Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Le sujet principal de l’émission du jour portera sur le collectif Alpes Numérique Libre, un collectif de directeurs et directrices de systèmes d’information de collectivités autour de Grenoble. Avant cela, nous écouterons « Un monde sur mesure », dans une nouvelle chronique de Florence Chabanois, et nous finirons sur une nouvelle chronique de Gee sur les bandonwares.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 21 janvier 2025. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission, ma collègue Isabella Vanni. Salut Isa.
Isabella Vanni : Salut Étienne. Bonne émission.
Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « F/H/X » de Florence Chabanois intitulée « Un monde sur mesure »
Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « FHX » de Florence Chabanois, votre rendez-vous mensuel pour comprendre et agir en faveur de l’égalité des genres.
Bonjour Florence.
Florence Chabanois : Bonjour tout le monde.
Étienne Gonnu : Je crois que tu voulais nous parler d’un monde sur mesure.
Florence Chabanois : Bonjour les copaines. Bonjour Étienne. Bonjour Isa.
À chaque cours de bricolage ou de menuiserie, on me briefe sur l’importance de porter des gants et des lunettes de protection si je ne veux pas perdre un doigt ou un oeil. S’ensuit un moment semi-comique où on me tend des lunettes et des gants taille Gozilla. « Ah oui ! C’est une taille standard ! ». Standard pour qui ? Je regarde autour de moi : une majorité de femmes dans le cours. On ne peut pas tenir les objets et outils correctement. Les lunettes glissent. Est-ce qu’il vaut mieux se laisser entraver par ce qui est censé nous protéger ou laisser nos membres sans protection ?
Avez-vous fait l’exercice de chercher des gants de bricolage, pas de jardinage, dans un magasin pour des personnes d’un mètre soixante ou moins ? Il n’y en a pas dans les grandes enseignes. La semaine dernière, j’ai trouvé du taille 7. Alléluia ! Il me manque une phalange, je peux glisser deux doigts dans chaque doigt, mais bon ! C’est mieux que rien ! Si vous en trouvez des biens parce que vous êtes trop fort, genre de la marque et modèle que vous utilisez en tant qu’homme, n’hésitez pas à les envoyer à la radio !
J’exagère un peu, parce que sur le grand Internet, quand je tape « gants bricolage femme », il y a des résultats. Des images de gants roses déjà. Ensuite, sur le premier lien, des XL, L, M. Ah le pseudo taille 7 que j’ai déjà aussi. Lien suivant, des gants de ménage tailles M et L. Lien suivant, des gants XL, L et M, flanqués d’un rassurant « pour homme et femme », sur la base de tailles dites masculines, donc trop grands ! Enfin sur le dernier lien, je vois du taille 7 sur un gant qui semble adéquat. Je suis sauvée ! Par contre, il n’existe pas de taille en dessous. Quelle idée de vouloir bricoler si vous faites moins d’un mètre soixante !
Même souci pour les gilets de signalisation à vélo, les pantalons imperméables, les gants anti-feu, la température par défaut des bureaux – 22°, la température « idéale », entre guillemets, pour les hommes alors que la température « idéale », entre guillemets, est de 24° pour les femmes –, les médicaments.
Que l’on parle de chaises ergonomiques ou d’équipement sportif sur l’espace public, le masculin est le genre par défaut, voire unique, des productions. Le monde est fait sur mesure pour les hommes d’un mètre quatre-vingts. Les femmes viennent « après », même si elles sont majoritaires. Et ne parlons pas des minorités de genre.
Parfois, les entreprises vont faire une exception. Elles vont généreusement sortir une gamme « pour femme », qui sera vendue plus cher. C’est ce qu’on appelle la taxe rose. Cette pratique est encore très, trop répandu en France, que l’on parle de dentifrice pour enfant ou de déodorant. Le fait que ce soit exactement le même produit, en rose en plus cher, ne fait pas rougir les marques. Ces dizaines de centimes de différence, à l’échelle de ces produits de consommation courante, coûtent facilement 20 % du prix en plus. Rappelons aussi qu’en France les femmes sont payées environ 25 % de moins que les hommes.
Aux États-Unis, une étude de la ville de New-York faisait le constat que les produits pour femmes étaient en moyenne 13 % plus cher en 2022.
Au Canada, ParseHub révélait un écart de 43 % sur les produits d’hygiène en 2016. En 2021, donc quelques années plus tard, c’est pire : on atteignait 51 % d’écart. Un projet de loi a été initié en 2005 pour y remédier, toujours au Canada, sans aboutir.
Au Royaume-Uni, pareil, les déodorants pour femme coûtent en moyenne 9 % de plus.
En Californie, par contre, il est interdit de discriminer sur le genre pour un même produit depuis 1995.
Avant le lancement d’un produit, les tests réalisés portent majoritairement ou exclusivement sur des hommes. En conséquence, les GPS reconnaissent moins bien les voix féminines, ce qui nourrit un stéréotype que vous connaissez ; les femmes ont 73 % de chance de plus qu’un homme d’être sérieusement blessées dans un accident de voiture, les mannequins ayant des morphologies masculines par défaut ; le personnel féminin, dans les hôpitaux, était moins bien protégé pendant la Covid, car les premiers masques étaient taillés pour des gars d’un mètre quatre-vingts.
Même dans un contexte professionnel, les outils et équipements oublient régulièrement les femmes, les exposants à plus de contraintes et de risques. La Women’s Engineering Society montre que 74 % des équipements de protection individuelle étaient conçus pour des hommes en 2009. Deux tiers des femmes disaient que leurs équipements de protection les gênaient « parfois » ou « de façon significative » dans leur travail.
Dans l’essai Femmes invisibles, une ouvrière de l’industrie ferroviaire, qui avait des gants de taille dite « ordinaire », donc taille 13 aux États-Unis, estimait dangereux de monter dans les locomotives avec et s’en était plainte à sa hiérarchie. Une autre femme, dans la même situation, a mis deux ans avant de convaincre son responsable d’en commander d’autres.
Vous avez sûrement déjà vu une crise cardiaque dans les films. Un homme qui se tord de douleur, la main sur la poitrine. Même s’il y avait des suspicions dessus, ce n’est que depuis 2023, donc depuis deux ans, qu’on sait que les symptômes d’une crise cardiaque diffèrent entre les femmes et les hommes. Chez les femmes, le symptôme le plus fréquent est la dyspnée, l’essoufflement, la difficulté à respirer. Chez les hommes, il s’agit plutôt de douleurs thoraciques. Le site de l’Assurance maladie, à ce jour, mentionne encore principalement les symptômes masculins, alors que les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité chez les femmes.
Il y a du boulot !
Bon ! Je reconnais qu’il y a des cas où on se rappelle bien de l’existence des femmes : les aspirateurs et les fers à repasser, surtout pendant la fête des mères ; la contraception, on a des pilules dans tous les sens ; les gros mots et les insultes, on ne dit pas « Informaticien ! Où est ce que j’ai mis mes clefs ? » ni « Fils de charpentier » aux malotru·es.
Comme solution, déjà, on n’est pas obligé de séparer en hommes/femmes, cela éviterait de discriminer « sans faire exprès », mais par taille, tout court, sur les vêtements ou par style.
C’est aussi tellement intégré qu’on ne s’en rend pas compte. Se poser à chaque fois la question de « est-ce qu’on couvre bien tous les genres », « est-ce que c’est équitable ? » est déjà une bonne entrée en matière. Si vous voyez des discriminations sur le prix, vous pouvez les envoyer à Pépite Sexiste, qui a déjà fait bouger plusieurs magasins.
Enfin, au quotidien, ne lâchons rien, demandons des produits pour tout le monde, encore et encore, qu’on soit homme, femme ou non binaire.
Étienne Gonnu : Merci, Florence, pour cette nouvelle chronique « F/H/X », notre rendez-vous mensuel pour comprendre et agir en faveur de l’égalité des genres.
Sur le chat de la radio, Marie-Odile nous dit que les pianos aussi sont faits par défaut pour les hommes, on imagine la différence de taille ! Là, tu prenais l’exemple de cas concrets que je trouve extrêmement parlants. On imagine bien que dans les usages logiciels et dans la manière dont ils sont développés il y a sans doute des choses très similaires. Je pense que c’est bien qu’on soit toujours un peu collectivement vigilants sur ces enjeux.
Florence Chabanois : Clairement. En tout cas, merci Marie-Odile.
Étienne Gonnu : Merci du partage.
Je te remercie à nouveau pour cette belle chronique, et je te dis à bientôt sur Libre à vous !.
Florence Chabanois : Merci à tout le monde. Au revoir.
Étienne Gonnu : Au revoir Florence.
Nous allons à présent faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous échangerons avec des représentants du collectif Alpes Numérique Libre.
Avant cela, nous allons écouter Fascist par Momma Swift. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Fascist par Momma Swift.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Fascist par Momma Swift, disponible sous licence libre Creative Commons attribution, CC By. Tout lien entre le choix de ce morceau et l’actualité récente serait bien sûr purement fortuit.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Nous allons poursuive par sujet notre principal qui porte sur le collectif Alpes Numérique Libre.
[Virgule musicale]
Le collectif Alpes Numérique Libre. Un collectif de directeur de systèmes d’information de collectivités autour de Grenoble
Étienne Gonnu : Nous allons poursuive par sujet notre principal qui porte sur le collectif Alpes Numérique Libre.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site cause-commune.fm, bouton « chat ».
Toutes les références de l’émission seront rendues disponibles sur la page consacrée à l’émission, donc, libreavous.org/232.
