Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir 1 heure 30 d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre et vous avez bien fait !
Au programme de l’émission du jour : pourquoi une entreprise décide de libérer du code informatique pour faire de l’un de ses projets un logiciel libre et comment fait-elle pour que ce soit un succès ? C’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique de Véronique Bonnet sur logiciel et société et, en fin d’émission, la chronique de Luk sur le thème du métavers intitulée « J’ai le cul qui gratte ».
Soyez les bienvenu·e·s pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours et nous poser toute question.
Nous sommes mardi 30 novembre 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission du jour ma collègue Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et chargée de projets à l’April. Bonjour Isabella.
Isabella Vanni : Bonjour.
Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet sur le thème « Logiciel libre et société »
Frédéric Couchet : Nous allons commencer avec la chronique de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l’April. La chronique est intitulée « Partager est bon », elle a été enregistrée il y a quelques jours. On se retrouve juste après.
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : Nous allons passer à la chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, présidente de l’April et professeur de philosophie. Véronique propose une lecture philosophique du logiciel libre. Le thème de la chronique : « Logiciel libre et société ».
Bonjour Véronique
Véronique Bonnet : Bonjour Fred.
J’ai envie de dire que puisqu’il vise une autonomie de l’utilisateur, parce qu’il respecte la personne humaine, le logiciel libre a une portée universelle, c’est-à-dire qu’il est développé, contrôlé par une communauté qui va veiller à une interopérabilité et à une accessibilité.
D’abord interopérabilité. Contrairement au logiciel propriétaire, le logiciel libre n’impose pas un environnement qui nécessite d’avoir recours à des outils qui seraient imposés sous des licences contraignantes.
Accessibilité. Les principes du logiciel libre, qui sont à la fois idéalistes, pragmatiques, veulent promouvoir la liberté de tous les êtres humains, qu’ils soient femme ou homme, jeune ou vieux, de tel ou tel bord politique, croyants, agnostiques, athées, sans distinction d’origine ou de trajectoire de vie.
Il se trouve que le concepteur du projet GNU et de la philosophie GNU, Richard Stallman, disait en ce sens que toute atteinte à la liberté était une oppression, qu’elle soit logicielle ou existentielle.
Comme l’informatique fait de plus en plus partie de nos existences, le logiciel libre permet une appropriation de celle-ci, une maîtrise de celle-ci.
Souvent, quand on emploie le mot « appropriation » au sens de « prendre quelque chose pour l’avoir », on a l’impression que ce mot concerne simplement ceux qui veulent entasser, accumuler. Là il ne s’agit pas de cela. C’est-à-dire que l’appropriation que permet le logiciel libre concerne l’être lui-même. En anglais, il y a le verbe to empower qu’on traduit en général par « rendre plus puissant, « rendre plus compétent », une forme de montée en puissance en quelque sorte. C’est vrai qu’on a traduit empowerment par « capacitation », ce qui n’est pas très joli, mais le but c’est d’essayer de trouver des moyens de gagner en savoir-faire et en savoir être. Le logiciel libre permet de le faire non pas malgré l’autre ou aux dépens de l’autre – ce que je m’approprie je n’en prive pas l’autre –, ce que je m’approprie, j’en fais profiter l’autre, j’en profite avec l’autre.
Cette perspective est héritière de ce que disait le philosophe Aristote des conditions pour qu’un être humain s’épanouisse. Il ne devient un être parlant et pleinement existant que dans la cité où les humains vivent ensemble et se parlent. Le mot qu’utilise Aristote pour désigner ce qui lie les humains entre eux est le mot grec philia qui peut parfois avoir le sens d’amitié, mais qui est encore plus large. C’est une capacité de s’entendre, de s’entre-parler, s’entre-estimer. Cette philia, ce lien entre les humains, qui est hautement favorisé par le logiciel libre, permet cela parce qu’il dépasse les intérêts particuliers et les querelles d’égos. Il élargit les modes de présence aux autres parce qu’il est généreux et permet, en mettant en synergie les savoirs et les savoir-faire, de rendre nos pratiques informatiques plus inclusives et plus humaines.
Le logiciel libre permet de faire communauté et, au-delà, de faire société au sens du cosmopolitisme, c’est-à-dire que c’est une société qui dépasse les frontières elles-mêmes et qui peut faire de nous des citoyens du monde.
Lorsque je propose cette chronique, je m’adresse aux libristes, aux libristes en général dans cette société très particulière qui fait que les communautés reversent au pot commun, partagent. Et parce que les quatre libertés du logiciel libre – exécuter un programme, l’étudier, l’améliorer, distribuer des copies modifiées ou non – permet une appropriation qui n’ôte rien aux autres mais qui peut leur apporter beaucoup, alors, en effet, le logiciel libre est un outil politique, un outil social de première importance.
Je ne possède mon informatique qu’en tant que je ne suis pas possédée par elle et pouvoir la partager est bien la manifestation d’une maîtrise qui est transmise.
L’informatique, si difficile pour l’esprit humain, donne bien sûr la tentation aux entreprises propriétaires de spolier, de récolter des métadonnées sans qu’on le sache, d’avoir la mainmise sur les individus.
Je pense à certains projets qui sont très importants dans le travail de veille que fait l’April. D’abord un certain parlementaire, Philippe Latombe, en a appelé à bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne. Il se trouve que récemment, vraiment très récemment, c’était au salon Open Source Experience, une ministre, ministre qui est dédiée à la modernisation du service public, a énoncé des projets qui vont dans le bon sens, qui vont tout à fait nous mobiliser. En effet, si la République se penche à ce point sur le logiciel libre, sans pour autant tout à fait nettement en faire sa priorité pour la fonction publique, néanmoins c’est qu’il y a dans le logiciel libre des rapports sociaux qui se jouent.
Le philosophe Michel Foucault avait écrit un texte : « Il faut défendre la société menacée par le pouvoir insidieux de formes technologiques qui ne permettent pas tout à fait de faire société ». Dans le travail qui est celui de l’April, je pense que tu en seras d’accord avec moi Fred, il me semble qu’il nous importe de lire au plus près ces projets gouvernementaux pour être éventuellement force de proposition, en tout cas force de consultation, et aller dans le sens de ce faire ensemble et faire avec l’autre.
Frédéric Couchet : Je suis tout à fait d’accord, Véronique. Je précise juste qu’on enregistre cette chronique le 15 novembre 2021, elle sera probablement diffusée en décembre. Je précise qu’on a interviewé récemment Philippe Latombe, le député dont tu as parlé tout à l’heure, dans Libre à vous !, l’émission 113 qu’on peut retrouver sur libreavous.org/#113, une interview de Philippe Latombe par mon collègue Étienne Gonnu.
La ministre dont tu viens de parler est Amélie de Montchalin, qui est ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, qui a donc annoncé, il y a quelques jours, un plan d’action du Gouvernement en matière de logiciel libre et de communs numériques dans l’administration. Elle ne parle pas de priorité au logiciel libre, alors que Philippe Latombe, le député, en parlait dans son rapport. En tout cas, effectivement, il va falloir suivre ces projets avec attention et c’est ce que nous allons faire. Nous allons d’ailleurs nous impliquer dans un comité de coordination d’expertise entre administrations et, on va dire, l’environnement du logiciel libre, c’est-à-dire les entreprises et le monde associatif.
Et puis, peut-être aussi, un rappel sur le projet GNU dont tu as parlé au tout début qui est un des projets fondateurs, si ce n’est le projet fondateur, du logiciel libre initié en septembre 1983 par Richard Stallman, officiellement lancé en janvier 1984. Ce projet GNU s’inscrit dans une démarche avant tout sociale, justement faire société comme tu l’as dit à plusieurs reprises, en mettant d’abord en avant les aspects éthiques du mouvement devant les objectifs techniques, les projets, qui passent après.
Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose, Véronique ?
Véronique Bonnet : Je me réjouis vraiment de ces avancées, donc de ce domaine dans lequel, à nouveau, l’April va être active.
Frédéric Couchet : Nous aurons évidemment l’occasion de faire, à nos auditeurs et auditrices, un petit compte-rendu, un point sur l’avancement de ces projets, notamment au niveau des administrations.
Merci Véronique. C’était la chronique « Partager est bon », présidente de l’April et professeur de philosophie. Véronique, je te souhaite une bonne fin de journée.
Véronique Bonnet : Merci beaucoup et à toi aussi Fred.
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : Nous sommes de retour en direct mardi 30 novembre après cette chronique de Véronique Bonnet, enregistrée il y a quelques jours.
Véronique, dans sa chronique faisait référence aux annonces de la ministre Amélie de Montachlin, aux projets du Gouvernement et notamment le plan d’action autour du logiciel libre. J’ai le plaisir de vous annoncer que nous aurons le plaisir d’échanger avec deux personnes de la Direction interministérielle du numérique dans l’émission du 14 décembre 2021, la dernière émission de l’année. Occasion justement d’échanger sur les projets du Gouvernement autour du logiciel libre.
En attendant nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Après la pause musicale nous parlerons de libération de code informatique avec Sébastien Dinot de CS GROUP.
En attendant nous allons écouter un de mes morceaux préférés. Ça s’appelle Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra. On se retrouve dans 3 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : J’espère que vous avez dansé comme nous au studio. Nous venons d’écouter Requiem for a fish par The Freak Fandango Orchestra, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.
