L’éducation à l’heure de l’IA : à quoi ressemblera l’éducation du futur ? Le numérique pour tous

Voix off : Sud Radio – Le numérique pour tous – Vanessa Perez.

Vanessa Perez : Bonjour et bienvenue dans Le numérique pour tous, l’émission dédiée au digital, à l’innovation et à la tech responsable. Aujourd’hui, nous allons parler éducation du futur à l’heure de l’intelligence artificielle. Comment l’intelligence artificielle va-t-elle bouleverser l’éducation ? Pourquoi sommes-nous, peut-être, complètement à côté des méthodes d’enseignement qui seraient nécessaires pour construire le monde de demain ? Et jusqu’où une réforme de l’Éducation nationale est plus qu’essentielle ?
Le numérique pour tous spécial éducation du futur c’est parti et c’est sur Sud Radio.

Voix off : Sud Radio – Le numérique pour tous – Vanessa Perez.

Vanessa Perez : Et aujourd’hui, pour parler éducation et intelligence artificielle, un grand témoin de l’éducation du futur va nous accompagner tout au long de cette émission, un homme qui est en train de révolutionner la façon dont nous allons apprendre grâce à l’IA. Il est polytechnicien, docteur en génétique et a fondé le Learning Planet Institute [1] un centre de recherches qui explore de nouvelles manières d’enseigner et d’apprendre.
François Taddei, bonjour.

François Taddei : Bonjour.

Vanessa Perez : Nous sommes ravis de vous avoir en plateau aujourd’hui. Avant de commencer le expliquez-nous précisément la mission du Learning Planet Institute que vous avez fondé.

François Taddei : Sa mission, c’est de réinventer les manières d’apprendre, d’enseigner, de faire de la recherche, pour mobiliser l’intelligence collective et permettre à chacun d’apprendre à prendre soin de soi, des autres et de la planète.

Vanessa Perez : Vous considérez qu’on apprend mal aujourd’hui, François ?

François Taddei : Je considère que nous ne sommes pas les seuls à apprendre aujourd’hui puisque les machines apprennent. Quand on parle d’intelligence artificielle, en anglais on dit machine learning, donc des machines apprenantes. On n’a donc plus l’exclusivité des apprentissages, on ne l’a jamais eue parce que d’autres espèces apprenaient aussi, mais on voit bien qu’on a besoin d’apprendre autre chose et autrement puisque nos manières de travailler et d’apprendre sont en évolution permanente, en particulier accélérées avec l’arrivée de l’intelligence artificielle.

Vanessa Perez : Justement, cette intelligence artificielle qui est en train de bouleverser nos modes d’apprentissage, vous dites qu’aujourd’hui ce que l’on apprend et la façon dont on l’apprend ne sont plus adaptés à nos défis. Pourquoi ce constat ?

François Taddei : Disons que l’éducation, traditionnellement, transmet aux nouvelles générations ce que les générations précédentes ont appris. Il se trouve que les défis auxquels nous sommes confrontés, c’est à la fois l’arrivée de l’intelligence artificielle, mais aussi le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, des transformations démocratiques et sociétales profondes, et on a besoin d’apprendre à faire face à des défis inédits pour lesquels les générations précédentes n’ont pas la solution.

Vanessa Perez : Justement cette IA, cette intelligence artificielle, comment peut-elle aider à comprendre la complexité du monde actuel ? Ce que vous voulez dire c’est qu’en fait nos cerveaux n’ont plus la capacité d’embrasser tout ce qu’il est en train de se passer et l’IA va peut-être nous permettre d’observer des signaux faibles et de mettre une loupe sur des choses qu’on n’aurait absolument pas vues dans nos systèmes éducatifs et dans les programmes ?

