Émission Libre à vous ! diffusée mardi 10 janvier 2023 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous ! l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous.
Après une petite pause, Libre à vous ! est de retour. J’espère que vous avez passé une belle fin d’année 2022.
Pour commencer 2023, je vais reprendre les propos de Magali Garnero, la présidente de l’April : « Un zeste de réussite, un soupçon d’imprévu, une pointe d’humour, le tout arrosé d’amitié et d’amour ! » Meilleurs vœux à vous pour cette nouvelle année !

15 heures 30 le mardi ou en podcast quand vous voulez, c’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir 1 heure 30 d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Aaron Swartz, cet informaticien militant des libertés informatiques et de la culture libre, décédé malheureusement il y a 10 ans à l’âge de 26 ans, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique d’Antanak sur le thème de la Rebooterie et aussi la chronique de Marie-Odile Morandi sur le thème « Connaître les biais, cesser d’en être leurs victimes ». Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.
Justement, en parlant de retours, nous avons ouvert un questionnaire pour mieux vous connaître, auditrices et auditeurs de Libre à vous !. Y répondre vous prendra cinq minutes et nous permettra d’évaluer l’impact de notre émission. C’est également une occasion pour vous de nous faire des retours et de nous aider à améliorer l’émission. Retrouvez le questionnaire sur le site libreavous.org.

Nous sommes mardi 10 janvier 2023. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission du jour, Thierry Holleville. Bonjour Thierry.

Thierry Holleville : Bonjour à tous.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel », avec Antanak, sur La Rebooterie

Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak. Isabelle Carrère et d’autres personnes actives de l’association Antanak se proposent de partager des situations très concrètes et des pensées ou mises en actes et en pratique au sein du collectif : le reconditionnement, la baisse des déchets, l’entraide sur les logiciels libres, l’appropriation du numérique par toutes et tous. Le thème du jour c’est La Rebooterie. Je passe la parole à Isabelle. Bonjour Isabelle.

Isabelle Carrère : Bonjour. Bonjour à tous et toutes. D’abord, évidemment, je vous souhaite moi aussi, nous souhaitons à tous et toutes une excellente année.
Aujourd’hui je suis assez contente d’avoir réussi à avoir un invité, Rémi, de La Rebooterie. Salut Rémi, tu nous entends ?

Rémi : Oui. Bonjour.

Isabelle Carrère : Bonjour.
C’est vraiment chouette. J’ai été ravie quand j’ai entendu parler de cette association, La Rebooterie, qui est donc à Toulouse, tu es au téléphone, avec nous, depuis Toulouse. Quand nous avons discuté ensemble, nous nous sommes aperçus qu’il y avait quand même beaucoup de points communs entre ce que vous faites et ce que nous faisons à Antanak. Je te laisse commencer pour présenter un petit peu La Rebooterie, ce que tu y fais et comment est arrivée cette histoire-là à Toulouse.

Rémi : La Rebooterie est une association où on aide les personnes à être autonomes avec le numérique et, en même temps, on essaye de réduire l’empreinte environnementale du numérique. Pour nous, il y a un lien entre ces deux actions, donc il se passe plein d’activités autour de ça. Ça vient principalement du fait que nous étions plusieurs à aider autour de nous des personnes qui étaient perdues avec le numérique, qui avaient toujours un problème, même nous sur des réparations, etc. À force d’aider un peu les autres autour de nous, on s’est dit pourquoi pas essayer de créer une asso, un lieu ressources autour de tous les problèmes qu’on a avec le numérique.

Isabelle Carrère : C’est ça. Quand tu dis « le numérique », c’est bien comme nous à Antanak, à la fois la partie hard et la partie logicielle, applicative ?

Rémi : Tout à fait. On prend la machine dans son ensemble, parce que les problèmes sont parfois logiciels, parfois matériels, les personnes ne le savent pas et du coup, traiter les deux plans permet aux gens de venir avec un problème et qu’on puisse le résoudre ensemble.

Isabelle Carrère : C’est ça, comprendre d’où vient la question et puis, ensemble, travailler à comment on répare telle ou telle pièce, comment on ajoute des composants meilleurs, de la RAM ou je ne sais quoi, et/ou comment on utilise tel système ou telle application.

Rémi : Tout à fait. L’idée de base de l’association, le premier atelier qu’on avait fait était un atelier libre, un peu à l’image des ateliers vélos. On vient avec son ordi, son téléphone, on ne sait pas ce qu’il y a, il y a un problème, il fait un bruit, il souffle, je ne sais pas, il est lent, l’écran est cassé, etc., on va identifier le problème. Le but de cet atelier était de pouvoir trouver tous les outils à disposition, le savoir-faire et des pièces d’occasion. Le premier atelier qu’on a lancé c’était ça.

Isabelle Carrère : Quand tu dis atelier, ce sont à peu près combien de personnes en même temps qui viennent pour faire les choses ?

Rémi : On limite à 10 personnes sur trois heures.

Isabelle Carrère : Dix personnes, d’accord, OK. Super.
Donc toi tu es en permanence dans cette association ?

Rémi : Je suis salarié de l’association depuis février 2021 et nous avions créé l’association en janvier 2020, donc c’est assez récent comme aventure associative.

Isabelle Carrère : Tout à fait, mais vous avez réussi, relativement rapidement, à avoir de quoi payer un salaire et les cotisations salariales, sociales, qui vont avec ?

