A l’Ubuntu party 11.04 Jeanne Tadeusz est intervenue lors d’une conférence pour parler des grandes batailles autour du Logiciel Libre
Durée : 40min39s
Lieu : Carrefour numérique, Cité des sciences et de l’industrie
Licence : Creative Commons license by-sa 2.0
Transcription
Jeanne Tadeusz : Bonjour à tous et désolée pour le retard. Il y a eu des petites questions techniques.
Donc la conférence que je vais vous présenter maintenant, c’est sur les grandes batailles autour du Logiciel Libre. Donc, c’est vraiment histoire de parler de tout ce qui se passe au niveau politique, institutionnel, en France et en Europe depuis ces dernier temps, ces dernières semaines, ces derniers mois, voir ces dernières années et faire un peu un récapitulatif de tout ce qui se passe et notamment tout ce qu’on a pu voir au sein de l’April… mais pas que…
Donc, pour revenir un peu sur le passé, l’April et puis aussi beaucoup de monde aussi, se sont vraiment intéressés aux questions politiques. C’est lié à l’époque des EUCD, de la directive EUCD, et de la loi DAVSI en France, la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins d’un système d’information qui a vraiment posé beaucoup de… qui a interpellé beaucoup de personnes dans le Logiciel Libre parce qu’elle remettait directement en cause leur travail et ce qu’elles pouvaient faire. C’était notamment les questions d’interopérabilité et de droit à la dé-compilation et l’ingénierie inverse, qui était mises en cause dans ce cadre-là. Ensuite, on a eu d’autres enjeux. On a eu les questions de DRM, donc notamment 2006 avec l’initiative « stop DRM » et toute la publicité qui a été faite sur ce sujet.
Et maintenant, on peut revenir à un bilan de ces dernières années :
- On a notamment travaillé sur les questions des brevets logiciels qui ont finalement été rejetés en 2005 par le parlement européen.
- On a eu la question de la migration sous OS libre de l’Assemblée nationale qui s’est faite un peu plus tard.
- On a eu aussi la décision du conseil d’état en faveur des utilisateurs du libre que l’April a obtenu pour justement assurer le droit, l’exception de dé-compilations et la possibilité de l’ingénierie inverse.
- Et on a enfin de moins en moins de DRM dans la musique. Même si les DRM ça continue de rester un très gros problème, quelque chose sur lequel on est mobilisé, ça pose notamment des soucis sur les questions de livres électroniques, ce sont des exemples, ou sur les jeux vidéos. Le fait est que sur la musique on a quand même eu une vraie évolution, une vraie prise de conscience des problèmes que ça posait et pour les utilisateurs et pour… principalement… d’abord les utilisateurs de logiciels libres pour vraiment pouvoir profiter simplement des contenus musicaux qui pouvaient exister.
Donc voilà.
Aujourd’hui, avec quoi on se retrouve ? Quelles sont les grandes batailles ? Quels sont les grands enjeux sur lesquels on se bat ? Parce qu’on pourrait dire que bon EUCD, c’est passé, les brevets logiciels, ils ont dit non, donc il n’y a plus rien à faire. Sauf que si, il y a encore beaucoup de choses qui se passent.
Alors d’abord au niveau international, c’est l’ACTA : (l’Accord Commercial anTi-Contrefaçon) qui est actuellement en cours de négociation. La version est finalisée et pourra être bientôt soumise à la signature. C’est quelque chose dont d’autres acteurs comme la Quadrature vous ont sans doute parlé. Parce que ça pose beaucoup de problèmes pour les questions de liberté, vraiment de pouvoir faire simplement ce qu’on veut sur Internet, d’avoir le droit d’utiliser Internet et les logiciels libres comme on les utilisent aujourd’hui.
En Europe, il y a aussi beaucoup de questions, beaucoup d’enjeux. Il y a des choses positives qui sont faites. Mais il y a aussi beaucoup de risques potentiels. C’est notamment avec ce que l’on appelle l’agenda numérique et la stratégie numérique. La stratégie de la commission en terme de propriété intellectuelle. Ce sont deux documents qui sont très techniques, qui sont parfois un peu ignorés. C’est des documents très importants parce que ce sont des choses qui fixent vraiment la stratégie de l’Europe pour les 4 prochaines… 3 prochaines années à venir, puisque c’est jusqu’en 2014. Donc, c’est vraiment des grandes orientations qui sont données. Elles sont inquiétantes pour de multiples raisons :
- Parce qu’il y a des problèmes notamment sur des questions de standard ouvert, parce qu’ils ont finalement décidé que les standards ouvert ça pouvait finalement englober beaucoup de choses – ce qui limite énormément… vraiment ce qu’on pourrait en faire. Ça limite finalement ce qu’on pourrait exiger de la part d’une entreprise. Parce que quand tout est dans un standard ouvert, on peut tout faire.
- C’est aussi les questions de brevet logiciel qui sont de retour, malheureusement ces derniers temps.
- Et enfin, en France, on a différents enjeux. On a notamment HADOPI, qui continue d’être une question et un enjeu important. Mais on a aussi des nouvelles, et c’est des choses plus positives heureusement, notamment sur les questions des ventes liées, de vente liée entre les ordinateurs et les logiciels.
Voilà.
