnu : D’accord.
Anne-Catherine Lorrain : On ne sait pas encore. Il y aura une réunion de la conférence des présidents du Parlement jeudi, on en saura plus à ce moment-là.
Étienne Gonnu : Entendu. On vous l’a dit souvent, l’enjeu pour nous de cette mobilisation est donc de faire comprendre aux parlementaires pourquoi on considère que ce texte est aussi dangereux et une partie extrêmement importante de cette mobilisation c’est de prendre contact avec ses parlementaires, idéalement en les appelant et ça peut être aussi par écrit ; en fait l’idéal c’est de faire les deux. Quel est ton sentiment peut-être au sein du Parlement européen, auprès des parlementaires européens ? On sait notamment que les parlementaires français en général sont plutôt en faveur, malheureusement, de la directive sauf le groupe Europe Écologie les Verts que tu conseilles politiquement. Quel est ton sentiment général ?
Anne-Catherine Lorrain : Ce sera serré parce que vous vous rappelez, en septembre on était un peu dans la même situation où on avait gagné notre vote pour mettre en cause le mandat pour commencer les négociations en « trilogue » à l’époque, on l’avait gagné en juillet et ensuite en septembre on avait pu voter sur des amendements sur la proposition avant de commencer les « trilogues ».

Au niveau de la procédure, aujourd’hui c’est le vote final sur le résultat final des négociations dites de « trilogue » entre la Commission, le Conseil et le Parlement. Donc on est un peu dans la même situation, sauf que ce qui est mieux, de notre perspective, c’est que la campagne publique a grandi, évidemment ça dépend des pays mais notamment en Allemagne qui est le pays d’origine de notre shadow rapporteur, Julia Reda, c’est devenu quelque chose de très présent.
Étienne Gonnu : On a même vu des manifestations dans la rue ce qui est quand même, sur ce genre de sujet, pas anodin. C’est vrai que nous aussi on voit une campagne amplifiée, d’où l’importance aussi de participer, de donner encore plus corps et de profiter de cette mobilisation plus forte. Je pense qu’on a vraiment une ouverture, là, qui était peut-être plus difficile à anticiper il y a quelques mois. Là il y a une fenêtre de tir. En tout cas on peut renverser cette directive, ce n’est pas un espoir fou.
Anne-Catherine Lorrain : Tout à fait. Là je sors d’une discussion de groupe avec la plupart des députés du groupe pour discuter des dossiers et de la stratégie d’ici la semaine prochaine. Évidemment toutes ces manifestations, surtout en Allemagne, rappellent ce qui s’est passé pour ACTA, pour TTIP. Le rapprochement est facile à faire, mais disons que tout ça a marqué les esprits dans les années précédentes donc les députés le considèrent.
Étienne Gonnu : Super.
Anne-Catherine Lorrain : C’est en prendre en compte.
Étienne Gonnu : À une personne qui trouverait l’énergie, qui souhaiterait se mobiliser, qui souhaiterait contacter, appeler un de ces parlementaires – pour info d’ailleurs, on le répète, il y a la campagne SaveYourInternet, saveyourinternet.eu, bien sûr on vous mettra le lien, qui vous propose une liste avec les coordonnées des parlementaires – est-ce que tu as des conseils peut-être de fond, de forme, sur ces prises de contact pour motiver les personnes et faciliter cette démarche ?
Anne-Catherine Lorrain : En tout cas je pense que beaucoup de gens ont déjà l’habitude et sont plus expérimentés que moi pour faire ça. Oui, c’est quelque chose qui est important. Tous les députés reçoivent beaucoup d’e-mails, mais un e-mail avec des bons arguments et assez court, sans trop de pièces jointes, c’est toujours utile pour leur bureau, pour les assistants en charge.
Étienne Gonnu : Ils sont réceptifs, j’imagine, au fait de voir que les gens se mobilisent ?
Anne-Catherine Lorrain : Pardon ?
Étienne Gonnu : Ça a un impact, j’imagine. Ils sont réceptifs quand les gens se mobilisent, quand ils reçoivent…
Anne-Catherine Lorrain : Oui, ils voient qu’il y a quelque chose qui se passe, ça c’est sûr. Mais effectivement, pour les députés de l’autre bord disons, pour la majorité du PPE [Parti populaire européen] en tout cas ceux qui soutiennent le rapporteur, ce genre de campagne a plutôt le don de les énerver si je puis dire, mais voir qu’il y a une mobilisation publique c’est important, bien sûr.
Étienne Gonnu : Tu l’évoquais quand on avait échangé en amont de l’émission pour ceux qui vont suivre. Nous on va suivre le moment du vote. Suivre les votes au Parlement européen c’est quelque chose d’assez complexe. Tu voulais aborder assez rapidement parce que le temps file, le système des amendements, comment sont lus les amendements, comment ils sont déposés. Nous, notre but c’est que la directive soit rejetée afin qu’on puisse dans les meilleurs délais débattre à nouveau sur le vrai fond de ces questions qui sont éminemment complexes et auxquelles l’article 13 finalement n’apporte aucune réponse et à défaut un rejet de l’article 13. Peut-être pourrais-tu nous en dire deux mots s’il te plaît.
Anne-Catherine Lorrain : Notre stratégie à nous ce n’est pas de rejeter la directive en bloc parce que si on rejette en bloc ça veut dire que ça s’arrête là. Comme tu dis, donner une nouvelle chance de débattre sur le fond, il faut que le mandat soit substantiellement changé pour redémarrer la discussion lorsque le nouveau Parlement prendra place au mois de juillet. C’est notre stratégie. Il y aura un amendement de rejet, forcément, qui sera déposé pas par nous, mais sans doute par d’autres groupes politiques. Ça ce sera voté en premier, de toute façon, un rejet du texte dans son entier. C’est une procédure de première lecture classique, ce qu’on appelle comme ça, rejet de première lecture sur le résultat du « trilogue » et automatiquement un délai pour amendement est ouvert. Le délai, en fait, est jusqu’à demain à 13 heures. Notre stratégie est de ne pas aller dans tous les sens, parce que quand on va dans tous les sens, on dépose des amendements partout, ça porte à confusion, le message ne passe pas et on se retrouve avec un texte qui n’a ni queue ni tête. Donc on va se concentrer sur des amendements de suppression des articles 11 et 13, donc l’article 13 que vous connaissez bien, tu l’as mentionné tout à l’heure, et l’article 11 c’est sur le droit des éditeurs de presse pour les usages en ligne, qu’on appelle aussi le ancillary copyright [en français droit voisin au droit d’auteur, NdT]
Étienne Gonnu : Oui, ou link tax.
Anne-Catherine Lorrain : Donc on propose de supprimer ces deux articles et de ne pas proposer d’amendements correctifs ou substantiels.
Étienne Gonnu : Entendu. Très bien.
Frédéric Couchet : Ce qui veut dire que pour les personnes qui vont contacter des parlementaires c’est la stratégie à soutenir : ce n’est pas forcément un rejet de la directive entière, mais c’est le vote de ces amendements de suppression de l’article 13 sur les outils de filtrage et de l’article 11 sur les droits voisins pour les éditeurs de presse.
Anne-Catherine Lorrain : Voilà. C’est se débarrasser de ces deux articles nocifs, parce qu’il faut quand même prendre en compte le fait que pendant les négociations de « trilogue » on a réussi à obtenir certaines choses, un article nouveau sur les œuvres du domaine public, des exceptions qui prennent en compte les licences libres, des choses qui sont très positives au niveau de la rémunération des artistes. Il y a des choses qui sont moins bien, c’est sûr, mais tout n’est pas à jeter avec le bébé. Donc ce serait dommage de rejeter la directive parce que je le redis, ça s’arrête là. Il n’y aura plus rien avant je ne sais pas quand.

