- Titre :
- Le prix du gratuit
- Intervenant :
- Emmanuel Revah
- Lieu :
- Strasbourg - Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
- Date :
- juillet 2018
- Durée :
- 33 min 40
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- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- capture d’écran de la vidéo, illustration d’une diapositive
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Merci d’être venus. Je ne sais pas pour vous mais les RMLL c’était vraiment cool cette semaine. Là on arrive un peu au bout et le sujet dont je veux vous parler, limite ça aurait pu être en introduction parce qu’il y a plein d’ateliers à côté, les chatons, les guides d’autodéfense, etc. Ça aurait été bien après ; là ce que j’ai à présenter c’est un petit peu déprimant et c’est tout public. Il y en a certains qui connaissent déjà bien le sujet, donc restez-la et accrochez-vous. Pour les autres, si certains ont des nausées, il y a peut-être des sacs anti-vomissement sous les sièges. À voir.
En gros ce qu’on veut voir là, aujourd’hui, c’est l’écosystème, l’économie des services gratuits, donc les services gratuits : mails, blogs, réseaux sociaux, etc., d’autres outils de communication qu’on utilise tous les jours.
J’ai une question ici : qui participe au service mail ou au blog ou autre publication, outil de communication qu’il utilise ? Que ça soit via de l’argent, des efforts techniques ou autre forme de participation ? Cool. Ça fait trois, peut-être quelques-uns qui ne parlent pas bien français, mais je pense que oui.
Donc souvent beaucoup d’entre nous, en tout cas au niveau de la population, pour la plupart d’entre nous c’est du mail gratuit chez Gmail, Hotmail, machin ; c’est du réseau social fourni gratuitement, etc. Donc ce qu’on veut voir aujourd’hui c’est qui fournit les services, qui les finance finalement, parce que là je ne parle pas des associations ou des services de collectifs, je parle des entreprises qui sont à but lucratif, qui gagnent beaucoup d’argent, qui sont parmi les plus grandes entreprises mondiales et quelle est la monnaie d’échange en fin de compte ; on ne leur donne pas d’argent qu’est-ce que c’est le truc ?
Qui fournit les services ?
Déjà qui fournit les services ? Ça c’est un super Internet bien décentralisé, il y a des services qui sont fournis par toi, elle, lui, moi, des entreprises, des associations, tout un tas de choses, c’est un truc super. On est tous là à participer au truc. En fait non pardon, c’est plutôt comme ça : il y a Google, il y a aussi Google et Google, il y a aussi Google, il me semble qu’il y a une autre entreprise qui s’appelle Google, et puis Amazon, Facebook, Microsoft, etc., toutes ces choses-là qu’on connaît bien qui, finalement, englobent presque tous les services gratuits sur Internet. Et je rappelle que ce ne sont pas des assos, ce sont des entreprises qui gagnent beaucoup de fric, on pourrait parler même « d’un pognon de dingue ».
Qui finance ?
Voyons qui est-ce qui finance tout ça.
À votre avis qui est-ce qui finance tous ces services ? On va prendre un cas simple, un site web basique, le site moyen qui a un petit contenu là l’article, ça c’est le truc qu’on veut voir, qu’on veut consommer ou lire selon le langage qu’on veut employer. On se connecte sur Internet, sur le serveur où il y a le contenu, on le télécharge, on le lit, on l’affiche c’est cool. À votre avis qui finance ce service ? Personne ? La pub. C’est ça, c’est la pub. Là ça résume un peu tout le truc, je crois qu’on a fini, vous pouvez partir, non je rigole !
Des outils… gratuits !
Il y a encore un petit truc qu’on a là c’est que le contenu est financé par la publicité, donc la publicité qui va rémunérer le site web, mais il y a d’autre petites choses qu’on ne voit pas forcément, qui sont un peu moins visibles, que ça soit des trucs comme des fonts, des Analytics, des scripts JavaScript, des choses comme ça qu’on va intégrer dans le site, que le fabricateur du site ou le webmestre va pouvoir utiliser, elles aussi gratuitement.