Donc pour commencer sur ACTA, sur cet accord commercial anti-contrefaçon. Donc c’est un accord qui a été négocié dans… en secret, complètement, par 12 pays plus l’Union Européenne et ça concerne un champs extrêmement vaste. C’est-à-dire que c’est aussi bien les questions de droit d’auteur – donc ce qui nous concerne nous directement. Mais aussi les questions des droits des brevets, les droits des marques et finalement ça touche un tas de domaines qui sont vraiment essentiels pour notre vie quotidienne sur plein plein de choses. C’est question de l’accès aux médicaments : on a vu notamment Act’Up qui s’est énormément mobilisé contre l’ACTA tout simplement parce qu’on peut considérer que les génériques, les médicaments génériques, ça devient une contrefaçon, qu’il est illégal d’exporter dans des pays pauvres. C’est-à-dire que si un bateau, qui est chargé de génériques fabriqués en Inde, où ils sont légaux, va au Brésil pour les livrer, où ils sont légaux eux aussi, s’ils passent par l’Europe où ils sont illégaux et bien ils vont se faire saisir. Donc, le Brésil n’aura pas finalement ses médicaments, tant pis, la cargaison sera détruite.
C’est aussi la question de liberté sur Internet. Bon ça, il y a une conférence tout à l’heure donc je crois que je vais les laisserai en parler plus avant.
C’est aussi des conséquences importantes pour le Logiciel Libre. Parce que ce qu’on a vu dans d’anciennes versions d’ACTA, c’est la possibilité… enfin c’est l’interdiction de la dé-compilation et de l’ingénierie inverse. Ça a été mis en place dans le texte, ça a été retiré pour le moment. Faut voir que le texte est négocié de manière… négocié derrière des portes fermées. On ne sait pas exactement ce qu’il y aura dedans au final. Il y a toujours un risque pour que ça revienne. Et comme aux États-Unis l’exception de dé-compilation n’existe pas réellement, on a toujours, vu que c’est un texte qui est négocié entre les États-Unis et l’Europe, on a toujours le risque de voir ça revenir. Et donc, une adoption prochaine, c’est possible, c’est un risque. On voit dans des documents de la Commission qu’ils envisagent de faire ça vraiment dans les prochaines semaines. Donc, on n’a pas encore… c’est pas encore annoncé dans les agendas publics, ni rien. Mais on a quand même un risque important à ce niveau-là.
Donc, voila. Donc ACTA, vraiment, pour le libre, c’est la sacralisation des DRM, parce que la possibilité de contourner les DRM, c’est ce qui permet d’utiliser du Logiciel Libre, par exemple pour lire un film, pour écouter de la musique. Donc c’est permis pas des exceptions de dé-compilation, l’ingénierie inverse qui sont des principes qui sont inscrits dans le droit français et dans le droit européen. Alors c’est inscrit dans le droit français de manière plus ou moins indirecte, mais c’est quand même la décision du Conseil d’État de 2006 qui l’avait confirmé. C’est inscrit dans le droit européen par une directive de 2001 qui, malheureusement, devrait bientôt être révisée. Donc, là aussi, il y a des questions, parce qu’on a dit que non non l’ACTA ne toucherait pas au droit européen, en attendant, le droit européen change. Donc si on change le droit européen juste avant et ben l’ACTA… finalement les principes qui sont dangereux pour nous, ils pourraient très bien passer. Et en fait, finalement, ce qu’on voit vraiment dans l’ACTA et ce qui est très caractéristique, c’est la volonté de quelques-uns, de quelques pays mais surtout de quelques groupes… de quelques lobbies très puissants, d’instaurer un droit américain qui est beaucoup plus restrictif des libertés et des possibilités d’entreprendre que ce qu’on a en Europe, et l’instaurer dans le reste du monde. C’est-à-dire qu’on le voit nous avec l’ACTA, il y a aussi des accords bilatéraux qui peuvent être négociés entre les États-Unis et d’autres pays, notamment avec l’Inde actuellement, mais aussi avec d’autres pays de l’Asie de Sud-Est, et qui ont vraiment pour objectif de réduire ces possibilités pour que cette vision du droit d’auteur à l’américaine soit imposée un peu partout.
Donc, on a vraiment un risque d’insécurité juridique qui apparaît avec ses différents textes, parce qu’on ne sait pas finalement ce que va devenir l’écosystème qui permet d’agir et d’exister… qui permet pour les développeurs d’exister, et finalement pour les logiciels libres de se développer. Et donc ce texte, c’est vraiment un danger même si il n’est pas forcément très très bien perçu comme tel parce que c’est quelque chose qui semble être très très très loin.
Donc, tout ça c’est aussi une question qui… après il y a d’autres questions qui arrivent au niveau – pardon – de l’Union européenne. C’est notamment avec l’agenda numérique et ce qu’on appelle la stratégie PR, donc c’est la stratégie sur les droits de propriété intellectuelle qui vient d’être publiée la semaine dernière par la Commission. Donc, l’agenda numérique, c’est vraiment le plan européen pour le développement des technologies numériques. Donc c’est un plan qui fait plusieurs dizaines de pages. Qui propose tout un tas d’actions pour vraiment… voilà… développer tout ce qui est numérique. Alors il y a des choses qui sont intéressantes. Il y a des choses très positives sur la question notamment de la réduction de la fracture numérique. C’est la possibilité de mettre des ordinateurs dans des écoles. Il y a des choses qui seront bien. Il y a une volonté de travailler avec pas mal d’acteurs de haut niveau. Alors avec l’April par exemple, on travaille aussi sur l’idée de pouvoir utiliser plus de standards ouverts en Europe. Que dans tous les marchés publiques, par exemple, ce soit systématiquement des standards ouverts qui soient utilisés. Ça, ce sont des choses qui sont positives.
