- Titre :
- Émission Libre à vous ! diffusée mardi 10 septembre 2019 sur radio Cause Commune
- Intervenant·e·s :
- Noémie Bergez - Ludine Pierquin - Raphaël Pierquin - Tony Bassette - Vincent Calame - Frédéric Couchet -Étienne Gonnu à la régie
- Lieu :
- Radio Cause Commune
- Date :
- 10 septembre 2019
- Durée :
- 1 h 30 min
- Écouter ou télécharger le podcast
Page des références utiles concernant cette émission
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm. Merci d’être avec nous aujourd’hui pour cette nouvelle émission.
La radio dispose d’un webchat, utilisez votre navigateur web, rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et ainsi retrouvez-nous sur le salon web dédié à l’émission. La radio dispose également d’une application, Cause Commune, pour téléphone mobile.
Nous sommes mardi 10 septembre 2019, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’association est april.org et vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration.
Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Voici maintenant le programme de l’émission du jour ; nous allons pas mal parler des cookies sous des formes différentes.
Nous commencerons en effet par la chronique « In code we trust » de Noémie Bergez sur les nouvelles lignes directrices de la CNIL, justement sur les cookies informatiques !
D’ici 10 à 15 minutes nous aborderons notre sujet principal qui portera sur l’apprentissage de la programmation pour les enfants et notamment les Coding Goûters, où on partage différents gâteaux autour de la programmation.
En fin d’émission nous aurons la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Salut Fred.
Frédéric Couchet : Nous allons vous proposer un petit quiz. Je vous donnerai les réponses en fin d’émission et vous pouvez essayer de proposer des réponses sur les réseaux sociaux ou sur le salon web de la radio, donc sur causecommune.fm.
Première question : lors de l’émission du 3 septembre 2019, nous avons parlé de la migration de la Gendarmerie nationale vers les logiciels libres. La question est : combien de postes informatiques sont désormais sous système libre GNU/Linux ? Aller, à quelques milliers près !
Deuxième question : quelle est la suite bureautique libre utilisée au début de la migration de la Gendarmerie et quelle est la suite bureautique libre utilisée aujourd’hui ?
Tout de suite place au premier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « In code we trust » de Noémie Bergez sur les nouvelles lignes directrices de la CNIL sur les cookies
Frédéric Couchet : Évoquer le code à la main une règle de droit ou un procès en lien avec les œuvres, les données, les logiciels ou les technologies c’est la chronique « In code we trust », « Dans le code nous croyons », de Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune. Bonjour Noémie.
Noémie Bergez : Bonjour Fred.
Frédéric Couchet : J’espère que tu as passé un bel été.
Noémie Bergez : Très bien.
Frédéric Couchet : Noémie, tu souhaites nous parler aujourd’hui des nouvelles lignes directrices de la CNIL sur les cookies, la CNIL étant la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Nous t’écoutons.
Noémie Bergez : Cette première chronique de la saison sera dédiée aux cookies, pas ces petits biscuits, ces succulents biscuits américains, mais ces fichiers texte de petite taille qui sont stockés sur un terminal lors de la navigation sur un site internet. On les appelle également les témoins de connexion. Généralement on va retrouver ces cookies pour la gestion des cessions pour les paniers d’achat en ligne, la personnalisation, le pistage.
Techniquement ces cookies vont permettre d’accéder à des informations qui sont stockées sur le terminal d’un utilisateur ou d’accéder à ce terminal pour y inscrire des informations. Ils vont permettre d’accéder à des données qui sont soit des données techniques, soit des données à caractère personnel.
Quelle est la législation applicable à l’usage des cookies actuellement ?
C’est l’article 82 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, qui a été modifiée et je rappelle qu’elle a été modifiée récemment depuis le 1er juin 2019, qui dispose que « tout abonné ou utilisateur d’un service de communication électronique doit être informé, de manière claire et complète, premièrement de la finalité de toute action qui tend à accéder à des informations qui sont stockées dans son équipement terminal ou à inscrire des informations dans cet équipement ». Et deuxième point, ce sont les moyens dont il dispose pour s’y opposer.
Donc premièrement la finalité, deuxièmement les moyens pour s’y opposer.
L’article 82 précise également que ces accès ou ces inscriptions, donc le dépôt de ces cookies, ne peut avoir lieu qu’à condition que l’abonné ait exprimé, après avoir reçu cette information, son consentement, qui peut résulter de paramètres appropriés de son dispositif de connexion ou de tout autre dispositif placé sous son contrôle.
Il existe une exception au consentement de l’utilisateur, c‘est lorsque le cookie a pour finalité exclusive de permettre ou faciliter la communication par voie électronique ou si ce cookie est strictement nécessaire à la fourniture d’un service de communication en ligne à la demande expresse de l’utilisateur.
Les règles sont la transposition directe de la directive 2002/58/CE du Parlement européen qui concerne le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, c’est la directive qu’on appelle vie privée et communications électroniques.
En 2013, la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] avait pris une recommandation relative aux cookies dans le cadre d’une délibération 2013-378 du 5 décembre 2013. Dans cette recommandation, la CNIL rappelle que compte-tenu des risques qu’ils entraînent sur la vie privée, les cookies qui nécessitent une information et un consentement préalable de l’internaute sont notamment ceux qui sont liés à des opérations de publicité ciblée, des cookies de mesure d’audience, des cookies traceurs de réseaux sociaux qui sont générés par les boutons de partage de réseaux sociaux.
À l’inverse, pour la CNIL, et en application de l’article 82, certains des cookies peuvent être déposés ou lus sans recueillir le consentement des personnes. Elle rappelle que ce sont ceux qui ont pour objectif de faciliter la communication par voie électronique ou qui sont strictement nécessaires à la fourniture d’un service qui est expressément demandé par l’utilisateur.
En pratique, la CNIL a recommandé en 2013 la mise en place d’un bandeau, qu’on voit souvent sur les sites internet, qui permet d’informer le visiteur des finalités précises des cookies qui sont utilisés, de la possibilité de s’opposer à ces cookies et de changer les paramètres en cliquant sur un lien qui est présent dans le bandeau et, troisième chose, du fait que la poursuite de sa navigation vaut accord au dépôt de cookies sur son terminal. C’est ce troisième point qui est aujourd’hui largement discuté et qui est même remis en cause.
Le dernier point de la recommandation de 2013 c’était sur la durée de conservation des informations qui étaient collectées via les cookies. La CNIL avait indiqué que le délai de validité du consentement devait être de 13 mois maximum. Une fois qu’on acceptait le dépôt de cookies sur son terminal, ce consentement valait pour 13 mois et, au-delà, il fallait demander à nouveau le consentement de l’utilisateur.
Avec le RGPD, le Règlement général sur la protection des données, des modifications ont été apportées, notamment à la notion de consentement prévue par l’article 4 et également par l’article 7 du RGPD.
Aujourd’hui le consentement est clairement défini comme « toute manifestation de volonté libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte par une déclaration ou par un acte positif clair que des données à personnel qui la concernent fassent l’objet d’un traitement. »
Le consentement il est clair, il doit être volontaire, libre, spécifique, éclairé et univoque et il doit se traduire par une déclaration ou par un acte positif clair.
En pratique et à mettre en œuvre, cette nouvelle réglementation du RGPD va avoir des conséquences sur la réglementation sur les cookies.
C’est pour cela qu’en juillet 2019, la CNIL, Commission nationale de l’informatique et des libertés, a publié des lignes directrices sur les cookies. Ces lignes directrices sont venues abroger et remplacer la recommandation de 2013. D’ores et déjà la CNIL annonce qu’il va y avoir une nouvelle recommandation dans les prochains mois qui précisera les modalités pratiques du recueil du consentement et, normalement, elle est attendue pour le premier trimestre 2020.
Les lignes directrices permettent, en fait, de mettre à jour la définition du consentement avec les règles du RGPD. Son champ d’application est extrêmement large puisqu’il couvre tous les dispositifs qui permettent, en fait, l’utilisation des cookies. Dans les lignes directrices la CNIL rappelle que ça peut concerner une tablette, un smartphone, un ordinateur fixe ou mobile, une console de jeux vidéos, une télévision connectée, un véhicule connecté, on a vraiment une vision très large du support, et puis elle explique également que les règles s’appliquent quels que soient les systèmes d’exploitation, quels que soient les logiciels applicatifs ou les terminaux utilisés.
Les lignes directrices vont donc porter sur l’utilisation des différents types de cookies qu’on peut trouver. Ce qui est également intéressant à noter c’est que la CNIL rappelle dans ses lignes directrices que les cookies peuvent concerner des données à caractère personnel, mais que les règles s’appliquent également pour le cas où il n’y a pas de données à caractère personnel qui sont collectées, puisque l’article 82, qui provient de la directive vie privée, concerne des données autres que les données à caractère personnel.
Donc on va avoir un certain nombre de lignes directrices, de guidelines, qui permettent un peu de déterminer comment utiliser ces fameux cookies.
Nous allons avoir la question du recueil du consentement puisque la CNIL rappelle que le recueil du consentement doit être exprimé par une manifestation d’une certaine volonté. Comme je le rappelais tout à l’heure, cette volonté doit être libre, spécifique, éclairée et univoque, par une déclaration ou un acte positif clair. Donc la CNIL reprend chacun de ces caractères et vient nous dire ce qui, selon elle, permet de répondre à ces différents critères.
Pour le consentement, il faut véritablement que la personne ait la possibilité d’exercer son choix. Donc le fait de bloquer par exemple l‘accès à un site internet ou à une application mobile à une personne qui ne consentirait pas à être suivie n’est pas conforme au RGPD puisque la personne ne peut pas exercer son choix.
Le caractère spécifique c’est de permettre à la personne de donner son consentement pour chaque finalité distincte. On peut consentir de manière globale à plusieurs finalités, mais il faut quand même pouvoir, à un moment, retirer son consentement sur certaines des finalités.
Sur le consentement éclairé, là la CNIL rappelle que l’information qui est communiquée doit être rédigée en des termes simples et compréhensibles par tous. Ça fait partie des règles : on ne doit pas donner un langage trop compliqué, il faut que l’utilisateur puisse comprendre facilement à quoi va servir le dépôt des cookies ou l’accès à des informations sur son terminal.
L’information doit être complète, visible, mise en évidence.
Elle rappelle également qu’il faut pouvoir retirer le consentement à tout moment.
Les paramètres du terminal. Le navigateur, aujourd’hui, n’est en fait pas considéré comme suffisant : la CNIL considère que les paramètres qu’on va pouvoir faire à travers son navigateur ce n’est pas un niveau suffisant d’information. En réalité, elle recommande encore une fois à l’éditeur de pouvoir permettre à l’utilisateur de paramétrer directement depuis le site et non pas depuis le navigateur.