Donc quand je fais mon site… On va dire que c’est notre site, ça c’est notre site web, on fait un site ensemble, on veut gagner du fric. Pour économiser les coûts, on va utiliser des choses comme ça qu’on va emprunter à droite, à gauche, c’est très facile, on met trois bouts de code dans notre page HTML et paf ! On a des fonts super jolies, on a des statistiques hyper performantes, on a des librairies jQuery et autres et on ne se pose pas de questions, mais c’est gratuit pour nous aussi, webmestre.
Vive les contenus tiers
Pour enrichir le site on peut aussi intégrer des cartes, c’est vachement pratique pour les gens qui veulent venir nous voir, il y a des vidéos qu’on va trouver sur YouTube, il y a des Gravatar, personne ne veut parler du Gravatar ? Gravatar, c’est quand même un truc qu’on emprunte à droite, à gauche, qui est un petit peu un problème, on va en parler un peu après. Et ça peut être plein de contenus qui viennent d’ailleurs, à droite, à gauche et c’est génial. On les met dans notre site. On n’a toujours pas payé pour notre site. On a payé pour l’article, mais pour toutes ces autres choses-là, on n’a toujours pas payé.
Partager pour gagner plus
Et puis pour que notre site ait des clics, pour que les publicités qu’on a mises au début puissent nous rémunérer, eh bien on veut inciter les gens à partager, donc on va mettre des petits liens de partage. C’est cool, c’est pratique. Il y a la manière facile, c’est juste je vais sur un site quelconque, je mets un bout de code et ça m’affiche en temps réel le nombre de partages et de retweets, etc. ; ça c’est super pratique. Pour faire ça, les petits bouts de code et il y a des requêtes qui se font sur tous ces sites-là.
Donc en gros, pour afficher cette page, pour l’optimiser et ne pas payer grand-chose, on fait en sorte que le visiteur télécharge la moitié d’Internet.
Optimiser la pub
Ça c’est cool, maintenant on a de la publicité sur notre site. On a du contenu gratuit pour embellir notre page, etc., c’est génial et la publicité est là, c’est bien mais au début de l’Internet ce n’est pas très bien, ce n’est pas très rentable. D’abord ça concurrence la télé qui est encore un petit peu le moyen où il y a les publicités les plus chères, mais, à un moment donné, on se dit « tiens on peut donner un même contenu à tout le monde, mais des publicités différentes ».
Pour faire ça c’est très simple, il faut des profils. Avec les profils on peut dire toi « tu as une pub comme ça et toi tu en as une autre ». Et là, la valeur de la publicité augmente, donc c’est plus intéressant.
Ceux qui fabriquent des profils, ce sont les classiques, il y en a plein d’autres, mais basiquement on a un petit compte Gmail et puis on va sur Google Maps et YouTube, etc., donc il y a des choses qui se construisent sur notre identité numérique. Facebook le fait aussi, d’ailleurs même à notre insu. Si vous n’avez pas de compte Facebook, c’est juste que vous n’êtes pas au courant que vous avez un compte Facebook. Je pense que tous les autres le font, on peut vous profiler sur votre navigateur, etc. Donc il y a plein de moyens de créer un profil pour tout le monde. J’aurais dû appeler ce slide, des profils pour tous.
Public : Inaudible.
Emmanuel Revah : Tous ! Merci Sven.
Public : Inaudible.
[Rires]
Si ça peut servir à pister, ça sert à pister
Emmanuel Revah : Pardon, j’étais où Oui, là. Le truc qu’il faut se dire c’est juste si ça peut servir à pister, à priori ça sert à pister. Il n’y a pas de trucs comme ça, de Gravatar et de machins comme ça, bizarrement gratuits, et qui donnent quand même une partie de votre information sans échange. Donc là on peut commencer à rentrer dans le monde du supermarché des données.