Mais il y a aussi des choses qui sont nettement plus inquiétantes. Notamment, c’est ce que je disais tout à l’heure, c’est la suppression des références aux standards ouverts. C’est-à-dire que, avant on avait une définition des standard ouverts qui était très clair : un standard était ouvert quand toutes les spécifications techniques étaient accessibles sans qu’il y ait de paiement, de redevance, ou alors c’était un coup nominal unique. Aujourd’hui, un standard ouvert selon l’Union européenne, c’est aussi ce que l’on appelle les licences RAND. C’est-à-dire des licences qui sont sous un terme qui soit raisonnable et non discriminatoire. Alors ce qu’il faut bien voir, c’est que « raisonnable et non discriminatoire », c’est définit nulle part. Donc ça peut être tout à fait ce que Microsoft considère qui est « raisonnable et non discriminatoire ». Ça ne sera pas la même chose pour tout le monde. Et même à partir du moment où on considère que « raisonnable et non discriminatoire », c’est payer un coût de licence, payer un coût pour chaque exemplaire d’un logiciel qui est distribué, on ne peut plus faire du libre comme on en fait actuellement. On ne peut plus faire du libre tout court parce que si on doit surveiller chaque copie et que chaque utilisateur doit payer à la maison mère au départ, on a un vrai danger à ce niveau-là, c’est plus possible, on a plus le fonctionnement tel qu’on connaît aujourd’hui, on ne peut plus télécharger un logiciel pour l’utiliser.
Et euh… ce sont des questions, ce sont des d’enjeux un peu inquiétants que l’on retrouve notamment dans la stratégie du droit à la propriété intellectuelle – la stratégie PR – qui est mise en place actuellement, qui vient d’être publiée – pardon – par l’Union européenne. Alors, c’est une stratégie qui est très vaste, c’est-à-dire que dans ces termes elle reste très vague, elle pose beaucoup de grands principes. Alors, il y a des principes qui peuvent être intéressants, qui peuvent dire qu’il faut préparer la suite, qu’il faut réduire la fracture numérique, il faut qu’il y ait plusieurs ordinateurs dans les écoles, il faut plus sensibiliser les jeunes à l’importance de l’informatique. Il y a aussi des questions comme : « On va refondre le droit du copyright, on va faire un copyright européen ». C’est quand même quelque chose dont on ne sait pas ce que ça va donner au final. On a actuellement… voilà, on va juste refondre toutes les règles et c’est finalement l’Union européenne qui va décider seule. On ne sait pas encore exactement ce que ça va donner mais ça reste vraiment un enjeu à surveiller parce que tout ce qui nous permet finalement de vivre et d’exister, tout l’écosystème actuel… il est vraiment présent… il peut être remis en question là-dedans.
Bon, voilà, bon, c’est…
Pour être un peu moins anxiogène je vais parler maintenant des brevets logiciels parce que c’est quelque chose qui se passe mieux actuellement, qui est quand même quelque chose sur lequel on a déjà eu des victoires et sur lesquels il y a quand même une certaine prise de conscience de l’existence de problèmes.
Pour ceux qui étaient déjà là en 2004, vous vous souvenez peut-être qu’il y avait eu une directive pour légaliser les brevets logiciels qui avait été proposée, qui n’est finalement pas passée, et ce grâce à l’action d’un certain nombre d’acteurs – notamment associatifs – qui se sont vraiment mobilisés sur la question. Donc aujourd’hui, on a encore quelques dangers même si la situation commence à s’améliorer. C’est-à-dire que depuis aujourd’hui et depuis que c’est confirmé par l’absence de publication de passage de cette directive, les brevets logiciels sont illégaux en Europe. C’est-à-dire qu’un brevet logiciel ça n’existe pas, ça n’a aucune validité légale. Cependant, on a ce qui s’appelle l’office européen des brevets, c’est quelque chose qui n’a rien à voir avec l’union européenne, c’est quelque chose qui a été fait par un traité international, qui met en place un type de brevet qui soit commun en Europe, qui les légalise dans le sens où il autorise un certain nombre d’entreprises à avoir des brevets logiciels. Sachant qu’on n’a pas de procès, ni rien au final parce que ces entreprises, comme l’Office européen des brevets, savent bien que ces brevets-là, ils ne sont pas valides, ils seront systématiquement retoqués par un tribunal.
Mais on a quand même cette situation qui est quand même extrêmement bizarre, d’un point de vue strictement juridique, où on a des titres de brevet dont tout le monde sait qu’ils sont illégaux, mais qui existent quand même, et que finalement on continue de demander pour pouvoir les avoir en cas où ils deviendraient légaux.