Sur les opérations de lecture, là-dessus l’article 82 n’est pas modifié, donc effectivement toujours la possibilité de ne pas recueillir le consentement lorsque le cookie a pour finalité exclusive de permettre ou de faciliter la communication par voie électronique ou s’il est strictement nécessaire à la fourniture d’un service de communication en ligne. La CNIL rappelle néanmoins que dans ces conditions-là les utilisateurs doivent être informés de l’existence de ces cookies et de leur finalité.
On a entendu parler des lignes directrices cet été puisqu’elles ont été publiées le 4 juillet. Il y a également eu un petit peu d’actualité cet été puisque La Quadrature du Net a fait un recours devant le Conseil d’État. C’était un référé-suspension. Je voulais revenir un instant sur cette actualité puisqu’il pourra y avoir des conséquences au regard de ces lignes directrices. En réalité, ce qui s’est passé, c’est que lorsque la CNIL en juin, le 28 juin, a publié sur son site internet un article où elle annonçait les options des futures lignes directrices, elle a précisé qu’elle laisserait aux acteurs une période transitoire de 12 mois durant laquelle la poursuite de la navigation comme expression du consentement sera considérée par la CNIL comme acceptable. Le 18 juillet elle a publié un second article dans lequel elle a déclaré que ces lignes directrices seront suivies d’une nouvelle recommandation au premier trimestre 2020 et qu’une période d’adaptation s’achevant 6 mois après la publication de la future recommandation sera laissée aux acteurs.
Tout l’objet du recours de La Quadrature du Net et de Caliopen c’est qu’en réalité, pour ces deux associations, la décision de la CNIL d’autoriser la poursuite de la navigation comme mode d’expression du consentement est contraire au RGPD, donc elles ont demandé un référé-suspension qui a été rejeté pour une question d’urgence, c’est-à-dire que le Conseil d’État a considéré qu’il n’y avait pas d’urgence, que l’urgence n’était pas caractérisée en ce sens où une procédure au fond existe en parallèle et que l’audience de fond se tiendra le 30 septembre.
C’est une affaire qui est à suivre puisqu’en principe au mois de septembre, fin septembre, nous allons avoir des informations sur la possibilité ou pas de reporter l’application de ces nouvelles règles au temps qui est imparti, qui est laissé par la CNIL pour que les acteurs se mettent en conformité.
Néanmoins on rappelle quand même que l’usage des cookies est réglementé et que la CNIL a déjà condamné des éditeurs pour manquement à cette réglementation parce que les éditeurs n’avaient pas informé les utilisateurs du dépôt des cookies, ils ne leur avaient pas non plus donné les moyens de s’y opposer. Cette procédure a fait l’objet d’une confirmation par le Conseil d’État le 6 juin 2018 et une condamnation à hauteur de 25 000 euros.
C’est vrai qu’il faut quand même suivre cette réglementation qui est importante.
Frédéric Couchet : Merci Noémie. On aura de nouvelles informations fin septembre en fonction de la décision qui sera prise et nul doute que tu reviendras sur le sujet dans une prochaine chronique. Je te souhaite une belle journée et au mois prochain.
Noémie Bergez : Merci. À très bientôt.
Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Nous allons écouter Hans Trap Returns par Ghandizilla/Raphaël Badawi et on se retrouve juste après.
Pause musicale : Hans Trap Returns par Ghandizilla/Raphaël Badawi
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Hans Trap Returns par Ghandizilla/Raphaël Badawi, c’est une musique disponible sous licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons maintenant passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Le sujet suivant est consacré à l’apprentissage de la programmation pour les enfants. Exceptionnellement c’est un sujet qui n’est pas en direct, tout simplement parce que l’une des intervenantes reprenait l’école la semaine dernière et n’était pas disponible à 15 heures 30, donc nous avons enregistré l’émission il y a deux semaines. Nous allons diffuser cet enregistrement et on se retrouve juste après.
Initiation à la programmation pour les enfants (et les grands) avec Tony Bassette, Raphaël Pierquin et Ludine Pierquin
Frédéric Couchet : Nous allons aborder notre sujet principal qui va porter sur l’apprentissage de la programmation, du code – nous verrons les éventuelles différences – pour les enfants, mais on verra aussi que la participation des grands est importante. C’est une première émission sur ce thème avec des initiatives privées. Nous reviendrons bien entendu sur ce sujet avec d’autres initiatives, d’autres contextes et notamment à l’école. Nos invités du jour, Tony Bassette cofondateur de Tech Kids Academy. Bonjour Tony.
Tony Bassette : Bonjour Fred.
Frédéric Couchet : Raphaël Pierquin, cofondateur des Coding Goûters. Bonjour Raphaël.
Raphaël Pierquin : Bonjour.
Frédéric Couchet : Et Ludine Pierquin, Coding goûteuse. Bonjour Ludine.
Ludine Pierquin : Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : Avec ces trois invités nous allons parler de l’apprentissage de la programmation pour les enfants mais aussi pour les grands. Première question, même si je vous ai un petit peu présentés rapidement, est-ce que vous pouvez faire un petit point sur votre parcours, les points essentiels. On va commencer par Tony Bassette.
Tony Bassette : Mon parcours : j’ai travaillé pendant de nombreuses années en sociétés de services et il y a quelque temps, avec l’aide de mon associée Alexandra Bernard, nous avons fondé Tech Kids Academy pour apprendre aux enfants la programmation, entre autres.
Frédéric Couchet : D’accord. Raphaël Pierquin.
Raphaël Pierquin : J’étais en CM1, j’ai eu un ordinateur, j’ai programmé à partir de ce moment-là et j’ai beaucoup aimé. Aujourd’hui j’ai 44 ans. Entre-temps j’ai eu une formation d’ingénieur en informatique. Aujourd’hui je travaille dans une coopérative de développeurs et, pour terminer, je m’intéresse notamment à des questions de pédagogie surtout quand il s’agit de mes propres enfants.
Frédéric Couchet : Justement, Ludine Pierquin.
Ludine Pierquin : Enfant de Raphaël. J’ai fait des Coding Goûters de mes 9 ans à mes 17 que j’ai aujourd’hui. J’ai aussi fait Informatique et Sciences du Numérique au lycée.
Frédéric Couchet : On va en parler justement dans le cadre de l’émission, les différences peut-être ou les complémentarités entre les initiatives privées dont on va parler, Coding Goûter dont le site web, je le dis tout de suite, est codinggouter.org, tout attaché point org et sans « s » à goûter et l’initiative techkidsacademy.com, tout attaché, « academy » avec un « y », pas « ie ». Les références seront évidemment sur le site de l’April.
Déjà avant d’aborder en détail vos initiatives sur la programmation, l’apprentissage de la programmation, première question : c’est quoi la programmation ? Et, au fond, pourquoi on parle de ça aujourd’hui notamment pour les enfants ? Quel est l’intérêt d’apprendre la programmation aux enfants ? Qui veut commencer ?
Raphaël Pierquin : Ce sera moi.
Frédéric Couchet : Raphaël Pierquin.
Raphaël Pierquin : L’intérêt d’apprendre la programmation aux enfants c’est probablement qu’on est entouré d’objets avec lesquels on interagit en permanence et qui sont programmés. Ils interagissent avec nous, que ce soit une voiture, un frigo, une console de jeux, évidemment un ordinateur, une télévision, un téléphone et tout ça a été conçu, fabriqué par des humains qui ont pris des décisions sur le comportement devant ces objets. Du coup ça a beaucoup d’impacts sur la vie et, du coup, ça a un intérêt de regarder ça de près, d’autant plus que la plupart des adultes ne savent pas de quoi il s’agit, donc ils ne sont pas capables de transmettre, en fait, des informations ou des concepts autour de ça. Si ce ne sont pas les adultes qui leur expliquent, il faut bien trouver un moyen pour que eux manipulent ces concepts ; c’est une des raisons. Mais la raison qui m’a poussé à montrer ça à mes enfants c’est parce que c’est très amusant, enfin moi j’avais trouvé très amusant, en tant qu’enfant, de programmer - Ludine pourra dire ce qu’elle en pense de son côté – et puis c’est un moyen d’expression qui est formidable : on peut faire plein de choses en codant et c’est dommage de ne pas mettre ça entre les mains des enfants comme des adultes.
Frédéric Couchet : Tu parles de Ludine, justement Ludine quel intérêt tu vois à l’apprentissage de la programmation ?
Ludine Pierquin : Quand j’étais petite et que j’expliquais à mes ami·e·s ce que je faisais le dimanche matin, l’heure à laquelle on faisait les Coding Goûters, je disais que j’apprenais à donner des informations à mon ordinateur pour qu’il fasse ce que je veux qu’il fasse. Je n’avais pas de recul à l’époque mais maintenant je me dis que c’est cool d’avoir appris la programmation jeune, parce que ça te permet de comprendre – ce qu’a dit mon père, Raphaël – comment fonctionnent les objets connectés autour de toi. Quand j’étais petite j’ai commencé à comprendre comment fonctionnait la télé et que ce n’était pas juste magique d’appuyer comme ça sur un bouton. Ça donne des outils pour, c’est un peu niais, comprendre le monde et après se poser d’autres questions sur d’autres choses.
Frédéric Couchet : D’accord. Nous sommes à la radio, elle me fait des signes, donc on reviendra sur ce sujet.
Ludine Pierquin : Ce n’est pas très radiophonique !
Frédéric Couchet : C’est pour ça que j’explique aux personnes qui écoutent. Quand tu parles des outils pour comprendre ce monde, Raphaël, Tony et moi on est à peu près de la même génération, on a eu beaucoup de cours de physique et de biologie à l’époque parce que le monde est physique, industriel, c’était une base pour comprendre ce monde. Aujourd’hui le monde devient de plus en plus informatique, donc il paraît naturel d’apprendre l’informatique en général – on y reviendra tout à l’heure – et pas simplement la programmation aux enfants et aussi aux grands évidemment pour comprendre ce monde en pleine évolution.
Tony Bassette, est-ce que tu veux compléter sur pourquoi apprendre la programmation aux enfants ? Pourquoi tu t’es aussi lancé dans cette initiative après de longues années de services aux entreprises diverses et variées ?
Tony Bassette : Je vais reprendre ce que disait Raphaël. Effectivement, dans le monde aujourd’hui, des smartphones il y en a partout, des tablettes il y en a partout, des ordinateurs, enfin on est entouré d’objets programmables. Les enfants, aujourd’hui, sont spectateurs, principalement, de tous ces objets, ils sont utilisateurs basiques et ce sont, malgré tout, des outils qu’ils vont être amenés à manipuler demain. Une des raisons qui nous a poussés à la création de Tech Kids ça a été justement de pouvoir donner aux enfants la possibilité de devenir maîtres de tous ces appareils : contrôler, comprendre comment fonctionne un smartphone, comprendre comment fonctionne un ordinateur, une tablette ; on a même eu des enfants qui venaient en nous disant « moi j’ai un téléphone, je veux savoir comment ça marche. »
Frédéric Couchet : Donner les clés pour comprendre.
Tony Bassette : Voilà, exactement.