Le supermarché des données
Le super marché des données c’est génial parce qu’on se dit Google, Facebook, ils ont nos données, ils connaissent plein de choses sur nous ce n’est pas bien, mais ce n’est rien ça, enfin ce n’est rien ! C’est une partie du problème. Ils récoltent les données des utilisateurs, hop, on a tous nos petits profils-là, c’est génial, et après, derrière, il y a des entreprises qui vont obtenir ces données, soit elles vont les acheter, soit elles vont les obtenir via un jeu quiz bizarre ou d’autres moyens. Elles peuvent très bien aller et chez Google et chez Twitter et chez l’un et chez l’autre pour récupérer plusieurs sources de données, les mettre ensemble et avec ça on a un tas de données. On peut aller voir ces entreprises-là et aussi plein d’autres entreprises pour leur demander quelle est la campagne optimale pour vendre ma paire de chaussures ou mon politicien. Donc là-dedans on a les clients de ces entreprises-là : c’est Nike, c’est Reebok, ce sont les machins comme ça. Mais c’est aussi Donald Trump, mais aussi Obama, ce ne sont pas que les méchants ou que les gentils, c’est tout le monde et ça donne beaucoup de données.
L’autre truc c’est qu’on est vraiment limités par le budget, en fait, ce qu’on veut savoir sur les gens, la limite c’est pratiquement le budget et il y a quelques personnes qui ne sont pas dans ces fils-là, mais quand même beaucoup.
Avez-vous la carte du magasin ?
J’ai une question que j’ai à poser et que je voudrais poser à ces données-là c’est : est-ce que vous avez la carte du magasin parce que si vous ne l’avez pas vous loupez des soldes, des remises de 10 %, etc.
Je veux parler de ça parce qu’on se dit toujours « c’est cool les cartes du magasin », mais les cartes du magasin, en fait, c’est tout un autre marché ; j’aurais dû diviser en deux ce slide, parce qu’il y a déjà le marché des entreprises, les mêmes que celles-là. Elles vont aller sur Internet auprès de Google et Facebook, etc., pour obtenir les données et il y a d’autres entreprises qui vont obtenir les données des cartes du magasin. Il y a même RelevanC, qui est tout en bas à gauche, c’est créé par le groupe Casino ; c’est leur agence de marketing. Ils appellent ça du Onboarding, c’est le fait de prendre les données off-line, hors ligne, et de les mettre dans une base de données en ligne. Et après, éventuellement, d’aller chez Facebook et Google et de dire « mon client a tel numéro de téléphone avec sa carte de fidélité et j’aimerais trouver mon client chez vous ». Si vous avez un magasin et vous avez les mails de vos clients, aujourd’hui vous pouvez aller chez Facebook très simplement, leur donner votre liste de mails et ils vous diront si vos clients sont sur Facebook. Vous pouvez les ajouter ou alors vous pouvez leur dire « je veux une publicité pour eux ». Ça c’est la version light qu’on peut faire aujourd’hui si on le voulait, juste avec un compte Facebook et peut-être deux-trois euros ou quelque chose comme ça.
Pourquoi Temelio ?
Donc tout ça c’est génial. Moi j’aime bien ! Ce que j’aime bien dans ces entreprises, c’est qu’il y a des entreprises comme Temelio qui disent des choses sympas : les données sont anonymes, mais on peut cibler jusqu’à l’individu. Je ne sais pas encore comment ça marche. On parle de nom, prénom, adresse postale, e-mail, ce n’est pas son navigateur, ce n’est pas juste qu’il vient avec son même tee-shirt rouge et qu’on peut le reconnaître ; s’il éternue quelque part il laisse quelques traces, on peut peut-être le reconnaître aussi !
Moi je n’aime pas ces gens-là. Ce n’est pas connu du grand public. C’est connu si vous avez un magasin : tu ouvres un magasin et tu veux une carte de fidélité pour tes clients, que tu sois Auchan ou Biocoop, eh bien tu vas dans des boîtes comme ça et tu leur dis : « Faites-moi un système ». Ils impriment un bout de plastique avec ton logo et après toutes les données se retrouvent chez eux ; ça permet d’avoir des camemberts et des machins et après on peut leur donner un peu plus d’argent et dire « allez acheter chez Google et Facebook ».
