- Titre :
- Décryptualité du 4 juin 2018 - GitHub racheté par Microsoft, pour quoi faire ?
- Intervenants :
- Luc - Manu - Nico - Magali
- Lieu :
- April - Studio d’enregistrement
- Date :
- juin 2018
- Durée :
- 15 min 15
- Écouter ou télécharger le podcast
Revue de presse pour la semaine 22 de l’année 2018
- Licence de la transcription :
- Verbatim
- Illustration :
- Logo de GitHub Wikimedia Commons, domaine public
- transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.
Transcription
Luc : Décryptualité.
Nico : Le podcast qui décrypte l’actualité des libertés numériques.
Luc : Semaine 22. Salut Manu.
Manu : Salut Mag.
Mag : Salut Nico.
Nico : Salut Luc.
Luc : Eh bien tu es revenu !
Manu : Oui.
Luc : Tu es allé à Thouars [ou aléatoire, NdT]] ?
Manu : Exactement. Exactement, dans le Poitou.
[Rires]
Luc : Qu’est-ce qu’on a dans la revue de presse cette semaine ?
Manu : Six articles. Des choses dont vous avez déjà parlé la semaine dernière et puis d’autres un peu plus nouvelles.
Mag : Le Monde.fr, « Hausse des tarifs de Google Maps : "On a plus que jamais besoin d’alternatives libres" », par Claire Legros.
Manu : Eh oui, Google augmente les tarifs et là ça va casser plein de sites web.
Luc : On en a parlé la semaine dernière.
Mag : La gazette.fr, « Logiciel libre : conseils pratiques et bonnes conduites », par Gabriel Zignani.
Manu : Eh bien c’est comment se mettre, quand on est une administration ou une institution, au logiciel libre. Donc c’est la contribution d’une manière générale, d’un point de vue d’une politique à mettre en place.
Mag : Les Echos, « 5 raisons pour lesquelles l’avenir de l’Open Source est… open ! », par Brice Texier.
Manu : Ça parle du point de vue des entreprises. Tout va bien de ce côté-là. Le Libre, l’open source dans ses paroles, marche vraiment bien donc l’avenir est radieux.
Mag : Numerama, « SAIP : le gouvernement renonce à l’application défectueuse et se tourne vers les réseaux sociaux », par Julien Lausson.
Manu : Ça ne parle pas directement de logiciel libre, mais ça nous intéresse quand même parce qu’on en a parlé l’année dernière. C’était une application proposée par l’État, qu’on pouvait installer sur son téléphone, qui pouvait nous prévenir – la promesse étant en moins de quinze minutes – quand il y avait un attentat ou quelque chose de dangereux.
Luc : Une catastrophe naturelle ou quelque chose comme ça.
Manu : Exactement. Ça n’avait pas marché pour l’attentat du 14 juillet à Nice : les gens avaient été prévenus plusieurs heures plus tard. C’est quelque chose qui a été payé par les deniers de l’État, qui n’a pas bien marché ; l’État se décide à changer son fusil d’épaule et maintenant ils vont utiliser les réseaux sociaux pour prévenir les gens en cas de catastrophe !
[Grognements]
Luc : Oui. On rappelle que Gaël Musquet à l’époque avait rappelé, ça a encore été rappelé à l’occasion, qu’il existe des protocoles pour utiliser la téléphonie mobile et pour faire du broadcast. C’est-à-dire techniquement il est tout à fait possible de dire on envoie un message d’alerte et du coup tout le monde recevrait un SMS massivement et donc on pourrait localement prévenir les gens qui sont concernés, très rapidement et très efficacement. Mais voilà ! L’État préfère passer par les réseaux sociaux !
Manu : Il ne doit pas être au courant. On n’a pas dû lui dire que ça existait !
Luc : Oui ! On y croit !
Mag : ZDNet France, « Un donateur anonyme promet 1 million de dollars à Gnome », par Thierry Noisette.