Ce groupe est un de mes groupes préférés, c’est pour ça que je le passe assez souvent. Pendant le sujet long que nous allons écouter à l’instant nous aurons l’occasion d’entendre une musique d’un projet parallèle de ce groupe dont le style sera très différent, vous verrez à l’écoute.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
La libération de code informatique. L’exemple d’Orekit avec Sébastien Dinot de CS GROUP
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter aujourd’hui sur le thème de la libération de code informatique. L’échange a été enregistré jeudi 11 novembre 2021. J’ai profité de la présence à Paris de l’intervenant, Sébastien Dinot, qui est venu de Toulouse pour le salon Open Source Experience. Même si l’échange a été enregistré, n’hésitez pas à participer à notre conversation sur salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous. Sébastien Dinot est en effet présent ce mardi, en direct sur ce salon, pour répondre à vos remarques ou questions. Je précise aussi que nous avons enregistré chez moi et, malheureusement, il y a un léger sifflement sur les 18 premières minutes, jusqu‘à la pause musicale. Pris par la discussion, ni Sébastien ni moi n’avons pris conscience qu’il y avait ce sifflement pendant l’enregistrement. Je vous prie de m’en excuser. Je vous souhaite cependant une bonne écoute.
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Nous allons aborder aujourd’hui le thème de la libération de code informatique. Qu’est-ce qui peut pousser une entreprise à faire du Libre et pas seulement à en utiliser ? Pour illustrer ce sujet, nous allons parler aujourd’hui de l’expérience d’une entreprise qui, depuis 2002, développe et maintient un logiciel libre appelé Orekit. Notre invité, Sébastien Dinot, expert technique pour la société CS GROUP, va nous parler de l’histoire de ce projet, des raisons de sa libération, de l’expérience acquise. Il nous parlera également de l’importance d’une gouvernance ouverte et aussi du fait que libérer un logiciel ce n’est pas uniquement publier du code informatique sous licence libre.
Sébastien, bonjour.
Sébastien Dinot : Bonjour.
Frédéric Couchet : On va commencer par une petite question introductive, tout simplement de présentation personnelle et de CS GROUP .
Sébastien Dinot : Je suis Sébastien Dinot, je travaille en tant qu’expert technique en logiciel libre pour CS GROUP qui est une entreprise de services numériques, qui œuvre essentiellement dans le domaine spatial, la défense, l’aéronautique, les transports et l’énergie.
C’est une entreprise de 2400 personnes qui, au départ, n’a pas du tout été créée dans l’idée de développer du logiciel libre, mais qui a intégré le logiciel libre à sa stratégie, publie des logiciels libres et contribue à différents logiciels libres.
Frédéric Couchet : D’accord. Très bien. Tu es basé à Toulouse, ce qui expliquera peut-être un peu, tout à l’heure, quand on parlera de certains clients.
Sébastien Dinot : Une certaine coloration spatiale. Le fait que je sois rattaché à la division « Espace » et que j’habite à Toulouse explique la coloration spatiale de mon témoignage.
Frédéric Couchet : Exactement. Justement le témoignage va principalement porter, dans la première partie de l’émission, sur un logiciel qui s’appelle Orekit. Même si l’objet de notre échange ne concerne pas le logiciel en lui-même, mais plutôt sa libération et ton retour d’expérience, présente-nous quand même, en quelques mots, ce qu’est Orekit.
Sébastien Dinot : Orekit c’est tout simplement une bibliothèque de mécanique spatiale. La mécanique spatiale ce sont les lois qui régissent notamment les orbites des satellites et Orekit permet de calculer des trajectoires de satellites, de les prédire ou de les restituer. C’est une bibliothèque qui, au fil du temps, est devenue la référence dans son domaine.
Frédéric Couchet : C’est un logiciel qui est développé depuis 2002. Les personnes qui peuvent s’intéresser au sujet peuvent aller voir sur le site orekit.org, « kit » est avec un « k ». Le site est exclusivement en anglais ou c’est aussi en français ?
Sébastien Dinot : Il est exclusivement en anglais, tout est en anglais parce que c’est un logiciel qui, dès le départ, a eu une portée internationale, est dans un contexte international.
Frédéric Couchet : C’est un logiciel qui existe depuis 2002, mais initialement ce n’était pas un logiciel libre. À un moment, CS GROUP, ta structure employeuse, décide de le publier sous licence libre. Pourquoi ce changement et à quelle date s’est fait ce changement ?
Sébastien Dinot : En 2002, CS a décidé de développer sa propre bibliothèque mécanique spatiale parce qu’elle avait un souci. Elle avait d’excellentes compétences dans le domaine, mais elle était totalement inconnue parce qu’elle développait toujours des outils pour ses clients, dont les droits patrimoniaux étaient transférés, en fin de contrat, aux clients. Quand elle voulait répondre à d’autres appels d’offres, elle devait demander à ses clients l’autorisation d’utiliser le code qu’elle avait développé pour eux, ça lui posait plein de problèmes. En 2002 elle a pris la décision de devenir autonome en développant sa propre bibliothèque. Elle s’est dit « nous allons rentabiliser notre investissement en pouvant répondre de manière efficace à des appels d’offres et, éventuellement, en vendant des licences d’Orekit. »
En 2008 elle a fait un constat : la bibliothèque existait, elle était efficace, elle avait déjà été utilisée par exemple pour l’ATV qui était un cargo de ravitaillement de l’ISS [International Space Station], mais c’était sa seule utilisation opérationnelle et, globalement, c’était un échec commercial alors qu’elle était opérationnelle.
Frédéric Couchet : L’ISS c’est la Station spatiale internationale.
Sébastien Dinot : La Station spatiale internationale. En 2008 une décision s’est imposée. Que fait-on d’Orekit ? Est-ce qu’on la jette ou est-ce qu’on continue en changeant de modèle ? CS s’est dit « elle est opérationnelle, elle fonctionne, on a déjà beaucoup investi dessus, donc on va la libérer ». Et là s’est posée la question de la licence, quelle licence adopter ? Une brique mécanique spatiale c’est une brique essentielle dans un centre de contrôle, mais c’est juste une brique qui s’insère dans une pile applicative. Pour donner toutes les chances de succès à Orekit, CS a choisi une licence permissive qui permettait à ses clients de l’intégrer dans tout un tas d’applicatifs.
Frédéric Couchet : On va repréciser pour que les gens comprennent bien. En fait, Orekit n’est pas un logiciel libre autonome, tout seul, c’est une bibliothèque, c’est-à-dire que c’est une partie d’un logiciel qui peut s’intégrer dans un logiciel plus grand, première chose qu’on précise. Quand on parle de licence libre, deuxième chose qu’il convient de préciser, c’est qu’il y a différents types de licences avec des effets différents dont on reparlera peut-être tout à l’heure. En tout cas CS GROUP, en 2008, choisit une licence dite permissive. Que permet-elle en particulier ?
Sébastien Dinot : Cette licence, qui est la licence Apache v2, permet à quiconque d’utiliser Orekit, de le modifier, comme toutes les licences libres, mais de l’intégrer à tout type de logiciel, y compris des logiciels propriétaires. Il y a là-derrière un pari, les gens nous ont dit tout de suite, les gens se sont dit « si les gens peuvent l’intégrer dans des outils propriétaires, ils vont le faire mais on ne va jamais rien avoir en retour, on ne va pas avoir de contributions, les gens vont profiter des fruits de notre travail sans qu’on ait quelque chose en retour. » Finalement CS a réfléchi et s’est dit si, d’accord. C’est intéressant parce qu’on avait une image préconçue qui s’est avérée fausse par la suite. On s’est dit que les industriels vont effectivement l’intégrer et ne nous rendront rien en retour, mais sans doute que les agences spatiales vont apprécier cette politique et vont jouer le jeu. C’était l’idée que nous avions en 2008. Assez vite, il s’est avéré que la réalité était un peu différente.
Frédéric Couchet : Qu’est-ce qui s’est produit ?
Sébastien Dinot : Déjà on a commencé à avoir des contributions, mineures, qui nous sont arrivées d’un peu partout, y compris d’industriels.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux préciser quels types d’industriels ?
Sébastien Dinot : Des entreprises qui travaillaient dans le secteur du spatial, des startups et aussi quelques chercheurs.
Le pari de la libération s’est avéré très vite intéressant parce qu’en fait, dès 2009, l’Agence spatiale européenne, l’ESA, nous a sélectionnés comme sous-traitant de premier niveau et, pour justifier son choix, elle a dit : « Nous avons pris CS, car ils ont fait Orekit. Autrement dit, ils ont un savoir-faire avéré en mécanique spatiale, ils publient leur code, on a pu l’auditer, c’est d’excellente facture, donc ils sont compétents. Et, troisièmement, cette licence libre Apache c’est exactement le genre de licence que nous apprécions, donc c’est un partenaire de choix ». Nous avons donc été recrutés comme sous-traitant, c’est la première nouvelle. D’ailleurs, en 2010, ça nous a amenés à créer une filiale en Allemagne qui, depuis, a été étendue aux Pays-Bas.
Frédéric Couchet : Donc, quelque part, une filiale dédiée à ce développement d’Orekit et aux services autour.
Sébastien Dinot : Non, pas dédiée à Orekit, mais qui œuvre dans le spatial et Orekit a été notre marchepied, c’est l’outil qui nous a permis d’arriver chez des clients tel que l’ESA, tel que EUMETSAT. Ils nous ont connus à travers Orekit et, du coup, nous avons commencé à faire des études et des prestations pour eux.