D’ailleurs je veux revenir un peu sur ce truc-là [slide précédent, NdT]. Les entreprises qui sont d’un côté et de l’autre finalement c’est une situation temporaire. Cette boîte-là [Acxiom] a acheté LiveRamp qui est là-bas et ils vont tous finir par devenir la même chose parce qu’il n’y a plus de différence entre en ligne et hors-ligne ; ça c’est fini.
Il y a des entreprises qui s’appellent « Des gens sympas au boulot » [NPAW, Nice People At Work]. Peut-être que ce sont les moins pires parmi toutes les entreprises que je suis allé voir pour faire ce truc-là, mais j’adore l’ironie de leur nom. Eux sont spécialisés dans la vidéo. Ils analysent toute la réaction, toute l’interaction qu’on peut avoir avec une vidéo en ligne, toujours dans l’objectif de transformer votre action, votre consommation d’informations, en vente quelque part ailleurs.
La ferme du gratuit
Finalement le produit sur Internet, pour ces entreprises-là, dans les échanges gratuits, ce sont les données et c’est vous qui les produisez, nous, moi, et je trouve que ça ressemble un peu à ça. On est là, on est nourris, on est logés, quand on va mal il y a quelqu’un qui vient nous soigner ; on s’occupe bien de nous. Franchement Gmail, apparemment, selon plein de gens, eh bien ça marche très bien. Les Analytics Google ça marche très bien, toutes ces choses-là fonctionnent très bien. Il y a un meilleur support chez eux que n’importe où ailleurs. D’ailleurs le support chez eux c’est souvent le cousin, etc. En gros nous on est là et les agriculteurs ce sont Google et Facebook. Ceux qui nous consomment qui vont consommer cette chose-là on ne les connaît pas bien, ce sont les gens de l’autre côté de la barrière, on ne les voit pas. On les a vu tout à l’heure.
Tout est bon dans le data
Je ne sais pas quoi dire, mais il n’y a vraiment rien qui est laissé. Je n’ai pas pu tout mettre ! Si vous imaginez quelque chose qu’on peut capter sur votre comportement devant un ordinateur ou dans un magasin, c’est quelque part là-dedans. Il n’y a vraiment rien qui est laissé. C’est déprimant. Les entreprises qu’on a vues dans les premiers slides mettent des fois toutes ces infos sur leur site, elles disent tout, direct : « notre objectif : analyser et transformer en vente. »
Ça c’est un exemple : savoir où vous passez votre souris, que vous cliquiez ou non. C’est où est votre souris, combien de temps ça met. Il y a plein d’autres façons de voir ce truc-là. On peut même avoir un replay, une rediffusion de la souris d’un visiteur individuel. Je peux dire « ce visiteur-là m’intéresse, je ne sais pas comment il ou elle a fait », donc on peut, avec ces services-là, refaire le mouvement en temps réel de la personne.
Prix= Cerveau
Donc quelque part ce qu’on paye c’est un accès direct à notre cerveau ; ce sont des moyens, des manières de nous manipuler ; quand on nous connaît bien on peut nous manipuler. Des amis proches arrivent à me faire faire des choses que je n’ai pas forcément envie de faire et ils me connaissent moins bien que si j’avais un compte Gmail et si je me baladais en mode normal sur Internet. Donc ce sont les liens les uns avec les autres.
Les hésitations je ne l’ai même pas dit, mais vous savez peut-être : quand vous allez sur des trucs comme Twitter ou autre, vous commencez à écrire dans la case et puis vous dites : « Non ce n’est pas sympa d’écrire ça, je l’efface ». C’est quand même envoyé ! D’ailleurs c’est plus intéressant, d’un point de vue de données, de savoir ce que vous aviez envie d’écrire au premier instinct ; ça c’est plus intéressant que le truc « je réfléchis, je mets un truc plus neutre. J’avais envie de dire un truc un peu plus… » Ça c’est quand même envoyé. Ça fait partie des données qu’ils peuvent prendre.
Comme j’ai dit tout à l’heure il n’y a pas de limites à ce qu’on peut prendre.