Pour parler de ce collectif, Alpes Numérique Libre, j’ai le plaisir de recevoir à distance trois représentants de ce collectif : Julien Arnaud, DSI de la ville de Saint-Martin-d’Uriage, DSI, directeur des systèmes d’information, Olivier Luthier, DSI également de la ville de Fontaine, et Nicolas Vivant, directeur de la stratégie et de la culture numériques à Échirolles.
Bonjour à vous trois. Est-ce que vous êtes bien avec nous ?
Nicolas Vivant : Bonjour.
Julien Arnaud : Bonjour.
Olivier Luthier : Bonjour.
Étienne Gonnu : Avant que l’on rentre dans le vif du sujet, est-ce que vous pourriez vous présenter ainsi que la collectivité pour laquelle vous travaillez. Julien ?
Julien Arnaud : Bonjour à tous. Je m’appelle Julien Arnaud, je suis DSI à la mairie de Saint-Martin-d’Uriage depuis un peu plus d’un an, une commune d’à peu près 6 000 habitants, nous sommes 150 agents. Nous avons plusieurs écoles, nous avons plusieurs structures assez importantes pour notre population et on essaye de faire cohabiter tout cela avec du numérique à jour et de proposer des services les plus agréables aux citoyens.
Étienne Gonnu : Parfait, Olivier.
Olivier Luthier : Bonjour à tous. Olivier Luthier, DSI de la ville de Fontaine. J’ai pris mes fonctions en 2021, avec le plaisir de poursuivre une dynamique qui a été amorcée il y a quelques années déjà. En quelques chiffres, Fontaine est une ville de 23 000 habitants. Avec les écoles, vous avez à peu près 750/800 postes et on avoisine pas loin de 50 % du parc utilisateurs équipés sous GNU/Linux. C’est une petite fierté et, à la fois, un petit combat de tous les jours de pouvoir rassurer les gens et les accompagner dans un changement qui, parfois, les surprend.
Étienne Gonnu : Merci pour ces présentations. On sait, quand on suit les collectivités et les questions de logiciel libre, à quel point l’enjeu du poste de travail est déterminant. C’est difficile de passer à l’échelle et 50 %, c’est un chiffre assez remarquable. Nicolas.
Nicolas Vivant : Nicolas Vivant, je suis directeur de la stratégie et de la culture numériques de la ville d’Échirolles, une ville qui se trouve dans la banlieue grenobloise, comme les trois villes, plus ou moins lointaines, qui sont présentes aujourd’hui. Échirolles a une politique assez déterminée sur la mise en place des logiciels libres en interne, à tous les niveaux, aussi bien pour les logiciels métiers que pour des logiciels plus spécifiques.
Étienne Gonnu : Merci pour ces présentations. Je pense qu’on va y revenir dans notre échange, mais on voit déjà que ces trois collectivités, qui ont peut-être des réalités territoriales un peu différentes, notamment en termes de taille, etc., et c’est sans doute aussi le cas d’autres membres du collectif, on va en reparler. Je précise, et je pense que ça n’aura pas échappé aux plus attentifs et plus attentives de nos auditeurices, que nous avons déjà reçu ces trois collectivités dans l’émission. Si ça vous intéresse de connaître plus en détail les actions menées pour le logiciel libre au sein de Saint-Martin-d’Uriage, de Fontaine et d’Échirolles, je mettrai et je partagerai les liens dans la page de l’émission, libreavous.org/232.
C’est donc un vrai plaisir de vous recevoir aujourd’hui pour parler du collectif Alpes Numérique Libre qui, comme je le disais en introduction de l’émission, est un collectif qui rassemble effectivement des DSI de collectivités de la région grenobloise. Quand on s’intéresse au sujet des collectivités et des logiciels libres, c’est vraiment un très bel exemple de réussite de ce qu’il est possible de faire en matière, disons, de mise en commun des pratiques et des savoirs. On va bien sûr développer tout cela dans l’émission. En plus, la date de l’émission tombe particulièrement bien en termes d’actualité, je vais un peu divulgâcher la fin de notre échange, en tout cas, le 20 février 2025, la mairie d’Échirolles accueille AlpOSS, l’événement isérois de l’écosystème du logiciel libre et il a été annoncé très récemment, la semaine dernière, la création d’un collectif d’ambition nationale, France Numérique Libre, et on va reparler aussi de cela plus en détail en dernière partie de notre échange. Donc, restez avec nous si vous voulez en apprendre plus.
Je vous propose de revenir à notre sujet, le collectif Alpes Numérique Libre. Je vais commencer par une question assez générale : pourquoi un tel collectif et comment est-il né ? Qui se lance ? Nicolas.
Nicolas Vivant : J’étais là quand il est né, donc je veux bien commencer, très rapidement.
Le bassin de vie grenoblois est un peu particulier, parce que nous sommes un certain nombre de communes de taille moyenne autour de la ville-centre. C’est vrai que nous, les responsables informatiques, avons l’occasion de nous croiser à différentes occasions, d’abord parce que des réunions de DSI de l’agglomération étaient organisées à la métropole, parce qu’on se croise aussi, tout simplement, en ville, sur des événements. Lors d’un de ces événements, j’ai croisé le DSI de la ville de Gières qui a dit : « Nous sommes quand même plusieurs communes à nous intéresser au logiciel libre. Pourquoi ne crée-t-on pas un collectif qui se réunirait régulièrement pour discuter spécifiquement autour des logiciels libres, faire des échanges d’expériences, des échanges de documents, et tout ça ? ». C’était un samedi. Le lundi, je commençais à passer les premiers appels à mes collègues des communes alentour pour savoir si, potentiellement, ils pouvaient être intéressés et, à ma grande surprise, l’ensemble des DSI des collectivités du coin ont fait part de leur intérêt. Voilà comment, assez rapidement finalement, le collectif est né.
Étienne Gonnu : Super. Nicolas, tu nous as expliqué un petit peu cette genèse. Peut-être pouvons-nous avoir les regards de Julien et d’Olivier. Comment êtes-vous arrivés ?, par exemple. Je crois que vous êtes arrivés relativement tôt dans le développement de ce collectif. Comment en avez-vous entendu parler ? Comment y êtes-vous arrivés ?
Olivier Luthier : Comme Nicolas l’a indiqué à l’instant, nous avons été plutôt rapidement en contact. Et puis nous le sommes aussi dans notre quotidien, puisque les communes, de par leur mission, se rencontrent soit à la métropole, soit au sein de diverses instances et syndicats. La proposition s’est donc propagée assez rapidement.
Moi, je suis assez intéressé par ces sujets-là, je le vis au quotidien. Effectivement, tout de suite, je me suis dit que c’était intéressant de pouvoir voir ce que les autres faisaient, pensaient et aussi associer ce côté contact humain plutôt qu’un canal de chat supplémentaire parmi tant d’autres.
Julien Arnaud : À Saint-Martin-d’Uriage aussi, en tout cas quand j’ai pris mon poste, j’ai également eu vent de ce collectif, notamment grâce à Claudine Chassagne qui est mon élue référente au numérique, qui a d’ailleurs écrit un livre [Migrer son système d’information vers les logiciels libres] sur comment transférer son système d’information vers un système d’information en utilisant des logiciels libres, aux Éditions Territorial, si je ne me trompe pas.
Étienne Gonnu : On retrouvera la référence et je la partagerai sur la page de l’émission.
Julien Arnaud : Je suis rentré très rapidement en contact avec Nicolas Vivant, qui m’a très bien accueilli et tout de suite, dans les réunions, on se sent très à l’aise, impliqué, on peut faire part de ses difficultés et je pense que c’est très important. C’était mon premier poste de DSI, donc de responsable/directeur informatique, et c’est vrai que pouvoir faire part de ses réflexions, parce qu’on a quand même une responsabilité assez importante, peu importe la taille de la collectivité, tout ce qui est question de sécurité informatique ou tout ce qui est question environnementale, en fait, ce sont les mêmes questions, peu importe la taille de l’infrastructure, on retrouve assez facilement les mêmes problématiques d’une collectivité à l’autre. Donc, c’est très intéressant, en fait, de pouvoir partager et de profiter de l’expérience de différentes mairies qui ont pu déjà traiter ces sujets-là.
Étienne Gonnu : Parfait. Je voudrais peut-être qu’on fasse une petite précision terminologique, parce que je pense que le terme va peut-être revenir, vous avez parlé de « syndicat ». Pour la majeure partie des personnes, ce n’est peut-être pas le même syndicat auquel on pense. Est-ce que quelqu’un veut préciser ?
Olivier Luthier : Oui, volontiers. Le mot nous échappe parfois. Vous avez plusieurs types de structures administratives, notamment des syndicats, donc, syndicats mixtes, syndicats dont j’oublie toute la terminologie et les acronymes dont sont friands les Français. Là, en l’occurrence, s’agissant de Fontaine par exemple, nous faisons partie d’un syndicat de mutualisation de services informatiques, qui réunit maintenant dix communes. Vous avez d’autres syndicats : gestion des eaux, des ordures ménagères, des choses comme ça. Il ne faut effectivement pas prendre le mot syndicat au sens où on l’entend le plus souvent dans les médias.
Étienne Gonnu : Merci de cette précision.
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Par rapport à ce que vous avez dit, ce que je comprends, c’est que l’objet de votre collectif n’est ce pas de monter des projets techniques ensemble, forcément, ce n’est pas quelque chose de très formel, c’est plutôt de l’échange de pratiques, de savoir-faire. Quel est le but ? Comment cela se construit-il ? Quel est le but derrière ce collectif ? Vous avez déjà commencé à y répondre, mais est-ce que vous pouvez développer un petit peu ? Vas-y Nicolas.
Nicolas Vivant : Je peux répondre. L’objectif c’est d’échanger, c’est vraiment du partage d’informations.