Frédéric Couchet : Quelque part ça a servi de vitrine technologique de votre expertise et, si je comprends bien, ça vous a permis d’aborder de nouveaux clients et d’aborder de nouvelles zones géographiques comme l’Allemagne.
Sébastien Dinot : C’est exactement ce qui s’est passé.
Les bonnes nouvelles ont continué. Des gens se sont impliqués. En 2011 nous avons eu notre premier committer externe. Expliquons ce qu’est un committer par rapport à un contributeur. Un contributeur c’est quelqu’un qui soumet un bug ou un patch, une modification du logiciel, une évolution du logiciel, mais qui n’a pas le droit d’écrire dans notre référentiel de code. Il dit « je vous propose ça, est-ce que vous l’acceptez ? ». Nous revoyons le code et, s’il correspond à nos critères de qualité, nous l’intégrons.
Un committer c’est quelqu’un qui travaille sur le projet depuis un petit moment, qui a fait ses preuves, nous avons confiance en lui, nous nous apercevons que, chaque fois, il écrit du code propre, bien documenté, bien testé et, au bout d’un moment, on lui dit « arrête de demander la permission à chaque fois, voilà les clefs de la maison et, au même titre que nos développeurs, tu as le droit d’écrire directement dans le code du projet ». Là on parle de committers externes, c’est-à-dire de gens qui ne travaillent pas pour CS GROUP, n’ont aucun lien contractuel avec CS, mais trouvent intérêt à contribuer à ce logiciel libre et nous, nous sommes arrivés à un niveau de confiance avec eux qui fait que nous leur donnons les clefs de la maison et ils travaillent, ils ont même niveau de droits que les développeurs de CS.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce sont les premières contributions externes. C’était un chercheur ?
Sébastien Dinot : C’était un expert indépendant qui est devenu notre premier committer.
Frédéric Couchet : Il y en a eu d’autres après ?
Sébastien Dinot : Oui. Depuis il y en a eu d’autres et maintenant il y a six committers externes. Il y a beaucoup plus de contributions qui sont souvent ponctuelles, mais là ce sont des gens avec qui nous travaillons, qui travaillent par exemple pour l’US Navy, pour l’Agence spatiale suédoise, des externes de différents pays, l’université technique de Berlin.
Frédéric Couchet : Quand tu dis six personnes, c’est important de préciser que ce ne sont pas uniquement six personnes « lambda », entre guillemets, ce sont quand même des gens qui travaillent pour des structures très importantes, tu as cité l’US Navy.
Sébastien Dinot : Tout à fait. Le Naval Research Laboratory donc le NRL de l’US Navy, Airbus Defence and Space aujourd’hui, l’université de Buffalo, l’université technique de Berlin, la SSC, la Société spatiale suédoise, donc ce sont des professionnels, ce sont des entités. Nous reviendrons sur le sujet.
En 2011 il y a aussi un événement marquant parce qu’en fait le CNES [Centre National d’Etudes Spatiales], l’Agence spatiale française, a lancé un appel d’offres pour développer un logiciel dans lequel il a imposé à tous les répondants d’utiliser Orekit pour la mécanique spatiale. Donc grande fierté de CS qui s’est dit « waouh !, c’est la reconnaissance, le CNES impose Orekit à tout le monde. »
Frédéric Couchet : Je suppose que CS s’est frotté les mains en se disant forcément on va gagner le marché parce nous sommes les développeurs d’Orekit.
Sébastien Dinot : Oui. Tout à fait.
Frédéric Couchet : Et c’est ce qui s’est passé ?
Sébastien Dinot : Malheureusement nous avons eu une très grosse déconvenue : le CNES a décidé d’attribuer le marché à un tiers, ce qui est totalement permis par la licence.
Frédéric Couchet : Exactement. Comment le CS a-t-il réagi, a pris ça ?
Sébastien Dinot : La douche a été froide, honnêtement, pour l’industriel que nous sommes. Très vite, en plus, nous avons compris par différents indices que l’industriel qui avait été en charge du marché et le CNES n’avaient pas vraiment jouer le jeu communautaire.
Frédéric Couchet : On ne citera pas l’industriel.
Sébastien Dinot : En même temps, il suffit de voir qui a développé ce logiciel.
Frédéric Couchet : Les gens chercheront ! Donc, côté CS, c’est une mauvaise nouvelle !
Sébastien Dinot : C’est une très mauvaise nouvelle. Nous perdons le premier gros marché basé sur Orekit ! Honnêtement moi, en tant que libriste – j’ai une très vieille culture libriste, je suis dans le domaine depuis 23 ans – je me suis dit « aie !, ça c’est la mort d’Orekit. »
Frédéric Couchet : Si on est CS GROUP, on peut se dire immédiatement qu’on a va arrêter de faire en logiciel libre, on va revenir à une version privatrice, propriétaire, comme ça on sera les seuls à pouvoir l’utiliser en termes de support à des appels d’offres. Est-ce qu’il y a eu une discussion en interne ?
Sébastien Dinot : Oui. Il y a eu une discussion. Évidemment, c’est remonté très haut, jusqu’au niveau de la direction. À ma grande surprise et à ma grande joie la direction de CS a dit : « On va aller plus vite, plus loin, on va mettre les bouchées doubles ». Donc on a augmenté la cadence sur Orekit pour, finalement, dire « on va garder la distance par notre contribution, par nos développements, par l’excellence de nos développements et par les nouveaux algorithmes que nous allons introduire dans Orekit ». Nous avons augmenté au rythme de la machine et deux événements sont venus, à ce moment-là, nous conforter dans ce choix. D’un part, au même moment, alors que le CNES confiait le projet à un concurrent, un autre concurrent est venu nous faire une contribution majeure, quelque chose que nous estimions à 300 à 500 jours-hommes de travail. Ça a été une belle surprise pour nous. Je vous rappelle que l’idée que nous avions à la base c’est que les agences spatiales joueraient le jeu, mais pas les industriels. Il se trouve que cet industriel, en plus, nous a apporté une nouvelle vision qui a eu un impact sur notre architecture donc ça a évolué. D’autres industriels ont adopté Orekit à ce moment-là et puis on s’est aperçu que, finalement, il y avait une petite idée qui avait germé depuis quelque temps, c’était celle de la gouvernance ouverte : donner aux utilisateurs majeurs, qui s’étaient investis le projet, le droit à la parole au même titre que CS sur les décisions concernant Orekit.
Frédéric Couchet : On parlera tout à l’heure, après la pause musicale, de l’importance de la gouvernance ouverte. J’ai une petite question avant d’oublier : depuis 2002, est-ce que vous avez évalué l’investissement humain dans le développement d’Orekit ? C’est ma première question.
Sébastien Dinot : Oui. J’ai justement demandé un point avant cette émission et la réponse va te plaire. Il se trouve qu’à l’heure actuelle ça correspond à 42 années-hommes de travail.
Frédéric Couchet : Donc c’est incroyable, c’est énorme !
Sébastien Dinot : Oui, c’est énorme !
Frédéric Couchet : C’est un investissement. Tu nous as dit tout à l’heure que le premier gros marché Orekit ouvert est perdu. Est-ce que vous avez évalué, entre guillemets, le « retour sur investissement », qu’il soit économique ou autre, par rapport à cet investissement en termes de développement ?
Sébastien Dinot : C‘est très simple. 42 années-hommes c’est énorme. Quand on fait le bilan du retour sur investissement direct, donc les demandes de formation, de développements spécifiques, d’intégration, d’études sur Orekit, clairement le compte n’y est pas. À ce jour, Orekit nous coûte toujours plus cher à développer que ce qu’il nous rapporte de manière directe. Ceci étant, déjà si on réfléchit : au départ, notre but initial c’était de nous donner une autonomie en créant notre propre bibliothèque ; nous avons cette bibliothèque, elle représente l’état de l’art dans son domaine, elle a une notoriété internationale, le but est largement atteint. Par ailleurs nous avons une capacité à mesurer des retours indirects sur investissement, typiquement, par exemple, le fait que nous soyons désormais contractant de premier niveau à l’ESA, l’Agence spatiale européenne ; ça a commencé avec l’ESA en Allemagne, puis aux Pays-Bas, puis l’Italie. Ça nous a ouvert des marchés. Aujourd’hui la filiale en Allemagne et aux Pays-bas, ce sont 80 personnes. Nous sommes présents aussi chez EUMETSAT qui est un fabricant de satellites de télécommunications. Airbus Defence and Space utilise désormais Orekit, nous a connus à travers Orekit — ils nous connaissaient avant, mais ils ont fait appel à nous à partir du moment où ils ont identifié Orekit ; mieux que l’identifier et l’utiliser ils ont décidé de contribuer et ils ont même rejoint, il y a deux ans, le comité de pilotage du projet.
Donc tous ces retours indirects sur investissement font qu’aujourd’hui personne ne remet en cause le développement et le statut libre d’Orekit, même si, en coûts directs, le compte n’y est toujours pas.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce que tu expliques est important, c’est le retour indirect sur investissement par l’augmentation de la notoriété, la reconnaissance de l’expertise technique.
Sébastien Dinot : L’ouverture de nouveaux marchés.
Frédéric Couchet : L’ouverture de nouveaux marchés. C’est très important.