François Taddei : En fait, l’intelligence artificielle rend le savoir accessible très rapidement et c’est une révolution. La révolution du Web et des moteurs de recherche était déjà très importante, mais il fallait savoir discerner ce qu’on trouvait sur le Web. Là, l’intelligence artificielle vous en fait une synthèse. La question c’est : est-ce qu’elle est toujours pertinente ? Il faut toujours avoir, et encore plus, d’esprit critique qu’avant, savoir vérifier ses sources, mais, typiquement, l’accès au savoir est profondément bouleversé par cette révolution. Être capable de critiquer, par exemple, de coopérer et de se poser des nouvelles questions, ça devient essentiel et ce ne sont pas forcément les capacités qui ont été le plus développées. Moi, j’ai été sélectionné sur ma capacité à mémoriser et à calculer, très honnêtement les machines mémorisent, calculent et même synthétisent l’information mieux que nous. Donc, qu’est-ce qui nous reste comme spécificités humaines et comment peut-on apprendre à l’heure des machines, à utiliser ces machines et à faire des choses que ni les machines ni les humains seuls ne sauraient faire ?, ça c’est un grand défi.

Vanessa Perez : Justement, François, selon vous, quelles sont les compétences qui seraient cruciales pour les jeunes du 21e siècle, qu’on devrait leur enseigner et que, apparemment, on ne leur enseigne pas aujourd’hui ?

François Taddei : Ce qui est intéressant c’est qu’on parle souvent de compétences du 21e siècle : la capacité à coopérer, la capacité à l’esprit critique, la capacité à communiquer, la capacité à la compassion, à comprendre les besoins des autres, la capacité à penser une citoyenneté y compris une citoyenneté planétaire aujourd’hui. On a besoin de ces compétences et ce ne sont pas vraiment des compétences du 21e siècle au sens où, en fait, ces compétences ont toujours existé. On voit bien que ce sont des compétences qui sont plus nécessaires au 21e siècle qu’avant, parce que, pour les compétences de base, type mémoriser l’information, les machines nous suppléent pour ce genre de tâche. Il faut donc apprendre à faire des choses que les machines ne savent pas faire. Par exemple, il faut apprendre à coopérer sur des défis ouverts plutôt qu’être en compétition sur les savoirs d’hier et on voit bien que c’est une révolution.

Vanessa Perez : Concrètement. On va prendre le cas des transitions climatiques. Vous dites vous-même qu’on n’est pas du tout équipé pour cette transition environnementale et les jeunes, aujourd’hui, dans les écoles, ne sont pas équipés intellectuellement pour gérer ce qu’il est en train de se produire devant nos yeux.

François Taddei : Exactement. Il ne suffit pas de leur donner les faits, ce qui est déjà très important, il leur faut, en plus, être capables de dépasser l’éco-anxiété qui est naturelle. Si on vous donne les faits, on vous dit que ça va aller de mal en pis, forcément c’est anxiogène. Si on vous explique que vous allez pouvoir être acteurs et auteurs du monde de demain, là c’est différent. Il faut donc leur donner les moyens de passer à l’action et de comprendre les sujets. On a créé, par exemple, des éco-délégués, mais on ne les forme pas suffisamment. On a besoin de leur expliquer qu’en s’auto-organisant ils vont pouvoir proposer, par exemple, des modifications de la vie dans leur collège ou dans leur lycée en faisant des propositions qu’ils vont pouvoir mettre en œuvre. Cette capacité à coopérer pour créer du changement positif dans sa vie, dans celle de sa communauté et pour l’avenir, c’est cela qu’il est essentiel d’apprendre aujourd’hui.

Vanessa Perez : Vous dites que dans les écoles, aujourd’hui, on a une éducation descendante et on n’est pas du tout dans cette coopération à partager des idées et cela, justement, ne permet pas de construire l’avenir de l’humanité. On a tout faux là-dessus ?

François Taddei : C’est exactement ça. En fait, aujourd’hui, le système éducatif est un système essentiellement compétitif.

Vanessa Perez : C’est-à-dire ? On doit être le meilleur de sa classe ?