Si on vote un texte amendé, ça veut dire qu’on demande au Conseil de faire une deuxième lecture avec le Parlement. Ça veut dire qu’il y a d’autres négociations « trilogue » qui vont commencer à partir du prochain Parlement, peut-être pas en juillet parce que, après les élections c’est en juillet que le nouveau Parlement commence à travailler, après l’été par exemple.
Étienne Gonnu : Tout à fait. D’ailleurs c’est un point important. Comme il y a les élections, ça joue énormément aussi parce qu’on sait qu’ils peuvent être sensibles à la mobilisation.
Anne-Catherine Lorrain : Pour la campagne oui.
Étienne Gonnu : Il ne faut pas hésiter aussi à appuyer là-dessus. On va malheureusement arriver à la conclusion de notre point. Je rappelle juste que le 21 mars c’est la journée, une sorte de journée appel à mobilisation à un niveau européen. Il y aura peut-être notamment certaines pages Wikipédia dans certaines langues qui seront en black-out, c’est-à-dire fermées pour la journée ; certainement le site de l’April aussi pour marquer notre opposition au système de censure. Comme tu le dis, c’est vraiment le cœur du danger ces articles 11 et 13 et c’est vraiment contre ceux-là qu’il faut se mobiliser. Je te remercie vraiment Anne-Catherine pour toutes ces précisions et on continuera à se battre contre ces articles jusqu’au bout. Merci beaucoup.
Frédéric Couchet : Merci Anne-Catherine et bon courage.
Anne-Catherine Lorrain : Avec plaisir. Merci. Au revoir.
Frédéric Couchet : Petit jingle musical avant les dernières annonces.
Jingle musical basé sur Sometimes par Jahzzar.
Frédéric Couchet : J’ai un lot d’annonces que je vais faire assez rapidement avant le démarrage du générique.
On vient de parler de la campagne contre l’article 13. Sur le site de l’April, april.org, vous retrouvez des références ; sur saveyourinternet.eu également ; vous avez aussi pledge2019.eu.