Manu : Une grosse tirelire a été cassée par quelqu’un et il a été généreux ce quelqu’un : il offre à la Fondation GNOME [1] pour des développements. Alors c’est un bureau.
Luc : Ouais. Et puis il y a besoin en plus !
Manu : Il est très bien ce bureau ! Mais effectivement, il y a toujours besoin de développements et de développeurs qui travaillent dessus. Donc un million ça pourra injecter un petit peu d’énergie ; ce n’est pas mal.
Mag : nonfiction.fr, « Entretien à propos de "Makers", les laborantins du changement social », par Jean Bastien.
Manu : C’est toute une discussion autour des laboratoires et des fablabs, donc les laboratoires de la fabrication, on peut le traduire de cette manière-là, et de la manière dont ça apporte une nouveauté, une innovation. Alors là c’est le changement social alors c’est le mouvement un petit peu des gens qui vont prendre en main leur construction eux-mêmes. C’est intéressant ; ça intéresse notamment les communautés locales.
Luc : On va parler d’un sujet d’actualité, mais d’actualité brûlante qui n’est pas encore dans la revue de presse puisque tu fais la revue de presse de la semaine passée. Aujourd’hui même, on est lundi, est tombée une nouvelle assez fracassante : Microsoft a cassé sa tirelire et c’est un peu plus qu’un million de dollars qui ont été dépensés.
Nico : C’est plutôt 7,5 milliards de dollars qui ont été investis dans GitHub, donc le rachat d’une des principales plateformes de développement.
Manu : La principale plateforme.
Nico : Ou la principale. Ça fait assez mal, en fait, d’être rachetée par Microsoft.
Luc : Il faut quand même expliquer ce que c’est parce que c’est un truc très technique donc pour comprendre à quoi ça sert et quels sont les enjeux.
Manu : Et l’importance. Donc GitHub c’est une forge logicielle et une forge c’est comme les forgerons qui construisent toutes ces épées, toutes ces armes ou outils.
Luc : Des marteaux.
Manu : Exactement ! Ce sont plein de forgerons, de développeurs, d’informaticiens, qui, à l’aide de ces forges logicielles, se mettent en commun et arrivent à travailler en commun sur des briques logicielles et il y en a plein de sortes.
Luc : Sur du code.
Manu : Sur du code carrément. Git [2] c’est un outil pour gérer le code et GitHub [3] c’est une plateforme logicielle qui utilise notamment cet outil et pas que.
Luc : Une plateforme internet.
Manu : C’est une plateforme internet qui marche très bien et qui est énorme. C’est la plus grosse plateforme de développement, la plus grosse forge logicielle connue ; il y a jusqu’à combien de personnes ?
Nico : Il y a à peu près 25 millions d’utilisateurs et 67 millions de dépôts ; ça c’était en fin 2017. Donc voilà, c’est quand même assez colossal.
Luc : Pour comprendre un petit peu à quoi ça sert, quelles sont les fonctions : les informaticiens écrivent du code, ils ne sont pas nécessairement tout seuls et après, le code, ils vont le tester et puis on va leur remonter des bugs, etc. Il va y avoir n versions.
Manu : Il y a de la documentation.
Luc : Il y a de la documentation, donc on va pouvoir, avec cet outil-là, suivre toutes les différentes versions : qui a fait quoi, qui a mis tel bout de code à tel endroit et puis si on s’aperçoit qu’il y a un problème on peut revenir en arrière et puis on peut dire « c’est toi qui t’es planté », etc. Donc tous ces trucs-là pour réussir à gérer l’évolution de son logiciel, ce sont des outils spécifiquement faits pour ça.
Manu : Et primordiaux ; ils sont utiles et nécessaires, parce que sans ça, eh bien une équipe n’arrive pas ou n’arrive plus, en tout cas aujourd’hui, à travailler en commun.
Nico : Le problème qu’on a avec GitHub, qui est un peu le problème général du logiciel libre, c’est qu’on s’est retrouvés avec une plateforme privatrice parce que code de GitHub n’est pas disponible.