Avant qu’on fasse la pause musicale parce que le temps passe très vite à la radio, on parle là d’Orekit qui est, quelque part, le projet majeur libéré par CS GROUP. Y a-t-il a eu, rapidement, d’autres projets qui ont été libérés avec le même succès ou avec un succès moindre ? Peut-être des échecs.
Sébastien Dinot : Oui. CS a libéré pas mal d’outils depuis, contribue aussi à pas mal de logiciels libres développés par des tiers. Nous n’avons pas mis la même énergie sur les autres logiciels. Vous pouvez aller voir notre compte sur GitHub, vous verrez que certains développements sont actifs et un ou deux de ces logiciels connaissent, à mon plus grand plaisir, un succès croissant, mais là c’est naturel, on n’a pas fait spécialement d’efforts pour créer la communauté, mais finalement ils sont de qualité, donc ils ont de plus en plus d’utilisateurs et je pense qu’ils ont un potentiel, à terme, supérieur à celui d’Orekik.
Frédéric Couchet : On mettra les références sur la page consacrée à l’émission sur le site libreavous.org et sur le site causecommune.fm.
Tu as dit que des personnes de CS ont aussi contribué à des projets tiers, pas développés par CS. Est-ce que cette nouvelle culture a été un peu initiée par le projet Orekit ou existait-elle déjà avant ?
Sébastien Dinot : Elle a été initiée par le projet Orekit et après, très vite, il s’est avéré que nous avions besoin de structurer un petit peu ça pour permettre tout ça, mais aussi gérer correctement la situation. Donc, dès 2012, nous sommes dotés d’une gouvernance. Tout à l’heure nous parlerons des gouvernances des logiciels libres, là c’est plus une gouvernance d’entreprise qui régit les règles pour contribuer à des projets libres et libérer des logiciels.
Frédéric Couchet : D’accord. On va parler de la gouvernance juste après la pause musicale.
Nous allons faire une pause musicale. Nous allons écouter le morceau Two Bullets de l’album Two Bullets For The Devil. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Two Bullets de l’album Two Bullets For The Devil.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Two Bullets de l’album Two Bullets For The Devil, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Je précise que cet album est un projet parallèle du groupe The Freak Fandango Orchestra, un groupe espagnol dont on a déjà diffusé des musiques. Leur musique habituelle est plutôt explosive, un mix de folk, polka, gypsy. Sur cet album, le style est très différent de leur musique habituelle. Je reprends une courte description de leur site « c’est comme être dans un film de Sergio Leone en écoutant les Ramones et en buvant de la bière blonde par chère ». Je précise que les Ramones est un groupe des années 1970, cité comme le premier groupe de punk rock selon Wikipédia.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion avec Sébastien Dinot qui est expert technique chez CS GROUP. Nous parlons de libération de code et tout à l’heure je n’ai pas posé la question : quel est exactement ton rôle dans la libération du code d’Orekit ou, plus globalement, dans les activités logiciel libre de CS GROUP ?
Sébastien Dinot : Je suis le principal auteur de la gouvernance du logiciel libre de CS. Je conseille les équipes techniques et les clients de CS en matière de logiciel libre, que ce soit dans sa dimension technique, dans sa dimension juridique, dans sa dimension communautaire voire sa dimension économique. Concernant Orekit, je ne suis absolument pas l’auteur d’Orekit. Le créateur d’Orekit est Luc Maisonobe. Il y a une équipe formidable autour de lui, je pourrais citer Pascal Parraud, Bryan Cazabonne, Maxime Journot par exemple. Dans Orekit, mon rôle consiste à leur fournir une plateforme de développement, à proposer des outils à la communauté pour améliorer ses pratiques. Par exemple j’ai introduit la forge, l’intégration continue, le forum, des choses comme ça.
Frédéric Couchet : C’est quoi une forge ?
Sébastien Dinot : Une forge c’est l’outil permet de gérer les développements, qui permet aux utilisateurs de signaler des bugs ou de demander des évolutions.
Par ailleurs, je veille au soin de la communauté, donc je regarde un petit peu comment les développeurs de CS répondent et je veille à ce qu’ils soient attentionnés envers la communauté parce que la richesse d’un projet libre c’est sa communauté.
Frédéric Couchet : On va en parler justement tout à l’heure parce que c’est effectivement important. Avant d’en parler, mais en fait c’est en introduction, libérer du code informatique, finalement est-ce que c’est juste une question technique ? Est-ce que c’est juste publier un code libre sur un site web ou est-ce que c’est plus que ça ?
Sébastien Dinot : Malheureusement c’est bien plus que ça. Beaucoup d’entreprises qui n’ont jamais fait de Libre considèrent que l’aboutissement de leurs efforts c’est la publication sur GitHub.
Frédéric Couchet : GitHub est une des forges publiques qui existent, qui pose aussi un certain nombre de soucis éthiques, mais il existe d’autres forges. Si vous voulez tester des forges, vous allez par exemple sur la forge chapril.org, les services libres et loyaux, où on propose une forge qui est beaucoup plus éthique.
Sébastien Dinot : Exactement.
Au final, quelle que soit la forge utilisée, ce n’est pas l’aboutissement, je dirais plutôt que c’est le début des choses. En fait, s’il s’agit juste de publier du code, il ne faut pas se bercer d’illusions, il ne va rien devenir si vous n’en assurez pas la promotion, si vous ne faites pas en sorte d’avoir une communauté, une communauté qui soit vraiment en bonne santé, qui évolue, qui grossisse. Donc vos efforts vont consister à favoriser l’éclosion et la vitalité de cette communauté.
Il y a différents facteurs de succès pour un logiciel libre. Bien évidemment il y a les facteurs auxquels tout le monde pense, les facteurs techniques : il faut un code de qualité, il faut une bonne documentation, je pense que ça va de soi pour tout le monde.
Après il y a les facteurs juridiques. Le premier auquel on pense c’est la licence.
Frédéric Couchet : Dont on a parlé tout à l’heure avec les différents types de licences.
Sébastien Dinot : De stratégies.
Frédéric Couchet : Et aussi, quand on réutilise du code, les licences qui sont utilisées par ces codes-là. Je suppose que ça fait partie de ton travail d’expertise technique.
Sébastien Dinot : Tout à fait. Selon le type de licence on va pouvoir choisir, envisager différentes stratégies.
Frédéric Couchet : En fonction aussi de la stratégie globale de l’entreprise.
Sébastien Dinot : Exactement.
Il y a aussi la gestion des contributions : à qui appartiennent, au final, les contributions ? Il y a différentes stratégies, notamment des accords de contribution ou du transfert de droits patrimoniaux. CS a privilégié les accords formels de contribution. Et, plus important – les autres sont importants, mais on y pense naturellement –, ceux auxquels on pense rarement, ce sont les facteurs sociaux et les facteurs humains.
Publier du code, finalement, c’est facile. Le problème, ce qui est difficile, c’est construire, comme je disais, la communauté. Il faut répondre à des attentes non techniques des utilisateurs et des contributeurs et il faut créer un climat de confiance parce que les gens vont s’investir dans un projet – évidemment s’il répond à leurs besoins – mais aussi s’ils ont l’impression qu’ils sont écoutés, qu’ils peuvent avoir droit à la parole, que leurs contributions sont prises en compte, qu’on va répondre à leurs questions ; c’est vraiment essentiel. La richesse d’un projet c’est vraiment sa communauté, j’insiste. Vous pouvez avoir le code le plus fantastique du monde, si personne ne l’utilise, il ne sert pas à grand-chose ! Le succès d’un projet libre ne se mesure pas à la qualité de son code, bien que celle-ci soit un facteur à la base, il se mesure à son audience, à la base d’utilisateurs, à la base de contributeurs que vous avez. C’est ça qui détermine le succès d’un logiciel libre.
Frédéric Couchet : D’accord. Ce qu’on comprend aussi sur cet aspect-là c’est que, pour des personnes, la contribution à un logiciel libre n’est pas forcément un monde où tout se passe bien, finalement ce sont des êtres humains qui sont engagés, certains avec un caractère plus ou moins poussé, plus ou moins compliqué. En plus, comme ce sont des contributions qui se font la plupart du temps à distance, cette problématique-là se pose, d’autant plus que, souvent aussi, c’est dans des langues que les gens ne maîtrisent pas forcément ; pour des projets internationaux comme Orekit, je suppose que les échanges sont essentiellement, principalement en anglais, tout le monde ne maîtrise pas l’anglais et toutes les subtilités de l’anglais. Tout à l’heure, dans Orekit, tu as parlé de l’importance d’une gouvernance ouverte. Avant de parler de gouvernance ouverte, qu’est-ce que la gouvernance d’un projet libre ? Quels sont ses objectifs ?
Sébastien Dinot : La gouvernance vise à deux choses : introduire des règles et être transparent vis-à-vis de ces règles. C’est-à-dire que les règles du fonctionnement du projet vont être expliquées de manière publique et servent de référence à tout le monde. Donc la gouvernance est une sorte de constitution du projet, c’est la référence, c’est ce qui permet à chacun de connaître les conditions d’engagement dans le projet, donc c’est très important. Cette gouvernance fait foi, donc une fois qu’on l’a annoncée on doit s’y tenir, c’est très important.
Frédéric Couchet : C’est un peu, quelque part, le contrat social d’engagement et de collaboration.