Rémi : Nous sommes deux salariés aujourd’hui. En fait nous avons plusieurs activités.
On a une activité d’atelier, comme je l’ai expliqué, avec les ateliers libres. On a aussi une autre activité à thème, par exemple, jeudi, on va avoir un atelier « Rebooster sa machine » : des gens viennent pour apprendre comment on peut faire pour qu’elle aille plus vite. La semaine prochaine, « Initiation à Ubuntu ». Donc on va avoir des ateliers à thème.
Ensuite on va avoir des ateliers « ordinateur à 0 € », c’est-à-dire que les personnes viennent, n’ont pas d’ordinateur, nous avons récupéré des ordinateurs, elles les réparent avec nous et, à la fin, elles repartent directement avec. C’est une action que nous avons créée et nous sommes assez contents d’avoir pu mettre ça en place. Ce sont un peu les activités d’atelier classiques à l’association, sous adhésion à partir de dix euros, donc un prix très faible.
Après, nous allons avoir des activités un peu « plus rentables », entre guillemets , pour pouvoir financer tout ça. On fait de la formation à l’extérieur, pour le coup sous forme de prestations, nous sommes organisme de formation, et on fait également de la vente à travers du reconditionnement.

Isabelle Carrère : D’accord. Vous avez réussi à être organisme de formation.

Rémi : Voilà, on est organisme de formation.

Isabelle Carrère : C’est fort, parce que c’est un truc qui n’est vraiment pas simple du tout à mettre en place, c’est une paperasserie phénoménale. Bravo, trop cool. D’accord !
Qui vous donne des ordis, ceux que vous allez ensuite soit revendre soit donner ?

Rémi : On récupère les ordinateurs majoritairement auprès de particuliers, on récupère en point de collecte en déchetterie et auprès d’entreprises. On a ces trois voies de collecte. On a un partenariat avec les déchetteries de Toulouse. Les particuliers doivent les déposer à notre association, pendant nos horaires d’ouverture, et on a une liste des choses qu’on accepte : on prend les machines qui sont postérieures à 2011, 12 ans/13 ans d’ancienneté maximum pour pouvoir quand même en faire quelque chose. Pour les entreprises, on récupère sur place, on se déplace.
De ces trois collectes, on a trois voies de sortie : comme je l’ai expliqué, l’atelier « 0 € », donc il y a des PC qui s’en vont gratuitement. Le reconditionnement, c’est-à-dire que nous reconditionnons avec les bénévoles, on revend, et des pièces pour l’atelier libre, c’est-à-dire qu’on démonte entièrement les ordinateurs qu’on estime irréparables, on garde les pièces qui sont fonctionnelles et les autres on les recycle.

Isabelle Carrère : Quand tu dis « on les recycle », vous avez trouvé des endroits, des lieux, pour pouvoir réellement faire, entre guillemets, « du vrai » recyclage, d’autres entreprises qui font du recyclage pour de bon ? Du plastique, du fer, du métal ?

Rémi : Le recyclage c’est toujours un mythe dans le numérique, on est à 7 à 15 % aujourd’hui. Sur les cartes électroniques, on ne peut pas recycler. En fait on sait faire des alliages métalliques, on va allier du fer, du cobalt, de l’étain, on va faire un alliage métallique avec plusieurs métaux pour additionner les propriétés fines de chaque métal, par contre on ne sait pas défaire ces alliages métalliques. Dans tous les cas, le maximum qu’on sait faire aujourd’hui sur la partie cartes électroniques, c’est faire fondre et récupérer, on va dire, entre 10 et 20 % des métaux.

Isabelle Carrère : C’est ça. Il y a donc des entreprises à Toulouse qui font ça, à qui vous pouvez donner ce matériel.

Rémi : Il faut savoir que toutes ces entreprises qui font du recyclage informatique se mettent derrière des normes européennes et c’est vraiment compliqué. On avait commencé un partenariat, mais on s’est rendu compte que ça partait en Afrique, on a arrêté à temps, juste avant de donner, mais il y avait une belle vitrine. Là on a trouvé une personne, les recyclages se font en Allemagne, Italie, Espagne, on a le suivi. Pour nous, c’est vraiment la dernière solution. Si le plastique est pété, dans ce cas-là, on ne va plus pouvoir s’en servir. Si le plastique est encore bon, on démonte tout et on le garde. On essaye vraiment de garder toutes les pièces au maximum.

Isabelle Carrère : Du coup, quand tu dis « on le garde », ça appelle une autre question. Nous aussi, à Antanak, nous essayons de garder les choses, mais, au bout d’un moment, notre local est un petit peu plein. J’ai vu quelques images sur le site de La Rebooterie : le lieu dans lequel vous êtes a quelle surface ? C’est quel emplacement dans Toulouse ?

Rémi : Nous sommes dans un quartier populaire. C’est un quartier dans le nord de Toulouse, un petit quartier dans Les Minimes.
On a une salle d’atelier de 50 m2, là où on accueille le public, c’est pour ça qu’on va avoir des groupes de dix personnes maximum ; un bureau de 10 m2 pour les salariés et ensuite, derrière, une pièce de stockage de 35 m2. Ce n’est pas une grande salle de stockage. On s’en sort parce qu’on démonte vraiment tout très rapidement. On ne garde pas les machines. On a un logiciel de stock, on a un process de stock, nous sommes vraiment très professionnalisés sur ce côté-là, pour nous permettre de nous en sortir.

Isabelle Carrère : Qu’utilisez-vous comme logiciel de stock ?

Rémi : Un logiciel libre qui s’appelle Dolibarr. On peut gérer tous les stocks avec.