La façon dont ça se passe très souvent, c’est qu’on a un besoin qui nécessite d’être couvert dans une des collectivités, un besoin de service, par exemple, soit parce qu’un contrat de support avec un logiciel arrive à échéance, un marché qui est renouvelé ou parce que c’est un besoin émergent et qu’on a besoin d’un nouveau logiciel, lors de nos de nos échanges, ce besoin est remonté en disant « j’ai besoin d’un logiciel de gestion de mon service état-civil, qu’est-ce que vous utilisez comme solution ? ». On discute et chacun apporte les solutions qu’il connaît, avec ses avantages et inconvénients. Ce sont donc beaucoup d’échanges comme ça. Ce sont aussi des échanges de documentation via un serveur Nextcloud, éventuellement des échanges de pièces de marché dans le cadre de marchés publics, de consultations.
Le principe, c’est qu’il n’y a pas d’ordre du jour prédéterminé pour nos réunions, chacun vient avec ses sujets du moment et on échange librement, chacun partage son expérience avec les autres.
Ces réunions ont lieu en présentiel et en visio pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Entre deux réunions, on a une liste de discussion par e-mail, une liste Sympa – c’est le nom du logiciel – qui nous permet d’échanger entre deux. C’est exactement le même fonctionnement, c’est-à-dire, je ne sais pas, il y a une question sur un logiciel ou, par exemple, la proposition de l’April de participer à cette émission qui a été relayée sur cette liste avec un appel à participer pour ceux qui le souhaitaient. C’est notre outil d’échange entre deux réunions.
En gros, il n’y a pas besoin de beaucoup plus pour avoir un collectif actif et auto-organisé, on va dire.
Étienne Gonnu : De ce que vous dites, je comprends que c’est un choix, il me semble, de rester un collectif informel. Je ne sais pas si vous vous êtes posé la question de la formalisation ou si, finalement, c’est très « naturellement », entre guillemets, que vous êtes restés à ce fonctionnement informel. Quand on a préparé l’émission, un terme est revenu, que je trouve intéressant, qui dit peut-être beaucoup aussi de votre fonctionnement, c’est le terme « convivialité ». Je ne sais plus qui l’avait évoqué, Julien ou Olivier de mémoire, mais je me trompe peut-être, je pense que chacun peut répondre.
Olivier Luthier : J’aurais envie dire peut-être tous les trois.
Étienne Gonnu : Sans doute !
Olivier Luthier : En fait, c’est vrai qu’à chaque fois que l’un d’entre nous donne un petit peu le top départ d’une des rencontres, au-delà des échanges, comme le disait à l’instant Nicolas, sur la liste de diffusion, c’est toujours un moment assez sympathique. Certains nous accueillent en faisant pas mal d’efforts, avec des petits croissants, des choses comme ça, c’est très sympa et ça fait toujours plaisir de voir des collègues en vrai. Oui, c’est super convivial et ça nous permet d’avoir des échanges plutôt détendus par rapport à notre quotidien et de confronter nos pratiques sans à priori et sans jugement. Oui, convivial, c’est le mot qui convient vraiment bien à ce type de réunion.
Julien Arnaud : Oui, pour moi également. En étant petit nouveau dans la région, encore une fois, c’est toujours rassurant de voir un peu comment travaillent les autres. Je pense aussi qu’on a une passion commune pour le logiciel libre, et voir d’autres passionnés, d’autres personnes qui se posent les mêmes questions dans un univers de solutions propriétaires, ça fait toujours plaisir, on va dire qu’on se sent moins seul. On va dire aussi qu’on est un peu plus fort aussi, parce que quand il y a des sujets techniques, on peut se réunir. On a eu quelques projets, notamment à travers l’association ADULLACT [Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales], dont plusieurs, à mon avis, font partie. Ça permet d’avoir des causes communes, de se réunir et, pourquoi pas, par exemple si on a des besoins spécifiques, de s’unir pour pouvoir investir et faire des développements spécifiques sur des besoins qu’on rencontre et que ça puisse profiter à tout le monde dans la communauté open source. Je pense que cela aussi est assez motivant et on travaille dans le public, donc on partage aussi des valeurs communes et ça fait chaud au cœur de pouvoir partager sur ces sujets-là.
Étienne Gonnu : Vous parlez de cette sensibilité libriste. Il me vient cette question : qui compose le collectif ? D’ailleurs, avez-vous des chiffres pour nous donner une idée de la taille de ce collectif ? La question que je me posais, c’est qui rejoint ? Quelles sont les motivations pour le rejoindre ? Est-ce que ce ne sont que des libristes qui rejoignent ce collectif ? Au contraire, est-ce que ce sont plutôt des DSI qui viennent sans tellement d’à priori sur le sujet, qui viennent pour le partage de connaissances et deviennent libristes par l’effet du collectif ? Quels sont les profils ? Qui compose ce collectif ? Nicolas.
Nicolas Vivant : Il y a un peu de tout, très honnêtement, avec des communes très actives, parce que c’est un choix politique de faire du logiciel libre, et d’autres où ce sont plutôt les DSI qui participent. On n’a peut-être pas précisé que DSI c’est directeur des systèmes d’information, responsable informatique. Donc des DSI qui sont simplement intéressés par les logiciels libres, parce qu’il y en a de plus en plus, il y a du choix aujourd’hui parmi les logiciels libres disponibles pour chaque besoin. Donc, chaque fois qu’on fait un benchmark, une étude comparative sur un choix de logiciel, la question du logiciel libre se pose. Il y a donc des gens qui viennent aussi parce que, simplement, c’est rentré dans le quotidien des DSI, indépendamment du fait qu’il y ait effectivement une politique autour des logiciels libres ou pas.
Après, c’est vrai que l’évolution des finances des collectivités territoriales, avec une pression sur les économies et sur les baisses de coût vraiment importante fait que les logiciels libres apparaissent aussi comme une opportunité d’avoir à moindre coût des logiciels performants.
Julien Arnaud : J’aimerais rajouter aussi qu’en fait tout DSI a recours à des logiciels libres, qu’il le veuille ou non, notamment pour tout ce qui est côté infrastructures, donc tout ce qui est côté serveur, serveur d’applicatifs. C’est presque obligatoire, on ne peut pas se passer par exemple de GNU/Linux pour certains services, même si ce n’est pas forcément la majorité pour certaines infrastructures. Tout le monde doit connaître, par exemple, l’outil GLPI [Gestionnaire Libre de Parc Informatique], un outil open source qui permet à n’importe quel service d’une mairie d’ouvrir des tickets, de pouvoir signaler soit une demande soit une panne informatique quelle qu’elle soit. C’est aussi intéressant de pouvoir se tenir au courant de cela et de participer à ces réunions ANL, qui traitent justement de ces logiciels libres.
Étienne Gonnu : Olivier, vous souhaitiez compléter.
Olivier Luthier : Oui, deux choses pour compléter ce que dit Julien. GLPI est effectivement un outil que je manipule depuis un certain nombre d’années, que j’appellerais un outil métier des DSI. Pour ceux d’entre nous qui ne le connaîtraient pas déjà, c’est un outil qui nous permet, comme le disait Julien, de gérer des tickets d’intervention mais aussi bien d’autres choses : une base de connaissances, un inventaire de matériel, un inventaire de réseau. C’est vraiment quelque chose de très intéressant pour la technique.
La deuxième chose que je voulais dire pour témoigner de ce qui peut motiver aussi les collègues à rejoindre l’ANL, c’est qu’on est dans un métier à priori assez technique, mais qui nous amène quand même à réaliser des choses peut-être plus tôt que les autres, notamment l’importance des données, des données publiques, des données nominatives, et puis de la gouvernance des outils numériques de notre pays, tout simplement. C’est une prise de conscience qui, pour moi, est de plus en plus importante auprès de mes pairs et qui transpire de plus en plus auprès de ceux qui sont moins dans la technique et qui se rendent compte maintenant, en 2025, que c’est un sujet qui devient vraiment d’importance, peut-être que certains diraient une cause nationale. On voit bien que même au plus haut de l’État, certains s’interrogent sur notre indépendance par rapport aux GAFAM et aux pays étrangers qui hébergent ces gros éditeurs qui sont tout-puissants.
Étienne Gonnu : Et surtout quand on voit que certains détenteurs de ces grandes technologies s’inscrivent aussi dans des démarches très politiques ; ça pose autant de questions qui arrivent de manière encore plus flagrante, il me semble.
Olivier Luthier : Tout à fait.
Étienne Gonnu : Sur la question de la composition, je voulais quand même évoquer ce sujet avec vous, on en avait d’ailleurs également parlé en préparant l’émission. On sait, dans les métiers de l’informatique, que les postes de responsables sont en majorité occupés par des hommes, qui sont donc globalement surreprésentés par rapport aux femmes dans le secteur informatique et c’est aussi le cas dans les communautés du Libre. Est-ce que vous faites ce constat aussi au sein de votre collectif et est-ce que c’est un sujet pour vous ?
Nicolas Vivant : Oui, on fait le constat. Il y a effectivement une seule femme dans Alpes Numérique Libre, et, comme je vous l’ai dit, tous les DSI sont là. Il y a une seule femme et c’est représentatif du pourcentage de femmes qu’il y a, malheureusement, dans la profession. C’est un problème auquel on se heurte même dans le recrutement, dans nos services respectifs, c’est-à-dire que sur l’ensemble des postes qu’on publie, bien souvent on n’a que des candidats hommes, c’est donc très difficile d’avoir une politique un peu inclusive et non discriminante quand on n’a pas de candidates.
Étienne Gonnu : Merci, Nicolas.