Luc : Il n’est pas libre.
Nico : Il n’est pas libre du tout. Personne ne peut remonter un GitHub à lui et du coup tous les logiciels libres ont été vers cette plateforme-là. Donc on retrouve quasiment tous…
Luc : Une grosse partie d’entre eux.
Nico : Une grosse partie d’entre eux, autant dire tous, parce qu’il y en a très peu, vraiment minoritaire, à aller vers d’autres solutions et, au début, tout le monde allait bien parce qu’on trouvait que GitHub collaborait plutôt bien avec la communauté, était assez ouvert.
Manu : Sympathique.
Nico : Et là, on se retrouve à voir tout partir chez Microsoft et en particulier les données des utilisateurs. On ne sait pas trop ce qu’ils vont faire derrière, même s’ils n’ont pas trop intérêt à faire un peu n’importe quoi, mais on verra bien !
Mag : Ça me rappelle quand Microsoft a racheté LinkedIn et, du coup, il y a plein de gens qui sont partis de LinkedIn pour ne pas être Microsoft. J’imagine que là on va faire pareil.
Manu : LinkedIn, réseau social professionnel. En tout cas c’est destiné à cela. C’était présenté comme cela, c’est pour qu’on mette son CV et qu’on soit mis en commun avec d’autres, pour les recruteurs, les recrutements.
Luc : Oui. Après je trouve que c’est un peu de la fausse pudeur parce que cette boîte, sur le réseau social, ils ont été hyper-agressifs avec les données des gens en spammant dans tous les sens, etc. Donc OK, Microsoft l’a rachetée, mais bon ! La question c’est 7 milliards et demi ça fait quand même une belle somme, même pour Microsoft, quel intérêt ils ont à racheter cette boîte ?
Manu : On ne connaît pas encore le fond exact de l’affaire.
Luc : Oui. Quel intérêt, parce qu’il faut déjà comprendre, GitHub ce n’est pas une boîte qui est ultra-rentable.
Nico : Non, non !
Luc : Ils gagnent de l’argent comment ?
Nico : Ils étaient quand même pas mal rentables parce qu’ils vendaient leurs solutions à des grosses boîtes en disant « vous n’allez pas vous héberger sur la version publique, mais on va vous mettre la vôtre sur vos serveurs », par exemple. Il y avait des options payantes pour avoir des dépôts privés, pour éviter justement d’avoir le code public quand on contribuait à des logiciels pas libres.
Manu : Mais ça ne leur rapportait pas mon plus des mille et des cents ; c’était quelques dizaines de millions de dollars
Nico : Mais c’était suffisant, je n’ai pas les stats [statistiques] de rentabilité.
Manu : Mais ce n’était pas à la hauteur de leur évaluation.
Nico : Mais ça ne vaut pas 7 milliards et demi.
Manu : Ils étaient évalués à plus de 2 milliards de dollars, c’était l’évaluation, et il était question qu’ils rentrent en bourse.
Mag : Après ce n’est pas forcément une question de rentabilité ; c’est peut-être une question d’image : avoir racheté GitHub c’est aussi avoir racheté la plateforme de code la plus importante. Et donc Microsoft, qui a de plus en plus de difficultés pour faire de l’argent, a trouvé un autre moyen de se mettre de nouveau sur le devant de la scène ; c’est une belle publicité qu’ils se font là.
Luc : La publicité à 7 milliards et demi, ça fait quand même cher la pub ! J’ai du mal à imaginer qu’ils dépensent autant d’argent juste pour une question d’affichage.
Nico : Après GitHub aussi ne vient pas avec juste leur logiciel de gestion de sources mais a aussi développé Electron qui est peu la pierre angulaire de l’écosystème autour de Node.js.
Luc : Node.js [4] c’est quoi ?