Frédéric Couchet : C’est intéressant, tu dis « smartphone, ordinateur », peut-être aussi simplement faire comprendre aux gens qu’aujourd’hui un smartphone c’est avant tout un ordinateur, de plus en plus un ordinateur et finalement la fonction téléphone n’est qu’une des fonctions de ce smartphone, d’ailleurs ce n’est pas là-dessus que les fabricants communiquent, c’est plutôt sur les autres fonctionnalités.
Donc voilà. On a bien compris l’intérêt pour les enfants mais aussi pour les gens qui animent, finalement le côté fun ou amusant dont a parlé Raphaël, je ne sais plus quelle expression tu as employée, mais ça fait aussi partie de l’informatique, ça a un côté fun, et ce que disait Ludine est aussi intéressant : expliquer à l’ordinateur ce qu’elle veut que l’ordinateur fasse, évidemment parce que l’ordinateur est programmé par des êtres humains.
Maintenant on va parler un petit peu de vos deux initiatives un peu plus en détail, deux initiatives très différentes sur leur fonctionnement et évidemment complémentaires. On va peut-être commencer par Raphaël et Ludine Pierquin sur les Coding Goûters. C’est quoi les Coding Goûters ? Pourquoi vous les avez lancés ? À quel moment ? Expliquez-nous un petit peu ça.
Raphaël Pierquin : La genèse des Coding Goûters doit se passer en 2012. À un moment on est plusieurs parents, j’ai envie de citer Jonathan Perret et Julien Dorra, à se dire « c’est dommage, on aimerait bien montrer ce que c’est que la programmation à nos enfants, mais il n’y a rien. Il n’y a pas de support ». On se souvient bien que quand on avait leur âge, avec le plan informatique pour tous dans les années 80, il y avait des ordinateurs dans les écoles, mais il n’y a plus rien. Donc on a inventé quelque chose. Essentiellement ça consistait à se dire « si on essaie de montrer l’environnement de programmation, enfin un moyen de programmer à nos enfants, ils vont passer à autre chose très vite. Par contre, si on s’extrait à un endroit comme on irait à un pique-nique, un endroit spécifique, on n’est pas chez soi, il y a d’autres enfants qui sont là et il y a quelque chose de ludique et d’amusant et puis on va essayer ensemble de patouiller sans forcément savoir ce qu’on va faire, eh bien peut-être que ça va marcher ». Et en fait ça a marché très bien au sens où, dès le départ, les enfants ont dit : « C’est super, on a envie de recommencer » et on a recommencé. Au début c’était toutes les trois semaines, quelque chose comme ça et, comme en plus dans ma coopérative on a une expertise sur comment on interagit quand on programme, donc de derrière l’ordinateur comment se transmet la connaissance ou ce genre de choses – ça fait partie de la programmation professionnelle aujourd’hui, c’est une activité qui est très sociale contrairement à ce qu’on peut croire – du coup on a mis toute notre connaissance là-dedans et ça a donné un genre de format au sujet duquel on s’est dit « c’est tellement bien qu’on peut essayer de documenter ce format et encourager d’autres personnes à se lancer là-dedans ». Donc le week-end, c’est d’ailleurs plus le dimanche après-midi dans notre cas que le matin.
Frédéric Couchet : Le format précis d’un Coding Goûter ?
Raphaël Pierquin : À quoi ça ressemble ? Je suis expert sur le sujet, donc il faut que j’arrive à rendre ça très court. On réunit des familles, pour le coup, donc on invite des familles, on n’invite pas des enfants, on invite des familles entières qui s’intéressent à la question. Au début, dans notre cas, ce sont des familles avec au moins un adulte qui connaissait le sujet, mais souvent il suffit qu’il y ait un membre qui s’intéresse à la question de qu’est-ce que c’est que la programmation ? On se réunit pendant quatre heures – ça peut être un peu long ! Au début on explique le mode de fonctionnement, on dit : « Chacun va patouiller de son côté, on va essayer des trucs. »
Frédéric Couchet : Le terme que tu emploies c’est « patouiller ».
Raphaël Pierquin : Ouais, patouiller, on essaye des trucs.
Frédéric Couchet : La main à la pâte, en fait.
Raphaël Pierquin : Voilà. On ne propose pas de démarche pédagogique, on ne propose pas de support, on dit aux gens : « Si vous avez envie d’essayer de faire des choses, essayez-les et si vous ne savez pas quoi faire, copiez sur vos voisins ! » ; ça c’est super important. Ces séances de patouille sont entrecoupées par d’autres séances que les enfants ont appelées « spectacles », qui sont des moments où on s’arrête et ceux et celles qui le souhaitent montrent sur un grand vidéoprojecteur où ils en sont, donc c‘est formidable. On ne montre pas ce qu’on a réussi à faire, on montre…
Frédéric Couchet : Ce qu’on a essayé de faire.
Raphaël Pierquin : Ce qu’on a essayé de faire ou ce qu’on vient d’apprendre. C’est très amusant de voir les enfants qui ont l’habitude. On a une jeune fille qui était très impressionnante, qui était habituée, qui disait : « Je viens d’essayer de faire ça et ça ne marche pas ! » Point. C’est étonnant, mais on le refait plusieurs fois, c’est : patouille, spectacle, patouille, spectacle, patouille, spectacle ; on le refait trois fois, en fait, pendant la séance et les gens qui ne connaissent pas du coup commencent à voir, pendant les spectacles, ce qui se passe, voient les difficultés des autres et puis, peu à peu, eh bien il se passe des choses entre les différents groupes qui se sont constitués et, au final, tout le monde apprend quelque chose et à la fin on debrief, on discute entre nous de ce qui était bien, ce qui n’était pas bien. C’est notamment dans ces discussions de fin que les enfants ont dit : « Le moment, là, c’est le spectacle », ce sont eux qui ont nommé le spectacle, c’est très amusant. À la fin on a appris et ce qui est intéressant dans ce format c’est que les adultes ont exactement la même position que les enfants, ils ne sont pas plus sachants ou moins sachants, ils ne sont pas moins participants que les enfants, d’une part, et du coup il n’y a pas de sachant, il n’y a pas d’expert qui vient animer. Du coup ça a ce formidable intérêt que si moi je suis un adulte, que je suis intéressé par la question, que j’ai envie de montrer un truc à mes enfants mais que je ne suis pas expert en pédagogie, eh bien ce n’est pas grave, en fait. Je peux me lancer et il va se passer quelque chose pourvu qu’on soit suffisamment nombreux et qu’on ne se mette pas trop la pression.
Et dernière chose, évidemment on vient avec un gâteau ou un goûter qu’on partage, comme ça ça permet à chacun de contribuer d’une manière ou d’une autre et, en général, à la fin on ressort plutôt satisfaits.
Frédéric Couchet : Je vais aussi passer la parole de Ludine, évidemment, tout à l’heure quand on parlera de Tech Kids Academy, la différence c’est le rôle des parents, je suppose, dans les deux initiatives.
Toi, Ludine, ta position est un peu particulière étant la fille d’un informaticien. Première question : est-ce que tu es venue parce que ton papa t’a invitée à le faire ou parce que tu étais déjà intéressée par le sujet ? Et deuxième question : comment ça se passe, pour toi, en tant que Coding goûteuse, c’est-à-dire côté enfant ? Qu’est-ce que tu en as retiré ? Est-ce que la partie spectacle ne t’a pas un peu impressionnée ? Moi j’ai participé à un Coding Goûter il y a quelques années et mon fils, par exemple, avait refusé de montrer ce qu’il avait fait parce qu’il est un petit timide, etc., donc ça doit être un peu impressionnant de montrer ce qu’on a essayé de faire devant les autres. Comment ça se passe pour toi ?
Ludine Pierquin : Première question, je me souviens que mon père m’avait dit : « Ça te dirait qu’on fasse ça ? » J’avais dit : « Oui, pourquoi pas ! » Donc on y était allés, je pense que les premiers on n’était vraiment pas nombreux ; l’ambiance m’avait plu. Ça c’est arrivé plus tard mais, par exemple, le fait que des adultes viennent demander de l’aide ce n’était pas quelque chose que je connaissais avant ; avant j’avais fait beaucoup de Scratch et je n’étais pas mauvaise à un moment.
Frédéric Couchet : Scratch c’est un des logiciels utilisés, on en reparlera tout à l’heure.
Ludine Pierquin : Du coup c’était fréquent qu’il y ait des personnes plus âgées que moi qui viennent me demander de l’aide et solliciter mon expertise. J’ai oublié la deuxième question, pardon. C’était ? Ce que ça m’a apporté.
Frédéric Couchet : Sur comment ça se passe pour toi ? Est-ce que le côté spectacle t’a impressionnée ?
Ludine Pierquin : Je ne me souviens pas d’avoir été particulièrement impressionnée par ça. Non, justement, c’est plutôt gratifiant parce que même si on a raté, au final tout le monde applaudit, tout le monde est content. On montre la réalisation, mais on montre aussi le code derrière et, parfois, même si ça ne marche pas, les gens sont contents de voir la réalisation.
Frédéric Couchet : Ça c’est un point important que tu cites, c’est que l’erreur est valorisée, ce qui n’est pas toujours le cas dans de nombreuses activités et aussi à l’école où, des fois, c’est plutôt l’erreur qui est sanctionnée. Là, l’erreur est valorisée parce que l’erreur fait partie de l’apprentissage du code. D’ailleurs je signale, pour les personnes qui nous écoutent, qu’on a consacré une émission sur le métier de développement logiciel, c’était le 14 mai 2019, le podcast est disponible, avec un développeur et une développeuse et je crois que c’était un des sujets que ces deux personnes abordaient, la notion de l’erreur qui permet de progresser, dont on ne doit pas avoir peur.
Ludine Pierquin : Oui, voilà, c’est ça. Au final, pour ne pas faire d’erreur il faut juste ne pas essayer. Si on a testé parfois ça rate. Ce n’est pas tant le résultat, le produit final qu’on a qui compte, c’est plus la démarche et ça c’était chouette parce que, parfois, ça nous arrivait de faire des trucs qui ne marchaient pas et, au final, on avait quand même un truc et on avait appris derrière.
Frédéric Couchet : D’accord. On va évidemment revenir sur les Coding Goûters. On va passer un petit peu maintenant à la présentation d’une initiative quand même un peu différente dans le fonctionnement, Tech Kids Academy. Tony Bassette, tu as expliqué tout à l’heure pourquoi tu as lancé cette académie avec ton associée. Comment ça se passe concrètement pour les enfants et puis pour les parents ?
Tony Bassette : Comment ça se passe. Typiquement on a différentes formules. À la différence des Coding Goûters, nous on fonctionne à l’année, en fait comme une activité extra-scolaire, donc on a différents ateliers selon les tranches d’âge. On regroupe les enfants de 7/9 ans, 10/12 ans et 13/17 ans. Ce qui se passe c’est que, à l’année, on a découpé l’année en cinq cycles, quatre entièrement dirigés par nous, dirigés dans le sens où, un petit peu comme un cours, on va leur expliquer un certain nombre de choses. Le cinquième cycle est un cycle projets. Les quatre cycles qu’on propose sont autour de la programmation, donc en fonction des âges on va utiliser des outils et des langages de programmation différents, ça va de Scratch pour les plus petits à Python pour les plus grands. On va faire un cycle sur l’électronique puisque, aujourd’hui, l’électronique est programmable différemment.