Pour rebondir aussi sur ce que disait Olivier avant, ce que j’avais trouvé intéressant, lorsqu’on a préparé l’émission, et que vous aviez évoqué, c’est la question de la confiance, notamment pour permettre à des plus petites collectivités, en tout cas, peut-être, à des collectivités moins matures sur le logiciel libre, de se lancer. On sait que parfois, notamment quand on parle de migration, il y a des projets techniques, des projets de migration ou différents projets qui peuvent être impressionnants, on va dire, du moins pas simples à mener et, de ce que j’ai compris, le fait de pouvoir échanger et d’avoir l’appui d’un collectif favorise cette confiance et aide du coup à se lancer. On voit bien, de manière plus générale, l’impact positif que ça peut avoir pour la démocratisation du logiciel libre.
Olivier Luthier : Complètement.
Nicolas Vivant : Oui, il y a deux cas où ça aide vraiment.
Il y a effectivement le cas où l’informaticien ou les deux informaticiens de la petite commune essaient de se lancer en autonomie sur un logiciel et ils sont rassurés par le fait qu’ils ont des collègues qui connaissent bien et qu’ils peuvent contacter en cas de souci ou pour obtenir des informations.
L’autre cas, c’est quand une collectivité essaie d’identifier un prestataire susceptible de l’aider pour mettre en œuvre le logiciel. On partage aussi pas mal d’informations sur les prestataires qui sont capables d’aider soit sur des problématiques d’infrastructures, soit sur des problématiques logicielles.
Étienne Gonnu : Olivier ou Julien, je crois que vous vouliez dire quelque chose ou c’est bon pour vous sur cette question ?
Olivier Luthier : Je pense que Nicolas a bien résumé. Ça été un sujet ces deux dernières semaines, j’ai eu le plaisir d’échanger longuement avec Julien. Nous nous sommes rencontrés sur des problématiques qu’il avait de son côté et nous avons pu confronter nos pratiques et nos avis. Pour conclure, la semaine dernière encore, une petite commune avec juste deux collègues qui s’occupent de l’informatique, s’interrogeaient au vu de ce qu’allait leur coûter le renouvellement des licences Microsoft Office pour les outils bureautiques : pouvaient-ils ne serait-ce qu’envisager de présenter à leurs élus un plan de migration vers LibreOffice. Ils nous ont interrogés sur ce point, parce que ça leur paraissait non pas insurmontable, comment dire, pas énorme, mais une chose qu’ils ne savaient pas trop comment aborder. De là s’en est suivi toute une discussion où chacun a apporté son commentaire, son conseil, et j’ai senti, avec leurs retours, que ça les a bien aidés à mûrir leur réflexion. En cela, je trouve que l’ANL apporte une vraie valeur ajoutée, quand on doit choisir, quand on doit prendre des décisions sur des technos, des outils sur lesquels on n’a pas suffisamment eu de retours et qu’on n’a pas le temps.
Étienne Gonnu : Merci pour cette transition. Je voulais justement parler de la relation avec les élus. Globalement on sait, quelle que soit la collectivité, d’ailleurs, je pense, quelle que soit l’administration, l’importance qu’il y ait une vision commune, du moins une relation de confiance entre les équipes opérationnelles et les mandatés politiques. Je me posais déjà cette question : est-ce que ça vous aide, justement par rapport à ce que vous disiez, à légitimer ? Est-ce que ça donne de la force dans les arbitrages quand vous arrivez en disant « j’ai l’appui de ce collectif, on ne part pas dans l’inconnu, ça a déjà été fait ailleurs et, en plus, on a ce collectif qui existe. » Est-ce que ça aide à légitimer des décisions auprès des décideurs ?
Olivier Luthier : Qui prend le point ? Moi, j’ai mon avis sur la question.
Étienne Gonnu : Allez-y.
Olivier Luthier : Moi, je dis que oui, la preuve par l’exemple. On ne passe pas pour un hurluberlu quand on arrive avec un exemple, en disant « je n’invente rien, c’est déjà fait. » Je ne vous parle pas tout de suite de tout ce qui nous alerte en termes de gouvernance des données aujourd’hui, mais simplement en changeant d’outil. Par exemple, récemment avec Julien, on discutait de firewall. Je peux citer un autre exemple de collègues qui parlent d’outils bureautiques.
La preuve par l’exemple nous permet d’abonder un dossier d’aide à la décision et de dire à l’élu « voilà les pour, les contre, ce que ça peut vous coûter, ce que vous pouvez y gagner, la proximité que vous allez pouvoir obtenir auprès de vos agents parce que vous allez mieux les former. » Il ne faut quand même pas se voiler la face, qu’on ait Office ou une autre suite bureautique, les agents sont assez majoritairement livrés à eux-mêmes quand ils doivent monter en compétences sur ces outils du quotidien.
Pour moi, la preuve par l’exemple c’est donc vraiment, aujourd’hui, quelque chose qui fonctionne plutôt bien. Et après, il y a toujours quelqu’un qui est là pour arbitrer et, de facto, un arbitrage ne convient jamais à tout le monde, mais, au moins, nous aurons fait notre travail d’information.
Nicolas Vivant : Et un des avantages de ce type de collectif, c’est que ça montre qu’il y a une dynamique locale, pas seulement locale d’ailleurs, qu’il y a une dynamique autour de ces sujets, et c’est évidemment rassurant pour les décideurs. Quand on fait de l’informatique autrement, les élus peuvent assez vite considérer qu’on est dans du bricolage, dans quelque chose qu’on fait, mais si les autres n’ont pas fait ces choix-là c’est qu’il y a peut-être une raison, ce type de question peut se poser. Quand on est un collectif et qu’on est nombreux à choisir un logiciel, qu’on est nombreux à s’interroger sur cette démarche et à mettre en œuvre les mêmes outils, ça a évidemment un côté rassurant pour l’ensemble des décideurs, pas seulement les élus d’ailleurs, également les autres services.
Étienne Gonnu : Il me semble aussi que vous m’aviez dit que des élus de vos collectivités, je ne sais plus si c’est l’ensemble ou pas, en tout cas que certains élus s’étaient également mis dans un collectif d’élus de villes œuvrant pour le logiciel libre. Qu’en est-il ?
Nicolas Vivant : Oui, c’est intéressant. Les élus ont un peu rebondi, avec un positionnement un petit peu différent quand même. Comme, quand même, il n’y a pas très souvent des politiques affirmées autour des logiciels libres dans les collectivités, c’est plus un collectif des élus au numérique qui s’est créé. C’est effectivement à la suite de la création du collectif Alpes Numérique Libre qu’un certain nombre d’élus, notamment l’élu à Échirolles, Aurélien Farge, qui est à l’origine de cette initiative, qui s’est dit que ce serait vraiment intéressant que nous aussi nous ayons des échanges, puisqu’ils ont aussi des problématiques de leur côté, avec des délibérations à porter en conseil municipal et des choix à faire. Typiquement en ce moment, beaucoup de questions se posent évidemment autour de l’intelligence artificielle, ça permet d’avoir des réflexions communes, éventuellement de faire intervenir des experts dans le domaine, parce que nous, services, avant de mettre en œuvre un outil d’IA générative par exemple, on a besoin d’avoir l’avis des élus : qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on y va, est-ce qu’on n’y va pas ?, sachant que, potentiellement, il y a un impact environnemental fort et que, évidemment, on peut avoir aussi des objectifs sur ce travail autour de l’impact environnemental du numérique.
Ils ont donc ressenti, eux aussi, le besoin de s’organiser pour discuter de ces sujets. Et là aussi, ça montre qu’il y a une dynamique sur le sujet et que, potentiellement, des initiatives peuvent naître, ça peut donner des idées à d’autres élus qui ne sont pas forcément intéressés à ces sujets.
Étienne Gonnu : Parfait. On sait qu’il a une difficulté parfois avec les collectivités, c’est la question de la pérennité. Par exemple un changement de majorité — la question va se poser bientôt dans les collectivités françaises — peut, malheureusement, parfois pousser à un basculement ou à un retour en arrière par rapport à des décisions. Je pense à Nancy en France, à Munich en Allemagne. C’étaient des villes exemples, exemplaires même, en termes de logiciels libres, et qui sont repassées sur Microsoft suite à un changement de majorité. Par rapport à tout ce que vous dites, notamment au fait que les élus se mettent en réseau par rapport à ça, est-ce que ce genre de collectif peut limiter ces risques, du moins représenter une défense contre ces risques de basculement ou de retour en arrière ? C’est peut-être un vœu pieux de me faire cette réflexion.
Julien Arnaud : Personnellement, je ne sais pas si j’ai la réponse. Déjà le fait que les élus, en responsabilité autour du numérique dans leur commune, puissent discuter avec leurs homologues, je trouve que c’est une chose, parce que ça leur permet aussi de prendre un petit peu de hauteur, s’ils n’en ont pas l’occasion eux-mêmes à titre personnel, par rapport à ce que nous pouvons leur apporter au quotidien. Ça leur permet aussi de confronter ce que l’on dit, pour ne pas dire peut-être vérifier, mais se rassurer.
Après, le jour où vous avez un élu qui vient du monde du numérique ou qui, pour une raison ou pour une autre, a des convictions très fortes et décide de prendre une voie stratégique pour sa mairie, c’est de la responsabilité du politique, même si, en toute logique, il doit faire ça, en ce qui concerne le fonctionnement de sa mairie, en concertation avec sa direction générale, mais, en règle générale, ces gens-là sont en phase pour que la mairie fonctionne bien. Ça peut arriver, tout peut arriver.
Nicolas Vivant : Et puis je parlais de l’argument du bricolage. C’est un argument qui revient justement assez souvent quand il y a des marches arrière, qui est de dire : on fait de l’informatique d’une façon particulière. Ça suffit les expérimentations, on va revenir à une façon de travailler qui est la façon habituellement observée dans les collectivités. C’est donc beaucoup plus difficile de dire qu’on est dans le bricolage quand les communes sont nombreuses à faire ce choix que si on est seul, isolé, avec son LibreOffice, entouré par 12 collectivités, qui, elles, fonctionnent avec Microsoft Office, par exemple.