Alors ces pratiques-là, elles ont été dénoncées de manière multiples. Ça a été dénoncé par des associations comme nous. Mais le plus intéressant, ça a été dénoncé par le syndicat des employés de l’OEB. Eux-mêmes sont allés dire que la situation est impossible actuellement. Ça a été dénoncé par la chambre de recours de cette même OEB. Comme quoi il fallait quand même agir à ce niveau-là parce que il faut que le législateur reprenne la main, ils sont en train de faire n’importe quoi.
Et aujourd’hui, tout ce microcosme des brevets, finalement, il tente de faire revenir les brevets logiciels par ce que l’on appelle le brevet unitaire. C’est-à-dire que ce serait un nouveau type de brevet qui serait mis à la fois pour les pays de l’Union Européenne mais avec en plus une juridiction des brevets qui serait pour tout le monde.
<p
Le brevet logiciel c’est quelque chose qui se calme un peu, mais on a toujours un microcosme des brevets qui cherche vraiment à les imposer en Europe.
Donc voilà.
Pour l’union européenne, alors en France donc, on a toujours la question de l’HADOPI. Il y a beaucoup d’enjeux pour HADOPI, je crois qu’on en tous déjà beaucoup parlé. Du point de vu strictement Logiciel Libre, le cœur de l’enjeu pour nous c’est le mouchard de sécurisation. Ce logiciel qu’ils voudraient vous inciter à installer sur votre ordinateur pour que vous puissiez le protéger et prouver que vous ne téléchargez pas.
Alors qu’est-ce que ça sera à priori, ça sera un logiciel à priori propriétaire parce qu’il sera incompatible avec le Logiciel Libre, puisque vous ne pourrez pas en faire ce que vous voulez, vous ne pourrez pas le modifier comme vous voulez etc., ça ne sera certainement pas du libre et il y a peu de chance qu’il soit compatible parce qu’il n’y a pas beaucoup de boites visiblement qui ont l’intention de le rendre compatible. C’est vraiment la mise en place de ce que l’on appel l’informatique de confiance ou l’informatique déloyale. C’est-à-dire que c’est votre matériel qui vous surveille et que vous n’avez plus aucun contrôle là-dessus. Il n’y a pas de garantie de sécurité. C’est-à-dire que comme beaucoup de logiciel, il y a aura sûrement des failles. Parce qu’il y a toujours des failles. Et on ne sait pas comment ça fonctionnera, est-ce qu’il y aura vraiment possibilité de réparer ou est-ce que ça nous mettra finalement encore plus en danger ? Et c’est quelque chose que l’on attend toujours parce que malgré les recommandations de la CNIL, malgré un certain nombre d’acteurs qui se sont exprimés, ces mouchards de sécurisation, on en parle, on en parle, mais on voit jamais rien.
Après le dernier thème et je m’arrêterai là pour les questions. C’est la vente liée en matière de logiciel. Comme ça pour parler, pour finir sur quelque chose aussi qui soit plus positif. Donc on a eu beaucoup de décisions, très récemment, sur les questions de la vente liée et heureusement des décisions qui vont vraiment dans le bon sens, qui pourront vraiment faire changer les choses.
Pour reprendre l’historique, c’est un problème qui est ancien. C’est un problème qui est venu sur la scène politique vraiment depuis 2008 puisque dans le plan France numérique 2012, le gouvernement s’était engagé à lutter contre la vente liée. Donc 2008, ça fait un moment quand même. 2012, on y est bientôt. Donc c’est vrai qu’on commençait à insister un peu sur le fait que ça serait bien que ça bouge. On a eu plusieurs décisions importantes, dont de justice, qui ont vraiment fait bouger les choses à ce niveau-là. Déjà la cours de cassation, en novembre dernier, a dit que la vente liée, on pouvait tout à fait l’interdire, que c’était probablement illégal, qu’il fallait simplement vérifier que ce soit une… qu’elle entraîne une concurrence déloyale pour d’autres acteurs. C’est-à-dire que la vente liée est possible si le consommateur est correctement informé, que ça correspond à ses intérêts et qu’il y a des opportunités qui existent autrement. Visiblement ce n’est pas le cas puisque toute les décisions que l’on a depuis, des décisions de justice, ont pris ces différents critères pour finalement se rendre compte que c’était effectivement une concurrence déloyale parce qu’il n’y avait pas d’alternative pour les consommateurs, parce qu’un nombre de consommateurs voulaient pouvoir avoir le choix, qu’ils ne l’avaient pas, et que en plus on avait une question de monopole ou de quasi-monopole sur ce marché.
Donc ce sont des décisions de proximité qui ont eu lieu notamment grâce à racketiciel et à l’AFUL au printemps 2011. Et plus récemment, et celle là c’est une décision que l’on doit à l’UFC Que Choisir qui se bat aussi depuis longtemps sur cette question, c’est une décision de la court d’appel de Versailles qui a été rendue début mai contre HP. C’est-à-dire que l’UFC Que Choisir a attaqué HP en justice en tant que groupement de consommateur sur la question des ventes liées. Et elle avait dit que c’était justement une vente liée, que c’était illégal et que HP devait cesser. Et le juge de la court d’appel de Versailles vient de condamner HP à afficher sur l’ensemble… sur tout ses sites de ventes – notamment en vente en ligne – séparément le prix du matériel et le prix des ordinateurs et d’avoir la possibilité d’acheter toutes les machines sans logiciel. C’est une décision… enfin ça change tout pour beaucoup de monde. C’est-à-dire que maintenant quand vous allez chez HP, vous pouvez choisir, je peux prendre n’importe quel ordinateur avec ou sans logiciel, j’ai le choix. Et je sais quelle différence de prix ça va me faire, si jamais je le prend avec Windows, sans Windows, avec tel logiciel, sans tel logiciel. Donc cette décision là, elle est très stricte et en plus HP a été condamné à payer des intérêts si jamais ils ne, si jamais ils transposaient cette décision avec du retard. Bon après on ne se fait pas d’illusions, on se doute bien que ça va sans doute être appelé en cours de cassation. Donc on aura encore d’autres batailles à mener et d’autres questions à voir.