Isabelle Carrère : Dolibarr. OK. Super. Génial. La prochaine fois que je passe à Toulouse, je passerai vous voir et j’invite tout le monde, les auditeurs et auditrices, à passer aussi vous faire signe. Tu parlais de bénévolat, c’est peut-être l’occasion de dire aux gens qui nous écouteraient, qui sont à Toulouse, de passer vous voir.
Merci beaucoup Rémi. On va s’arrêter là, je t’avais dit que c’est une petite chronique, on pourrait parler encore longtemps de plein de sujets qui sont les tiens et les nôtres.
Merci beaucoup à toi. Bonne continuation et à très bientôt. Merci.

Rémi : Avec plaisir. Bonne émission à vous. Merci. Au revoir.

Frédéric Couchet : Merci à Isabelle et merci à Rémi. Je précise que Dolibarr, en plus de gérer des stocks, gère une activité associative ou professionnelle complète, comptabilité, gestion des adhésions, etc. D’ailleurs, je pense qu’on consacrera un jour un sujet principal à ce logiciel libre qui est développé principalement en France.

C’était la chronique d’Antanak, Antanak qui sont nos voisines au 18 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement de Paris. N’hésitez pas à passer. D’ailleurs je vous rappelle que chaque premier vendredi du mois nous organisons un apéro au studio de la radio, au 22 rue Bernard Dimey, et Isabelle est présente à chaque fois. Le prochain c’est le premier vendredi de février, de mémoire, je vais le tenter, 3 février 2023 à partir de 19 heures.

Isabelle Carrère : OK. Super, merci beaucoup.

Frédéric Couchet : Merci à toi.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous parlerons d’Aaron Swartz, cet informaticien, militant des libertés informatiques et de la culture libre, décédé malheureusement il y a 10 ans à l’âge de 26 ans.
En attendant nous allons écouter Pas le temps par Odysseus. On se retrouve dans 2 minutes 40. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Pas le temps par Odysseus.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Pas le temps par Odysseus, disponible sous licence libre Art Libre.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Les 10 ans de la mort d’Aaron Swartz, avec Flore Vasseur et Amaelle Guiton, sujet préparé et animé par Gee

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur Aaron Swartz, cet informaticien militant des libertés informatiques et de la culture libre, décédé malheureusement il y a 10 ans, le 11 janvier 2013, à l’âge de 26 ans.
Le sujet a été préparé et va être animé par Gee, que vous l’avez l’habitude de retrouver dans ses chroniques habituelles — je crois d’ailleurs que la prochaine est mardi prochain —, avec deux invitées : au studio Amaelle Guiton et, par téléphone normalement, Flore Vasseur. Donc je vais passer la parole à Gee et à ses invitées.

Gee : Merci Fred. Demain, effectivement, cela fera 10 ans que Aaron Swartz nous a quittés. Aaron Swartz était un petit prodige de l’informatique, écrivain, militant politique et activiste américain. Il était avant tout un passionné de liberté, d’émancipation et de justice. Ça a donc été une perte immense pour les mouvements militants autour de ces questions lorsqu’il s’est donné la mort, le 11 janvier 2013, à seulement 26 ans, à la suite d’un acharnement judiciaire sur lequel nous allons revenir en deuxième partie d’émission.
Avant cela, nous allons parler de l’histoire d’Aaron Swartz, de tout ce qu’on lui doit, de ce qu’il a accompli au cours de sa trop courte vie. On conclura en faisant un point sur son héritage tant technique qu’humain et politique.

Pour cela, comme l’a dit Fred, j’ai le plaisir d’accueillir deux invitées. Tout d’abord, au téléphone, nous avons Flore Vasseur qui est journaliste, cinéaste et, bien sûr, écrivaine, notamment, du livre Ce qu’il reste de nos rêves, qui raconte l’histoire Aaron Swartz, publié aux Éditions Des Équateurs en 2019. Bonjour, Flore Vasseur.

Flore Vasseur : Bonjour.

Gee : Et, dans nos studios, nous recevons Amaelle Guiton, journaliste au quotidien Libération, spécialisée en sécurité informatique, également autrice de Hackers au cœur de la résistance numérique, publié aux éditions Au Diable Vauvert en 2013. Bonjour, Amaelle Guiton.

Amaelle Guiton : Bonjour.

Gee : Une première question, déjà : est-ce que j’ai oublié des choses en vous présentant toutes les deux et comment en êtes-vous venues à vous intéresser à l’histoire d’Aaron Swartz ? On va commencer par Flore Vasseur.

Flore Vasseur : Merci, bonjour à vous. Merci de faire cette émission, c’est important.

Je suis tombée sur Aaron parce qu’il était sur mon chemin d’écrivain, d’activiste certainement. Je me suis mise à écrire à la suite du 11 septembre, je me suis mise à douter de tout ce qu’on nous racontait sur ce qu’était la liberté et nos idéaux. J’ai fait un gros parcours d’écriture et puis, assez vite, je me suis intéressée à la figure des lanceurs d’alerte et de tous ceux qui doutaient, en fait, et Aaron a tout de suite été là. Lui et moi avions,je pense, 20 ans d’écart, mais il y avait cette même rupture, il y a eu ce même émerveillement. Je comprenais son émerveillement pour la technologie. Je n’ai pas du tout ses talents de codeur et de technicien, mais je comprenais et je pense que je souscrivais à cet idéal-là, à ce que pouvait faire la technologie dans nos vies. Aaron a été l’un des premiers, dès 2001, même un petit peu avant, à voir que ça se retournerait contre nous, et il nous a prévenus.