Julien Arnaud : Oui, en effet, c’est pareil à Saint-Martin-d’Uriage. Nous sommes quand même beaucoup soutenus par une équipe politique très ouverte à cette question des logiciels libres, très sensible à cela. En tant que DSI, ce qui est intéressant, c’est la gestion des risques. Que ça soit une solution libre, open source, que ça soit une solution propriétaire, ce qui est intéressant, c’est que ça réponde à un besoin. Pour moi, la plus grande difficulté, c’est de vraiment bien comprendre les besoins et de faire une mise à plat.
Lors de mon arrivée, j’ai pu me déplacer dans les services pour voir comment travaillent les agents. C’est intéressant et on s’aperçoit vraiment que les besoins essentiels ne sont pas si compliqués que ça. Notamment l’évolution, avec la migration des applications vers le Web, pousse soit les éditeurs propriétaires soit les solutions libres, open source, à développer autour des technologies Web, ça permet donc aussi de se libérer de certaines solutions basées sur des systèmes propriétaires. Il y a aussi aspect-là d’uniformisation vers ces technologies web.
Pour répondre vraiment aux besoins, je pense que la qualité d’expérience est prioritaire. Par exemple un outil comme GLPI répond aux besoins, on va dire, de tous les jours pour un DSI, pour une équipe informatique. Pareil pour LibreOffice. Avec LibreOffice, on ne peut pas tout faire, on a encore des blocages, notamment avec certains éditeurs propriétaires qui obligent à l’utilisation, par exemple, de Microsoft Office. Mais on travaille là-dessus et ça nous permet aussi d’identifier les réels besoins. Pour faire du traitement texte de base, envoyer un e-mail, convertir en PDF, il n’y a pas forcément besoin d’avoir des licences coûteuses. Ça permet aussi de faire une petite rétrospection pour connaître les réels besoins de nos agents.
Étienne Gonnu : Très bien. Cette question de la définition des besoins et des usages, de la maîtrise, revient effectivement quasi systématiquement, on voit qu’elle est vraiment cruciale et centrale. Merci de l’évoquer.
Je vous propose de faire une courte pause musicale, une petite respiration neuronale. Pour cela, nous allons écouter Peace Like a River par HoliznaCC0. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Peace Like a River par HoliznaCC0.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Peace Like a River par HoliznaCC0, disponible sous licence libre Creative Commons CC0, qui se rapproche le plus d’une cession volontaire dans le domaine public.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April et j’échange avec Julien Arnaud, DSI de la ville de Saint-Martin-d’Uriage, Olivier Luthier, DSI la ville de Fontaine, Nicolas Vivant, directeur de la stratégie de la culture numériques à Échirolles, trois membres du collectif Alpes Numérique Libre.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site cause-commune.fm, bouton « chat ». Je ne suis pas très réactif, aujourd’hui, pour relayer des commentaires, mais j’en profite pour remercier Nicolas Vivant qui répond, justement, sur ce chat.
Je voulais aborder avec vous une question qui ne concerne pas spécifiquement votre collectif, mais plus généralement les collectivités. C’est plus une impression qu’un constat empirique, en tout cas à mon sens, les collectivités occupent aujourd’hui, peut-être encore plus que l’État et les administrations centrales et décentralisées, une position en pointe pour la démocratisation du logiciel libre et la massification des usages, déjà par leur proximité avec les populations, évidemment, mais aussi par des politiques qui me semblent, pour celles que ça concerne, beaucoup plus ambitieuses en matière de libertés informatiques. C’est notamment quelque chose qu’on semble pouvoir observer à travers, pour le citer, le label Territoire Numérique Libre, dont l’April est membre du jury, un label porté par l’ADULLACT, l’association des collectivités qui utilisent du logiciel libre, qu’on a mentionnée plus tôt, et vos trois collectivités ont déjà été récompensées.
Quelles sont vos impressions sur ce sujet, sur le rôle des collectivités aujourd’hui pour la démocratisation et la massification des usages en matière de logiciels libres ? Nicolas.
Nicolas Vivant : Un mot là-dessus. L’article 72 de la Constitution, en France, consacre la liberté d’administration des collectivités territoriales. Je pense que cela s’explique en grande partie par ça. Il y a 36 000 communes en France, grosso modo, un certain nombre n’ont pas de service informatique, en tout cas, ça fait un nombre de DSI, donc un nombre de choix potentiels pour la mise en œuvre de l’informatique qui est très important. Il est donc normal qu’on voie des expérimentations dans tout un tas de domaines. Là, on parle beaucoup de logiciels libres, mais on a des collectivités qui travaillent sur du open hardware. Cédric Charpentier, à Abbeville, a développé, par exemple, des robots en open hardware, publié les plans, pour l’utilisation dans son cimetière communal.
Étienne Gonnu : Je précise que le hardware c’est le matériel, donc le matériel ouvert.
Nicolas Vivant : C’est ça, c’est sur l’aspect matériel plutôt que logiciel.
Il y a donc plein de DSI, avec plein de profils différents, certains qui viennent du technique, d’autres qui sont plus chefs de projets, d’autres qui viennent plus du management, il y a donc plein de choix différents qui sont faits. La plupart font les mêmes choix que ceux qu’on trouve majoritairement dans les entreprises privées ou même dans les collectivités. Et puis, de plus en plus, des gens font le choix du Libre avec une difficulté, comme je le disais : parfois on peut avoir l’impression de partir sur un chemin un peu parallèle à ce qui se fait habituellement et c’est là que les collectifs prennent tout leur sens.
Nous sommes moteurs simplement parce que nous sommes nombreux et qu’il y a plein d’expériences différentes.
Étienne Gonnu : Merci beaucoup pour cette réponse très complète, qui confirme, qui va justement dans le sens de mes impressions.
On parlait du rôle des collectifs. J’ai évoqué, en introduction, et la question a été reposée sur le chat, d’une ambition potentiellement nationale ou du sens d’un collectif national. Avant qu’on y arrive et je pense que ça va faire cette transition, quelle est l’importance, pour vous, de l’ancrage territorial ? Est-ce qu’il y a une spécificité grenobloise autour du logiciel libre ? On peut tourner la question : quels conseils donneriez-vous à d’autres collectivités pour qu’elles se mettent en collectif et quelles sont les limites, un petit peu, qui sont propres à l’ancrage territorial ? Qui se lance ?
Nicolas Vivant : J’ai beaucoup parlé. Je laisse parler Olivier et Julien.
Étienne Gonnu : Allez Olivier, de manière arbitraire.
Olivier Luthier : De manière arbitraire. J’étais en train de répondre sur le chat. Est-ce que tu peux répéter ta question, parce que je viens de déconnecter ?
Étienne Gonnu : Je peux répéter, sinon Julien s’il est inspiré pour une réponse.
Julien Arnaud : Je peux prendre la suite. C’est vrai que la vision politique est importante. Quand on veut mettre en place des solutions open source, mon élue, Claudine Chassagne, dit qu’il faut qu’il y ait un trio, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait une volonté politique, il faut qu’il y ait une volonté du DSI, qu’il ait une certaine sensibilité à cet aspect-là, et aussi la participation de la DGS, la direction générale des services, pour pouvoir mettre en place. Dans une collectivité territoriale, il y a la partie « élus » qui est dirigée par monsieur le maire et, côté services, il y a tous les services avec une direction générale des services. Le chef de ces services prend les décisions, valide les décisions, notamment concernant l’informatique, parce qu’il a une vision globale des impacts, les logiciels informatiques ont des impacts sur l’efficacité des services. Il faut donc qu’il y ait ce trio qui se concerte et qui soit en cohésion.
À Saint-Martin-d’Uriage, on a on a des élus qui sont proches du monde académique dans des métiers comme la recherche. Ils sont donc assez sensibles à l’utilisation des logiciels libres par leur métier. Donc, à la mairie de Saint-Martin-d’Uriage, on essaye de pousser au maximum les logiciels libres et ce qu’on peut faire avec.
Étienne Gonnu : Entendu, merci beaucoup.
Vous avez décidé, vous avez lancé la création d’un collectif national France Numérique Libre et communiqué dessus la semaine dernière – d’ailleurs, quand je dis vous, il faudra préciser : est-ce que c’est le collectif, est-ce que ce sont certains membres du collectif ?. Bref ! Pourquoi cette volonté de créer ce collectif France Numérique Libre ? Est-ce que ça ne rentre pas, quelque part, en contradiction avec l’importance de cette capacité à se retrouver physiquement, à partager certaines réalités territoriales ? Quelle est l’histoire de cette création de France Numérique Libre ?
Nicolas Vivant : En fait, c’est moi qui suis à l’origine de ça. Créer un collectif à beaucoup de personnes, c’est compliqué. À un moment, il faut mettre en place les outils et travailler à plusieurs mains ce n’est pas simple.
La création d’un collectif au niveau national a un lien avec Alpes Numérique Libre. Nous avons beaucoup été contactés par des communes qui ne sont pas des communes du coin. Or, nous avons fait le choix de nous restreindre à un périmètre qui est le périmètre, en gros, du bassin de vie grenoblois, notamment parce que les rencontres en présentiel ont de l’importance pour nous, ce sont des moments de convivialité, sympas où on échange, etc.