En attendant cette décision, elle est claire, elle est très argumentée, elle est assez longue d’ailleurs et elle pose clairement un argumentaire contre tous ceux qui annonçaient que la vente liée c’était inévitable, que l’Europe l’autorisait, et qu’on pouvait de toute façon rien là-dessus, fallait vivre avec. Donc heureusement ce n’est pas le cas, nous on le savait déjà, mais c’est une preuve supplémentaire que c’est vraiment pas quelque chose qui est possible. Et c’est vraiment en se basant finalement sur le droit, en se basant sur des enjeux importants, ce sont des batailles de longues durées, on arrive a avoir ce type de résultats.
Donc voilà, je vous remercie d’être là et de votre attention et si vous avez des questions, si vous voulez que j’approfondisse aussi certains enjeux…
Public : Bonjour, merci pour la présentation. Moi j’avais une petite question sur la dernière décision rendue en mai 2011 contre HP. Je n’en n’avais pas entendu parler d’ailleurs, c’est que je suis un peu passé à côté. Cette décision-là, elle concerne uniquement HP ou on peut imaginer que les autres constructeurs informatiques vont se sentir concernés ? Ou c’est une décision vraiment…
Jeanne Tadeusz : Ça ne concerne que HP pour le moment parce que c’était HP qui était attaqué, donc c’est HP qui a perdu. Après, à partir du moment où la décision est tombée, elle se fera jurisprudence, c’es-à-dire que la décision sera confirmée, tous les constructeurs seront tenus de s’y conformer, parce que la loi sera adaptée de cette manière-là et tous les constructeurs sauront que s’ils ne la respectent pas, ils seront condamnés de la même manière, donc ils n’auront plus le choix.
Public : Bonjour, j’ai une question qui n’est pas tout à fait liée à la présentation. Lors de l’AG on a su que probablement April pourrait avoir des soucis au niveau juridique avec le conseil régional de… je ne sais pas… d’Aix ou de Marseille ou de ce style… Ça en est où ?
Jeanne Tadeusz : C’est à Marseille oui, la ville de Marseille, le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, oui.
Public : Voilà oui c’est ça. C’en est où ? Comment ça avance ?
Jeanne Tadeusz : Ça suit son cours. De toute façon on va continuer à vous informer par mail. Mais c’est toujours… C’est un processus judiciaire donc c’est toujours long. Nous on est plutôt confiant sur l’issue de ce qui va se passer. Après c’est toujours pareil avec les décisions, on ne sait pas. Mais pour le moment, on a pris un avocat, ça suit son court tranquillement.
Jeanne Tadeusz : Le contexte ? On a été attaqué pour diffamation suite à des publications sur différents sites.
Public : Une petite question… Bonjour, une petite question fraîche et simple : on a du mal à trouver sur Internet de l’information si les gens de l’Assemblée nationale étaient contents de leur Ubuntu. Est-ce que quelqu’un est allé les voir et leur a demandé « Dis donc papi, est-ce que ça te plaît ? ».
Jeanne Tadeusz : On en a discuté avec eux quand on les a croisés. Ce qu’il faut voir, c’est que les gens de l’Assemblée nationale, actuellement en tout cas, et c’est pas tout le monde, parce que c’est les postes de travail des députés simplement. Donc c’est principalement les assistants parlementaires finalement qui les utilisent. Notamment les groupes parlementaires ont encore leur propre système. Il y a du pour, il y a du contre. Globalement le passage c’est quand même pas trop mal fait même s’il y eut forcement des ajustements techniques qui ont pu susciter des mécontentements.
Public : Oui, à propos des grandes manœuvres européennes… J’ai du mal en vous écoutant à me fabriquer un tableau mental des protagonistes, est-ce que vous pourriez éclairer un peu tout ça ?