Nico : C’est en environnement technologique en fait assez récent et qui fonctionne bien aujourd’hui et qui est bien à la pointe. Ils ont aussi Atom [5], par exemple, un éditeur de texte qui a été développé, qui a été pas mal utilisé par le logiciel libre parce que, justement, c’était sympa et c’était un des plus efficaces actuellement. Eh bien tout ça, maintenant, ça tombe dans l’escarcelle de Microsoft !
Mag : Alors 7,5 milliards ça vous paraît énorme, mais d’après ce qu’ils disent, à partir de 2020 ils devraient pouvoir avoir un bénéfice d’exploitation à hauteur de moins de 1 %. Finalement, 7,5 milliards ça va les embêter pendant deux ans et demi.
Luc : Du coup ça veut dire quoi concrètement ? Parce que moi, la compta ce n’est pas mon truc !
Mag : En gros ils vont l’amortir. C’est-à-dire que c’est une grosse charge sur l’année 2018 et qu’ils ne vont pas la faire que sur l’année 2018, ils vont l’étaler sur plus ou moins trois ans. Ce qui va leur permettre de payer moins d’impôts, d’avoir une grosse charge mais sur trois ans et pas sur une année. Donc l’année 2018 ne sera pas une grosse année à perte puisque ça sera sur plusieurs années.
Luc : Ça fait quand même quelques milliards qui partent dans la nature. Enfin dans la nature !
Manu : Et pour acheter quoi ? Pour acheter des dépôts, mais ce sont des dépôts de logiciel libre majoritairement, donc du code libre ça veut dire qu’il est assez aisé de l’enlever, de le mettre sur une autre plateforme. D’ailleurs, il y a plein de développeurs qui sont en train de déclarer leur désir de se barrer, il va y avoir une migration.
Nico : Ils ont commencé. Ils ont déjà commencé à se barrer puisque l’alternative qui était GitLab [6] a enregistré un saut assez impressionnant de migrations vers cette plateforme-là. Ils ont publié leurs statistiques et effectivement il y avait un sacré saut sur cette journée.
Manu : Et on n’est qu’au début !
Luc : Du coup, si c’est pour partir d’un truc pour aller dans un autre machin propriétaire où ils seront enfermés, à quoi bon !
Manu : GitLab permet de remonter d’autres instances et on en connaît une. Il y a une instance de GitLab qui a été montée par des amis, par Framasoft, qui s’appelle Framagit [7].
Luc : Framagit.
Manu : Et donc cette instance-là marche plutôt bien. Le gouvernement français a publié du code, il n’y a pas si longtemps, dessus.
Luc : On en a parlé il y a 15 jours, trois semaines.
Manu : Le code de Parcoursup [8].
Nico : Mais il y a d’autres alternatives, il y Gitea ou Gogs.
Luc : Il y a vraiment un truc qui s’appelle Gogs ?
Nico : Oui, il y a vraiment un truc qui s’appelle Gogs.
Luc : D’accord !
Manu : Exprès ! Les gars ils ont fait ça exprès.
Nico : Donc ça permet de remonter des équivalents à GitHub et GitLab en version complètement libre et qu’on peut remonter chez soi assez facilement.
Manu : Parmi les possibilités, ce qui s’est peut-être passé dans la tête de Microsoft, c’est qu’ils ont des soucis avec l’écosystème des développeurs et des informaticiens. Microsoft, à une époque, revendiquait que tout le monde développait pour Microsoft, sans être des salariés de Microsoft ; il y avait plein de logiciels qui étaient fabriqués pour leur écosystème et ça, ils l’ont un peu perdu. Ils n’ont plus le vent en poupe en termes d’informatique, en termes de développement, et peut-être que de racheter GitHub où tous les développeurs, la majorité des développeurs sur Internet, se retrouvent, eh bien c’est peut-être une manière d’essayer de retrouver cette dynamique, de montrer aux développeurs « regardez, nous on est cool, on va vous aider à développer » et bien sûr, l’implicite c’est de développer pour nous.