François Taddei : On doit être le meilleur de sa classe de sa classe pour être, ensuite, dans la meilleure prépa, pour être, ensuite, dans la meilleure école, pour être, ensuite, dans les meilleurs postes dans les entreprises. Ce système méritocratique hyper-compétitif est hérité des siècles précédents et a fonctionné plus ou moins depuis le 18e siècle, je pense qu’au 18e siècle il était très adapté à la situation, je pense qu’il ne l’est pas au 21e siècle.

Vanessa Perez : Quel rôle l’intelligence artificielle va-t-elle jouer, justement, dans l’accompagnement ou l’aide à faire évoluer ce système de coopération ?

François Taddei : Déjà, pourquoi nous force-t-elle à changer ? Pour répondre à cette première question, dans un premier temps, aujourd’hui une IA peut résoudre des exercices qu’on donne à l’École polytechnique. Donc, si l’IA sait faire des choses avec lesquelles le système éducatif vous sélectionne et si l’IA sait faire des choses pour lesquelles les entreprises vous recrutent, il va falloir que vous sachiez faire de nouvelles choses que les machines ne savent pas faire. C’est la première chose. Donc, dans les entreprises, dans la société, on a des défis à relever, et apprendre à relever des défis complexes, ouverts, de manière coopérative, c’est cela dont on a besoin dans la société, c’est cela dont on a besoin dans les entreprises, c’est cela dont on a besoin dans l’ensemble de la sphère publique. Si ce sont des compétences nécessaires, la question c’est comment l’école peut-elle nous permettre de les apprendre ? Il y a des pédagogies où, de 6 à 18 ans, on apprend à résoudre des défis complexes de niveaux croissants et cela nous arme mieux pour le monde de demain. L’IA peut nous aider, quand on est face à un défi ouvert, à connaître l’état de l’art, à savoir quelles sont les meilleures solutions et, éventuellement, être mis en relation avec des contenus et des gens qui sont pertinents pour nous aider à relever notre défi.

Vanessa Perez : C’est apparemment ce que vous faites au Learning Planet Institute. Dites-nous, concrètement, dans quelle mesure vous êtes un peu la formule 1. Dans les cours que vous donnez ou dans la façon dont vous enseignez, vous êtes un peu la formule 1 de l’éducation.

François Taddei : Par exemple, on a développé une intelligence artificielle qui a lu toutes les sources scientifiquement disponibles sur le développement durable. Donc, si un étudiant se pose des questions sur le développement durable, l’intelligence artificielle peut lui répondre en lui donnant les sources, ce qui est une des grandes difficultés des premiers modèles de type ChatGPT qui, en fait, vous font une synthèse de choses sur le Web sans vous sourcer, donc vous ne savez pas la qualité de la réponse. Ce qui est très important pour un étudiant, pour un scientifique, pour un citoyen, c’est d’être certain de ce que l’on pense, donc on a besoin d’avoir accès à la source scientifiquement fondée.

Vanessa Perez : François, je vous propose de marquer une courte pause, parce que vous allez nous expliquer comment vous envisagez de révolutionner nos systèmes éducatifs. C’est une vaste ambition et je soupçonne que vous discutez avec des ministres de l’Éducation qui ne cessent de se succéder.
Le numérique pour tous, éducation du futur, on marque une courte pause et ça continue dans quelques instants sur Sud Radio.

Voix off : Sud Radio – Le numérique pour tous – Vanessa Perez.

Vanessa Perez : Le numérique pour tous spécial éducation du futur, avec aujourd’hui François Taddei, le président du Learning Planet Institute.
François, je suppose que depuis des décennies vous discutez avec nos ministres de l’Éducation. Vous dites qu’aujourd’hui on n’apprend pas correctement. Pourquoi ce que vous proposez n’est-il pas implémenté ? C’est parce qu’ils ne restent pas longtemps, pas assez longtemps au gouvernement, ou y a-t-il d’autres raisons ?