Frédéric Couchet : Quand tu parles d’électronique ce sont notamment les robots programmables ?
Tony Bassette : Entre autres, là c’est sur la robotique en fait. On a aussi des cycles sur la robotique. Là, sur l’électronique, on est autour des cartes Arduino, les objets connectés ; il y a plutôt tous ces aspects-là qui sont abordés. Pour les petits on est plutôt sur une initiation, une présentation de l’électricité, de l’électronique. Pour les plus grands on est sur la conception de schémas électroniques un peu plus aboutis.
On a justement un cycle sur la robotique où là, de la même manière, on va présenter dans les grandes lignes les différents aspects que l’on trouve autour d’un robot – qu’est-ce qu’un capteur, qu’est-ce qu’un moteur, comment on fait interagir tout ça ensemble – et on a un cycle sur le design, sur le dessin, le pixel art, et sur la modélisation 3D. Tous ces aspects-là sont dirigés à travers des petits ateliers où, de temps en temps, on va se permettre de les challenger, de vérifier s’ils ont bien compris les notions qu’on a essayé de leur faire comprendre, avec, justement, ces cas d’échec dont on parlait où on dit : « Tu t’es trompé, de toute façon ce n’est pas grave ! » À la différence où justement à l’école on dit : « Ouh là là, tu t’es trompé, c’est catastrophique ! » Non ! « Là tu t’es trompé » et souvent les enfants finissent par comprendre d’eux-mêmes « je me suis trompé, ah ben oui, j’ai interverti deux blocs, je me suis trompé ici, je me suis trompé là », ils se corrigent et arrivent au résultat. Ce qui est souvent intéressant dans ces challenges c’est de voir qu’autour de la table, sur une même question posée, eh bien on a parfois des solutions complètement différentes.
Frédéric Couchet : D’accord. Je vais aussi préciser qu’une différence entre vos deux structures, c’est que n’importe quelle personne peut venir aux Coding Goûters, la seule condition c’est d’amener un goûter, en fait, quelque part, et que Tech Kids Academy c’est une académie plus classique avec un format d’abonnement ou de paiement des ateliers. Physiquement vous avez une académie à Saint-Germain-en-Laye et une à Paris.
Tony Bassette : Paris 15e, tout à fait. On a aujourd’hui deux centres qui nous permettent d’accueillir les enfants à l’année et en stage pendant les vacances scolaires.
Frédéric Couchet : Je précise aussi pour les personnes qui n’habitent pas en Île-de-France qu’il y a des Coding Goûters dans d’autres régions françaises et sans doute dans le monde ; sur le site codinggouter.org, on retrouve les informations et, évidement, il y a des académies de même style que Tech Kids Academy en Île-de-France et ailleurs et puis dans les autres régions françaises.
En tout cas, une des différences entre les deux initiatives c’est le rôle des parents. Tony Bassette, dans Tech Kids Academy, le rôle des parents, quelque part, entre guillemets, si j’ai bien compris, à moins, peut-être qu’il y ait une participation plus que ça, c’est d’amener les enfants, finalement de payer les frais, mais ils ne sont pas impliqués plus que ça ? Ou est-ce qu’il y a des initiatives pour essayer de les impliquer ?
Tony Bassette : Dans les activités à l’année et les stages, ça peut se résumer à tout ça. Il n’empêche qu’on a commencé à réfléchir à une nouvelle activité puisque nous, avec Alexandra, on a appris à programmer tous les deux quand on était plus jeunes et même vous, je pense – je dis « vous » c’est Raphaël et toi Fred – on a commencé avec du Basic. Aujourd’hui on a lancé une petite initiative de journées rétrogaming où typiquement on va proposer aux parents et aux enfants de réaliser différentes activités.
Frédéric Couchet : C’est quoi le rétrogaming ? Les jeux anciens, c’est ça ?
Tony Bassette : Rétrogaming, ce sont les jeux d’avant, ce sont les jeux auxquels on a joué quand on était petits. Si je parle de Space Invaders, je pense qu’aujourd’hui tout le monde se dit « oui, j’ai joué à Space Invaders quand j’étais plus jeune », je parle de notre génération. Les plus jeunes aussi ont découvert Space Invaders mais c’est autre chose. Typiquement, lors de ces journées rétrogaming, ce sont des activités transgénérationnelles. Les parents et les enfants ont tous les deux une liste de petits challenges avec des outils adaptés, donc pour les enfants, comme on l’a cité tout à l’heure, on travaille avec Scratch ; on a placé les parents derrière du Basic. Je ne sais même pas si le Basic est encore utilisé aujourd’hui de manière industrielle ; il y a eu des évolutions du Basic, mais en tout cas là on est vraiment sur le Basic du début des années 80. C’est assez marrant de voir des parents qui, d’ailleurs, n’ont jamais programmé, se lancer sur le Basic, réussir les challenges et surtout, à la fin de la journée, se dire « mais c’est génial, j’ai réussi à faire l’ensemble des challenges ». Aujourd’hui, aussi parce que les parents cherchent à comprendre ce que font les enfants, à travers cette initiative de journées rétrogaming, on essaye de permettre aux parents et aux enfants de vivre une expérience un petit peu unique.
Frédéric Couchet : Ça permet, si je comprends bien, à la fois aux parents et aux enfants de comprendre que l’informatique, finalement, n’est pas un monde mystérieux, que c’est un monde qu’on peut comprendre, sur lequel on peut agir. Raphaël j’ai l’impression que tu veux réagir.
Raphaël Pierquin : Tout à fait. À un moment, je m’amuse à dire que le Coding Goûter n’est pas du tout une activité pour apprendre la programmation aux enfants, que c’estt pour apprendre la programmation aux adultes et que ce sont les enfants qui sont les médiateurs de tout ça. De fait ça marche très bien au sens où, quand on met un adulte et un enfant en binôme derrière un même écran, en particulier avec Scratch, on parle de Scratch, où c’est très intuitif, il y a quelque chose qui marche très bien. C’est-à-dire que les enfants, souvent on les voit, ils n’ont pas peur. Ils n’ont pas peur de casser l’ordinateur, ils sont prêts à essayer plein de trucs, ils sont très spontanés, ils vont à toute vitesse, ils ne sont pas du tout inhibés, alors qu’un adulte est pris par tous ces films où il a vu qu’au moment où le codeur intervient il y a des lettres vertes, cryptiques ; le message qu’on a reçu depuis longtemps c’est « c’est compliqué, c’est trop compliqué pour vous, n’essayez même pas de comprendre. Si vous essayez de comprendre c’est que vous êtes un extraterrestre ! » Les adultes sont pourris par ça, par contre ils ont une structure, ils ont une intention qu’ils arrivent à garder, ils arrivent à garder leur focalisation et le mélange des deux fait quelque chose de formidable. Vraiment ! Un truc que j’adore, c’est voir apparaître dans les binômes qui se créent au sein des familles que les deux apprennent quelque chose. De fait, on a des adultes qui repartent en ayant appris à programmer. Typiquement, la mère de mes enfants a appris à programmer par accident. Elle est venue parce qu’elle n’avait rien d’autre à faire que suivre ses enfants et, au final, elle a appris des choses. Au départ, les binômes qui se constituent sont souvent au sein de la famille et il y a des relations qui se crée entre les groupes, les gens se retrouvent et ce n’est pas rare de retrouver à un spectacle un binôme d’adultes qui ne sont pas de la même de famille, qui sont contents de présenter ce qu’ils ont fait et qui sont heureux de leur réalisation, alors que leurs enfants sont en train de jouer parce que quatre heures ça fait un peu long et qu’ils ont besoin de se dégourdir les jambes. On a aussi des binômes d’enfants qui se créent. En tout cas les adultes ont vraiment quelque chose à apprendre de ça. C’est même vital, j’ai l’impression, qu’ils arrivent à sortir de ce complexe qui a été inculqué depuis longtemps par rapport à la programmation.
Frédéric Couchet : Ça me fait venir une question à l’esprit, les Coding Goûters c’est depuis 2012, si je me souviens bien. Tech Kids Academy, c’est depuis combien de temps ?
Tony Bassette : Depuis 2014.
Frédéric Couchet : Depuis 2014, mais le projet est plus ancien.
Tony Bassette : Le projet est plus ancien. En fait, je pense que 2012 est une année charnière parce qu’on a commencé à réfléchir au projet Tech Kids justement en 2012 et je sais que certains concurrents ont commencé à réfléchir sur leurs projets aussi cette année-là.
Frédéric Couchet : Ma question étant : sur le long terme, est-ce que vous avez des enfants, des familles qui sont là depuis le début et qui progressent, qui continuent ? Ou est-ce que ce ne sont vraiment que des gens qui viennent ponctuellement ? Coding Goûters et puis Tech Kids Academy.
Raphaël Pierquin : Ludine me fait signe pour dire que c’était…
Ludine Pierquin : C’était 2011.
Raphaël Pierquin : Attention !
Frédéric Couchet : Ah ! 2011.
Ludine Pierquin : On était là avant !
Raphaël Pierquin : Est-ce qu’on voit des gens revenir ? Il y a un truc qu’il faut savoir c’est qu’il n’y a pas des organisateurs d’un Coding Goûter, ce sont des parents qui ont envie d’organiser quelque chose, qui trouvent un local et qui réunissent suffisamment de monde. Du coup, nous est une communauté, en fait. Un Coding Goûter, d’une certaine manière, c’est une communauté de familles, un petit noyau de familles qui se retrouvent, qui décident de se retrouver et qui attirent autour d’elles un certain nombre de personnes. On peut dire que oui, moi j’ai vu des familles venir et revenir et c’est en faisant plusieurs Coding Goûters, en fait, qu’on voit la magie s’opérer parce qu’au départ, quand on débarque, on est perdu, on ne sait pas ce qu’on veut faire, on copie un peu sur les autres et puis très vite on devient à l’aise avec le processus et on se retrouve à expliquer aux autres. Ça, ça fait partie du processus d’apprentissage.
Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il y a des enfants qui sont devenus experts. Au bout d’un moment les enfants grandissent. Mes enfants qui étaient très contents, au départ, de venir avec leurs parents faire des activités, eh bien au bout d’un moment ils deviennent ados et passer un dimanche après-midi à manger des gâteaux avec les parents c’est la dernière chose qu’ils ont envie de faire, donc après il a fallu qu’on innove et qu’on trouve d’autres formats. Mais, pour le coup, il y a vraiment une forme de récurrence, même si, en fait c’est complètement libre puisque les gens viennent en fonction de leurs disponibilités du week-end et de leurs envies. Voilà !