Sébastien Dinot : C’est exactement ça. La licence est le contrat, le cadre légal, la gouvernance est effectivement le cadre social de cette collaboration.
Il existe différents types de modèle. Il y en a trois. Historiquement il y en avait deux. Un qu’on appelait celui du dictateur bienveillant, là on a des pouvoirs concentrés.
Frédéric Couchet : Sur une personne, historiquement c’est, par exemple, le noyau Linux.
Sébastien Dinot : Par exemple. C’est un modèle assez clivant parce que si ce dictateur ne sait pas faire preuve de discernement, d’écoute, de charisme, typiquement il engendre beaucoup de forks. Des contributeurs qui ne sont pas contents, pour une raison ou pour une autre, vont décider de reprendre les sources du projet, ce qui est totalement permis par la licence, et aller faire leur propre variante dans leur coin, leur fork, ce qui est toujours une déperdition d’énergie. C’est dommage, c’est toujours regrettable pour un projet.
Frédéric Couchet : Historiquement il y a des forks réussis. LibreOffice, par exemple, vient d’un fork d’openoffice.org. Il y a des forks réussis. En tout cas c’est effectivement une possibilité qui permet, si on n’est pas content du fonctionnement d’un projet auquel on contribue, de créer son propre projet à partir du projet initial.
Sébastien Dinot : Tout à fait. Parfois le fforkork est salvateur, mais c’est toujours quelque chose qui résulte d’une crise.
Frédéric Couchet : Crise ou désaccord, c’est un peu la même chose.
Sébastien Dinot : Oui. Mais si on peut éviter la crise, c’est mieux.
Frédéric Couchet : Premier modèle historique de gouvernance le dictateur ou la dictatrice bienveillante même si, en général, ce sont plutôt des dictateurs.
Sébastien Dinot : Il existe un autre modèle historique qui est la méritocratie. On va distribuer le pouvoir aux gens en fonction de leur mérite, donc plus les gens contribuent à un projet, plus ils consacrent d’énergie au projet, plus on va leur donner de pouvoirs. Ils vont pouvoir devenir committer, comme je disais tout à l’heure, et après rejoindre les comités de pilotage ou différents groupes qui auront été mis en place et voter, s’exprimer, participer aux décisions du projet.
Frédéric Couchet : C’est aussi un peu l’idée que c’est celui qui fait, la personne qui fait qui, finalement, a raison, en tout cas son avis va être pris en compte, son code va être pris en compte et la personne va pouvoir gagner des points qui vont lui permettre d’avoir plus de possibilités sur le projet, plus de droits quelque part.
Sébastien Dinot : Ceci étant, la méritocratie a quand même quelques travers. Dans la pratique, on s’aperçoit que le mérite des gens est rarement remis en cause, parce qu’il arrive un moment où tout le monde sait ce que l’on doit à la veille gloire, même si la veille gloire n’est plus active dans le projet depuis deux ou trois ans. Certains reprochent à la méritocratie de reproduire ou d’entretenir un mécanisme de caste, une oligarchie. Ça a entraîné la naissance d’un troisième modèle de gouvernance que l’on peut appeler plus démocratique, que certains appellent libéral.
Frédéric Couchet : Libéral dans quel sens ?
Sébastien Dinot : On peut l’entendre de différentes manières. Le modèle libéral, ou modèle démocratique, est un modèle qui va organiser la fluidité temporelle des pouvoirs. C’est-à-dire qu’on va avoir des élections avec des mandats qui sont limités dans le temps. On va effectivement avoir des instances de direction pour assurer le quotidien, les décisions importantes, mais surtout, pour toutes les décisions, on va faire appel à la communauté et chacun va avoir droit au vote selon le principe « une personne, une voix ». Donc ce n’est pas un comité de pilotage qui va décider, ce sont toutes les personnes actives dans la communauté, toute la communauté active.
Frédéric Couchet : Par exemple, est-ce que tu ranges dans cette catégorie de fonctionnement le projet Debian, un projet de distribution logiciel libre, GNU/Linux et autres ?
Sébastien Dinot : Oui, pour l’essentiel. D’ailleurs, à une époque, le projet Debian était une exception, dans le Libre, avec son contrat social. Il a été vraiment novateur, mais, pendant longtemps, c’était une exception.
Frédéric Couchet : Alors qu’aujourd’hui ça se développe de plus en plus.
Sébastien Dinot : Alors qu’aujourd’hui on voit effectivement un besoin de communauté, de se retrouver, d’être pris en compte et on voit que le modèle démocratique gagne en ampleur, gagne en succès. Il y a même de nouvelles fondations qui apparaissent, qui poussent vers ce modèle-là, parce que ces fondations considèrent qu’un projet libre ne peut réussir que s’il a une communauté qui fonctionne bien. NumFOCUS, par exemple, est la fondation emblématique de cette troisième génération de fondations.
Frédéric Couchet : NumFOCUS est une fondation sur quoi en fait ? Sur un projet ou c’est une fondation thématique ?
Sébastien Dinot : C’est une fondation thématique qui vise l’informatique scientifique et la recherche. Si j’ai le temps, je peux vous faire un petit récapitulatif. À mon sens, vous avez trois générations de fondations.
Vous avez la première génération dans laquelle on peut trouver la Free Software Foundation, la Fondation Apache, l’OSI [Open Source Initiative], qui se sont chargées, chacune à sa façon, de structurer le mouvement, de le conceptualiser, de le théoriser, mais qui, finalement, se sont révélées avoir peu d’intérêt pour les acteurs du Libre.
Comme ça ne convenait pas aux entreprises, on a vu apparaître une seconde génération de fondations dans laquelle on peut ranger, par exemple, la fondation Eclipse ou OW2 qui, en échange de cotisations parfois coûteuses, rendaient des services à leurs membres.
Frédéric Couchet : Leurs membres principalement entreprises.
Sébastien Dinot : Membres entreprises, c’est donc du support juridique, du support communication, marketing, elles vont se présenter comme un porte-étendard. C’est très bien pour ces entreprises, mais, quand on y réfléchit, les communautés ne trouvent toujours pas leur compte là-dedans. Et c’est là que je parle d’une troisième génération de fondations. J’ai parlé de NumFOCUS, je pourrais aussi parler de OpenInfra Foundation ou d’autres, qui sont vraiment centrées sur les communautés et qui veillent à ce que les communautés fonctionnent bien.
Frédéric Couchet : On mettra toutes les références sur la page consacrée à l’émission, sur causecommune.fm et sur libreavous.org.
On a bien compris l’objectif d’une gouvernance. Donc qu’est-ce qu’une gouvernance ouverte telle qu’elle a été mise en place à Orekit et, je suppose, telle qu‘elle est mise en place dans d’autres projets ?
Sébastien Dinot : La gouvernance c’est le corpus constitutionnel du projet. C’est un équilibre à trouver entre choses que l’on doit absolument mettre dans la gouvernance, les règles de fonctionnement, les rôles que peuvent avoir les gens dans un projet, comment on prend les décisions et comment on peut arriver à obtenir un rôle particulier. On va pouvoir mettre après, dans la gouvernance, les motivations, les objectifs du projet pour le cadrer, pour dire on fait ceci et pas cela. Ça permet d’évaluer la pertinence de demandes d’évolutions qui sont soumises. On peut mettre un code de conduite. Au départ, historiquement, ma position personnelle était d’être assez contre un code de conduite.
Frédéric Couchet : Rappelle ce qu’est un code de conduite.
Sébastien Dinot : Un code de conduite est un ensemble de règles qui indiquent les comportements attendus et les comportements qui ne sont pas souhaités au sein du projet, typiquement du sexisme, du racisme, des choses comme ça, tout ce qui est négatif, tout ce qui ne va pas avec l’esprit de collaboration ouvert qui est nécessaire au succès d’un projet libre. Les codes de conduite veillent notamment à l’inclusivité, veillent au bon accueil et au respect mutuel des gens.
Frédéric Couchet : En fait, c’est ce qui encadre les conditions de contribution d’un point de vue humain et social pour que le projet soit le plus bienveillant possible et le plus inclusif possible.
Sébastien Dinot : Voilà. Historiquement je n’étais pas totalement convaincu de son utilité, mais je dois bien reconnaître qu’au fil du temps, vu certains incidents dont on entend parler, je pense qu’aujourd’hui, effectivement, un code de conduite devient un élément nécessaire de la gouvernance. D’ailleurs Orekit n’en a toujours pas. Il se trouve que la communauté d’Orekit est exemplaire. Ce sont des professionnels de haut niveau qui ont le souhait de discuter et de trouver un terrain d’entente pour le bien d’Orekit. Pour l’instant il n’y en pas eu besoin, mais peut-être qu’un jour ça pourrait évoluer et Orekit pourrait se trouver désarmé. Je pense qu’il va falloir que nous réfléchissions à un code de conduite pour le projet, que nous intégrions ça à la gouvernance, ce qui nécessitera un vote.
Frédéric Couchet : Il faut préciser qu’un code de conduite c’est, finalement, quelque chose de relativement récent dans l’histoire des projets libres, qui est effectivement lié à un certain nombre d’incidents qu‘on ne va pas détailler ici, de comportements de personnes qui étaient totalement inacceptables. Il faut quand même savoir qu’une seule personne qui a un comportement inacceptable peut pourrir l’ensemble du projet si on n’a pas les règles qui permettent de dire à la personne « tu dégages parce que tu ne te comportes pas de façon correcte ! »
Sébastien Dinot : D’autant plus que, si on n’a pas de règles de conduite, finalement on peut sembler être dans le subjectif. Alors que là il y a des règles qui sont annoncées. Donc c’est important.