François Taddei : Je pense qu’il y a plusieurs facteurs.
Le premier, c’est effectivement qu’ils ne restent pas suffisamment longtemps pour être capables de prendre l’ampleur du sujet qui nous occupe aujourd’hui.
L’autre aspect c’est que, trop souvent, ils font un retour en arrière plutôt que de se projeter vers l’avenir. Il est plus facile de flatter les parents, qui sont les électeurs, et les parents préfèrent un système qui ressemble à celui qu’eux-mêmes ont connu. Donc, par construction, typiquement, le système éducatif a dit que les élites méritaient, dans une méritocratie, d’être des élites. Donc, si on remet en cause le système qui a dit qu’elles méritaient d’être les élites, ça les remet en cause elles-mêmes. En fait, les gens préfèrent ne pas remettre en cause le système, alors qu’il faut se projeter sur l’avenir et prendre l’avis des jeunes eux-mêmes, donc, si on peut, coconstruire l’avenir avec les jeunes, en se rendant compte de ce que sont leurs pratiques aujourd’hui. Ils utilisent déjà l’intelligence artificielle, il faut donc leur apprendre à l’utiliser de manière pertinente. Il faut les inviter à dire quels sont les grands sujets sur lesquels ils ont envie d’apprendre à devenir des citoyens responsables de la planète.

Vanessa Perez : Justement, si vous aviez trois mesures phares ou trois axes phares pour le prochain ministre de l’Éducation nationale, parce qu’il va peut-être y avoir un remaniement, quelles seraient concrètement ces trois mesures ?

François Taddei : Les trois mesures, c’est relativement simple, c’est :

  • passer de cette logique de compétition à une logique de coopération ;
  • apprendre à l’heure de l’intelligence artificielle, c’est-à-dire à la fois apprendre comment fonctionne l’intelligence artificielle, ses avantages et ses limites ; apprendre ce que la machine ne saura pas faire et savoir ce qui est spécifique de l’être humain ;
  • et troisièmement, fondamentalement, la capacité à penser de manière systémique au-delà des barrières disciplinaires. Si vous pensez le changement climatique, ce n’est pas juste un problème de physique, c’est un problème de physique, comme c’est un problème de mathématiques, comme c’est un problème d’histoire, de géographie et de société. Il faut donc intégrer l’ensemble des dimensions. Il faut donc inviter les jeunes à mobiliser les différents savoirs pour comprendre la complexité du monde et avancer pour être force de progrès et de propositions pour le monde de demain.

Vanessa Perez : François, tous les jeunes, aujourd’hui, sont équipés d’Internet. Avez-vous l’impression qu’on est plus intelligent aujourd’hui, à l’heure d’Internet, ou alors, paradoxalement, notre capacité à embrasser le monde diminue ?

François Taddei : En fait, la question c’est est-ce que l’intelligence artificielle fait progresser l’intelligence collective ou la bêtise collective ?

Vanessa Perez : Merci d’avoir reformulé ainsi !

François Taddei : Pourquoi bêtise collective ? Si vous regardez les réseaux sociaux aujourd’hui, l’intelligence artificielle qui fait tourner les réseaux sociaux amplifie les émotions les plus négatives, parce que c’est comme cela qu’ils vont avoir plus de clics, donc plus d’argent. Le modèle économique attise les émotions négatives, donc, par certains côtés la bêtise collective.