Frédéric Couchet : De leurs envies, etc. Tony, de ton côté, est-ce que tu vois des enfants qui reviennent, enfin des familles qui reviennent ? Pas forcément depuis le début.
Tony Bassette : Oui. Depuis le début, pas forcément depuis le début, mais on a maintenant de nombreux enfants qui reviennent tous les ans, qui ont commencé je dirais au cycle zéro - 7/9 ans année 1 - et qui, aujourd’hui, viennent d’intégrer les 10/12 ans, année 2. Pour le coup ça fait quatre ans qu’ils sont chez nous. Je pense à plusieurs, mais il y a en un m’avait frappé déjà au tout début de l’initiative, c’est Maximilien qui, à l’époque, avait six trois quarts et on lui avait posé la question, parce qu’il était vraiment très passionné, on lui avait demandé si demain il voulait continuer, faire de l’informatique au quotidien, etc. Et il nous a répondu du haut de ses six ans trois quarts : « Non, pas du tout, demain moije veux être nanobiologiste ». OK. Très bien, On s’est dit « il a entendu un joli mot, il s’est dit je ferai ça plus tard. » On lui a posé la question de ce que voulait dire être nanobiologiste et là il nous a expliqué exactement ce qu’était la nanobiologie en sortant des termes que je ne pourrais même citer et que je n’ai pas compris. Maximilien sait exactement ce qu’il veut faire demain, mais, malgré tout, l’informatique le passionne. Comme nous, il a trouvé un endroit où il peut laisser libre cours à sa passion, essayer, développer, s’améliorer et aider, puisqu’il y a aussi l’entraide, l’entraide fait aussi partie des valeurs qu’on essaye d’enseigner aux enfants : si tu as compris tu as le droit de demander à tes camarades, autour de toi, qui a besoin d’aide et d’aller l’aider, de lui expliquer.
Frédéric Couchet : D’accord. Tu parles de Maximilien, ça me fait penser à une question pour Ludine, à deux questions pour Ludine. La première : est-ce que tu comptes devenir développeuse dans le futur ?
Raphaël Pierquin : Je réponds tout de suite : non.
Frédéric Couchet : Tu as d’autres projets. Est-ce que tu sais déjà ce que tu veux faire ?
Ludine Pierquin : Non plus. Mais je sais que je ne veux pas faire quelque chose dans l’informatique. Par rapport à ce que tu disais c’est intéressant parce que quand je disais que je faisais de la programmation à mes ami·e·s qui ne savaient ce que c’était, mais après que j’aie expliqué, comme quand j’étais petite – je suis née en 2001 – ce n’était pas du tout un truc courant de faire de la programmation le dimanche, mes ami·e·s faisaient du tennis ou éventuellement du dessin, mais ce n’était pas une activité courante dans le paysage extrascolaire, du coup, j’étais directe cataloguée genre « tu vas faire ça plus tard, tu prends de l’avance », alors que non, pas du tout, j’entre en hypokhâgne dans deux jours, en prépa lettres. Oui, j’ai fait de l’informatique l’année dernière, mais c’est plus un loisir qu’autre chose ; je ne compte pas en faire ma vie ! C’est bien, c‘est une activité et ça fait des cordes en plus à son arc, on va dire, mais ce n’est pas du tout quelque chose que j’envisage professionnellement. Ça c’est une question qui revient souvent pour moi.
Frédéric Couchet : Tony, avant la pause musicale, vas-y.
Tony Bassette : Pour réagir justement là-dessus, on a de nombreux enfants, j’ai cité le cas de Maximilien, mais c’est vrai qu’on a beaucoup d’enfants qui nous disent : « Moi l’informatique c’est une passion ; il y en a c’est les échecs, c’est le foot, c’est le tennis, moi c’est l’informatique ; je n’aime pas faire de sport, par contre j’adore les ordinateurs et j’aime comprendre comment ça marche. » Et demain qu’est-ce qu’ils veulent faire ? Comme Maximilien, on en a beaucoup qui nous disent : « Eh bien non, je ne me destine pas nécessairement à devenir informaticien, développeur, administrateur ou autre ; j’ai juste envie de découvrir ce monde et de m’amuser avec des gens qui ont cette même passion. »
Ludine Pierquin : C’est un loisir plus qu’autre chose.
Frédéric Couchet : Très bien. On va faire une pause musicale et on va revenir après sur ce sujet qui mélange à la fois la compréhension du monde, les rencontres sociales et le fun.
Nous allons écouter Kings par Cyber SDF et on se retrouve juste après.
Pause musicale : Kings par Cyber SDF.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Kings par Cyber SDF, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.
Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm
Notre sujet, que nous allons poursuivre, porte sur l’apprentissage de la programmation pour les enfants mais aussi pour les grands comme on l’a vu en première partie. Nos invités : Tony Bassette de Tech Kids Academy ; Raphaël Pierquin de Coding Goûters ; Ludine Pierquin de Coding Goûters, enfin Coding goûteuse et qui va faire bientôt hypokhâgne, comme quoi on peut apprendre l’informatique et ne pas en faire son métier, en tout cas la programmation.
Justement Ludine, on va poursuivre avec toi parce que l’informatique, traditionnellement l’apprentissage du code, des langages, on dit souvent « c’est pour les garçons ». On sait bien que ce n’est pas vrai, tu en es la meilleure preuve, mais est-ce que toi, en tant que fille, tu as eu des difficultés, peut-être par exemple quand tu fais des présentations dans le cadre des Coding Goûters dont on parlait tout à l’heure ? Est-ce que tu as eu des difficultés par rapport aux garçons qui traditionnellement, souvent, prennent beaucoup de place ? Comment tu vois ça, cette place, finalement en tant que femme, dans des Coding Goûters, de l’apprentissage de la programmation ?
Ludine Pierquin : Dans les Coding Goûters je ne me suis sentie une fille ; j’étais une enfant, il y avait des garçons, OK, mais ce n’était pas un sujet et je ne me suis faite « basher », avec des guillemets, parce que j’étais une fille. Après, plus tard, j’ai dit que j’ai fait Informatique et Sciences du Numérique au lycée. En terminale S, scientifique, il faut qu’on choisisse une spécialité – donc Informatique et Sciences du Numérique c’est une spécialité possible – et, dans ma bande d’ami·e·s, on était trois à vouloir faire Informatique et Sciences du Numérique, deux garçons et moi. On en a parlé à un quatrième ami, on lui a dit que tous on voulait faire informatique. Mes deux autres amis n’avaient jamais touché à un ordinateur de leur vie, moi si, mais ils ne le savaient pas forcément, donc le quatrième ami qui nous parlait, c’est compliqué de décrire le personnage, m’a dit : « Tu y connais quelque chose, toi ? »
Frédéric Couchet : Le quatrième ami c’était un garçon, c’est ça ?
Ludine Pierquin : Oui, c’était un garçon. Que des garçons et moi. Il n’a pas du tout posé la question à mes deux autres amis garçons qui y connaissaient moins que moi, pour le coup, du coup je n’étais pas très contente ; ils n’ont même pas compris pourquoi ça m’agaçait, en fait.
Les femmes sont 10 % dans informatique, je crois, donc c’est vraiment peu. C’est important. Dans ma classe d’ISN on était 5 filles sur les 30, c‘est plus que les autres années, mais ça reste peu. Et dans la classe d’ISN, Informatique et Sciences du Numérique, pardon c’est le sigle, oui c’est arrivé qu’on se moque de nous et qu’on nous dise : « Ce sont des filles, elles ne savent pas faire ! », alors que, pour le coup, certaines étaient bien meilleures que d’autres garçons qui étaient là par dépit, c’est triste mais c’est ça l’informatique. Ce n’est pas drôle parce qu’il y a plein de clichés et tout ça, que les femmes ne savent pas faire avec un ordinateur ; parfois c’est vrai mais pas plus que les hommes, malheureusement. Je pense que c’est hyper important s’il y a des filles ou des femmes qui nous écoutent : allez on y va, ce n’est pas difficile et on peut le faire !
Frédéric Couchet : C’est à la portée de tout le monde.
Ludine Pierquin : Voilà !
Frédéric Couchet : Je vais donner la parole à Raphaël et à Tony, je vais vous poser une question et à Ludivine en même temps : est-ce qu’il y a un intérêt à organiser des ateliers ou des Coding Goûters non mixtes, par exemple qu’avec des filles. Je vous pose la question et je vous laisse réagir. Il y avait Tony qui voulait réagir. Tony, par exemple dans tes ateliers, est-ce qu’il y a plus de garçons ? Plus de filles ? Comment ça se passe ? Et après Raphaël Pierquin aussi.
Tony Bassette : C’est très variable en fonction des ateliers et des créneaux, puisque tout dépend aussi de la disponibilité des enfants. Moi j’ai le souvenir d’ateliers qui étaient majoritairement composés de filles, d’autres, même si on n’a pas vraiment fait de statistiques là-dessus, mais comme ça, à vue de nez, je pense qu’il y a effectivement une plus grande majorité de garçons que de filles à nos ateliers. Au maximum il y a 12 enfants dans nos ateliers, j’ai souvenir d’ateliers où on avait 8 filles et 4 quatre garçons. Nous on ne cherche pas à faire des groupes de filles ou des groupes de garçons ; au contraire on est pour la mixité, on est pour la différence quelle qu’elle soit et c’est justement dans cette différence qu’on va aller chercher ce petit plus, ce petit détail qui va nous permettre de progresser, que ce soit fille, garçon, que ce soit, comme je dis, sur d’autres points de différence.
Frédéric Couchet : D’accord. Raphaël Pierquin.
Raphaël Pierquin : Sur les Coding Goûters, le groupe de départ, on était des papas, ça reflète effectivement ce qu’on voit dans notre métier. C’est assez frappant de voir que parmi les enfants il y avait plus de filles que de garçons, mais c’était essentiellement lié au fait que les familles qui venaient avaient, par hasard, plus de filles que de garçons. Statistiquement, on peut dire qu’il y avait autant de filles que de garçons qui venaient avec la masse et moi je n’ai jamais vu de différences d’intérêt ou de capacité en fonction du fait que c’était une fille ou un garçon.
Frédéric Couchet : Une petite question : sur les spectacles dont tu parlais, est-ce qu’il y avait plus de garçons ou c’était pareil ?