J’ai commencé à vraiment comprendre ce qu’il racontait en 2007/2008. Et puis je l’ai lu, car il écrivait beaucoup, vous l’avez dit, sur un blog où il mettait tout en gratuit, en licence libre. Je me suis toujours dit que c’était quelqu’un qui comptait et qu’un jour je raconterai. Je travaillais un peu avec Julian Assange à l’époque, je regardais la figure du lanceur d’alerte, je me disais que j’avais le temps. Et puis Aaron s’est suicidé, là j’ai tout arrêté, je me suis dit qu’on avait perdu quelqu’un de tout à fait majeur, qu’on était passé à côté de lui, que c’était une perte immense et j’ai passé quatre ans de ma vie à essayer de comprendre pourquoi il s’était suicidé. Son désarroi, sa colère, son idéal de justice, son idéal de liberté me parlaient plus que tout.
Voilà pourquoi et comment j’ai croisé sa route.

Gee : Merci.
Amaelle, même question : comment en êtes-vous venue à vous intéresser à Aaron Swartz ?

Amaelle Guiton : Je n’ai pas passé quatre ans à travailler exclusivement sur le personnage, mais c’est un nom qu’on croise inévitablement quand on s’intéresse à l’histoire de l’Internet, aux impacts politiques et sociaux de l’Internet, le sujet qui fait, on va dire, un peu le fil à plomb du travail que j’essaie de faire depuis quelques années. Donc c’était un nom que j’avais croisé, évidemment, avant sa mort et que j’ai croisé aussi beaucoup après.

En fait, et c’est assez frappant, on en parlera, il a été investi dans beaucoup de projets portés par des figures des libertés sur Internet, du partage de la culture, de l’accès à la connaissance. Il a initié certains de ces projets, donc il a laissé des traces.
Et puis, ce qui est extrêmement frappant, c’est qu’il reste, depuis sa mort, une figure un peu symbolique, une figure assez iconique, une figure d’inspiration aussi. Je m’y suis justement replongée à l’occasion des 10 ans de sa mort. Ce qui est assez frappant, d’abord, c’est que ça reste un souvenir très vivace pour ceux qui l’ont connu, pour ceux qui l’ont côtoyé de très près, je pense à quelqu’un comme Lawrence Lessig, par exemple, à Tim Berners-Lee, ce sont des noms sur lesquels on reviendra. Mais même très au-delà, dans toute la « grande communauté », entre guillemets, des militants, des activistes numériques, il reste une figure marquante, alors même que cet activisme lui-même a évolué, alors même, on va dire, que les lignes de front ou les batailles se sont en partie déplacées, il y a quelque chose qui reste, peut-être aussi parce qu’il incarne toujours, aujourd’hui, la force d’une utopie qui, même si elle se heurte en permanence au mur d’une réalité qui, on va dire, est quand même assez dystopique à bien des égards, il reste justement cette figure d’inspiration et de mobilisation.

Gee : Très bien.
Pour les gens qui nous écoutent, qui ne connaîtraient pas Aaron Swartz, il y a quelque chose qui est assez surprenant finalement. Tout à l’heure, Flore Vasseur nous disait qu’elle s’y était intéressée dès 2001/2002 et j’ai dit qu’il était décédé à 26 ans en 2013, ce qui nous montre qu’il a fait des choses très jeune. Du coup, comment un tout petit garçon de 12/13 ans arrive, finalement, à participer... ? Vous avez parlé de Lawrence Lessig, il a participé avec lui notamment à la création des licences Creative Commons, c’est quand même quelque chose d’énorme et il avait, je crois, 13 ou 14 ans à ce moment-là.

Amaelle Guiton : C’est toujours un peu compliqué d’utiliser le terme de génie parce qu’il est très galvaudé, mais il a quand même, de manière évidente, une précocité intellectuelle assez incroyable et une agilité, avec l’outil informatique, qui est aussi incroyable. Un documentaire, sorti en 2014, réalisé par Brian Knappenberger, qui s’appelle The Internet’s Own Boy où on voit ça très bien, y compris parce qu’il se nourrit d’images d’archives données par la famille. On le voit effectivement tout petit, c’est un enfant très précoce, c’est un enfant très curieux. Ce qui est extrêmement frappant, et cette formule de l’enfant d’Internet est, je trouve, vraiment très juste, parce qu’elle dit que, pour lui, c’était quelque chose de très naturel, c’était un milieu très naturel. Du coup, il a eu des intuitions qui peuvent effectivement sembler assez bluffantes, en particulier pour un enfant de son âge. Quand à 12 ans il invente un quasi Wikipédia, avec quelques années d’avance, qui s’appelle Information Network, à l’époque il a un prix, je crois, dans le système éducatif. C’est très marrant d’ailleurs, parce que, dans le documentaire, un de ses frères dit : « Un de ses profs lui avait dit, en gros, « mais enfin, quelle idée ! Imaginer que des profanes puissent établir un genre d’encyclopédie, en tout cas que l’information soit délivrée par des gens qui ne sont pas des experts. » Or lui avait saisi ça avant tout le monde, il avait saisi très tôt, entre guillemets, « l’intelligence du travail collaboratif ».

Il y a à la fois l’âge auquel il commence à faire des choses qui est effectivement très surprenant et évidemment remarquable. Mais il y a aussi, je trouve, sa perception, sa capacité à sentir, à comprendre ce qu’est l’Internet, comment ça marche, en tout cas comment ça doit fonctionner selon l’idée qu’il s’en fait, qui est aussi une idée qu’il partage effectivement avec, entre guillemets, ceux qu’on appelle les « pères fondateurs de l’Internet ».
Il est très jeune quand il travaille sur RSS, ce protocole qui permet la syndication d’informations, vous expliquerez ça mieux que moi, il a, je crois, 12 ou 13 ans, quelque chose comme ça ; les gens qui découvrent qu’en fait ils échangent, depuis des mois, en ligne, avec un gamin de 12 ou 13 ans, sont complètement bluffés. Et quand il rejoint l’équipe de Creative Commons, qui, là encore, est une intuition incroyable de Lawrence Lessig — on aura peut-être l’occasion d’y revenir, cette idée de créer un cadre juridique pour le partage des œuvres, c’est effectivement, en soi, une œuvre intellectuelle remarquable — il va être dans l’équipe, il va en faire l’architecture informatique, et il a effectivement 14 ans. Il est donc très jeune et il est déjà complètement en phase avec des gens qui ont 10, 20, voire 30 ans de plus que lui.