Jeanne Tadeusz : Alors, les principaux protagonistes au niveau européen, en tout cas ceux avec qui on travaille, donc d’un côté il y a la Commission qui on va dire peut plus ou moins représenter une forme d’exécutif mais au sens où elle exécute vraiment. C’est-à-dire que c’est elle qui va être à l’initiative des propositions mais c’est pas elle qui va voter ensuite. Donc à la Commission, il y a différents Commissaires finalement qui sont chargés chacun d’un domaine. Donc notamment il y a une Commissaire, Neelie Kroes, qui est chargée de tout ce qui est stratégie numérique, avec qui on est en dialogue assez régulier, qui a plutôt bien compris les enjeux. Il y a d’autres Commissaires, notamment à la concurrence, ou tout ce qui est compétitivité et avec qui le dialogue est parfois plus complexe. Et après on travail aussi régulièrement avec le Parlement Européen parce qu’il est co-décisionnaire. Sur toutes les décisions qui peuvent être prises, le Parlement européen finalement, dit oui ou non, faut qu’il soit d’accord. Et à ce niveau-là, il y a effectivement beaucoup de choses qui se font aussi parce qu’eux sont en général intéressés et assez motivés par ces enjeux-là. Donc on travail avec les différents groupes parlementaires pour leur expliquer, les sensibiliser aux enjeux. Et après, comment se passe concrètement les décisions, au niveau européen, c’est la Commission qui va être à l’initiative, qui va proposer un texte et ensuite c’est donc le Parlement européen et ce qu’on appelle le Conseil – donc le Conseil c’est le regroupement de tous les pays de l’Union européenne – qui vont ensemble décider du texte qui sera pris. Donc il y a un mécanisme d’aller-retour entre les deux pour qu’il y ait un accord qui arrive sur un texte qui leur convienne à l’un comme à l’autre. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
Public : Êtes-vous reçus par les groupes parlementaires ? Pour être plus clair : qui vous soutient ? Qui sont les ennemis absolus ? Quel est le ventre mou ?
Jeanne Tadeusz : Qui nous soutient ? Qui sont nos ennemis absolus ? Faut vraiment voir que ce sont des enjeux où on n’est pas sur des groupes plus que d’autres, c’est-à-dire que c’est vraiment… enfin, de toute façon l’April est une association trans-partisane et après on a des gens qui connaissent le libre et qui apprécient le libre dans tous les partis. Après le but, c’est d’essayer d’avoir un maximum de gens de tous les partis qui nous soutiennent bien évidemment. Mais y a pas… enfin c’est difficile de donner des noms précis ou des partis précis parce que on va vraiment de l’extrême gauche à l’extrême droite… et avec à peu près tout le monde au milieu.
Animateur : On a largement le temps pour une autre question.
Public : Ouais j’aimerais savoir quelle est votre position à long terme et notamment au niveau des négociations sur l’utilisation de plus en plus répandues notamment dans le domaines des télécommunications du Logiciels Libre sous forme de produit commercialisé sans finalement beaucoup de différence en terme de prix. Je pense notamment à ce qui se passe au niveau des routeurs ou des choses comme ça, ou même des set-up box, des trucs que l’on trouve dans les opérateurs ADSL. Est-ce que c’est pas un moyen de négociation finalement ? De la même façon que l’utilisation par exemple des résultats de recherche provenant d’Université publique et leur intégration dans des Logiciels Libres ? Est-ce que ce n’est pas un moyen de négociation vis-à-vis du monde un peu « commercial » ?
Jeanne Tadeusz : Déjà, enfin pour moi, il ne faut pas oublier qu’il y a quand même une liberté du Logiciel Libre et notamment il y a la liberté de redistribution sous les modes qu’on veut. Donc ne peut pas réduire en disant oui mais c’est du commercial, vous n’avez pas le droit de le faire. La liberté de redistribution, c’est aussi après tout la liberté de redistribution sous une forme commerciale si on le souhaite. Après, si c’est un moyen de pression, un moyen de négociation, sans doute. Si c’est un moyen de pression, de négociation, c’est un moyen aussi déjà de rappeler que le libre c’est une économie aussi. C’est un écosystème économique, c’est des emplois, des entreprises et qu’il ne faut surtout pas l’oublier non plus et que y a quand même des entreprises qui se développent, beaucoup d’entreprises qui ont une croissance forte et que c’est quelque chose d’important.
Public : Il me semble qu’on entend de plus en plus parler dans dans les médias, alors encore de manière très très anecdotiques, mais du Logiciel Libre comme un nouveau modèle de la part d’économistes, de politiques, etc., qui le mentionnent comme ça en passant sans jamais détailler. Est-ce qu’on constate que beaucoup plus de gens font appel à l’April pour savoir ce que c’est que ce Logiciel Libre en vrai, ou pas vraiment, pas plus qu’avant ?
Jeanne Tadeusz : Sur vraiment le passé depuis longtemps… Je pense qu’on a une évolution sur le long terme qui est vraiment très positive, c’est-à-dire que de plus en plus de gens savent ce que c’est, connaissent le libre, il y a un progrès. Après sur les progrès… enfin sur les évolutions récentes, je ne suis pas sûre que l’on fasse beaucoup plus appel à l’April qu’avant. Je pense que c’est toujours des gens qui le connaissaient déjà en interne, qui avaient déjà fait appel à nous, sans que ce soit forcement public, qui commencent à plus utiliser cet enjeu-là de manière visible. Mais il n’y a pas forcément… je pense que c’est plus un travail qui a été de long haleine. Au départ, ils ne savaient pas du tout ce que c’était. Au début, ils ont simplement fini par comprendre, mais c’est des discussions informelles, par curiosité intellectuelle aussi, ce que c’était. Et que maintenant, aujourd’hui, de plus en plus, c’est quelque chose qu’ils ont vraiment intégré et qui ressort presque naturellement dans le discours.