Mais, de plus en plus, nous avons été contactés par des collectivités qui étaient assez éloignées. Notre premier réflexe a été de leur conseiller de créer des collectifs locaux, chacune dans sa région et on s’est heurté à un problème, c’est que, parfois, les collectivités disaient « mais je suis toute seule, je suis la seule commune à m’intéresser aux logiciels libres dans mon environnement, donc, si je crée un collectif, je serai seule dans ce collectif. » Ça a été la première chose. Du coup, une façon de répondre à ce besoin-là, c’est de se dire qu’on a construit un collectif local qui fonctionne bien, on voit qu’avec quelques outils, judicieusement choisis, on peut échanger assez facilement, y compris entre deux rencontres, donc, pourquoi ne pas ne pas créer un collectif au niveau national ?
J’ai simplement lancé l’initiative, je suis allé fouiller, à droite et à gauche, dans les collectivités qui avaient participé au label Territoire Numérique Libre, les collectivités qui ont contribué à Comptoir du Libre, un site web maintenu par l’ADULLACT où on peut indiquer quels logiciels on utilise, on peut faire des retours sur leur utilisation, les prestataires peuvent se faire connaître pour ceux qui sont capables de produire, de proposer des services autour du logiciel. Bref ! Je suis donc allé chercher les collectivités qui avaient contribué au Comptoir du Libre et puis les collectivités qui m’avaient contacté au fil des années. Ensuite, j’ai lancé cet appel, effectivement sur les réseaux sociaux, pour la création de ce collectif au niveau national, qui s’appellera France Numérique Libre, et ça a très bien marché. J’ai été contacté par beaucoup de collectivités de toutes tailles, des toutes petites communes où l’informatique est gérée par un adjoint parce qu’il n’y a pas de service informatique, jusqu’à des conseils départementaux, des centres de gestion. Ma liste de personnes à contacter, quand les outils seront prêts, c’est aujourd’hui 113 DSI issus de 49 départements différents, avec tout type de collectivités.
L’idée, c’est de reproduire à l’échelle nationale ce qu’on a fait au niveau local, c’est-à-dire de mettre en place un collectif qui soit un collectif convivial, où les gens n’ont pas peur de prendre la parole et de partager leurs problématiques, avec des outils qui nous permettent de nous réunir régulièrement et puis des outils qui nous permettent de nous réunir entre deux réunions, en visioconférence du coup, et qui permettent aussi de partager des documents, de la documentation sur les logiciels, sur les méthodologies, les différentes stratégies, on peut partager des schémas directeurs, évidemment, et puis des pièces de marché.
L’idée, c’est donc de faire une sorte de Alpes Numérique Libre à l’échelle nationale.
Les réactions des collectivités, sur les réseaux sociaux, laissent penser que ça peut être quelque chose de sympa et qu’on retrouve, à l’échelon national, cette dynamique qu’on a à l’échelon local.
Étienne Gonnu : Parfait. Il m’a semblé comprendre que la Direction interministérielle du numérique, ainsi que l’ADULLACT, sont des parties prenantes de ce projet, quelles sont leurs contributions ? Et question en parallèle : c’est vraiment réservé aux collectivités ou des administrations totalement centrales, décentralisées, ont-elles exprimé leur envie de rejoindre ? Du coup, ça pose la question de qui rentre et de la nature du collectif, j’imagine ?
Nicolas Vivant : Au départ, c’est clairement réservé aux collectivités, mais je peux difficilement parler de collectif si c’est moi qui décide de qui rentre et qui sort. Une chose est certaine : dans un premier temps, on se limite aux collectivités et puis on va faire une première réunion où on va essayer de définir précisément le périmètre du collectif.
Dans les échanges qu’il y a eu au sein d’Alpes Numérique Libre, tout le monde était d’accord pour dire qu’il y a quand même des services de l’État et des ministères avec qui nous travaillons au quotidien, nous, collectivités territoriales, et qu’il serait intéressant d’intégrer.
La DINUM, Direction interministérielle du numérique, et l’ANCT, Agence nationale de la cohésion des territoires, sont deux structures d’État qui développent des solutions libres à destination des collectivités territoriales. Là le lien est direct, mais on peut penser aussi au ministère de l’Éducation nationale, puisque les communes gèrent les écoles maternelles et les écoles élémentaires, les départements, les conseils départementaux, gèrent les collèges et les régions gèrent les lycées. Ça veut dire que tous les DSI de toutes les collectivités ont un lien très étroit avec le ministère de l’Éducation nationale. Il faut mesurer que, en gros, les écoles représentent la moitié de notre parc informatique, c’est donc une partie vraiment importante de notre travail.
Puisque le ministère de l’Éducation nationale a aussi une politique de promotion et d’utilisation de logiciels libres, au travers de deux plateformes, une qui s’appelle Apps.education, qui offre un certain nombre d’applications aux personnels de l’Éducation nationale, une autre qui s’appelle La Forge, qui réunit les développeurs du ministère de l’Éducation nationale et qui propose également un certain nombre d’outils, bref, ce sont des gens avec lesquels on interagit très régulièrement dans le cadre de nos fonctions, avec des problématiques de choix d’outils et tout ce qui se pose à destination des structures d’enseignement, au même titre, par exemple, que l’association ADULLACT qui est une association spécifiquement dédiée aux collectivités qui souhaitent mettre en œuvre des logiciels libres, on s’est dit que c’était vraiment des acteurs de notre quotidien et qu’il serait intéressant de les intégrer.
Pour le reste, on se pose un peu plus de questions. Dans tous les cas, il y aura une première réunion, on discutera ensemble sur la façon d’interagir avec les ministères, les structures parapubliques qui pourraient être intéressées, d’ailleurs même avec l’écosystème économique. Quelle place fait-on, je ne sais pas, à des prestataires qui proposent des services autour des logiciels libres ? Il y aura un premier échange et je pense qu’on y verra un peu plus clair après.
Étienne Gonnu : On suivra ça avec attention. Merci pour cette réponse très complète et précise.
Je vois que le temps avance très vite. Je vais donc passer sans transition on va dire, à une question qui a été posée sur le chat, qui permet de parler d’un sujet que je voulais évoquer. La question, c’est : est-ce que Alpes Numérique Libre est actif sur sur Mastodon ? Ça amène à poser la question de cet outil de communication, parce que je crois que vous avez développé – je ne sais pas si c’est le collectif en lui-même – une instance réservée aux collectivités. On rappelle que Mastodon est un réseau de microblogging fédéré et décentralisé et, en gros, chacun, chacune peut monter un serveur et décider des règles d’entrée, de qui peut y créer des comptes. Il y a donc ce réseau, cette instance réservée aux acteurs des collectivités territoriales. Est-ce que vous pouvez nous en dire un mot en une ou deux minutes ?
Olivier Luthier : Tu veux que je le fasse Nicolas ?
Étienne Gonnu : Olivier.
Olivier Luthier : Pour libérer un peu Nicolas. C’est vrai que l’instance a été montée quand même beaucoup grâce à Nicolas, il faut le reconnaître, mais pas véritablement directement par l’ANL, comme je l’ai cité tout à l’heure en expliquant ce que pouvaient être les syndicats dans la fonction publique. Nous avons dix communes du bassin grenoblois qui sont membres du syndicat SITPI [Syndicat Intercommunal pour Les Télécommunications et les Prestations Informatiques] et l’idée est apparue, à un moment donné, d’ouvrir une instance pour les collectivités territoriales, avec les collègues qui travaillent à l’informatique du SITPI. C’est donc comme cela que l’idée est née. Comme c’était quelque chose qui était dans les cordes techniques des gens qui l’ont proposé, ça s’est monté assez vite. Nous sommes plusieurs, donc, moi, Nicolas, le directeur technique du SITPI, le DSI d’Échirolles, et j’en oublie certainement, à pouvoir faire la modération pour accueillir les gens qui veulent s’y inscrire. Là, pour le coup, c’est une instance, qui est effectivement exclusivement dédiée aux collectivités territoriales.
Étienne Gonnu : Ce que j’aime bien dans cet exemple, c’est pour cela que je voulais l’évoquer, c’est que ça montre bien ce que permet justement aussi de faire le Libre : l’action. Vous avez décidé, vous avez eu envie, vous avez fait, parce qu’en fait c’était « simple », entre guillemets, à monter parce que vous aviez les compétences et que ça ne nécessitait pas, en fait, tellement d’autres autorisations. Vous l’avez fait en tant que collectif et je trouve que ça montre bien ce que permet aussi, en termes de créativité et de fonctionnement collectif, le logiciel libre. Je trouve que c’est un exemple intéressant pour ça.
Un autre sujet que j’ai évoqué en introduction, qui est important, notamment en termes d’actualité, un événement qui va arriver bientôt, AlpOSS [Alpes Open Source Software], l’événement isérois de l’écosystème du logiciel libre qui arrive le 20 février 2025. Ce n’est pas porté par le collectif en lui-même. L’événement est accueilli par la mairie d’Échirolles, je le précise, mais, bien sûr, j’imagine que la plupart des membres du collectif vont y intervenir. Pouvez-vous nous dire un mot sur cet événement, je pense que vous le connaissez bien tous les trois. Ça montre aussi peut-être l’importance que vous accordez à la communication autour de ce que vous faites en tant que DSI motivés par le logiciel libre.
Nicolas Vivant : Cet événement est coorganisé avec une association qui s’appelle OW2, une grosse association autour de l’open source, et puis une entreprise grenobloise, qui s’appelle Belledonne Communications, qui édite notamment le logiciel Linphone, logiciel de messagerie et de communication en ligne.