La gouvernance va aussi pouvoir traiter de l’utilisation des marques et des logos. Par exemple si vous allez sur le site la fondation Blender qui est un logiciel de création d’images.
Frédéric Couchet : Et qui fait, en plus, de superbes films. On a parlé de l’histoire de Blender dans une émission Libre à vous !, je ne sais plus dans quelle émission, mais vous allez sur libreavous.org et vous faites une recherche. C’était initialement un logiciel privateur qui a été aussi libéré.
Sébastien Dinot : Là, typiquement, ils ont une page où ils expliquent quelles sont les utilisations autorisées et interdites du logo, des marques. C’est important, ça aussi ça cadre. Vous pouvez aussi avoir le guide contribution. Après, il y a un danger, il ne faut pas tout mettre dans la gouvernance. Une gouvernance, comme je le disais tout à l’heure, c’est un socle constitutionnel et on ne change pas le socle constitutionnel sur un coin de table tous les quatre matins. Il faut savoir équilibrer, savoir un petit peu, à la manière des lois, mettre les grands principes et reléguer les détails d’implémentation à des guides tiers, par exemple, typiquement, le guide de contribution peut être un document technique qui évolue en fonction des outils utilisés et qui ne doit pas remettre en cause la gouvernance.
Frédéric Couchet : Qui est le contrat social.
Sébastien Dinot : C’est un peu comme le fonctionnement de nos lois qui renvoient à des décrets d’application pour les modalités d’application.
Frédéric Couchet : D’accord. Le temps passe très vite. Il me vient une question. Tout à l’heure on a parlé d’Orekit et autres. Dans ton travail pour CS GROUP, je suppose que tu accompagnes des industriels et autres dans le cadre de libération de code, donc tu fais, quelque part, ce travail d’acculturation de l’entreprise par rapport à ces problématiques, que la libération de code ce n’est pas que publier du code, gouvernance, etc. Est-ce que ça fait partie de travail ?
Sébastien Dinot : Exactement. Le terme acculturation est tout à fait approprié. J’ai régulièrement des demandes d’industriels, de laboratoires de recherche ou de consortiums qui veulent libérer un logiciel, qui ont eu vent de la culture de CS dans ce domaine et me demandent de les accompagner. Un accompagnement complet ça peut, tout simplement, commencer par un alignement des partenaires, une présentation des principes, des facteurs de succès, justement l’importance d’une communauté en bonne santé, d’une gouvernance. On va aligner tout le monde sur le vocabulaire, sur sa compréhension. Puis on va auditer le code pour vérifier qu’il est libérable, voir sous quelle licence il est libérable. Après on va se poser la question de la stratégie du consortium, du laboratoire, de l’entreprise et du coup, à l’issue de l’audit, en fonction de ces éléments, on va choisir ce qu’il est possible, la licence la plus appropriée. Après on va les aider à réfléchir sur la gouvernance, quel type de gouvernance ils veulent mettre en place, sont-ils prêts à lâcher prise. On va les accompagner dans cette réflexion. Après on peut même aller jusqu’à étudier l’offre de service des fondations. Il m’est déjà arrivé qu’un client, à la fin, me dise « moi, je veux m’adosser à une fondation. Quelle est l’offre de service des différentes fondations et je ferai mon choix ? Dites-moi et je ferai mon choix. »
Frédéric Couchet : Quand tu dis s’adosser à une fondation ça veut dire, quelque part, déléguer ou, en tout cas, confier à une fondation externe la gouvernance, l’évolution du projet, etc. C‘est ça ?
Sébastien Dinot : C’est ça. C’est-à-dire qu’au lieu que le projet soit porté par une entreprise, il se place sous le pavillon d’une fondation qui, en échange, va avoir certaines exigences, va lui fournir éventuellement certains services. Elle fournit des services d’accompagnement, des guides, mais elle va aussi avoir des exigences sur le fonctionnement du projet, ce qui rassure les contributeurs et les committers potentiels parce que, en fait, ce n’est plus un projet piloté par une entité qui peut changer de politique du jour au lendemain, c’est une fondation qui apparaît comme une entité plus pérenne dans sa volonté de faire du Libre.
Frédéric Couchet : D’accord. Évidemment, on ne va pas citer de noms de clients.
Sébastien Dinot : Non. Souvent, malheureusement, je signe des accords de non divulgation.
Frédéric Couchet : En fait tu ne peux pas, mais il t’arrive quand même de faire des présentations de retours d’expérience par rapport à ces pratiques. Est-ce que, notamment, tu as déjà eu l’occasion de publier, quelque part, des documents, pas forcément détaillés, en tout cas sur les bonnes pratiques, sur tes retours d’expérience que ce soit de façon professionnelle ou à titre personnel ?
Sébastien Dinot : J’ai un site personnel, on pourra mettre le lien sur le site libreavous.org, sur lequel je publie typiquement des articles sur la troisième génération de fondations dont j’ai parlé tout à l’heure ; sur la nécessité d’être, parfois, plus subtil sur les licences que ne le sont la majeure partie des projets libres qui annoncent une seule licence pour toutes les ressources alors que, quand on y réfléchit, ils ont des tas de ressources qui doivent être forcément régies par des licences différentes. Donc je publie de temps en temps des articles de ce style. Après, je n’ai rien publié de très fouillé sur la gouvernance. Ceci étant, on peut renvoyer à différentes initiatives qui sont en cours d’élaboration, qui existent même, pour certaines, depuis plusieurs années. Il y en a une à laquelle je pense qui est The Core Infrastructure Initiative, les Best Practices de The Core Infrastructure Initiative.
Frédéric Couchet : Les bonnes pratiques.
Sébastien Dinot : Les bonnes pratiques. C’est un projet qui est issu de la fondation Linux. C’est un processus d’auto-évaluation. Vous avez un questionnaire et vous avez trois niveaux de maturité, trois niveaux de badge. On va vous poser différentes questions, par exemple est-ce que votre logiciel libre, a un dépôt de code public ? Est-ce qu’il a un guide contribution ? Est-ce qu’il a une gouvernance ouverte ? Il s’agit d’être honnête sinon ça ne vous sert à rien, c’est de l’auto-évaluation. Ce qui est très intéressant c’est ce que ça vous permet d’identifier des trous dans la raquette de votre gouvernance, de l’information que vous donnez à votre communauté ou du soin que vous prenez de votre communauté. Par exemple, il y a deux ans, je me suis dit « tiens, on va regarder un petit peu ce que ça donne pour Orekit ». Je pensais qu’on allait passer le premier niveau comme ça, facilement, que c’était déjà fait, et je me suis aperçu qu’on avait des trous dans la raquette. Donc on a comblé ces manques. Depuis on a regardé et là, par exemple, on est à 89 % des critères satisfaits pour le niveau 2 et 57 % pour le niveau 3. Ça nous donne des guides pour améliorer nos pratiques techniques et envers la communauté.
Frédéric Couchet : D’accord. C’est très bien. Avant que je passe à la dernière question, parce qu’on arrive au temps consacré à ce sujet, est-ce que tu souhaites aborder un dernier sujet ou ajouter quelque chose avant la question finale de synthèse ?
Sébastien Dinot : Non. Peut-être à la synthèse...
Frédéric Couchet : On va passer à la question finale. Je précise tout de suite, avant d’oublier, qu’on aura l’occasion de faire d’autres sujets de ce type sur la libération de code, sur les modèles économiques, avec une ou deux personnes invitées sur un projet. Ça change un peu des débats qu’on a habituellement dans Libre à vous !. C’est intéressant d’avoir un retour d’expérience à partir d’une histoire de libération de code.
La question finale, habituelle, que je pose notamment pour les personnes qui nous écoutent : en deux minutes, quels sont les éléments clefs à retenir, selon toi, de cet échange ?
Sébastien Dinot : Les éléments clefs, c’est très simple. J’entends souvent parler business model, de retour sur investissement direct et parfois ces business models sont très durs à imaginer. Il faut comprendre qu’on peut vouloir faire du Libre sans avoir un objectif de retour sur investissement direct ; il faut savoir évaluer les retours indirects sur investissement. Le Libre c’est rarement une histoire calme. On a vu qu’on peut avoir parfois des déceptions, des coups durs, mais ce sont aussi de très belles histoires, de très belles collaborations. Si on a un peu de volontarisme on peut arriver à de très beaux succès. Une fois encore personne, aujourd’hui, ne met en doute le modèle choisi pour Orekit, au contraire on continue.
Ensuite plus globalement, quand on va parler des gouvernances, certes sans code on ne fait rien, la publication du code c’est le commencement, mais je pense qu’il faut marteler que l’important, que votre bien le plus précieux c’est la communauté. Donc, quand vous vous lancez dans le Libre, vos efforts doivent consister à prendre soin de votre communauté, à veiller à son développement et à introduire un climat de confiance qui est un prérequis pour une collaboration saine et durable.
Frédéric Couchet : J’aime beaucoup cette fin sur l’importance de la communauté, notamment des contributrices et des contributeurs et le climat sain. C’est effectivement essentiel.