Public : Pour répondre à votre question, moi qui travaille dans les médias et qui ait côtoyé pas mal d’hommes politiques, j’ai pas eu vraiment le sentiment de voir une évolution à ce niveau-là. Je reçois beaucoup plus de communiqués de presse qu’avant sur ces sujets-là – ça c’est une réalité – mais malheureusement avec toujours une large majorité de domination du logiciel propriétaire dans les communiqués que je peux recevoir, et notamment des communiqués de plus en plus agressifs à l’encontre du Logiciel Libre. Donc ça j’en reçois beaucoup. Je le sais parce que récemment, une collègue m’avait transféré un communiqué parce qu’elle sait que c’est des sujets qui m’intéressent. J’ai voulu lui répondre en disant que « Ha ! HADOPI, c’est le mal » ou je ne sais pas quoi et en fait sans le faire exprès je l’ai envoyé à la communicante. Donc voilà, j’ai été repéré. Et par rapport aux hommes politiques, si vous allez regarder, ils ont tous un peu tripatouillé leur page Wikipédia donc il y en a beaucoup qui vont mettre « s’intéresse beaucoup aux nouvelles technologies », « aime le Logiciel Libre », etc., parce qu’ils savent que ça fait djeuns sur Wikipédia. Je m’amusais beaucoup beaucoup quand je les voyais en loge maquillage à leur dire « alors, comme ça, vous aimez les Logiciels Libres, etc, vous aimez… ben alors vous savez vous pouvez peut-être soutenir Firefox, ils ont un bureau à Paris… etc. » et ils me disaient « Ha bon ? Mais Firefox, c’est libre ? ». Voilà, ça montre un peu le niveau.
Les seuls qui s’y connaissent un peu, généralement l’April les connaît bien aussi. Et c’est pareil, ça vient pour le coup de droite et de gauche. Il y a Nicolas Dupont-Aignan à gauche, voilà vous avez Brard, vous avez… enfin ça va un peu partout. Mais sincèrement, ils sont quasi-minoritaires. Et la stratégie aujourd’hui, à mon avis, à adopter c’est pas tant de diviser les hommes politiques parce que vraiment ils sont au-dessus de tout ça. Mais c’est d’essayer de viser les attachés parlementaires. Eux c’est pas mal parce que comme ils essayent d’élaborer leur stratégie de comm’, s’ils se rendent compte que ça peut les intéresser, voilà…
Et après, vous allez vous heurter dans les médias aussi à un problème récurent qui est que oui, vous avez les petits jeunes journalistes que vous allez voir un peu partout, qui ont moins de trente ans, qui s’y intéressent etc, sauf que le red-chef il a cinquante ans ou soixante ans et que lui Internet, ça ne lui parle pas. Et que le seul moment où il va avoir envie – alors je ne parle pas des médias très généralistes – le seul moment où le red-chef va avoir envie de parler d’Internet, c’est pour parler des sites pédophiles quoi. Et donc, à ces gens-là, leur expliquer que ce que le gouvernement est en train de faire est dangereux, liberticide sur certains points etc,. c’est très très compliqué parce que eux ne vont voir « Ha ben oui mais c’est normal parce qu’il faut interdire les sites pédophiles ». Voilà. Donc il faut exercer un contrôle sur Internet parce que, eux-même, ça leur fait peur quoi. Donc il y a des enjeux vraiment à ce niveau-là. Alors je ne sais pas si c’est visé sur le long terme et s’en prendre déjà aux jeunes journalistes et aux jeunes pousses en se disant, bon ben il n’y a plus qu’à espérer que celui qui aime le Logiciel Libre, ce soit le cheval et ce soit le futur red-chef de telle radio, de tel journal, ou si c’est faire un effort de pédagogie justement. Mais c’est vrai que Benjamin Bayart, par exemple, sait très bien le faire, en s’adressant avec des codes qui sont ceux des personnes qui peuvent avoir cinquante ans justement quoi, et qui… Il était venu une fois justement dans une émission pour laquelle je travaillais et c’est vrai qu’il avait su s’adresser vraiment aux gens qui nous regardaient et qui avaient plus de cinquante ans en moyenne. Voilà.
Animateur D’autres questions ?
Public : Je voulais savoir si l’April avait des équivalents européens avec qui vous travaillez éventuellement en concertation ?
Jeanne Tadeusz : Il y a un certain nombre d’associations qui existent, notamment en Espagne, en Italie, avec qui on travaille régulièrement. Après il y a aussi des associations plus utilisateurs locales ou plus sur des problématiques particulières mais qui ont souvent une masse critique plus faible et pas forcement les mêmes moyens notamment en terme de permanents, de personnes qui ont simplement le temps de travailler sur ces enjeux-là.
Animateur : Est-ce que quelqu’un a une questions ? Oui.
Public : Alors je ne sais pas si on peut faire tout de suite la conclusion mais est-ce que l’on peut dire que c’est dans les pays pas du sud de l’Europe, mais voilà, la France, l’Italie, l’Espagne, ça fonctionne beaucoup par des associations. Comment ça fonctionne dans les pays du nord comme l’Allemagne, l’Angleterre… Vous avez une vision ? Est-ce que ce sont des associations, est-ce que ce sont plus des… enfin, je ne sais pas, quelles structures font les batailles que fait l’April en France dans ces pays là ?