L’idée, là, c’était de réunir trois mondes : le monde des collectivités, on a effectivement déjà un collectif, on se connaît, mais aussi le monde des entreprises, notamment les entreprises locales, et le monde associatif, en plus des particuliers, évidemment. On a réalisé avec Olivier, avec Julien, et puis avec tous les autres de Alpes Numérique Libre, que quand on se déplaçait, par exemple au salon Open Source Experience à Paris, on découvrait sur place des entreprises qui étaient, en fait, des entreprises locales, et on se disait « c’est quand même extraordinaire, on a un vrai tissu économique autour du Libre et de l’open source dans la région grenobloise et il faut qu’on aille à Paris pour les rencontrer. » Et puis, de la même façon, les entreprises disaient « c’est incroyable, on a des collectivités autour qui travaillent sur le logiciel libre et on ne les connaît pas, on ne se parle pas. » Bref ! L’idée est née de là, de la volonté de réunir ces trois mondes et aussi de la volonté d’avoir un événement local, parce que c’est vrai que nous, les Grenoblois, on se retrouve systématiquement à Lyon, à Paris, à Montpellier ou à Toulouse, c’est loin, donc tout le monde ne peut pas se rendre forcément dans ces événements-là. Donc voilà, on l’a organisé.
La première édition a eu lieu l’année dernière à la mairie d’Échirolles. Nous étions environ 250. Ça a été un vrai succès, très convivial. On a bien mangé, on a eu des échanges très intéressants, et puis des collaborations entre entreprises, entre entreprises et collectivités sont nées, donc l’objectif a été atteint. On renouvelle effectivement l’expérience le jeudi 20 février de cette année en espérant qu’on sera sur la même dynamique et que ça restera aussi sympa.
Étienne Gonnu : Quelques questions très pragmatiques : qui peut y aller ? Est-ce qu’il faut s’inscrire ? Est-ce qu’il sera possible de suivre les conférences en ligne, soit en direct, soit en différé par enregistrement ?
Nicolas Vivant : Oui. L’inscription est possible sur le site alposs.fr. C’est effectivement sur inscription, c’est gratuit et toutes les interventions dans la salle principale seront retransmises en direct. C’est l’intérêt aussi de faire les choses à l’hôtel de ville d’Échirolles, parce qu’on a mis en place, pour le conseil municipal notamment, une solution, libre évidemment, de diffusion du conseil municipal, et c’est cette même solution, avec ces mêmes caméras, qui nous permet de diffuser en direct les différentes interventions qu’il va y avoir lors de cette journée. Ce sera directement accessible depuis le site alposs.fr et ce sera une intégration de notre live PeerTube. Pour ceux qui ne connaissent pas, PeerTube est un logiciel de gestion de vidéo, une alternative à YouTube. Il y a effectivement la possibilité d’assister à distance, pour ceux qui peuvent pas se rendre à Grenoble, aux échanges.
Étienne Gonnu : On suivra ça avec intérêt.
Notre échange touche à sa fin. Pour conclure, est-ce qu’il y a un élément clé que vous souhaiteriez que les personnes qui nous écoutent retiennent de cette émission ou un point dont vous auriez aimé parler et qu’on n’a pas évoqué ? En plus, je vais vous mettre un critère difficile, en moins d’une minute, si possible, par personne. Nicolas, puisque tu avais la parole.
Nicolas Vivant : Juste un point. La raison d’être d’un collectif et aussi pourquoi un collectif, c’est valable pour Alpes Numérique Libre comme pour France Numérique Libre, c’est que c’est assez compliqué, pour une collectivité, d’adhérer à une association, de s’intégrer dans une structure. Le collectif, c’est vraiment la façon la plus simple de le faire.
La deuxième chose, et c’est la raison pour laquelle c’est l’ADULLACT qui a gentiment accepté d’héberger nos outils, on souhaite que les outils ne soient pas dépendants de l’une des collectivités qui constituent le collectif, parce que, on en a parlé, il peut effectivement y avoir des marches arrière qui sont choisies dans les collectivités et on ne veut pas que ça mette en danger l’existence du collectif. C’est donc la raison pour laquelle on essaie de construire quelque chose qui soit à la fois autogéré et, en même temps, pas dépendant des membres qui le constituent. Voilà la précision que je voulais apporter.
Étienne Gonnu : Parfait. Olivier.
Olivier Luthier : En quelques mots, je dirais que l’ANL c’est vraiment l’entraide, on l’a cité tout au long de l’émission, c’est l’entraide, le partage des expériences, la capacité d’informer les autres et puis d’être plus assuré pour pouvoir aussi informer nos décideurs. Je trouve qu’on est vraiment à une époque charnière sur des thématiques de gouvernance numérique, de gouvernance de la donnée, que ce soit au niveau local ou au niveau national, tout ça se rencontre, on le voit bien avec l’initiative de monter France Numérique Libre, avec des demandes de tous niveaux et de tous strates.
Donc de l’entraide, du réseautage, du partage et voilà, « la route est longue, mais la voie reste libre ».
Étienne Gonnu : On cite Framasoft, qui le mérite. Julien, enfin.
Julien Arnaud : Dans le même sens que mes collègues. En effet, on invite tout le monde à se regrouper, à partager les blocages qu’il peut y avoir sur des préjugés et profiter de l’expérience d’autres collectivités qui ont déjà travaillé sur ces sujets-là. Je pense que beaucoup de collectivités partagent les mêmes besoins, encore une fois, et si certaines collectivités peuvent avoir des retours d’expérience, c’est un gain de temps énorme et, comme le disait Olivier, ça permet aux décideurs d’être un peu plus rassurés sur ces logiciels et cette gestion de risques. Donc unissons-nous et partageons nos expériences.
Étienne Gonnu : Parfait, merci pour vos trois belles synthèses qui touchent effectivement à des points importants de l’échange.
Merci Julien Arnaud, directeur des systèmes d’information de la ville de Saint-Martin-d’Uriage, Olivier Luthier, DSI de la ville de Fontaine, et Nicolas Vivant, directeur de la stratégie de la culture numériques à Échirolles. Un grand merci à vous trois et un grand merci pour ce que fait le collectif Alpes Numérique Libre. Bon vent et à très bientôt, j’espère.
Julien Arnaud : Merci.
Olivier Luthier : Merci, Étienne.
Nicolas Vivant : Merci à vous.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Nous allons à présent écouter un court extrait de Resistance par When The Birds Left. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Resistance par When The Birds Left.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter un court extrait de Resistance par When The Birds Left, disponible sous licence Creative Commons Attribution, CC By.
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Étienne Gonnu : Je suis Gonnu de l’April. Nous allons passer à notre dernier sujet.
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Chronique « Les humeurs de Gee » – Les abandonwares
Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec une nouvelle « humeur de Gee ».
Salut Gee. Si j’ai bien compris, aujourd’hui tu souhaites nous parler des « abandonwares ».
Gee : Salut Étienne et salut à toi, public de Libre à vous !.
Dans l’informatique, on utilise beaucoup de noms en « ware ». On a le software, le logiciel et le hardware, le matériel ; à mi-chemin, on a même le firmware, oui car firm, « ferme », c’est entre soft, « mou », et hard, « dur ». Le firmware donc, c’est un microcode intégré dans du matériel.
On pourrait aussi parler de bloatware pour toutes les applications inutiles, préinstallées dans vos smartphones, que vous ne pouvez pas virer. Il y a quelques années, j’avais une app pour suivre les cours de la bourse sur mon téléphone, app que je ne pouvais pas désinstaller, c’est dire si les vendeurs de téléphones me connaissaient mal !
Et puis, quand j’étais petit, j’avais pas mal de jeux qui s’appelaient des sharewares, un mot qui désignait, en gros, une démo jouable à l’issue de laquelle on pouvait payer pour avoir accès au jeu complet. Ça se partageait sur des cédéroms, dans des magazines, voire des disquettes, et on y trouvait de chouettes trucs comme Jazz Jackrabbit, une sorte d’alternative à Sonic pour PC où le hérisson bleu est remplacé par un lièvre vert avec un gros bazooka ; ou encore Whacky Wheels, un clone de Mario Kart où on jouait de petits animaux qui se balançaient des hérissons au lieu des carapaces de Mario Kart. Il y avait même des versions spéciales Noël de ces sharewares avec des niveaux dans la neige avec une petite musique de Noël, c’était super mignon.
Bon ! En vrai, je n’ai jamais payé pour les versions complètes, donc j’ai énormément joué aux quelques niveaux de démonstration de ces fameux sharewares, mais comme j’avais cinq ans et que je n’étais pas très doué en jeux, ça me suffisait largement.
Tous ces jeux qu’on avait souvent en shareware dans les années 90, que ce soit les fameux Jazz Jackrabbit, Whacky Wheels ou encore les Lemmings, Doom, Duke Nukem, Abuse, Commander Keen, Epic Pinball, Raptor, Jill of the Jungle, et j’en passe, tous ces jeux, que sont-ils devenus ? Eh bien pas mal d’entre eux sont passés de shareware à abandonware. Abandonware, c’est un terme inventé à la fin des années 90 pour désigner des logiciels, souvent des jeux, abandonnés, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus édités et plus maintenus. Et, avec l’émergence de l’Internet grand public, un regain d’intérêt s’est manifesté pour ces petits jeux rétro au détour des années 2000 et 2010.
L’idée, c’est que comme ces jeux ne sont plus édités et que, parfois, leurs éditeurs n’existent même plus, on peut se permettre de se les partager gratuitement, comme ça, par des sites internet spécialisés comme Abandonware France. Évidemment, ce principe n’a aucune base légale, le droit d’auteur s’appliquant techniquement même en l’absence de nouvelle édition. Mais bon !, pendant pas mal d’années, il y a eu une sorte de tolérance, ça a plutôt bien fonctionné, puisque, encore une fois, en l’absence de nouvelle édition, il n’y a aucun manque à gagner pour les éditeurs quand ils existent encore. En plus, on parle de vieux jeux, qui sortaient souvent sur disquette et pesaient donc tout au plus quelques mégaoctets, le poids d’une petite chanson en MP3, en gros. Donc même pas besoin d’avoir de gros serveurs avec des débits de malade pour profiter de ces abandonwares, bref, le bonheur.