Gee : Et vous, Flore Vasseur, votre sentiment lorsque vous lisiez à cette époque les écrits d’Aaron Swartz ? Vous dire que c’était, finalement, quelqu’un de très jeune pour faire ce genre de choses, 13/14 ans. Ça vous faisait quel effet de voir ce genre d’écrits ?

Flore Vasseur : Je pense, comme exactement tout le monde ayant travaillé de près ou de loin avec Aaron, que la question de l’âge est quelque chose qui nous a explosé à la figure au dernier moment. S’il a pu travailler avec Tim Berners-Lee pendant longtemps, c’est qu’il a travaillé à distance, planqué derrière son ordinateur. C’est uniquement quand il est venu au MIT physiquement qu’ils ont vu débarquer un Lilliputien coincé sous son cartable. Ils ont cru que cette personne s’était trompée d’étage et ils sont tous tombés à la renverse ! L’âge d’Aaron n’est pas la raison pour laquelle les personnes ont travaillé avec lui. D’ailleurs, l’âge d’Aaron est peut-être quelque chose qui l’a piégé. Pour moi, ce que je comprends de son suicide, c’est qu’il était trop jeune pour encaisser tout ça ; il n’avait pas la maturité. Au-delà des idées, au-delà de l’idéal, au-delà des valeurs, il faut la surface affective, il faut aussi la solidité de ce que vous enseigne la vie. C’est comme si Aaron avait été balancé dans le grand bain, sans protection, alors que ses parents l’ont protégé, tous les adultes, Tim Berners-Lee, Lawrence Lessig qui est une personne qui compte infiniment dans ma vie, n’ont eu de cesse de le protéger, ils n’ont eu de cesse d’essayer de prendre soin de lui, mais cet enfant était comme une espèce de sortie de corps en fait. Il avait ces fulgurances incroyables que, peut-être, certains approchent à 25, 35, 50 ans, mais il les a eues à 12/13 ans. Il y avait une partie de son psychisme, peut-être, qui n’était pas prête à encaisser ça.

Je voudrais aller au-delà du miracle de l’enfant génie. C’est une tare d’être aussi brillant si jeune ! C’est une tare ! Comment résister à cette folie-là ? Comment résister à ces informations-là que, parfois, le langage ne sait pas saisir ? Vous allez dire que je suis romancière, je crois que c’est pour ça que vous m’avez invitée, Aaron a eu d’énormes problèmes physiologiques. Il était taraudé, vrillé des journées entières sur son canapé à cause de coliques néphrétiques. D’où ça vient, pourquoi, comment ? On n’a jamais su l’expliquer. Moi je pense très nettement que son corps n’encaissait pas ! Ça a contribué à cet itinéraire de comète avec, aussi, des moments de joie immense mais avec une douleur, en fait, physique. Je pense qu’on n’interroge jamais assez le prix que payent ces génies-là de leur vie, mais aussi de leur corps et de leur temps.

Gee : Je fais juste une petite parenthèse pour les gens qui nous écoutent. On a parlé de deux personnes, Tim Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web, la partie d’Internet qu’on utilise le plus couramment, et Lawrence Lessig, juriste américain, spécialisé dans la propriété intellectuelle, à l’origine notamment des Creative Commons que nous utilisons nous-mêmes.

Amaelle Guiton : Tim Berners-Lee est britannique, je me permets de le rappeler parce que c’est toujours intéressant de se souvenir que le Web a été inventé en Europe, en particulier au CERN [Organisation européenne pour la recherche nucléaire], en Suisse. On a parfois cette espèce de complexe vis-à-vis du numérique qui serait totalement dominé par les États-Unis, l’histoire est heureusement plus complexe.

Gee : Effectivement.
Pour revenir à Aaron Swartz, on ne va pas forcément épiloguer sur tout le côté technique. On pourrait citer aussi le fait qu’il a participé à la création des flux RSS, du site web Reddit qui n’est pas extrêmement connu en France mais qui est extrêmement populaire aux États-Unis, de Markdown, on a parlé des Creative Commons. Ce qui caractérise aussi beaucoup le personnage d’Aaron Swartz c’est son côté militant et c’est probablement une des choses, comme le disait Flore Vasseur, qui a eu un énorme impact sur sa vie, jusqu’à un impact assez tragique.
Amaelle, qu’en pensez-vous ?

Amaelle Guiton : Peut-être juste revenir quand même un petit instant sur les Creative Commons. Il en a assuré, effectivement, le développement technique, mais, pour le coup, les Creative Commons c’est très militant. On les doit — et Flore Vasseur le disait — à quelqu’un qui était un esprit extrêmement brillant, Lawrence Lessig. C’est la première réussite, en termes d’encadrement juridique, du partage sur Internet, du partage de la culture sur Internet. Il y a une énorme, une extrême cohérence dans la vie et dans l’action de Swartz, comme chez les gens avec qui il a monté des projets, chez les gens qu’il a côtoyés, c’est un système de valeurs : on est dans l’idée que l’information doit circuler, que la connaissance doit être accessible, que la culture doit se partager et que les pouvoirs doivent être transparents. C’est presque un paquet, de manière générale, qu’on retrouve vraiment dans le militantisme numérique de l’époque et c’est quelque chose qui, je pense, a été une espèce de marqueur.