Vanessa Perez : François, on le sait, la plupart de nos terminaux informatiques mais aussi les systèmes sur lesquels ils fonctionnent, c’est-à-dire les fameux GAFAM, sont essentiellement américains ou alors dominés par des plateformes, on n’a pas accès aux plateformes asiatiques, mais dominés par des puissances politiques. Avez-vous l’impression que ces intelligences artificielles, qui vont être entraînées de plus en plus sur des systèmes américains qui dominent le monde, ne vont plus laisser place à notre culture européenne, à notre sensibilité, notre mode de fonctionnement européen ? On le rappelle, une intelligence artificielle, si on prend ChatGPT, va mélanger des choses qui existent déjà. Est-ce qu’elle va puiser dans une cohorte qui est conditionnée par la variété internationale de la pensée ? Ou est-elle conditionnée par un système de pensée qui appartient à la plateforme et, dans ce cas-là, est-ce qu’elle conditionne politiquement notre pensée ?

François Taddei : Je pense qu’il commence à y avoir des plateformes françaises, Mistral AI [2] est un bon exemple, qui sont jeunes, mais qui croissent très rapidement et qui prennent en compte ces sujets. Je pense qu’il est possible, aujourd’hui, de créer des dispositifs qui nous correspondent et qui sont alignés avec nos besoins et notre culture, mais je pense que la clé c’est de savoir quelle éthique on met dans la machine. Est-ce que la machine est là uniquement pour optimiser les revenus d’une entreprise ou le pouvoir de contrôle d’un État ? Ou est-ce que l’intelligence artificielle est là pour permettre, par exemple, à chacun de mieux se connaître soi-même, savoir ce qu’on sait, savoir ce qu’on ne sait pas, savoir ce qu’on pourrait apprendre et savoir ce qu’on pourrait faire ensemble pour résoudre les défis complexes auxquels nous sommes confrontés ?

Vanessa Perez : Vous parlez de cette interdépendance mondiale qu’il y a. Vous trouvez qu’on a, aujourd’hui, une éducation trop orientée, d’un point de vue national, qu’on n’intègre pas assez ce qui se passe au niveau international en termes de culture. Et vous évoquez aussi, je crois, que dans une faculté ou dans un de vos modules de formation vous avez créé cette mixité et ça change radicalement la façon d’appréhender les choses.

François Taddei : Oui, je pense qu’on a besoin d’une perspective planétaire. En fait, si on regarde l’histoire, à Athènes on a créé la perspective de la citoyenneté autour des murs de la cité et de l’écriture. On a réinventé cette perspective avec éducation, science, démocratie, philosophie, art, débat, pendant les Lumières autour de la nation et de l’imprimerie. Aujourd’hui, autour du numérique, il faut le faire au niveau planétaire. On a besoin d’une culture planétaire, on a besoin d’une citoyenneté planétaire, on pourrait parler une « planètoyenneté », une capacité à embrasser la complexité du monde, parce que les interactions ne sont plus simplement locales, elles ne sont plus simplement familiales, régionales ou nationales, elles sont planétaires. On ne pourra pas résoudre les grands défis d’aujourd’hui, que ce soit l’intelligence artificielle, le changement climatique ou l’érosion de la biodiversité, sans une perspective planétaire et les jeunes sont déjà connectés au reste du monde, ne serait-ce que sur les plateformes de jeux et autres et ils ont besoin de cette perspective planétaire. L’avènement des satellites, l’avènement de l’humain dans l’espace, permettent de changer de perspective. Mais les systèmes éducatifs, évoluant moins vite que les pratiques et les besoins, ne promeuvent pas suffisamment cette perspective planétaire.

Vanessa Perez : Donnez-nous un exemple, peut-être aujourd’hui, de module et d’éducation qui fonctionne bien au Learning Planet Institute.

François Taddei : Par exemple, les Nations Unies ont défini 17 grandes priorités qu’on appelle les objectifs de développement durable [3]. Comprendre ces objectifs, comprendre les limites planétaires et comprendre que l’on peut agir à son niveau, créer un projet qui va avoir un impact sur soi, sur sa communauté et sur la planète simultanément, ce sont des choses essentielles. Par exemple, on crée des Olympiades du développement durable [4], comme il y a des Olympiades de sport, des Olympiades de mathématiques et de physique. On peut inciter l’ensemble des jeunes à se mobiliser pour apporter des solutions au monde.