Ce dessin, moi j’aime bien dessiner des choses comme ça, j’adore ; mais ça ce n’est pas moi, c’est le logo de Cambridge Analytica. !
http://interweb.idiocracy
Un truc c’est qu’avec tout ça transforme la manière dont fonctionne le Web. Si certains d’entre vous ont connu Internet en 2000, jusqu’à 2005 peut-être même, mais surtout autour de 2000 et avant, vous avez connu un truc beaucoup plus simple, beaucoup plus informatif, beaucoup moins intrusif et avec ces choses-là sur notre site qu’on a fait tout à l’heure, on est en compétition avec d’autres.
Histrionisme
Je parlais du concept de l’histrionisme. L’histrionisme c’est caractérisé par une recherche constante d’attention excessive. Plus on passe de temps sur un site, plus on génère de données, donc plus on génère du revenu. Le truc c’est qu’il y a 24 heures pour chacun ici et chacun ailleurs, d’ailleurs, il n’y a pas plus de temps pour quelqu’un qui est riche ou pauvre, etc. On a 24 heures dans une journée. Je ne sais pas si vous lisez l’anglais, la compétition de Netflix, selon le patron c’est « notre compétition c’est le sommeil ». Facebook n’est pas en compétition avec Google, Facebook est en compétition avec ça [la conférence et les RMLL, NdT], avec un pic-nique, avec une balade entre amis. C’est ça leur compétition, parce que si vous restez devant l’ordinateur sur leur site, vous voulez du réseau social, eh bien on va sur Facebook. Point barre. Si vous voulez acheter un truc vous allez sur Amazon. Donc leur compétition c’est la vie déconnectée de ces choses-là, de ces moyens de capturer des données. Même si vous ne cliquez pas sur les pubs, vous produisez des données, des comportements ; tout ça, ça s’étudie.
Dans la série de l’histrionisme, qu’est-ce qu’on a ?
On a des sites avec des scrolls à l’infini : les pages ne s’arrêtent plus, on ne veut pas que les pages s’arrêtent ; il y a du AutoPlay, de la lecture automatique pour les vidéos. Il n’y a jamais de fin de page, ça continue sans cesse. L’idée c’est de ne pas partir ; « Ne partez pas ! »
Avec ça on a un peu des trucs types, des trucs pas chers, les appâts à clics et des choses qui vont attirer notre attention ou nous perturber un peu dans notre flux de lecture et nous harceler avec des choses comme ça [« Abonnez-vous à notre newsletter. Entrez votre e-mail »,NdT]. Je ne sais pas si quelqu’un ici s’est déjà abonné à la newsletter. Moi j’ai tendance à fermer la page et aller prendre l’air.
Je parle de ça parce que ça change vraiment comment fonctionne et comment on diffuse et ce à quoi le Web ressemble.
Troll
On peut aussi parler du troll. Vous avez peut-être connu Internet autour de 2000, peut-être avant, il y a des trolls qui viennent là sur les forums et d’autres trucs, et ils parlent de n’importe quoi. Ils aiment bien l’attention, ils ne pensent ni bleu ou rouge, ils vont juste défendre le truc que tout le monde n’aime pas, proposer des arguments un peu hallucinants. Leur idée c’est d’accaparer l’attention et d’emmerder tout le monde.
Fausses infos
C’est génial parce le troll, parce que ça inspire ce qu’on appelle les fausses informations, les fake news. C’est génial parce que ce comportement-là, les trolls, on remarque que ça attire vachement l’attention. Les gens sont là à répondre aux trolls, à interagir avec. On a même l’expression « ne pas nourrir les trolls » parce que c’est tentant.
Ce qui est tentant aussi c’est quand vous voyez deux pages comme ça [« La Terre est littéralement en feu » et « La Terre est plus chaude de 0,8 ° », NdT], je ne sais pas, je pense que vous connaissez la réponse, laquelle a plus de clics à votre avis ?
Public : Inaudible.