Raphaël Pierquin : Sur la prise de parole, ce n’était pas des choses auxquelles j’étais très sensible à l’époque, mais je n’ai pas le souvenir de ça pour le coup. Par contre, quelque chose qui me frappe, j’ai eu d’autres initiatives et notamment j’anime un club de programmation pour lycées et collèges depuis cinq ans maintenant, là ce sont plus des ados, eh bien c’est frappant de voir que ceux qui viennent vers nous sont bien ceux plutôt que celles, parce qu’il y a beaucoup plus de garçons et je pense que là, pour le coup, ce n’est pas une histoire de goût, mais vraiment ce sont les attentes de la société qui font qu’on ne pousse pas du tout les femmes dans cette direction. J’ai parlé avec des membres d’une association qui s’appelle Wi-Filles, qui essaye de faire la promotion du code et de la technologie auprès de jeunes filles, et elles ont énormément de difficultés à trouver des filles qui seraient intéressées par ça. Il y a eu des initiatives, je laisserai Ludine parler des initiatives qu’on a eues, qu’elle a eue spécifiquement vis-à-vis de filles, mais il y a vraiment quelque chose d’étonnant à résoudre autour de ça. Je pense qu’en tant qu’adultes on crée vraiment un contexte qui éloigne les filles de la technologie et c’est bien dommage.
Frédéric Couchet : Avant de passer la parole à Ludine, ça me fait penser, j’ai carrément oublié le nom, mais peut-être que tu vas le retrouver, Julien Dorra, je crois, qui participe au lancement d’une école de programmation.
Raphaël Pierquin : Absolument. J’étais résolu d’en parler au moins avant la fin de l’émission, Ada Tech School, qui est une école qui est conçue par des femmes avec le soutien de certains hommes mais avant tout par des femmes et qui s’adresse aux femmes post-bac. La première promotion est en train de se lancer, s’il y a des personnes qui sont intéressées, que ça soit pour apprendre ou pour aider d’une manière ou d’une autre, on mettra les références.
Frédéric Couchet : On mettra les références sur le site de l’April, c’est Ada Tech School, et je vais répéter qu’on a consacré une émission au métier de développement logiciel, même si le but n’est pas que tout le monde devienne développeur ou développeuse. Dans cette émission, le 14 mai 2019, on avait un développeur, Emmanuel Raviart, et une développeuse, Katia Aresti, qui expliquaient notamment qu’on peut faire ce métier tout au long de sa vie, que ce n’est pas simplement une étape dans le monde de l’informatique avant de devenir chef de projet ou autres, on peut rester développeur et développeuse du logiciel libre jusqu’au bout parce que ça bouge tout le temps, parce que c’est fun. Je vous invite à écouter ce podcast sur le site de l’April.
Ludine Pierquin sur les initiatives dont vient de parler Raphaël.
Ludine Pierquin : J’avais participé à l’organisation d’évènements pour les femmes et le code avec Ladies Of Code Paris, qui est une communauté de femmes qui codent sur Paris, d’où le nom, et on avait organisé un forum des métiers de l’informatique avec uniquement des femmes pour parler de leur métier. On m’avait donné des affiches pour que je les affiche dans mon lycée, ce que j’ai fait, et personne n’est venu. C’est peut-être aussi lié au fait que, dans un lycée, généralement on ne lit pas les affiches qu’il y a dans les couloirs. Bon ! J’étais allée au forum des métiers et il n’y avait aucune fille de moins de 30 ans et c’était essentiellement des femmes en reconversion, qui étaient très contentes de trouver des femmes qui parlaient de leur métier, mais il y avait, je pense, six intervenantes en tant que professionnelles, ce qui est peu pour un salon des métiers. C’était quand même bien et ce n’est pas vraiment pour l’apprentissage du code aux enfants, du coup, mais c’est un truc qu’il faudrait faire.
Je voulais dire un autre truc : on n’est pas du tout encouragées. Aux Coding Goûters je ne ressentais pas du tout le fait que j’étais une fille, c’est venu bien après, et c’est peut-être aussi pour ça que dans vos ateliers il n’y a pas encore de différences, je ne sais pas, mais il y a encore le gros cliché : quelqu’un qui fait de la programmation déjà c’est un homme, c’est un gros nerd devant son ordinateur et ce n’est pas vrai ! Il faudrait casser ça et plus encourager les filles. Même mon prof d’informatique était en fait très machiste et disait [Ludivine adopte une voix mielleuse, NdT] : « Eh bien alors les filles, on n’y arrive pas ! » Ce qui n’est pas super et la filière ISN n’était pas du tout promue, on disait aux filles : « Faites SVT c’est sympa ! »
Frédéric Couchet : Sciences de la vie et de la terre.
Ludine Pierquin : Sciences de la vie et de la terre, la biologie, donc la matière la plus littéraire des matières scientifiques. Il y a encore des progrès à faire au niveau des programmes au lycée et au collège de manière générale, je pense.
Frédéric Couchet : Merci pour la transition, Ludine, parce que tu vas poursuivre. Une des questions justement, tu as parlé du programme Informatique et Sciences du Numérique qui existe depuis 2012, je crois, notamment pour la terminale ; c’est ce que tu as fait. Est-ce que tu as trouvé l’enseignement complémentaire à ce que tu avais dans les Coding Goûters ? Est-ce que tu as appris des choses ? Quel est ton retour en tant qu’étudiante, en tant que personne qui a suivi ce cursus ?
Ludine Pierquin : J’ai beaucoup plus appris pendant les Coding Goûters que pendant mon année d’Informatique et Sciences du Numérique au lycée. Après, c’est peut-être lié aux conditions parce qu’on avait peu d’ordinateurs, c’était des vieux ordinateurs, on était plusieurs sur le même et on ne les avait pas pendant les évaluations, ce qui est un peu…
Frédéric Couchet : C’est-à-dire que vous faisiez des évaluations ?
Ludine Pierquin : Par écrit.
Frédéric Couchet : Par écrit, d’accord.
Ludine Pierquin : Après c’est peut-être une question de budget de mon lycée, je ne sais pas non plus. La façon dont se déroulait le cours : on était par binômes, donc un binôme par ordinateur, et on faisait essentiellement du Python, on a fait un peu de HTML ; on avait un polycopié avec des programmes qu’on recopiait, on voyait ce que ça faisait et voilà ! Le but de l’année c’était de présenter un projet à nos professeurs à la fin, un projet qu’on aurait codé de A à Z, et c’était notre note du bac. On n’a pas été du tout accompagnés dessus, on s’est complètement débrouillés, ce qui est bien, mais on n’a pas du tout eu d’accompagnement spécifique ni rien. Encore une fois je ne sais pas si c’est spécifique à mon lycée. Comme je sais qu’il y a la réforme du bac ça va changer, j’espère en bien, et je ne pourrais pas vous parler de ce qui va se passer après. Si, cette année j’ai appris deux-trois trucs en Python mais de manière pas du tout pédagogique, ni ludique, ni rien, et je n’ai pas particulièrement apprécié mes cours d’informatique alors que, pourtant, j’ai beaucoup aimé les Coding Goûters, d’ailleurs j’en ai fait pendant très longtemps, donc c’est bien la preuve. Voilà ! Encore une chose ! Dommage !
Frédéric Couchet : On consacrera une émission avec notamment des enseignants et peut-être, si on y arrive, des élèves pour avoir un retour d’expérience on va dire interne de l’école et aussi les évolutions. Je posais une question collective parce que dans le programme Informatique et Sciences du Numérique, il n’y a pas que la programmation, il y a l’enseignement normalement de l’informatique globalement donc l’informatique avec la représentation de l’information, l’algorithmie, les langages de programmation et aussi toute la partie matérielle, donc ordinateurs et réseaux. Raphaël Pierquin Tony Bassette, dans vos initiatives, est-ce que vous abordez ces notions-là ? Si oui lesquelles ? Ou alors pas du tout ? C’est-à-dire l’apprentissage de l’informatique plus globalement. Tony Bassette.
Tony Bassette : Nous on l’aborde plutôt avec les plus grands. On va plus loin sur les différents matériels, différents systèmes d’exploitation, on leur explique un petit peu à quoi sert un système d’exploitation parce qu’on a quand même des enfants qui nous disent que ça ne leur parle pas plus que ça. Les différents langages, j’en ai cité deux tout à l’heure, Scratch et Python, et c’est vrai qu’on utilise différents langages. Il nous arrive de faire un petit peu de Java, il nous arrive de faire du C, du C# [C sharp], du C++, en fonction des besoins. Donc on diversifie, on présente aux enfants un maximum de langages, même si notre objectif n’est pas de faire les ingénieurs de demain, ça reste une passion qu’on transmet aux enfants qui ont envie d’approfondir tout ça, mais, malgré tout, on aborde tous ces sujets : l’algorithmique, quelle est la différence. Ce qui est intéressant aussi, je vais reprendre, ce n’est pas tout à fait le show, mais lorsqu’on fait des challenges et qu’on voit une réalisation du challenge un petit peu technique et avancée, on va demander à l’enfant de venir expliquer à ses camarades pourquoi et comment il est arrivé à ce résultat ; pourquoi il a choisi ces blocs si c’est avec Scratch, pourquoi il a utilisé ces lignes de code si c’était un autre langage. Malgré tout on aborde, on essaie d’aller au-delà de juste le code pour le code.
Frédéric Couchet : D’accord. Raphaël Pierquin.
Raphaël Pierquin : Ma réponse sera un peu différente. De notre côté, comme il s’agit de s’amuser avant tout, il n’y a pas vraiment de cursus ou de programme qui est pensé. On va avant tout creuser dans la direction où il y a de la curiosité, pour le coup. Et s’il y a une personne qui a la chance d’en savoir plus que les autres, elle peut se retrouver à expliquer ce qui lui semble pertinent au moment où la question est posée. La programmation ou le code – moi j’emploie les deux mots pour dire la même chose – pour le coup nous on met beaucoup l’emphase sur l’aspect créatif et pas vraiment sur les notions qui vont autour, à moins que ça ne commence à entraver ou à créer des difficultés de compréhension pour les réalisations qui sont en train d’être faites.
Frédéric Couchet : D’accord. Ludine, tu voulais réagir, vas-y.
Ludine Pierquin : Est-ce que je peux revenir juste une seconde sur l’apprentissage de l’informatique à l’école. Tout à l’heure on parlait des erreurs qui étaient valorisées dans les initiatives de Tony et de mon père, du coup ce n’est pas le cas à l’école. Par exemple, la première évaluation qu’on a faite en ISN, la moyenne était de 6, j’ai eu 3, on s’est tous fait crier dessus très fort. Je pense que la manière dont c’est enseigné à l’école amène plus à dégoûter les élèves de l’informatique ; si les professeurs m’entendent « changez ça ! »
Frédéric Couchet : Est-ce que ton professeur était un professeur qui avait eu une formation sur l’informatique ?
Ludine Pierquin : Un prof de maths.
Frédéric Couchet : C’est souvent la problématique aujourd’hui, c’est le problème de la formation des formateurs ou des formatrices. Je crois que maintenant il y a un Capes Numérique et sciences informatiques [sera créé à partir de 2020, NdT]. Raphaël veut aussi réagir.