C’était un grand plaisir de t’avoir en interview. Je vais aussi rappeler, je ne l’ai même pas dit en introduction, mais je vais le dire en conclusion, que tu es de longue date impliqué aussi dans les communautés du Libre, vu que tu es toujours membre de l’April, que tu as été membre du conseil d’administration, vice-président pendant plusieurs années.
Sébastien Dinot : J’ai été membre du conseil d’administration pendant 13 ans. J’ai quitté le conseil d’administration en 2013. Je suis aussi un contributeur de longue date d’OpenStreetMap et je contribue depuis 23 ans, en dehors de mon travail, de différentes manières, au logiciel libre. Pour moi c’est vraiment quelque chose d’essentiel. Je suis heureux de participer au développement des biens communs numériques et à cette intelligence collective.
Frédéric Couchet : C’était un grand plaisir. C’était Sébastien Dinot, expert technique chez CS GROUP.
Ce n’est pas un enregistrement en direct mais fait à la maison, qui sera diffusé dans quelques semaines.
Sébastien je te souhaite une belle fin de journée.
Sébastien Dinot : Merci à toi. Bonne journée à tous.
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter cet échange avec Sébastien Dinot qui était, évidemment, très intéressant. Sébastien est un grand professionnel parce qu’il a écouté l’enregistrement et il s’est rendu compte qu’il n’avait pas répondu à une de mes questions. Comme on a un petit de temps, je vais, par ma propre voix, transmettre son complément de réponse qu’il a publié sur son blog. En fait il a réalisé qu’à un moment je lui avais demandé ce qu’est une gouvernance ouverte et, comme il n’avait pas pleinement présenté jusque-là ce qu’est la gouvernance d’un projet, il a d’abord voulu préciser ce point avant d’expliquer ce que signifie « ouverte ». En fait, il a simplement oublié de répondre à la question initiale et moi j’ai oublié de relancer. Donc, chers auditeurs et auditrices, vous êtes peut-être un peu sur votre faim sur la notion de gouvernance ouverte.
Je vais vous lire l’explication que Sébastien Dinot a publiée sur son site web. C’est Sébastien qui parle.
« Quand je qualifie d’ouverte une gouvernance, je ne veux pas dire que les documents qui la formalisent sont publics et que les conditions d’engagement dans le projet sont connues de tous ; ceci est juste un prérequis. Une gouvernance ouverte est une gouvernance dont les règles permettent à des membres actifs de la communauté de prendre part aux décisions et de faire entendre leur voix sur un pied d’égalité, qu’ils travaillent ou non pour l’entité qui porte le projet. Cette caractéristique est essentielle à l’épanouissement de la communauté et au bon fonctionnement du projet. Pourtant, les entreprises qui libèrent des logiciels ont du mal à lâcher prise et à réellement partager le pouvoir de décision avec des tiers. Cette réticence se comprend. Outre le fait qu’une entreprise aime bien avoir les coudées franches dans ses décisions, lorsqu’elle publie un logiciel, elle a bien souvent assumé seule jusque-là le coût humain et financier de son développement. Pourquoi devrait-elle impliquer des tiers dans les décisions et prendre en compte leur avis potentiellement contraire à ses priorités ou à sa vision du projet ? Elle le doit pourtant, si elle veut la réussite et la large adoption de son projet.
En effet, le succès passe par le développement de la communauté et, pour se développer, la communauté a besoin de se sentir bien accueillie et entendue, elle a besoin de se sentir en confiance. Cela est vrai pour les utilisateurs du logiciel ; cela l’est encore plus pour les éventuels contributeurs. Sans transparence, sans respect, sans confiance, sans droit à la parole, personne ne s’implique durablement dans un projet. Ce besoin a même conduit à l’émergence de gouvernances plus démocratiques que les gouvernances historiques, comme j’ai pu l’expliquer dans mon article intitulé « Évolutions de la gouvernance des projets libres ».
Le projet doit donc être en mesure d’accueillir dans ses instances de direction ou parmi les personnes impliquées dans les prises de décision, des contributeurs « externes », qui ne travaillent pas pour l’entité initiatrice du projet, mais qui ont montré un investissement substantiel et durable dans le projet. La gouvernance doit affirmer cette ouverture, elle doit en détailler les principes et les règles. Qui prend les décisions ? Comment ? Où peut-on prendre connaissance des décisions passées, des débats en cours ou à venir ? Comment peut-on soumettre une question ou une proposition ? Comment peut-on faire connaitre son avis ? Comment peut-on être impliqué dans la prise de décision ? Quels sont les critères à satisfaire ? Etc.
Pour instaurer la confiance, la déclaration d’intention qu’est la gouvernance doit se traduire en faits observables par tous. Autrement dit, si un comité de pilotage anime le projet, il doit accueillir des contributeurs externes. Si un contributeur exprime un avis divergent, il doit être discuté et pris en compte s’il s’avère pertinent.
Si l’on prend l’exemple du projet Orekit, sa gouvernance est publiée en ligne. Dans son comité de pilotage, dont les membres sont listés sur la page d’accueil, on trouve neuf entités différentes. À ce jour, CS GROUP continue à assurer la majeure partie des développements ; c’est donc elle qui propose le calendrier et le contenu des nouvelles versions d’Orekit. Si ceux-ci font en général consensus, le jour où un membre du comité travaillant pour une autre entité a exprimé et motivé une réserve sur le contenu de la future version, CS GROUP a su l’entendre et se rallier à son point de vue (revoyant en interne ses plans). J’en ai été ravi, le comité de pilotage n’était pas un simple bureau d’enregistrement de la volonté de CS GROUP ! Plus tard, lorsque CS GROUP a délégué à un committer externe le soin d’une release d’Orekit, j’y ai vu un signe fort. CS GROUP a dû revoir, à cette occasion, ses prérogatives, créer une clé cryptographique non nominative pour signer les paquets et la partager avec un tiers, preuve d’une réelle confiance.
Il y a deux ans, un chercheur de l’US Navy a proposé sur le forum d’Orekit une évolution séduisante, mais copieuse, et qui cassait l’interface de la bibliothèque. Il a détaillé sa conception et s’est proposé de l’implanter. Les ingénieurs d’Airbus Defence and Space se sont montrés enthousiastes, tout en soulignant que la solution présentée ne répondait pas à certains de leurs cas d’utilisation. Après quelques échanges, le chercheur de l’US Navy a ajusté sa copie, il s’est lancé et, deux mois plus tard, il a offert le fruit de son travail à la communauté. La seule intervention de CS GROUP dans cet échange et la réalisation qui a suivi a été « Your proposal is great ! ». Pourtant, CS GROUP a été la première à faire bon usage de cette évolution. Voilà ce qui se passe quand vous savez faire confiance. »
C’était un complément d’informations de Sébastien sur la notion de gouvernance ouverte publié sur son blog. Son blog c’est palabritudes.net, avec « s ». Vous trouverez toutes les références sur le site de l’April.
Je réitère mes remerciements à Sébastien Dinot, expert technique chez CS GROUP, pour cet échange autour de la libération de code informatique. Comme je l’ai dit, nous borderons à nouveau ce sujet ultérieurement dans d’autres émissions.
En attendant, nous allons faire une pause musicale.
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Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous entendrons la chronique de Luk sur le métavers, intitulée « J’ai le cul qui gratte », on verra ce que ça va donner.
En attendant on va écouter C’est du propre par Patates Rats. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : C’est du propre par Patates Rats.
Voix off : Cause Commune, la voix des possibles.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter C’est du propre par Patates Rats disponible sous licence Art Libre.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « La pituite de Luk » intitulée « J’ai le cul qui gratte »
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique de Luk qu’il a intitulée aujourd’hui « J’ai le cul qui gratte ».
[Virgule sonore]
Luk : Je sais que ce n’est pas un bon titre pour une chronique mais voilà, j’ai le cul qui gratte. J’ai bien peur d’avoir chopé un métavers.
C’est encore la faute de Facebook, le GAFAM qui s’y connaît en parasitisme. La bestiole, qui vient de se renommer « Meta », s’incruste dans le tréfonds de l’esprit de ses hôtes. Elle y génère une décrépitude intellectuelle et morale qu’elle parvient à transformer en cash grâce à ses glandes publicitaires placées de part et d’autre de son scrotum. Enfin, c’est comme ça que je l’imagine !
Mais, bientôt peut-être, ce sera comme ça que je le verrai grâce à l’avènement du métavers, monde virtuel où le consommateur, casque sur les yeux et bave aux lèvres, pourra vivre des trucs invraisemblables en 3D. Enfin !, c’est ce qu’on nous promet.
Facebook y a investi pas moins de 10 milliards en 2021, mais, en regardant la promo du machin, j’ai peur d’être déçu. Zuck nous promet un avenir radieux où un truc chiant du quotidien, comme une réunion professionnelle, sera toujours chiant mais bordé de high-tech. Avec ça, on pourra afficher des trucs virtuels en 3D par-dessus notre réalité déjà en 3D. Lors d’une interview, il a fait valoir un use-case ultime consistant à pouvoir chatter en douce pendant les réunions au lieu de se concentrer sur le sujet.
C’est avec ce genre d’argument qu’il espère convaincre le monde du business d’adopter ses solutions. Le pire c’est que ça pourrait marcher, le VP de base a besoin d’être débordé, indisponible, éparpillé pour tenir son rang et maintenir l’illusion qu’il brasse autre chose que du vent et des billets. Mais, au-delà de ça, c’est ça le métavers selon Zuckerberg ? Afficher du texte ?