Emmanuel Revah : D’accord. C’est ça [« La Terre est littéralement en feu »]. Six fois plus selon une étude récente, six fois plus parce que le troll qui arrive et qui dit des trucs hallucinants, ça nous attire ; l’autre qui dit un truc un peu censé, on s’en fout. Et ça aussi c’est un peu à nous de combattre, mais de toute façon dans le site qu’on a fait pour gagner de l’argent, on a plus intérêt à faire le truc un petit peu « trollesque ». Le niveau peut varier, on peut juste faire un truc comme ça où on part d’une information réelle, on l’exagère un peu et l’information s’appauvrit. Mais ça va jusqu’aux sites de fausses informations, 100 % fausses. On ne va pas trop aller là-dedans, mais il y a un gars si vous voulez noter un nom c’est Paul Horner.
Public : Craie et tableau.
Emmanuel Revah : Craie et tableau. [Emmanuel écrit au tableau « Paul Horner », NdT]. Si vous avez du temps pour lire un peu la page Wikipédia sur ce mec-là, peut-être plus en anglais. Il a écrit un article sur son site de fausses infos comme quoi, après je ne sais après quelle tempête, Barack Obama a sorti de l’argent personnel pour aider à financer la reconstruction de la Mosquée. Fox News a vu ça et ils ont relayé l’info comme une info réelle. Voilà le pont entre ça et après la réalité et comme dirait Georges Abitbol « Monde de merde ! » [Dans le téléfilm <em
La bulle
Petit effet secondaire, eh bien vous connaissez peut-être la bulle. Moi j’aime bien les chats, j’ai un compte Google, ils savent que j’aime les chats plus que les chiens. Quand je vais commencer une recherche objective « animal de compagnie », eh bien je vais peut-être ne voir que les trucs de chats ou de préférence des trucs de chats.
Donc si vous avez un compte Gmail et que vous allez souvent voir YouTube, etc., essayez, faites une recherche ; si vous êtes anti-nucléaire, essayez de faire une recherche pro-nucléaire. Je ne sais pas si vous aurez les mêmes résultats qu’un navigateur neutre. Ces effets-là c’est un peu compliqué parce que, du coup, ça nous pousse dans des directions et certaines choses deviennent introuvables [« ingoogleable », NdT]. Ça devient de plus en plus dur à trouver ; ce n’est pas encore introuvable.
Un petit peu d’optimisme. Ça vous dit ?
Démographie
Mais d’abord, moi j’aime bien regarder ces chiffres-là ; ça date d’il y a plus d’un an mais pour moi Facebook ou Google, etc., ce sont un petit peu des nations, des nouvelles nations. Ils ont leurs règles, ils ont leurs utilisateurs et si on ne respecte pas les règles on est viré de la nation. Donc ce sont un petit peu des nations, des lois qui sont une couche au- dessus, en parallèle, qui ont d’autres frontières, mais ils ont beaucoup plus de données sur leurs citoyens que n’importe quel pays, même la Corée du Nord ou la Chine, etc., et, en plus, ils ont plus de citoyens. Leurs citoyens habitent aux États-Unis et en Europe, essentiellement. Donc avec les deux milliards, quand on regarde les États-Unis et l’Europe, on est largement dedans. Il y en a quelques autres qui viennent d’ailleurs, mais ils ont quand même un petit peu beaucoup de connaissances sur tous nos citoyens, nos concitoyens.
OK ! Qu’est-ce qu’on fait ?
Moi je me suis mis une règle.
Ne faites pas comme eux ! Si vous faites des services, ne jouez pas à leurs trucs, ne revendez pas les données de vos utilisateurs ! Et surtout, si on est du côté utilisateur, puisqu’on se retrouve des deux côtés, eh bien peut-être qu’il faut qu’on change les liens qu’on a avec les fournisseurs de services. Au lieu d’échanger notre vie privée et l’accès à nos cerveaux, peut-être qu’il y autre chose à faire.