Raphaël Pierquin : Ça m’a fait beaucoup de peine quand j’ai entendu Ludine me raconter ces histoires-là. Effectivement, c’est quelque chose que je fais en tant que formateur – je forme aussi des développeurs – et dans les Coding Goûters, l’idée qu’une erreur c’est quelque chose qui mérite d’être célébré, parce que si on a fait une erreur c’est qu’en fait on a quelque chose à apprendre, donc on peut ouvrir ses écoutilles, apprendre quelque chose de nouveau et c’est formidable. Ludine qui avait l’habitude de cette approche-là dans les Coding Goûters, qui se retrouve en fait – Ludine me racontait – à essayer des trucs et puis ça ne marche pas, essayer jusqu’à ce que ça marche ce qui est formidable pour apprendre, d’entendre le comportement de son professeur, ça m’a un petit peu désolé. Je pense qu’il y a vraiment quelque chose qui est très spécial, qui est spécifique à la programmation et que les enseignants, aujourd’hui, ne savent pas vraiment exploiter, c’est que si ça ne marche pas on n’a pas besoin d’un professeur pour nous le dire, en fait c’est l’ordinateur qui ne va pas marcher. C’est à l’inverse très gratifiant d’avoir finalement quelque chose qu’on essayait de faire et de réussir à le faire fonctionner. Du coup, le mode d’apprentissage devient très différent. Notamment on va encourager à faire un maximum d’essais/erreurs. Les rares fois où je me suis retrouvé avec des enseignants en primaire pour leur montrer comment moi je m’y prenais, je leur disais : « Vous n’avez pas besoin d’apprendre à programmer, tout ce que vous avez besoin de faire c’est vous assurer qu’ils essayent jusqu’à ce qu’ils y arrivent » et, pour le coup, ça marche bien. Il n’y a beaucoup d’enseignants qui sont à l’aise avec cette approche-là et je pense que c’est effectivement un manque de formation par rapport à cette activité spécifique qu’est l’informatique.
Frédéric Couchet : Tony, tu voulais réagir ?
Tony Bassette : Je voulais aussi compléter par rapport à ce que les enfants aujourd’hui découvrent à l’école, je ne dis pas que c’est une généralité. On a beaucoup d’enfants qui arrivent et qui nous disent : « J’ai déjà fait un peu de programmation à l’école ». On leur demande : « Qu’est-ce que vous avez fait ? », généralement c’est : « J’ai fait des ronds, des carrés et des triangles. » On leur demandait si on leur avait expliqué des notions un peu plus approfondies et on se rendait bien compte que non. Est-ce que, aujourd’hui, la programmation à l’école est, j’ai envie de dire, captée par les profs de maths, je ne sais pas, mais le retour des enfants c’est que ça manquait de fun à l’école. Ils ne s’amusaient pas, ils disaient : « Eh bien non, on ne s’amuse pas », on s’amuse beaucoup plus avec nous Tech Kids, mais c’était le contexte. À l’école c’était bof !
Frédéric Couchet : D’accord. Raphaël rapidement. J’ai quand même une question importante qu’on n’a pas encore abordée. Vas-y Raphaël.
Raphaël Pierquin : Rapidement. Je ne veux pas non plus qu’on charge trop la barque sur les enseignants, on leur demande beaucoup de choses, et à ce stade-là ça ne me paraît pas du tout évident de leur demander d’enlever du temps à certains enseignements qui sont essentiels pour de la programmation. Je ne sais pas dire si c’est justifié ou pas aujourd’hui, je manque de recul et j’imagine que beaucoup de gens manquent de recul sur cette question-là.
Frédéric Couchet : Exactement. C’est pour ça qu’on consacrera une émission sur le sujet avec notamment des enseignants et des enseignantes.
Le temps passe vite quand on parle d’un sujet passionnant. Il y a un sujet qu’on n’a pas encore abordé. Libre à vous ! parle beaucoup de logiciels libres, j’ai une petite question : vous avez cité des logiciels qui sont pour la plupart libres, Scratch, Python qui est un langage de programmation. Quelle est la place du logiciel libre dans vos initiatives, à la fois en termes d’outils, mais est-ce que vous avez aussi une sensibilisation sur ce qu’est le logiciel libre ou sur ce qu’est le droit d’auteur sur les productions qui sont faites ? Rapidement parce que le temps file. Tony.
Tony Bassette : Rapidement. On essaye, dans la plupart des cas, d’utiliser des logiciels libres ; aujourd’hui, dans les outils d’apprentissage, je dirais qu’on est à 70 % : on utilise ou des outils libres ou des logiciels libres. Quand je dis « outils » c’est qu’on a par exemple un petit robot qui est un outil, qui est open source, qu’on utilise aussi dans nos activités. Ce n’est pas le cas pour tous parce que, malheureusement, il y a des outils pour les plus petits qui sont encore un petit peu délicats, etc.
La sensibilisation au Libre se fait. À nouveau c’est plutôt pour les plus grands, puisqu’on voit des réflexes quand ils sont en mode projet où là ils cherchent à réaliser leur petit jeu, leur petit projet, peu importe, je vais essaye d’être bref là-dessus, où le réflexe c’est d’aller sur Internet et d’aller récupérer des trucs à droite à gauche. Là on leur dit : « Attention, est-ce que tu t’es assuré que l’auteur de cette création te permet de l’utiliser ou pas ? » Il y a une sensibilisation qui est faite à ce niveau-là, malgré tout. Après ça reste compliqué, parce que ça pourrait ouvrir un débat très long, très vaste avec les enfants, mais on essaye, malgré tout, de les orienter vers des sites où les contenus sont libres, de manière à pouvoir réaliser leur projet.
Frédéric Couchet : Raphaël Pierquin.
Raphaël Pierquin : Sur ces questions-là. Ce matin, au moment où on discutait avec Ludine, je me suis dit « tiens, il faut peut-être que je lui explique ce qu’est le logiciel libre ». C’est pour dire à quel point ce n’est pas un sujet qu’on aborde de manière explicite.
Pour les outils qui sont utilisés pendant les Coding Goûters, ça dépend de ce que les familles ont envie d’essayer. Parfois il y a des parents qui sont sensibles à ça, qui vont aller vers ça et puis des fois il y a des parents qui ont acheté un logiciel qui est très propriétaire et qui ont très envie de l’utiliser. Ce qui compte c’est l’énergie et la passion qu’ont les participants et les participantes.
Pour ce qui est du logiciel libre, moi j’ai un goût pour ça. Au moment où j’ai discuté avec Ludine, j’ai pu expliquer ce qu’est le logiciel libre en moins de quatre minutes, je pense, parce qu’à partir du moment où on peut parler de ce qu’est un programme et de ce qu’est un code source, c’est trivial. Après il faut expliquer que tous les codes sources ne sont pas disponibles – ça un concept qui est nouveau quand on sort d’un Coding Goûter, c’est amusant. Du coup, expliquer ce qu’est l’open source et après le logiciel libre, en fait c’est trivial. L’expliquer à quelqu’un qui ne sait pas ce qu’est la programmation, qui n’a jamais vu des instructions, une suite d’instructions, je pense que ça doit être beaucoup plus complexe.
Frédéric Couchet : Ludine, tu veux réagir là-dessus ?
Ludine Pierquin : Effectivement, j’ai appris ce que c’est qu’un logiciel libre ce matin, donc il n’y a pas eu de sensibilisation particulière ni pendant les Coding Goûters ni à l’école. C’est tout ce que j’ai à dire sur le sujet.
Frédéric Couchet : En tout cas, dans les actions de sensibilisation de l’April, faire cette émission a permis que Ludine apprenne ce qu’est un logiciel libre.
Ludine Pierquin : Oui, exactement. Merci beaucoup.
Frédéric Couchet : Il nous reste vraiment peu de temps. Là on a parlé des Coding Gouters, de Tech Kids Academy. J’ai dit tout à l’heure qu’il y a évidemment d’autres initiatives qui existent, Tech Kids, Coding Goûters ce n’est pas qu’à Paris. Il y a aussi des académies professionnelles qui existent partout en France. Il y a des initiatives ailleurs, par exemple à Dignes il y a l’École de développement du logiciel libre qui s’adresse aussi aux collégiens, aux lycéens, on mettra les références sur le site de l’April.
On va finir par un petit tour de table. Il y a peut-être un mot ou quelque chose qu’on n’a pas abordé que vous souhaiteriez dire ou si vous avez des projets à annoncer, n’hésitez pas. On va commencer par Tony Bassette.
Tony Bassette : Le sujet est vaste. Effectivement on est sur un format court donc c’est vraiment difficile de tout résumer, tout synthétiser. Non.
Frédéric Couchet : On a fait le tour ?
Tony Bassette : On n’a pas le fait le tour. Il y aurait trop de choses à dire et trop peu de temps pour y parvenir.
Frédéric Couchet : En tout cas on encourage les familles à participer à ces ateliers, comme Tech Kids Academy ou d’autres.
Tony Bassette : Exactement ou d’autres. Tout à fait. Des initiatives comme la nôtre il en existe plusieurs en Île-de-France, partout dans le reste de la France aussi, dans le reste du monde aussi. Allez-y, amusez-vous, que vos enfants s’amusent, découvrent et se rendent finalement compte que programmer ce n‘est pas aussi barbare qu’on le présente le plus souvent dans les films.
Frédéric Couchet : Raphaël Pierquin.
Raphaël Pierquin : Deux messages. Le premier : si vous êtes parent et que vous avez envie d’essayer, allez voir Scratch avec votre enfant, vous prenez un peu de temps, seul c’est amusant, c’est facile, il y a plein de choses à apprendre et on peut y passer du temps ; c’est un outil qui est formidable pour apprendre. Ça c’est le premier.
Après, si vous avez envie d’apprendre ça de manière un peu plus sociale, dans un Coding Goûter, ce que je vous encourage à faire c’est de créer votre Coding Goûter. On a mis des ressources sur le site codinggouter.org pour que toutes celles et ceux qui souhaitent en organiser puissent le faire. Chacun peut s’approprier le concept à sa manière. Peut-être que vous savez que dans votre région il y a déjà des Coding Goûters, surtout ne dites pas : « Il y en a déjà un, donc moi je ne peux pas le faire ». Si. Tout le monde est légitime à faire des Coding Goûters, on y tient. Et si vous êtes tenté, en préparant, de préparer un parcours pédagogique cadrant les choses, relâchez-vous, faites un gâteau et suivez le processus que j’ai décrit avec les patouilles et les spectacles plusieurs fois pendant la séance. Ne vous mettez pas la pression, ça marche très bien. Faites-en !
Frédéric Couchet : Merci Raphaël. Le mot de la fin pour Ludine Pierquin.
Ludine Pierquin : Merci beaucoup à tous, et pour les filles et les femmes, lancez-vous, n’ayez pas peur, vous êtes autant capables que les hommes et vous êtes légitimes.
Frédéric Couchet : C’est une belle conclusion. Je remercie les personnes invitées aujourd’hui dans l’émission Tony Bassette de Tech Kids Academy ; Raphaël Pierquin des Coding Goûters ; Ludine Pierquin des Coding Goûters.
Je remercie également William Agasvari qui est en régie aujourd’hui pour l’enregistrement de cette émission. Je vous souhaite une belle journée et à bientôt.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Nous allons écouter I’m here par Big Albert et on se retrouve juste après.