Côté jeux vidéo, ça fait quelques années que la réalité virtuelle est là et c’est un flop. Les gros apports en termes d’expérience utilisateur sont la migraine et la nausée. OK, je suis mauvaise langue, les joueurs peuvent aussi se fracturer les dents de devant sur leur meuble télé quand ils perdent l’équilibre. C’est certes très innovant et immersif d’exploiter la nociception, mais ça reste un argument de vente quand même assez faible. Même au ciné les lunettes 3D n’ont pas duré mais malgré tout ça Meta y croit. Zuck veut fusionner le monde réel et numérique et le contrôler, bien sûr.
Quand on explique ce qu’est le métavers, il y a des gens pour craindre que les métanautes fuiront la réalité dans leurs univers virtuels ou pire, confondront les deux. Ça me fait un peu sourire, car c’est très exactement ce que j’entendais à propos du jeu de rôle quand j’étais lycéen. De la bouche même de gens qui prétendaient que le système scolaire offrait l’égalité des chances, un peu avant qu’ils rentrent chez eux pour passer quatre heures devant la télé, puis, éventuellement, prier Dieu pour qu’il les fasse gagner au loto juste avant d’aller au lit.
Personnellement, ce risque de voir les gens confondre le fantasme et la réalité ne m’inquiète pas. Les bulles complotistes font déjà ça très bien. Mais je comprends l’angoisse qu’on peut ressentir à l’idée d’avoir des gens immobiles, coupés des autres, avec un casque vissé sur les yeux. J’ai vu, il y a quelque temps, un documentaire sur le sujet ; il s’appelle Wall-E. Si Pixar fait de la prospective, je peux bien me lancer aussi. Alors qu’est-ce que ça pourra bien donner ?
D’abord, Meta vise les jeunes qui, eux aussi, sont une sorte de parasite. Comme eux, il dépend d’un parent Un et d’un parent Deux qui l’ont en garde partagée sur leur écosystème de smartphones respectifs. Malgré cette proximité avec la jeunesse, Facebook est devenu un truc de vieux. Une énorme partie de ses utilisateurs est même déjà morte, en fait. Mais Zuck n’est pas gérontophile, il veut de la chair fraîche. Il lui faut quelque chose de radical pour convaincre les jeunes de s’asseoir sur ses genoux et de le laisser leur aspirer leur âme. Meta va donc vendre du matos, probablement bon marché. Il ajoutera des trucs pour traquer encore mieux ses utilisateurs. Je parie sur l’eye-tracking, un dispositif qui permet de mesurer ce sur quoi le regard se pose ; ça s’appelle l’oculométrie en français, ça ne peut pas être complètement un hasard ! Comme la réalité virtuelle a une odeur de scandale, la jeunesse risque bien de se ruer dessus, ne serait-ce que pour le plaisir de faire chier ses parents.
Mais comment contrer ces nouveaux outils au service du rêve de domination mondiale de Zuckerberg ? Je préconise d’attaquer, sur ce point faible, des vieux. Il faudra offrir des casques à nos mamies, développer des applis ciblées : balnéothérapie virtuelle, cours d’aquarelle à distance, concerts et films inédits de stars du passé grâce au deepfake et à des algos de reproduction de la musique et de voix, faire du lobbying pour imposer des fonctions de prévention de la fracture du col du fémur activées par défaut sur tous les équipements. Comme ça, les jeunes continueront à se livrer à un réseau social chinois à la place. Quand on voit la façon dont le monde tourne, c’est sans doute une meilleure allégeance pour l’avenir !
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Frédéric Couchet : C’était la chronique de Luk, intitulée « J’ai le cul qui gratte », sur le métavers. Les références ont été ajoutées sur le site libreavous.org.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
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Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Frédéric Couchet : Les annonces de fin d’émission.
Il y a plusieurs événements, les événements commencent à reprendre, espérons qu’ils pourront poursuivre leur activité. Vous trouvez l’ensemble des événements sur agendadulibre.org.
Quelques événements particuliers.
À Beauvais, Sensibilisation et partage autour du Libre mercredi 1er décembre de 18 heures à 20 heures. En fait, chaque mercredi soir l’association Oisux propose une rencontre pour partager des connaissances, des savoir-faire, des questions autour du logiciel libre, que ce soit à propos du système d’exploitation GNU/Linux, des applications en Libre ou des services libres en ligne. C’est également aussi l’occasion de mettre en avant l’action des associations fédératrices telles que l’April ou Framasoft dont Oisux est membre et dont Oisux soutien les initiatives avec grande reconnaissance. Je précise que je lis l’annonce de l’événement. Donc Beauvais, Sensibilisation et partage du Libre, mercredi 1er décembre.
Du côté de Lille, samedi 4 décembre, S’entraider sur des logiciels libres, protéger sa vie privée sur Internet. Samedi 4 décembre de 14 heures à 18 heures, il y a un après-midi organisé conjointement par plusieurs organisations libristes de la région. C’est une fête d’installation qui commence par une présentation thématique, le thème n’est pas précisé. Vous pouvez venir avec votre ordinateur pour recevoir de l’aide pour vous réapproprier vos libertés en installant, par exemple, Debian, une distribution GNU/Linux. Vous venez avec votre tour ou votre ordinateur portable et les personnes vous aideront durant les phases d’installation puis de configuration. Je répète ; Lille, samedi 4 décembre de 14 heures à 18 heures. Encore une fois les informations sont sur le site de l’Agenda du Libre.
En région parisienne ce samedi 4 décembre c’est le Premier Samedi du Libre organisé par Parinux, le groupe d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres de la région Île-de-France. C’est à la Cité des sciences, au Carrefour numérique2 de 14 heures à 18 heures. Il y a à la fois des conférences, des ateliers et également une fête d’installation. Pareil, même principe qu’à Lille, vous venez avec votre ordinateur et vous recevrez de l’aide pour vous faire installer, tout simplement, du logiciel libre et faire vos premiers pas avec les logiciels libres.
Ce soir, mardi 30 novembre, à Paris, de 18 heures à 19 heures 30, c’est le lancement du jeu Gao&Blaze par la coopérative La Boussole. Là encore vous allez sur agendadulibre.org ou sur libreavous.org et vous retrouverez les références. Gao&Blaze est un jeu, une application logiciel libre qui est une enquête narrative où les joueurs et les joueuses peuvent glaner des astuces pour protéger leur vie privée, réaliser un audit de leur téléphone si elles ou ils le souhaitent. Gao&Blaze permet de prendre conscience de l’ampleur des données personnelles et sociales qui peuvent être divulguées avec l’installation d’une simple application sur téléphone. Gao&Blaze que nous vous proposons de découvrir le mardi 30 novembre, a été conçu en totale transparence, code libre, démarche non lucrative et sans collecte cachée de donnés. C’est un ovni dans le monde du jeu vidéo. C’est aussi un projet de recherche sur la sensibilisation à la protection des données. Le site web de Gao&Blaze est gaoandblaze.org, tout attaché. Encore une fois vous retrouverez les références sur libreavous.org.
Dernière annonce. Récemment nos amis de l’ADULLACT, l’Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres dans l’Administration et les Collectivités Territoriales ont organisé le label Territoire Numérique Libre pour récompenser des collectivités qui s’engagent, qui font des efforts en faveur des logiciels libres et d’une informatique loyale au service de l’intérêt général. Ce label, qui est remis chaque année, a été remis cette année à 24 collectivités qui ont été labellisées. On félicite ces collectivités et leurs équipes. Du côté de l’April on félicite en particulier la ville d’Abbeville qui a obtenu un label niveau 5, la ville d’Échirolles un niveau 4 pour la mention spéciale « Meilleure première candidature » ; la ville de Mions, niveau 4, pour la mention spéciale « Meilleure continuité », et le village de Lettret, niveau 2, qui a eu la mention spéciale « Plus petite collectivité ». Nul doute que mon collègue Étienne Gonnu, qui adore animer des émissions avec des collectivités qui reçoivent justement un label, aura l’occasion d’en inviter certaines très bientôt, peut-être pas en 2021, mais sans aucun doute en 2022.
Vous retrouverez tous les événements cités et bien d’autres sur le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Luk, Sébastien Dinot, Véronique Bonnet.
Cette 124e émission a été mise en ondes par Isabella Vanni.
Pour les personnes qui nous écoutent en podcast, nous apportons un soin particulier à leur traitement avant la mise en ligne, votre confort d’écoute en sera amélioré. Donc merci à l’équipe qui s’occupe de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April, Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plus mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Vous pouvez commenter l’émission, donner votre avis sur le contenu, nous faire des retours pour nous améliorer, ou encore des suggestions et vous pouvez même mettre une note sur cinq étoiles si vous le souhaitez. Il est en effet important pour nous d’avoir des retours, vos retours. Contrairement, par exemple, à une conférence, nous n’avons pas un public en face de nous qui peut réagir. En outre, cela nous ferait chaud au cœur de recevoir de témoignages d’amour de celles et ceux qui nous écoutent.
Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas aussi à en parler le plus possible autour de vous. Faites connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 7 décembre 2021à 15 heures 30. Je ne sais pas encore ce dont nous allons parler, ce sera la surprise.
Nous vous souhaitons de passer une bonne fin de journée. On se retrouve en direct mardi 7 décembre à 15 heures 30 ou en podcast quand vous voulez. D’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh tone par Realaze.