Envoyez STOP au 36…
Un truc qu’on peut faire en mode pansement, c’est couper la pub. Ça ne coupe peut-être pas tout, mais ça coupe pas mal de choses.
ubloc Origin [1] est un bloqueur de pub bien, ce n’est pas un de ces bloqueurs de publicité qui fait des accords avec les régisseurs de publicité.
Privacy Badger [2] apprend selon votre navigation quelles sont les URL, les liens, les objets qui viennent de plus en plus souvent, qui ne servent pas forcément à l’affichage mais qui, finalement, vous pistent, comme des Analytics ou des choses comme ça. La première fois il va l’afficher quand il le voit sur des sites qui n’ont rien à voir, il se dit : ça c’est pour pister, je le bloque. Donc on peut bloquer juste le cookie ou la connexion.
Ce sont des pansements, ce n’est pas une vraie solution, ce sont des pansements.
Si vous n’avez pas peur dans la vie, il y a aussi uMatrix.
Avec ça c’est bien, on voit tout de suite que l’Internet c’est vraiment un spaghetti pas possible. Moi j’utilise ça sur certains navigateurs et quand ça ne va pas, eh bien j’en ouvre un autre.
Il n’y a pas que Google
Sachez qu’il y a d’autres moteurs de recherche, bien que Google soit sans doute, j’ai envie de dire, « parmi les meilleurs », d’autres disent « le meilleur », peu importe, c’est sûr que ça marche, mais il n’y a pas que lui. Essayez d’aller vers Ixquick [3], Qwant [4], DuckduckgoDuckduckgo
et d’autres. En fait je pense que côté moteur de recherche il y a vraiment du boulot à faire pour trouver un truc qui marche bien et qui ne revende aucune de nos données, parce que ces trois-là nous promettent des choses, mais, encore une fois, on ne sait pas tout.
Courriel éthique SVP
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais quand vous écrivez vous avez pris votre boîte mail bien quelque part, vous chiffrez, vous faites ce que voulez et vous écrivez quelque chose à quelqu’un qui est chez Gmail. Eh bien voilà ! [« Gmail nuit gravement à votre intimité et à celle de votre entourage », phrase affichée à l’écran, NdT]. Ça c’est un des problèmes avec le mail. Peut-être que toi tu fais un truc super, tu vas chez Posteo [5] ou je ne sais pas qui et, à un moment donné, il faut écrire à lui qui est chez Gmail. Eh bien voilà ! Gmail, une fois que ça tombe là-dedans… On a vu quelqu’un l’autre jour, dans une autre conférence sur la sécurité, qui disait que Gmail ne peut pas techniquement lire vos mails. Si on vous dit ça, on vous ment !
Framasoft - CHATONS
Il y a des solutions. Vous avez entendu parler de Framasoft, ils sont beaucoup autour de l’éducation, de la sensibilisation. Ils mettent même en place des outils, des services web, des pads, des Framapiaf, des machins comme ça, on va en parler juste après. C’est très bien parce qu’on peut les essayer et après on peut les installer soi-même si on veut.
Et à côté il y a aussi les CHATONS. Les CHATONS [6] c’est le Collectif d’Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Le truc c’est qu’il y a une charte, claire et simple, qui stipule que quand on est chaton on ne partage les données de nos utilisateurs. On utilise des logiciels libres. On fait les choses bien et ça c’est en évolution. Dans les chatons, il peut y avoir des particuliers, des associations, des collectifs comme ça, des professionnels. L’idée c’est de proposer les services aux utilisateurs et que l’utilisateur soit le client. C’est déjà une relation beaucoup plus simple. On peut aussi trouver des chatons qui demandent une participation : « Viens on va faire du mail, mais viens apprendre avec moi, et on apprend ensemble. » Donc il y a différentes possibilités.
Des outils réseaux pour nous
Dans tous ces outils, le mail on a déjà dit qu’il faut que ça soit privé. Donc allez donner de l’argent à quelqu’un s’il faut, mais faites-le.