Pause musicale : I’m here par Big Albert.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter I’m here par Big Albert, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.
Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Nous allons aborder le sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame sur la patrouille du Libre
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame, bénévole à l’April et le thème du jour, Vincent, est la patrouille du Libre.
Vincent Calame : Oui. La patrouille du Libre, cette idée de chronique m’est venue lors d’une discussion post-émission d’un précédent Libre à vous ! qui portait sur LibreOffice et où j’avais également évoqué ma quête du Libre dans ma structure. Je discutais migration avec Philippe Hemmel, qui était un des intervenants de cette émission, et il m’évoquait le cas d’une migration où, après la migration proprement dite, c’est-à-dire l’installation des postes et la formation, ils étaient restés sur place et passaient régulièrement dans les bureaux pour s’assurer que tout allait bien. Cette approche rejoignait un peu ma propre expérience et c’est cette approche que j’intitule justement « Patrouille du libre », qui est un moyen efficace, je trouve, de résoudre les problèmes et de diminuer les tensions.
Frédéric Couchet : Tu veux dire que les personnes n’osent pas dire qu’elles ont un problème ?
Vincent Calame : Bien sûr, quand ça ne marche pas elles le disent, on l’entend très vite. Je pense plutôt à toutes ces petites choses qu’on a envie de réaliser mais qu’on n’arrive pas parce qu’on ne sait pas par quel bout les prendre. Par exemple une mise en page particulière qu’on a vue un autre document ; on voudrait la reproduire sur LibreOffice et on n’y arrive pas. Souvent ce ne sont pas des choses indispensables et, si la personne ne peut pas les faire, elle va abandonner l’idée mais, à chaque fois, il reste un arrière-goût d’inachevé.
Frédéric Couchet : L’idée que tu présentes dans cette patrouille du Libre, c’est d’aller devant la personne pour favoriser l’expression de ses besoins.
Vincent Calame : Oui, c’est ça. On fait le tour des couloirs et, comme ça, on reste dans un cadre informel qui libère la parole. On parle du temps, on papote et là, la personne place un petit : « À propos, je voudrais faire ça et je n’y arrive pas. » On prend cinq minutes, ça ne suffit pas toujours, mais ce que je constate c’est que ce sont des choses pour lesquelles les personnes sont gênées de vous déranger justement quand elles sont résolues en quelques secondes, et sont moins disposées à suivre une procédure un peu formelle qui serait d’ouvrir un ticket : quand il y a des bugs, on va sur un site on ouvre un ticket et on dépose une demande. Elles ne vont pas le faire. Derrière ça, je pense qu’il y a aussi un peu la honte de ne pas y arriver tout seul. Donc, en prenant les devants, on désamorce beaucoup de tensions, on montre qu’on est disponible et aussi qu’on ne juge pas les gens, on ne peste pas parce qu’ils nous dérangent et on ne les note pas.
Frédéric Couchet : Et quelque part, cela assure un service après-vente du logiciel libre.
Vincent Calame : Oui, voilà. L’idée, c’est de ne jamais laisser les gens démunis, les accompagner dans les premiers pas et leur faire gagner en autonomie. L’informatique s’apprend en pratiquant, ça a été abordé dans le sujet principal de cette émission. Et puis c’est aussi plus facile de transmettre par petites touches, quand le besoin se présente, plutôt d’assurer une formation initiale qui ne peut pas couvrir tous les cas de figure.
Frédéric Couchet : Est-ce que ta suggestion est de généraliser ces patrouilles du Libre ?
Vincent Calame : Là, évidemment, j’évoque mon propre cas où je suis dans une structure…
Frédéric Couchet : À demeure.
Vincent Calame : À demeure, voilà, je suis un informaticien à demeure, ce n’est, évidemment, pas toujours possible. Dans le cas d’organisations plus petites on pourrait imaginer des patrouilles plus espacées dans le temps. Évidemment, là je parle des organisations. Pour le grand public, c’est évidemment beaucoup plus compliqué à mettre en place, je n’ai pas d’exemple, mais je pense qu’il y a une approche complémentaire à la patrouille, c’est celle de la permanence : indiquer un lieu, une heure régulière où la personne pourra trouver un interlocuteur pour la renseigner sur ses petits problèmes du quotidien, là aussi dans un cadre plutôt informel. Et ça, je sais que c’est un mécanisme qui a été mis en place par plusieurs groupes d’utilisateurs locaux de logiciels libres, celui que je connais est Parinux : il y a les Premier Samedi du Libre à la Cité des sciences. J’en profite d’ailleurs, un peu pour conclure, pour vous inviter à vous rendre sur l’Agenda du Libre où vous pourrez voir si un groupe local d’utilisateurs de logiciels libres organise des permanences près de chez vous.
Frédéric Couchet : D’accord. Donc Parinux c’est le groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres de la région parisienne, enfin Paris et la région parisienne. Il organise régulièrement des événements, Les Premier Samedi, c’est chaque premier samedi du mois à la Cité des sciences et de l’industrie de 14 heures à 18 heures. Parinux, avec d’autres groupes, organise une journée consacrée aux logiciels libres avec des conférences et des ateliers d’accueil. Évidemment, pour les personnes qui nous écoutent ailleurs qu’en région parisienne, sur l’Agenda du Libre, agendadulibre.org tout attaché, vous retrouverez les permanences ou en tout cas les événements récurrents qui sont organisés dans les autres régions. Et puis il y a aussi les permanences, on va dire, un peu plus festives. C’est l’occasion, par exemple, de parler des apéros, c’est-à-dire de rencontrer des gens autour des apéros et de parler de leurs problèmes, notamment de ces patrouilles du Libre ou de ces permanences. Est-ce que tu souhaites ajouter un mot de conclusion sur ces patrouilles du libre, sur ces permanences ?
Vincent Calame : Non. J’ai tout dit : toujours mélanger informel et pratique, toujours. En tout cas ne pas avoir un cadre trop rigoureux.
Frédéric Couchet : Trop formel et qui peut bloquer les utilisateurs et utilisatrices.
Vincent Calame : Et les culpabiliser.
Frédéric Couchet : D’accord. Merci Vincent pour cette chronique « Jouons collectif ». On se retrouve le mois prochain. Je te souhaite de passer une belle journée.
Vincent Calame : Merci.
Frédéric Couchet : Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Annonces
Frédéric Couchet : D’abord les réponses aux questions du quiz.
La première question. Lors de l’émission du 3 septembre 2019, nous avions parlé de la migration de la Gendarmerie nationale vers les logiciels libres. La question c’est combien de postes informatiques sont sous système libre GNU/Linux ?, à quelques milliers près. La réponse est environ 73 000 postes sur les 80 000 que compte la Gendarmerie.
La deuxième question : qu’elle est la suite bureautique libre utilisée au début de la migration et quelle est la suite bureautique libre utilisée aujourd’hui par la Gendarmerie nationale ? La première c’était OpenOffice au démarrage et aujourd’hui c’est une suite bureautique dont vient de parler Vincent Calame, c’est LibreOffice. J’en profite pour rappeler que nous avons consacré une émission Libre à vous ! sur Cause Commune, justement sur cette suite bureautique libre. Vous retrouverez les podcasts sur causecommune.fm et sur april.org.
Dans les événements à venir, la Fête des Possibles. Du 14 au 29 septembre 2019, diverses organisations et réseaux de la transition participent, même organisent la Fête des Possibles. Des centaines de rendez-vous sont prévus pour rendre visibles les milliers d’initiatives locales qui embellissent la société et construisent un avenir plus durable et solidaire. « C’est possible » est le mot d’ordre de la fête : c’est possible de manger bio et à moindre coût ; c’est possible de se déplacer au quotidien sans polluer ; c’est possible d’utiliser des logiciels libres, etc. Le site c’est fete-des-possibes.org et sur le site de l’Agenda du Libre vous retrouvez les différents évènements libristes qui sont organisés dans le cadre de cette Fête des Possibles, donc du 14 au 29 septembre 2019.
J’entends le générique qui démarre. En fait ce n’est pas le générique court, c’est le générique long qui démarre ! Ce n’est pas grave, on va finir en musique, en plus c’est un très beau générique !
Je vous annonce les Rencontres Régionales du Logiciel Libre à Nantes, le 19 septembre, qui s’intéressent notamment au service public et au service métiers, mais j’en reparlerai la semaine prochaine.
Deux annonces importantes.
Dans l’émission du 14 mai 2019, le podcast est disponible sur causecommune.fm et sur april.org, nous avions interviewé Philippe Borrel, réalisateur du documentaire Internet ou la révolution du partage, qui avait été diffusé sur Arte, qui est une version courte de son film La Bataille du Libre. Philippe Borrel me signale la campagne de financement participatif qui a été lancée cet été pour financer la version internationale de son film qui sera intitulée Hacking For The Commons, donc en anglais. La campagne de financement se termine dans une dizaine de jours. Vous avez les références sur le site de l’April, sinon vous allez sur HelloAsso.com et vous cherchez La Bataille du Libre.
Toujours dans les documentaires, j’en profite pour signaler le documentaire LoL, logiciel libre, une affaire sérieuse – la musique s’arrête – qui cherche toujours une chaîne de télévision pour sa diffusion. Nous avions interviewé le réalisateur François Zaïdi dans l’émission du 11 juin 2019. Pareil, les podcasts sont disponibles sur le site de Cause Commune, causecommune.fm et sur le site de l’April, april.org. N’hésitez pas, si vous avez des contacts auprès de télés, qu’elles soient françaises ou plus globalement francophones, parce que c’est un documentaire en français qui est très intéressant et qui est totalement complémentaire du documentaire précédent dont je parlais qui est Internet ou la révolution du partage.
Vincent parlait de la structure dans laquelle il patrouille pour le Libre, on peut dire quelque part comme ça, c’est la FPH. Il y a la soirée de contribution au Libre, comme chaque jeudi, donc le 12 septembre 2019 à partir de 19 heures 30, donc à la FPH dans le 11e arrondissement.
Tous les autres évènements vous les retrouvez sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org.
Notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Étienne Gonnu à la régie, Vincent Calame, Noémie Bergez, Tony Bassette, Raphaël Pierquin et Ludine Pierquin, et également William Agasvari qui avait participé à la régie pour l’enregistrement de l’émission sur l’apprentissage de la programmation.
Vous retrouverez sur le site de l’April et sur le site de Cause Commune toutes les références utiles. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues. Vous pouvez aussi nous envoyer un courriel à l’adresse libreavous chez april.org, « libreavous » tout attaché.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous, faites connaître l’émission et la radio.
La prochaine émission aura lieu mardi 17 septembre 2019 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur l’obsolescence programmée et aussi sur le projet de loi économie circulaire qui va être étudié au Sénat très bientôt.
Nous vous souhaitons de passer une excellente fin de journée. On se retrouve mardi 17 septembre à 15 heures 30 et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.