Vanessa Perez : Là vous parlez des jeunes qui ont 15/17 ans, qui ont une forme de maturité. Mais si on met en place votre système éducatif pour les tout petits, à la maternelle, etc., cela veut dire que là aussi on n’est pas dans le juste pour vous ?

François Taddei : Pour vous donner un exemple de choses très concrètes la Fondation Lego a cherché les écoles qui préparent le mieux au 21e siècle. De manière intéressante, ils ont identifié une école qui n’est pas en France, pas en Finlande ou aux États-Unis, elle est en Haïti et c’est intéressant parce que ce n’est pas le pays le plus riche au monde, mais cette école, c’est une école des défis. C’est une école où, de 6 à 18 ans, on apprend à relever des défis. À six ans ça peut être juste prendre planter une graine ; à dix ans ça peut être réparer les feux tricolores parce qu’il y a eu une tempête et qu’ils ne sont plus fonctionnels ; à 12/13 ans, ça peut être apprendre à coder un serveur de SMS parce qu’on a son premier téléphone, qu’on a envie que ça soit moins cher et de maîtriser les outils ; à 15/16 ans ça peut être apprendre à planter des panneaux solaires et à les connecter pour avoir l’énergie dans l’école pour éviter les coupures et diminuer l’empreinte carbone ; et, à 18 ans, ça peut être mettre en place un système de détection d’ondes sismiques pour prévenir les tremblements de terre en Haïti et, éventuellement, gagner aux olympiades internationales de géologie. C’est cela qui est intéressant. On voit que les jeunes définissent les sujets sur lesquels ils veulent apprendre et, à ce moment-là, ils mobilisent les savoirs pour relever des défis qui sont les leurs et ceux de leur communauté.

Vanessa Perez : Ça veut dire que vous seriez plus proche d’une éducation on va dire positive, comme on la qualifie aujourd’hui, ou alors d’une école à la Montessori, que des systèmes académiques traditionnels, pour évoluer et avoir plus de facilité à gérer le monde de demain ?

François Taddei : Ce qui est intéressant c’est que des logiques, comme celle de Montessori qui ne date pas d’hier, ont été validées scientifiquement depuis. On sait que le développement des sciences cognitives, le développement du cerveau des enfants est optimisé dans des environnements de type Montessori dans lesquels on leur fait confiance et on les aide effectivement à avoir une attitude positive sur leurs apprentissages et sur la vie.

Vanessa Perez : Notre dernier ministre de l’Éducation, qui a été Premier ministre, Gabriel Attal, a été sensible à la notion d’éducation. Avez-vous dialogué avec lui ? Avez-vous partagé votre vision ?

François Taddei : Non. Honnêtement, je n’ai pas eu l’occasion de discuter avec lui. J’avais plus discuté avec Jean-Michel Blanquer, par exemple. L’école de la confiance [5] était une bonne idée mais la confiance ne se décrète pas et c’est ça la difficulté. Depuis la rue de Grenelle, on ne peut pas imposer le changement d’en haut. On a besoin de partir des réalités du terrain, d’accompagner les jeunes et les enseignants dans la transformation nécessaire.

Vanessa Perez : Un conseil ou alors un message au futur ministre de l’Éducation nationale ?

François Taddei : Un, bon courage et deux, essayer de penser le temps long malgré les pressions politiques.

Vanessa Perez : François Taddei, merci. Je rappelle que vous dirigez le Learning Planet Institute.
Le numérique pour tous, c’est fini pour aujourd’hui. N’hésitez pas à retrouver vos émissions sur le podcast et sur l’application Sud Radio et, pour prolonger la discussion, sur vos réseaux sociaux préférés.
Je vous souhaite une excellente fin de week-end et je vous dis à la semaine prochaine.

Voix off : Sud Radio – Le numérique pour tous – Vanessa Perez.