Les réseaux sociaux ou les réseaux de médias, etc., selon les appellations, les services, c’est quelque chose de plus compliqué. Parce que si on veut pouvoir twitter ou un truc similaire ou entre nous, eh bien, à un moment donné, il faut créer un réseau. Je peux avoir juste mon serveur dans un coin, je peux installer mon petit serveur Mastodon [7], ça se fédère. Il y a ActivityPub [8] qui est assez récent. Il y avait d’autres trucs avant, Friendica existe depuis plus de dix ans ou dix ans tout court ; ce sont des projets vraiment bien qui adressent tous les problèmes qu’on a là et qui permettent d’avoir un truc décentralisé, mais en même temps interactif, fédéré.
Depuis que je suis sur Mastodon, c’est comme sur Twitter, je suis sur mon serveur, je ne suis peut-être pas tout seul, mais j’ai beaucoup d’interactions avec des gens qui sont ailleurs.
Il y avait un atelier PeerTube [9], ça aurait bien de le voir, mais il faut retourner dans le passé et aller le voir.
Ça ce sont des outils super.
URL courtes, lib JS et autres
Quand on fait des sites web, ça c’est pour ceux qui font des sites web, arrêtez avec les liens courts, arrêtez avec les liens bit.ly et je ne sais quoi, ce n’est pas possible ! Ça dévoile des choses sur les utilisateurs, ça cache le lien réel, en plus, et il n’y a pas besoin. On peut publier plus de 140 caractères partout de nos jours, ça va.
Les liens courts ça nous suit de partout. Le JavaScript qui vient de partout ça aussi, c’est cool d’utiliser du jQuery mais téléchargez-le, mettez-le sur votre site.
Créez un proxy s’il faut, c’est possible.
J’ai parlé des Gravatar au début. Il y a dix ans je me suis dit tiens je vais implémenter Gravatar [10] sur mon site, je suis allé voir comment on fait : c’est très simple, la personne met son commentaire, met une adresse mail et quand la page s’affiche, il y a un HMD5, donc on prend l’adresse mail, on la met dans une moulinette et ça sort un chiffre unique qui sera toujours le même et on envoie ça à Gravatar. Donc le lien vers l’image ce n’est pas un lien depuis mon site, c’est le lien vers Gravatar avec une petite information en plus qui est lisible par tous. Et cette information c’est l’adresse e-mail codée. Donc on ne peut pas connaître l’adresse mail de la personne, mais le visiteur, ce qu’on sait, eh bien je prends ce HMD5, je le mets dans un moteur de recherche performant et puis je trouve tous les autres commentaires de cette personne. Ça c’est facile, je l’ai fait. Et puis du côté de Gravatar on sait qui a posté quoi, où et quels sont les sites les plus visités. Donc ce qu’on peut faire c’est un proxy. J’ai fait sur mon site un petit proxy qui va juste faire la requête avec Gravatar et ensuite proposer au visiteur une image qui vient de mon site. On peut faire ça pour toutes les choses comme ça. Si on veut charger du JS sans le mettre sur le site, eh bien faites un proxy.
Fuck Google Fonts
Un dernier truc, je ne sais pas quoi mettre en dessous de ça, mais vraiment Google Fonts ça suffit maintenant. Et quand je dis ça suffit ce n’est pas oui, ça suffit, mais on en trouve partout ! Même la FSFE sur la campagne Save Code Share !, ça a été une campagne contre les articles 11 et 13, eh bien il y a des Google Fonts. Il y a un Piwik que je veux bien permettre, ça c’est cool, ça c’est uMatrix pour ceux qui ne connaissent pas, mais on voit des requêtes vers fonts.google-api [google api,google,fonts] et quand ça ne marche pas, ça essaye un autre truc, fonts.gstatic, donc la version statique parce que la version JavaScript est bloquée, donc on va essayer…
Il y a toujours une envie de prendre.
Je ne sais pas si j’ai déjà dit ça : « Si ça peut servir à pister, ça sert à pister ».
Merci d’être venus. Moi c’est Manu. Si jamais vous voulez un premier lien de contact, j’ai mis mon URL Mastodon [manu chez social.hoga.fr]. Mon adresse mail c’est sans le social point [manu chez hoga.fr] si on veut.