Reddit c’est un peu particulier parce que, on va dire, c’est un peu son moment startup, qui a été, en réalité, très court parce que, très vite, il s’est senti en décalage avec cette histoire-là. Mais presque l’ensemble de ce à quoi il a participé, ou de ce qu’il a initié, est vraiment guidé par ces idées de l’accès à la connaissance, du partage de la culture et de la transparence des pouvoirs, ce qu’on retrouve y compris jusqu’à SecureDrop, ce logiciel qui permet la transmission de documents confidentiels et qui est aujourd’hui utilisé par The Gardian, The New-York Times ou Forbidden Stories, le collectif de journalistes à l’origine des révélations sur Pegasus. Il imagine SecureDrop avec Kevin Poulsen, un ancien pirate informatique reconverti dans le journalisme ; d’ailleurs, on sent bien à quel point cette histoire-là s’est inspirée de WikiLeaks.

Il y a donc vraiment un fil qui court sur cette trop courte vie et cette action très militante. Ce qui est d’ailleurs assez frappant, aussi, c’est que sur la fin de sa vie, en particulier dans les dernières années, on sentait qu’il y avait, de manière générale, une ouverture à des questions qui n’étaient pas que numériques. J’ai l’impression qu’il y a eu beaucoup de conversations entre Lawrence Lessig et lui, et Lessig, à ce moment-là, était déjà engagé dans sa bataille contre la corruption du système politique américain. Mais, en 2010, Swartz avait cocréé une ONG qui s’appelle Demand Progress, dont le périmètre va bien au-delà de ces seules questions.
Donc on est, à la fois, sur ce noyau dur, on va dire, des idéaux des pionniers de l’Internet, sur la décentralisation, la liberté, le partage, la transparence, mais il y a aussi un cheminement qui va vers quelque chose de plus large et de très clairement politique.

Gee : Tout à l’heure on parlait du 11 septembre 2001, c’est vrai qu’il a été aussi en opposition au PATRIOT Act [Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act,] ce qui, dans un contexte post-11 septembre aux États-Unis, n’était pas forcément une position évidente à assumer.
Est-ce que nous avons encore Flore Vasseur au téléphone ?

Frédéric Couchet : J’explique juste que les petits bips que vous entendez, c’est quand on a un problème de connexion avec Flore Vasseur. Thierry, qui est en régie, va la rappeler.

Gee : Je parlais de PATRIOT Act. Il s’est aussi opposé à SOPA [Stop Online Piracy Act] et il avait effectivement, de manière plus large, cette participation à tout ce qui est open data, de regard sur les données gouvernementales, watchdog.net, par exemple. On pourrait aussi parler de PACER, Public Access to Court Electronic Records.

Amaelle Guiton : C’est quelque chose qu’on va retrouver quelques années plus tard dans l’affaire qui lui vaut ses démêlés judiciaires. Avec PACER, on est face à une base de données juridique, la justice doit être ouverte à tous, que ce soit en France ou aux États-Unis, sauf que, pour les obtenir, il fallait payer. Alors payer certes une somme modique, mais, multiplié par le nombre de pages, ça peut vite faire beaucoup. Et puis, surtout, Aaron considérait par principe que ça devait être accessible au public. Il y avait déjà un projet pour rendre les documents qui étaient dans la base de données PACER accessibles, mais qui était abondé, on va dire, un peu à l’huile de coude par des gens qui, en gros, apportaient à la personne qui avait monté ce projet les documents qu’eux-mêmes avaient téléchargés. Aaron Swartz a automatisé le téléchargement de manière à reconstituer cette base de données et à la mettre en accès libre. Ce qui est d’ailleurs à signaler, puisque ça n’est évidemment pas anodin, c’est que ça lui a valu sa première enquête par le FBI, que les poursuites ont fini par être abandonnées, parce qu’il a quand même bien fallu se rendre compte qu’il n’avait absolument rien fait d’illégal en l’occurrence, puisque c’était des documents qui étaient censés être accessibles au public.

Gee : Flore Vasseur.

Flore Vasseur : C’est très étonnant, mais c’est un point de détail dont on discutera, Amaelle et moi, mais pour le coup, je ne suis pas du tout d’accord sur le fait que les poursuites ont été abandonnées.

Amaelle Guiton : Sur PACER ?

Flore Vasseur : Ah, pardon, excusez-moi.

Amaelle Guiton : Oui, je ne parlais que de PACER, évidemment. JSTOR est une autre affaire et, précisément, elles n’ont pas été abandonnées du tout.

Gee : On va en parler après la pause musicale. Flore Vasseur, on parlait de son opposition au PATRIOT Act et du fait que, finalement, sa militance s’est étendue au-delà du numérique pour aller un peu déranger certaines instances gouvernementales ; c’est quand même quelque chose qui a beaucoup joué dans sa vie.

Flore Vasseur : Je dirais que les vidéos dont a parlé Amaelle sont justes. En fait, pour lui, la technologie n’était qu’un l’outil et ce dès le démarrage, au service de cet idéal. Quand il écrit les prémices de Wikipédia, il est déjà dans un acte militant et il a 12 ans ! Tout ce qu’il fait, même son écriture, tout est militant, tout est engagé, tout est partage, tout est recherche d’un idéal : le partage de la connaissance, l’élévation des populations avec la connaissance, c’est vraiment son cheval de bataille. Il ne le formalise pas nécessairement, mais c’est quelqu’un qui est passionné par ça et qui voit, dans la technologie, le moyen de le faire, la technologie puis, assez vite, d’autres choses.