Jeanne Tadeusz : Pour autant que je sache, il y a des associations aussi dans la plupart des pays. Après quand c’est purement sur une bataille précise, quand c’est en réaction sur un enjeu, il y a souvent des acteurs, des organisations qui se mettent en place sur une thématique particulière. Que se soit sur un projet de loi, que ce soit sur une initiative d’une région ou sur ce genre de chose. Après, à ma connaissance en tout cas, il y a moins de structures pérennes sur le long terme comme l’April, ou comme Assoli en Italie ou Hispalinux en Espagne. Mais après si vous en connaissez d’autres, ben tant mieux si elles existent quoi.
Public : incompréhensible
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Animateur : Il reste une dizaine de minutes, donc n’hésitez pas si vous avez des questions supplémentaires…
Pour qu’Internet entende…
Public : C’est pas contradictoire, finalement vous dites que finalement le libre c’est un vrai business, mais à côté de ça, finalement vous travaillez sur un coin de table, quoi.
Jeanne Tadeusz : Heu non non, on ne travaille pas sur un coin de table. Enfin disons que par rapport à un certain nombre de grosses entreprises propriétaires, c’est sûr qu’on est pas sur les mêmes moyens, sur les mêmes modes de fonctionnement. Après travailler sur… voilà, on ne travaille pas sur un coin de table non plus. Avec l’April on a quand même 5500 adhérents aujourd’hui. On existe depuis bientôt 15 ans. On ne peut pas dire qu’on travaille non plus sans aucune structure, ni aucune organisation. On est quand même une association qui est une référence actuellement, qui est solide et voilà. On est là, on existe. Après, oui, par rapport à des géants comme Microsoft, comme Apple ou comme Oracle, c’est sûr qu’on n’est pas, on n’est pas dans les mêmes termes, on n’est pas dans les mêmes gammes en terme de moyens, en terme de ressources. Mais de là à dire qu’on travaille juste sur un coin de table, je pense que c’est pas vrai non plus.
Public : incompréhensible
Jeanne Tadeusz : On est trois permanents actuellement, oui.
Public : Est-ce que pour convaincre les politiques, il ne faut pas avoir une réaction marketing, il ne faut des moyens ?
Jeanne Tadeusz : Le marketing, les politiques, ils en voient souvent. Ça il ne faut pas oublier, que ce soit de la part des entreprises. Moi je reste persuadée que ce qui fait notre force c’est que l’on reste une association, on reste fidèlement proche de nos membres, proche du terrain, on est là. Et par rapport à une grosse entreprise, notre message ne change pas. On est là pour une raison, on est indépendant, on ne reçoit pas de subventions, on est uniquement financé par nos membres et ce d’une manière transparente et on n’est pas là pour gagner de l’argent à l’April, puisqu’on est permanent et qu’on gagne ou qu’on perde, finalement ça ne change rien pour notre salaire à la fin du mois. On est là parce qu’on y croit et qu’on considère que c’est important, on considère que c’est important qu’on se bouge. Et simplement on est là aussi parce qu’il y a 5500 personnes, entreprises, associations, collectivités locales, universités qui nous financent pour qu’on aille porter ce message-à. Et il n’y a peut-être pas de marketing mais quelque part ça réduirait peut-être notre message qu’on devienne trop policé, trop lisse, comme une entreprise qui ferait du marketing classique en tout cas.
Animateur : on a encore un peu de temps.
Public : …à l’égard de l’April, vous dites que vous êtes trois permanents, vous avez un staff juridique ?
Jeanne Tadeusz : On est une association loi 1901.
Public Donc vous n’avez pas de staff juridique capable de présenter des questions de constitutionnalité par exemple ?
Jeanne Tadeusz : Ah, « staff », pardon. Le staff juridique c’est moi. Mais après, moi j’ai un background en droit quand même donc… une question prioritaire de constitutionnalité, j’y crois pas trop parce que ça reviendrait à trop de… c’est trop complexe et ça demanderait simplement trop de temps et aussi de pouvoir rester en justice au nom de l’April, ce qui est actuellement difficile à faire. Après on a quand même fait un recourt en Conseil d’État en 2006 sur la loi DADVSI. Recourt qu’on a perdu formellement, mais sur lequel on a gagné parce que le Conseil d’État a reconnu le droit à l’exception d’interopérabilité, l’exception de décompilation pardon.
C’est assez intéressant parce que formellement on a été débouté mais en fait on a obtenu ce qu’on voulait par cette décision. C’est sûr qu’on a un staff limité mais après on a aussi un certain nombre… un grand nombre de bénévoles qui se bougent, que se soit sur les listes, que se soit lors de réunions de travail etc. et tout, pour filer un coup de main, aider ponctuellement sur les différents thèmes que l’on peut rencontrer, pour que au final on puisse faire beaucoup de choses. Et je le vois quand je vais à Bruxelles au niveau européen, l’April, on est reconnu pour notre expertise, y compris sur les thèmes des brevets, des brevets logiciels, au niveau juridique alors que personne n’a fait du droit de la propriété intellectuelle finalement de manière académique et formelle. Et ça n’empêche pas qu’on soit reconnu comme ayant vraiment une connaissance juridique approfondie sur ces sujets-là.
S’il n’y a pas d’autres questions, ça m’indique que c’est fini donc merci beaucoup.