Nico : Et puis ça vient compléter aussi le rachat de LinkedIn, parce que LinkedIn s’adressait surtout à tout ce qui était administratif, commercial, RH [ressources humaines, NdT] et autres, et les développeurs passaient un peu à côté de la plaque parce que quand on fait un recrutement, quand on est développeur, on va plutôt sur GitHub que sur LinkedIn. Et maintenant, vu qu’ils ont les deux, eh bien ils ont tout la chaîne de recrutement.
Manu : C’est une façon de le voir ! C’est une façon de le voir.
Luc : Donc il y a une compréhension de l’environnement qui est énorme. Après il y a aussi qu’ils peuvent analyser plein de code et faire un travail de compréhension statistique en disant « les projets qui marchent, il y a telle et telle caractéristique dans le code », ou des choses comme ça.
Nico : C’était déjà possible parce que GitHub, tous les logiciels et tout le code source était disponible, donc on pouvait déjà faire des statistiques et autres.
Manu : Ils pourront peut-être le faire mieux et plus rapidement.
Nico : Voilà, plus efficacement ou détecter vraiment les gros cadors du code ; ils pourront les détecter plus rapidement et peut-être leur faire des offres en disant « venez bosser chez nous ». Et se pose aussi la question de l’espionnage industriel puisque, du coup, maintenant Microsoft va aussi avoir accès à tous les dépôts privés de GitHub et en particulier de plein de concurrents et donc ça peut être assez bizarre ce qui peut se passer avec ça.
Mag : J’ai des chiffres amusants. En allant sur Internet, je suis tombée sur le blog du modérateur qui dit que Microsoft était déjà à la recherche de GitHub et que, en 2015, GitHub avait été évalué à 2 milliards de dollars. Donc 2015, 2 milliards ; 2018, 7,5.
Mag : Ils auraient dû attendre encore deux ans !
[Rires]
Manu : C’est un calcul qui est compliqué. Il y en d’autres qui se sont cassés les dents là-dessus. Ce qui était possible c’est que GitHub était un petit peu en train d’être vendu et il y en avait peut-être d’autres qui voulaient l’acheter en ce moment.
Mag : Alors je n’en sais rien, mais en tout cas GitHub, en 2016, affichait une perte de 66 millions. Et là tu te demandes, mais si c’est en perte pourquoi tu le rachètes ?
Luc : Ouais. Donc il y a clairement des intérêts stratégiques en jeu. Ils ne peuvent pas changer la licence des logiciels ; ça reste les logiciels des gens qui les ont mis là-dedans. Les logiciels libres restent libres. Par contre, on peut imaginer qu’ils peuvent serrer les boulons. On pense à notre affaire de Google de la semaine dernière.
Manu : Google Maps.
Luc : Google Maps [9]. Eh bien voilà, on serre les boulons. Il y a eu d’autres affaires de ce type-là.
Manu : Ils peuvent changer les TOS, les terms of service, ils peuvent changer la manière dont on utilise la plateforme GitHub. C’est-à-dire qu’ils ne vont pas changer le code source des projets hébergés déjà, mais si on veut continuer à héberger son projet, en théorie, ils peuvent changer les accords et les règles qui nous permettent d’héberger sur GitHub.
Nico : Aujourd’hui la partie ticket de bugs par exemple, ou wiki, étaient des solutions propriétaires, on ne pouvait pas remonter ça chez soi, eh bien peut-être qu’ils vont les rendre payantes et donc ça peut emmerder assez fortement les projets open source sur ces solutions-là.
Luc : Ce qu’on appelle les forges logicielles. Par le passé, il y avait un machin qui s’appelait SourceForge [10] et qui s’est un peu cassé la gueule.
Manu : Il existe encore. Ça existe encore.
Luc : Ça existe encore, mais je crois qu’ils avaient perdu un peu pied et qu’ils avaient trouvé une astuce pour gagner de l’argent.
Nico : Ils avaient fait n’importe quoi, justement. Ils étaient un peu en déficit, ils n’arrivaient pas à trouver un business modèle viable et ils se sont dit « tiens ! tous les logiciels qu’on héberge sont plutôt bien utilisés », il y avait Firefox par exemple qui était hébergé là-dessus, plein d’autres logiciels, et donc ils ont commencé à mettre de la pub dans les installeurs.