Autour de ces abandonwares se sont développés pas mal de nouveaux logiciels pour les faire fonctionner, souvent des logiciels libres d’ailleurs. Oui, parce qu’un jeu fait dans les années 90, ça tournait souvent sur MS-DOS, éventuellement sur Windows 3.1 ou, à la rigueur, sur Windows 95.
Je sais que dans Independence Day, ils arrivent à créer un virus informatique compatible avec une technologie extraterrestre, mais dans le monde réel, assurer la compatibilité d’un logiciel entre ne serait-ce que deux versions consécutives de Windows, ce n’est déjà pas forcément de la tarte. Et puis certains jeux de l’époque utilisaient la fréquence du processeur pour cadencer l’horloge du jeu. Avec les processeurs actuels qui vont 1000 fois plus vite, ce genre de jeu devient un chouïa trop rapide pour être joué.
On a donc vu l’arrivée de logiciels libres comme Dosbox, qui est un émulateur de MS-DOS dans lequel on peut faire tourner la majorité de jeux de l’époque. Je pourrais aussi vous parler de ScummVM, un autre logiciel libre quant à lui dédié aux point and click comme Monkey Island, Day of the Tentacle ou Indiana Jones et le Mystère de l’Atlantide, les fabuleux jeux d’aventure de LucasArts qui restent encore aujourd’hui parmi mes jeux préférés, je dois dire. Ce n’est pas pour rien que le premier jeu vidéo que j’ai moi-même programmé, Superflu Riteurnz, est aussi un point and click.
On a aussi des jeux comme Doom, le jeu de tir à la première personne légendaire, dont le code source a été publié en 97, et qui, depuis, a été porté sur absolument tous les systèmes de la Terre, même les plus improbables : on a Doom sur oscilloscope, Doom sur calculatrice, Doom sur thermostat, oui, sur le petit écran tactile d’un thermostat de radiateur, oui !
Des moteurs libres de jeux non libres, il y en a plein : CorsixTH pour Theme Hospital, OpenJazz pour Jazz Jackrabbit encore une fois, OpenRCT pour la série des RollerCoaster Tycoon, etc.
Et puis, bien sûr, on a toute une tripotée d’émulateurs de consoles de jeux vidéo, que ce soit les NES, SuperNES et GameBoy de Nintendo, ou les MasterSystem, Megadrive et GameGear de Sega. Oui moi aussi je disais « GameGhear » quand j’étais petit, mais le mot anglais, on est bien d’accord que c’est gear ? De toute façon la prononciation du « G » en anglais, c’est un merdier, il n’y a qu’à voir tous les gens qui pensent que je m’appelle « Guy ». Non c’est « Dji » !
Bref, les abandonwares, c’était super cool, on avait accès librement à une ludothèque immense de vieux jeux, un peu pixelisés certes, parfois un peu datés, pas toujours bien équilibrés, mais avec des vraies perles, et puis pas mal de nostalgie quand on a soi-même joué à ces jeux étant petit. Oui, parce que j’en ai retesté quelques-uns et, passée la nostalgie, ce n’était pas toujours ouf. Je pense à toi, Le Roi Lion, tu étais très joli comme le dessin animé, mais je t’ai retesté et mon Dieu, quelle horreur la maniabilité !
Malheureusement, l’âge d’or des abandonwares, comme toutes les bonnes choses, a eu une fin. Comme souvent, c’est l’appât du gain qui aura eu raison de cet âge d’or. On a pris une pratique sympa et désintéressée, la passion pour les vieux jeux, on l’a marketée, on a mis un prix dessus, on a verrouillé tout le reste et on a emballé tout ça dans un joli terme en « ing » pour faire classe : le rétrogaming.
Oui, parce que les éditeurs de ces vieux jeux, qui n’avaient pas encore mis la clef sous la porte, ont dit : « Ah ! Mais en fait, ça vous intéresse toujours, les vieux trucs pixelisés moches, là ? Ah bon ! Attendez, on va vous les revendre ! ». Et petit à petit, pas mal de sites comme Abandonware France se sont vidés de leurs meilleurs titres en précisant « attention, ce jeu n’est pas un abandonware ». Et on a vu fleurir des rééditions de vieux jeux vendus sur des plateformes comme GOG, Good Old Games, une chouette plateforme, au passage, sans DRM ni autres verrous numériques, mais bon ! Vendre Jazz Jackrabbit, le jeu dont je parlais au début, à dix balles, sans la moindre mise à jour graphique, la moindre amélioration, le moindre changement ! Dix balles pour un jeu qui date de 94, il a 31 ans, je suis désolé, je trouve ça un peu abusé.
On a aussi Nintendo qui propose de jouer aux jeux de ses anciennes consoles depuis sa dernière en date, la Nintendo Switch, via un abonnement. Voilà ! Tu paies tous les ans, pour pouvoir jouer au Zelda de la SuperNES via un émulateur intégré même pas spécialement bien foutu, encore une fois sans aucune mise à jour graphique, ni quoi que ce soit. Nintendo qui, par ailleurs, est vent debout contre ces mêmes émulateurs dont il profite gracieusement ensuite, parce que la cohérence, c’est bien, mais le pognon, c’est mieux !
Alors je ne dis pas, c’est vrai que, parfois, c’est sympa d’avoir de vieux jeux avec un installateur moderne, avec un peu de maintenance derrière, tout ça, et puis on a parfois d’excellents remakes. Par exemple Day of the Tentacle, un de mes point and click LucasArts préféré, s’est vu offrir un très joli remake avec des graphismes vectoriels de super qualité, une interface revue, ça vaut largement les 15 balles auxquels il est vendu sur GOG, même si j’avais déjà acheté la version originale en boîte, sur cédérom, quand j’étais petit.
Mais cette façon qu’ont les éditeurs de jeux de traire la vache à lait pixelisée encore 30 ans après, en profitant encore une fois du boulot gratos des gens qui ont pondu Dosbox, ScummVM et cie, tout en lançant la machine judiciaire contre les sites d’abandonware, ça m’agace un tantinet. Et ça me confirme que le domaine public, ce serait bien que ça n’arrive pas 70 ans après la mort des derniers et des dernières autrices d’une œuvre, mais, par exemple, 10 ans après la publication de cette œuvre.
Parce que pour conclure, la grande mode des abandonwares des années 2000, ça n’était pas un déchaînement de délinquance de pirates sans scrupules, c’était juste un phénomène logique, encore une fois assez désintéressé, de la part de gens passionnés qui n’avaient pas franchement l’impression de faire du mal à qui que ce soit en se partageant librement des vieilleries.
Et si c’est un mécanisme si naturel et si inoffensif, ce serait pas mal que les lois sur les droits d’auteur reflètent un peu cette réalité, au lieu de servir, comme toujours, de mécanisme pour verrouiller des monopoles et assurer des rentes à des grosses entreprises au détriment des communs.
Allez, sur ce, salut à toi ! Moi je m’en vais dégommer quelques nazis sur mon portage GNU/Linux de Wolfenstein 3D, c’est dans l’air du temps et ça va me détendre.
Étienne Gonnu : Merci Gee. Je pensais qu’on devait discuter avec les nazis sur le marché des idées.
Gee : Dans les années 90, on leur tirait dedans avec des fusils à pompe, c’était sympa.
Étienne Gonnu : En tout cas, ça nous pose la question sur le droit d’auteur qui serait en tension avec l’idée du partage et de l’accès au savoir. La question est ouverte.
Merci Gee pour cette nouvelle humeur. Si je ne me trompe pas, on te retrouve la semaine prochaine pour un sujet Au café libre pour discuter des actualités autour des libertés informatiques.
Gee : C’est ça.
Étienne Gonnu : Super. Je te souhaite une bonne fin de journée et à la semaine prochaine.
Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.
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Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Étienne Gonnu : Dans les annonces.
Le Premier Samedi du Libre aura lieu samedi 1er février, de 14 à 18 heures au Carrefour numérique de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, dans le 19e. Venez aider ou vous faire aider à installer et paramétrer des logiciels libres et toute distribution GNU/Linux ou Android avec les nombreuses associations présentes.
Cause Commune vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois, à partir de 19 heures 30, dans ses locaux, à Paris, au 22 rue Bernard Dimey, dans le 18e arrondissement, une réunion d’équipe ouverte au public, avec apéro participatif à la clé. L’occasion de découvrir le studio et de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée radio ouverte aura lieu le 7 février.
Le 20 février, rendez-vous à Échirolles pour la deuxième occurrence de AlpOSS, on en a parlé lors du sujet principal, l’événement isérois de l’écosystème du logiciel libre. Les conférences, les interventions seront diffusées en direct via une instance PeerTube, il est possible d’y accéder gratuitement, il suffit de s’inscrire.
Je vous invite à consulter l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec les logiciels libres et la culture libre près de chez vous, ainsi que les associations qui les font vivre.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Florence Chabanois, Julien Arnaud, Olivier Luthier, Nicolas Vivant, Gee.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Isabella Vanni.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, ainsi que Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aux personnes qui découpent les podcasts complets des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux et Théocrite, bénévoles à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.
Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org/232, toutes les références utiles de l’émission de ce jour, ainsi que sur le site de la radio, cause-commune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour chez libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez également nous laisser un message sur le répondeur de la radio, pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements, ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est le 09 72 51 55 46.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 28 janvier 2025 à 15 heures 30. Nous vous donnons rendez-vous Au café libre pour parler de l’actualité des libertés informatiques.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 28 janvier et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.