Je voulais revenir sur la relation entre Larry [Lawrence Lessig] et Aaron, parce qu’elle est clé. C’est Aaron qui fait bifurquer très vite Lawrence Lessig et qui le fait sortir des Creative Commons, de tout le point de focalisation qu’il a mis sur les Creative Commons pour aller sur la dénonciation de l’influence de l’argent en politique. En fait, Aaron le voit avant Lawrence Lessig et il le cornérise en lui disant : « Mais qu’est-ce que tu vas faire de ta vie ? Tant que tu ne t’adresseras pas au problème le plus important, l’influence de l’argent en politique, tu ne toucheras à rien ! » Il est encore dans la technologie, mais il voit que la technologie va être vérolée et très vite vrillée par l’influence de l’argent. Il voit très bien que c’est quelque chose d’absolument systémique qui se passe sur exactement tous les pans de la vie. Ce n’est pas Larry qui fait bifurquer Aaron, c’est Aaron qui fait bifurquer Larry. Lui-même m’a engineeré, c’est quelqu’un qui, à force de questions, vous faisait totalement bifurquer.

Donc, chez Aaron, tout est politique, dès la première ligne de code. Il le dit lui-même, il dit « je n’ai pas le temps pour faire autre chose, ne gaspillez pas mon temps ! » Il est hyper-dur avec les autres, il est complètement obnubilé par son temps, par ce mot affreux, la maximisation de son temps, par son efficacité. Tout ce qu’il aura développé n’est que le brouillon du truc d’après. Il apprend, il apprend, c’est une énorme courbe d’apprentissage.

Je voudrais vraiment qu’on insiste. On parle beaucoup de technologie, de choses qui, c’est vrai, ont existé, mais je voudrais qu’on voie la courbe d’apprentissage à l’œuvre, ce qu’il a effectivement légué au fur et à mesure, dont on se sert encore : flux RSS, même si, Reddit : on peut dire que c’est son côté startup, son moment startup, n’empêche qu’il a gagné les moyens de pouvoir être totalement libre derrière. Oui, il faisait partie des trois fondateurs, il a très vite vendu et après il s’est dit « maintenant je ne vais faire que ce que j’aime, c’est-à-dire être utile. ». Cet engagement-là est juste fou, en fait, surtout dans un moment où il y a, effectivement, le PATRIOT Act, que les choses commencent à être sur la table pour qui regarde de près ce qui est en train de se passer, avec non seulement les outils d’un côté, la menace terroriste de l’autre, la façon dont les pouvoirs s’en servent pour se retourner contre les populations. Aaron le voit, il commence à écrire ses premiers textes là-dessus en 2003/2004. On va mettre 15 ans à comprendre !

Gee : Merci. Je propose qu’on fasse la pause musicale maintenant.

Frédéric Couchet : Avec plaisir. Je vais juste peut-être préciser, par rapport à ce que vient de dire Flore Vasseur, que Larry Lessig s’était lancé dans la Primaire démocrate [Primaires présidentielles du Parti démocrate américain] en 2015, pour réparer, justement, la démocratie, lutter contre la corruption suite à ce que vient d’expliquer Flore Vasseur.

On va effectivement faire une pause musicale, mais on va rester dans le thème. Vous venez d’écouter la voix de Gee. Maintenant, vous allez avoir le Gee dans une chanson qu’il a consacrée il y a quelques années, justement à Aaron Swartz, on se retrouve dans environ 4 minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la Voix des Possibles.

Pause musicale : Aaron par Gee.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Aaron par notre ami Gee, qui anime l’émission du jour, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre sujet principal, qui porte donc sur Aaron Swartz, sujet préparé et animé par Gee, avec ses invitées, Florence Vasseur et Amaelle Guitton. Je vous repasse la parole

Gee : Tout à l’heure j’ai introduit l’émission en disant que Aaron Swartz s’était suicidé suite à une affaire d’acharnement judiciaire. C’est de cette affaire dont on va parler maintenant. Le mot a déjà été dit tout à l’heure, c’est l’affaire JSTOR. En quoi consiste cette affaire ?