Manu : Sans le dire.
Nico : Sans le dire. C’est quand vous téléchargiez l’exécutable, eh bien en fait, ce n’était pas l’exécutable officiel mais celui trafiqué par SourceForge et quand vous l’installiez, eh bien vous aviez plein de pubs ou des mineurs de bitcoins, enfin plein de saloperies comme ça pour essayer de récupérer de l’argent derrière.
Manu : Ça a fait un scandale énorme. La boîte a encore été rachetée, parce qu’elle est passée dans les mains de plusieurs personnes, et les derniers qui l’ont rachetée, eux ont arrêté ce truc-là, en tout cas c’est ce qu’ils revendiquent. Et maintenant, là avec la chute, on va dire, de GitHub, dans les esprits en tout cas, SourceForge essaie de revenir un petit peu sur le devant de la scène.
Luc : Il faut quand même rappeler que Microsoft a fait un tournant open source et ils revendiquent très fortement le fait qu’ils ont changé et qu’ils aiment l’open source et qu’ils sont à fond. De fait ils contribuent à beaucoup de projets.
Manu : Ils ont même mis en open source pas mal de briques internes à Microsoft.
Luc : Mais on est bien dans l’open source c’est-à-dire dans le monde professionnel, de professionnels qui partagent entre professionnels et Windows 10 reste un système bien fermé de surveillance massive de ses utilisateurs et, comme l’expression que j’aime bien — que j’ai inventée donc elle est bonne — qui est de dire que le logiciel libre c’est le logiciel qui est trop bien pour les utilisateurs ; c’est un truc qu’ils se réservent pour eux. On rappelle aussi qu’il y a deux-trois ans je crois, on avait parlé d’un article de quelqu’un qui faisait remarquer que Microsoft continuait à déposer des brevets à tour de bras et continuait à revendiquer la propriété dans ce principe de brevets qui n’est pas valable en Europe, mais aux États-Unis.
Manu : De brevets logiciels.
Luc : De brevets logiciels sur plein de trucs libres en disant « ouais c’est libre, mais les idées sont à nous ». Donc d’un côté ils disaient : « On est à fond pour l’open source », mais de l’autre côté : « Tout ce que vous faites nous appartient parce qu’on possède les idées ».
Manu : Ils faisaient même du gros chantage sur Android, leur plus gros chiffre d’affaires venait de racket d’autres entreprises sur soi-disant les brevets détenus par Android.
Luc : Enfin ils ne gagnaient pas autant que toutes leurs activités, mais en tout cas plus que leur activité téléphone. Donc il faut voir ce que l’avenir nous réserve, mais en tout cas il est peu probable que Microsoft ait fait ça juste pour la gloire et pour être sympa avec les gens.
Manu : Ils ont peut-être juste renouvelé leur stratégie ancienne : embrasser, étendre et…
Luc : Étouffer.
Manu : Étouffer, exactement. Ça c’est une stratégie qu’ils ont utilisée sur pas mal de technologies, pas mal de piles logicielles et donc ça fait peur parce les gens sont habitués à cette attitude-là et on a juste peur qu’ils renouvellent à nouveau et qu’ils fassent la même chose avec GitHub. C’est un risque.
Mag : On a des copains qui se sont prononcés officiellement contre ce rachat de GitHub, comme l’association VideoLan.
Luc : VLC.
Mag : Qui gère le logiciel VLC, qui a bien marqué sa désapprobation et son départ. Même eux ils vont peut-être monter leur propre GitLab à eux plutôt que d’aller ailleurs.
Luc : De l’importance, qu’on rappelle systématiquement, de maîtriser son informatique ou être maîtrisé par elle. C’est le fond du problème. On a fait le tour.
Manu : À la semaine prochaine.
Mag : Salut.
Nico : Bonne semaine à tous.