En parallèle, la semaine dernière, nous avons parlé de la campagne contre la proposition de règlement terroriste/ censure sécuritaire. Là le site de référence c’est laquadrature.net. Eh oui, ça se passe encore au niveau du Parlement européen.
Côté annonces, plutôt positives ce coup-ci. Le Libre en Fête 2019 se poursuit jusqu’au 7 avril, le site c’est libre-en-fete.net. Il y a plus de 200 événements qui sont référencés sur le site.

La semaine dernière nous avons eu un échange avec Louis-David Benyayer pour la soirée Fund The Code !, donc financez le logiciel libre, découvrez les projets libres et soutenez-les gratuitement via des sponsorings d’entreprises qui se sont engagées. La soirée c’est ce soir, mardi 19 mars, de 19 heures à 22 heures 30 au Liberté Living Lab, 9 rue d’Alexandrie à Paris dans le 2e arrondissement. Les soirées Fund The Code ! permettent à chacun de découvrir des projets libres et de les soutenir financièrement.

Jeudi soir à la FPH à Paris, dans le 11e, il y a la soirée de contribution au Libre, c’est toutes les semaines et cette semaine il y a aura la réunion du groupe de travail Sensibilisation de l’April dont Marie-Odile a parlé dans sa chronique avec notamment son animatrice Isabella Vanni. L’accueil est à partir de 18 heures 30.

Pour les personnes qui sont à Montpellier il y a un apéro April le même soir, donc à Montpellier jeudi 21 mars.
Ce week-end il y a un événement important pour l’April car nous avons samedi notre assemblée générale. Je rappelle pour les membres de l’April que vous pouvez toujours voter, envoyer une procuration ou venir sur place à l’Université Paris 8 pour assister à l’assemblée générale qui commencera à 14 heures, l’accueil se faisant à 13 heures 30. Et le dimanche, à la FPH dans le 11e arrondissement de Paris, il y aura une journée ouverte à toute personne intéressée ; ce seront des ateliers en petits groupes, des discussions diverses. Je sais que le matin il y a par exemple une réunion du groupe de travail Libre Association. Il y aura sans doute des choses autour de la sensibilisation. C’est donc de 9 heures, à peu près, à 18 heures, le dimanche à la FPH. Venez nous voir même si vous n’êtes pas membre de l’April ou si vous n’êtes pas encore membre de l’April.
Pour tous les autres événements vous allez sur le site cité par Lionel Allorge tout à l’heure, le fameux site agendadulibre.org, sur lequel vous retrouvez les événements mais aussi un annuaire des groupes d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres, pour vous permettre de découvrir Blender, GIMP, Inkscape, Krita ou tout autre logiciel dont on a parlé tout à l’heure.
Notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé aujourd’hui à l’émission donc Marie-Odile Morandi, Lionel Allorge, Jehan Pagès, Étienne Gonnu, Patrick Creusot et Anne-Catherine Lorrain évidemment par téléphone.
Vous trouverez sur le site de l’April, april.org, une page avec les références ; nous allons la mettre à jour avec les références qui ont été citées au cours de l’émission.

La prochaine émission aura lieu mardi 26 avril 2019 à 15 heures 30, notre sujet principal devrait vous intéresser. Pardon ?
Étienne Gonnu : 26 mars.
Frédéric Couchet : 26 mars. J’ai dit quoi ? Avril ! Non, non 26 mars, nous sommes en hebdomadaire nous ne sommes pas en mensuel, nous sommes en hebdomadaire, donc le 26 mars à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur les civic techs et le logiciel libre. On reviendra notamment sur l’importance du logiciel libre pour les outils dans le cadre du grand débat, du vrai débat, enfin de tous les débats qui peuvent avoir lieu. Ce sera la semaine prochaine.

Nous vous souhaitons de passer une belle journée. On se retrouve mardi prochain et d’ici là portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.