Amaelle Guiton : JSTOR [Journal Storage] est une bibliothèque, une base de données de revues scientifiques. C’est un catalogue absolument énorme. La question de la propriété intellectuelle autour des revues scientifiques est une question qui est extrêmement sensible, qui est un champ de bataille depuis des années. Beaucoup de gens, depuis déjà longtemps, ont dénoncé cet écosystème qui fait que l’accès à la connaissance scientifique est effectivement difficile et, par définition, payant. En plus, pour les chercheurs eux-mêmes, c’est une vraie difficulté. On comprend donc bien tout ce qui pouvait pousser quelqu’un comme Swartz à essayer de casser cette barrière-là.
Très concrètement, il a téléchargé des millions d’articles scientifiques dans la base JSTOR, depuis un local du MIT dans lequel il avait glissé un ordinateur. Il a été filmé, il a été arrêté. Il y a eu une longue enquête et, surtout, il y a effectivement eu des poursuites qui étaient extrêmement lourdes. Je crois qu’au début on parlait de quatre chefs d’inculpation, donc d’une peine maximale de 35 ans de prison. Sur la fin, il y a eu une inculpation supplémentaire, ce qu’on appelle un superseding indictmen dans le jargon juridique américain : on était passé à 13 chefs d’inculpation et à une peine maximale théorique de 50 ans. On voit bien la disproportion.
Dans les faits, les réquisitions hypothétiques du procureur étaient évidemment plus courtes, mais elles étaient déjà énormes.
Il y a aussi, derrière ça, tout le problème du « plaider coupable », un problème qui n’a pas touché que Aaron Swartz, qui est un problème, dans la société américaine, de manière générale. Dans son cas, le bureau du procureur lui proposait de requérir six mois de prison s’il reconnaissait l’intégralité des charges, sinon c’était sept ans. On voit bien qu’il y a quand même là quelque chose qui ne fonctionne absolument pas. D’ailleurs, au lendemain du suicide d’Aaron Swartz, Lessig l’a écrit sur son blog, parlant de honte dans ce qui s’était passé dans cette procédure judiciaire.
Ce qui est aussi très problématique, c’est que, aux États-Unis, une condamnation pour crime fédéral veut dire que pendant des années, parfois même à vie puisqu’en plus ça dépend des États, on ne peut pas concourir à une élection, on ne peut pas prétendre à un poste dans l’administration. Et, pour quelqu’un qui, précisément, voulait s’engager aussi dans quelque chose de plus politique, c’était inique, c’était insupportable.
C’est toujours complexe, évidemment, de déterminer la part de ce qui a pu le pousser à commettre l’irréparable, mais il est bien évident qu’une procédure telle que celle-ci ne peut pas arranger les choses et a de quoi désespérer. En tout cas, voilà ce qu’étaient les faits et ce qu’on ne peut voir que comme une disproportion entre les faits concernés et les poursuites.

Je rajoute juste qu’il y avait manifestement une volonté, entre guillemets, de « faire un exemple », y compris, d’ailleurs, parce que JSTOR ne l’a pas poursuivi en tant que tel, mais le bureau du procureur a continué, lui, les poursuites, alors même qu’il avait redonné le disque dur sur lequel il y avait les fichiers. Il y a manifestement, du côté du procureur, l’idée d’aller jusqu’au bout.

Je ne sais plus exactement ce sur quoi je voulais insister au départ. À ce moment-là, en plus, tout cela a coûté évidemment fort cher. Il était arrivé manifestement, de ce que j’ai pu en lire, dans un état de détresse psychique très forte et, y compris, de difficultés financières, avec une difficulté à s’en ouvrir autour de lui ou à demander de l’aide. C’est pareil, c’est ce que j’en ai lu, je ne l’ai pas moi-même rencontré. Il avait beaucoup de mal à demander de l’aide, donc, à un moment donné, il s’est visiblement retrouvé cornérisé.

Gee : Le fait que les gens derrière la base de données JSTOR n’aient pas poursuivi mais que le bureau du procureur ait maintenu les poursuites, c’est une des raisons qui faisaient que je parlais effectivement d’acharnement judiciaire au début.

Flore Vasseur : Est-ce que je peux me permettre d’intervenir ?

Gee : Bien sûr.

Flore Vasseur : Je pense qu’il faut absolument rappeler le contexte de l’époque, parce que, sinon, c’est incompréhensible et je pense qu’il est grand temps qu’on fasse des liens avec les affaires de l’époque.

Tout ça se passe dans le contexte de l’arrestation de Julian Assange, plus exactement de la traque de Julian Assange, suite à la révélation et la publication des câbles diplomatiques par WikiLeaks. À ce moment-là, aux États-Unis, le gouvernement Obama est pris totalement sur le fait de ce qu’il est en train de faire en Irak. Souvenez-vous de cette vidéo incroyable, Collateral Damage, avec des militaires qui tirent à bout portant, d’un hélicoptère Apache, sur la population en Irak. Tout à coup, on retourne la jolie petite histoire du grand pays pourvoyeur de démocratie, je ne sais pas si beaucoup de gens y croient encore à l’époque, en tout cas voilà ! Et voilà quelqu’un qui éclabousse totalement le gouvernement américain, souvenez-vous, Barack Obama prix Nobel de la paix, etc.
Une énorme chasse aux sorcières est lancée auprès de tout ce qui pourrait, de près ou de loin, approcher les soutiens de WikiLeaks. Je ne dis absolument pas que Aaron en était, je n’ai rien à dire là-dessus, toujours est-il qu’il faut comprendre que ça devient un énorme sujet pour le gouvernement américain. On a beaucoup tendance à faire de Barack Obama un très grand pourfendeur de la liberté, etc. Moi, j’ai une vision très différente depuis que j’ai travaillé sur cette affaire. Le MIT, qui est le bras armé du Pentagone pour la recherche militaire, est un lieu stratégique ; on ne fait pas n’importe quoi au MIT. Même si, quand vous allez au MIT, il y a toute la culture du hacker, du grand hack ; ils expliquent comment, à coups de hacks, on a réussi à faire de grandes prouesses technologiques, etc. Il y a ce discours, mais il y a aussi la réalité purement militaire et économique. Aaron est probablement victime de ça, de cette cabale lancée surtout, à nouveau, contre tous les soutiens de WikiLeaks ; les étudiants sont surveillés, etc. Il n’y aurait jamais eu cet acharnement s’il n’y avait pas eu l’affaire WikiLeaks en même temps. Je pense, pour le coup, que c’est vraiment un dommage collatéral ; Aaron est un dommage collatéral de WikiLeaks et de la façon dont les câbles diplomatiques ont été ont été publiés.
C’est pour ça qu’il y a eu cet acharnement, c’est pour ça qu’il y a eu cette violence d’État contre Aaron. Ils ont voulu faire un exemple, Amaelle, à bien des égards, a tout à fait raison, ils voulaient effrayer tout le monde. Ils voulaient que plus jamais quelqu’un ne réussisse à faire ce que Julian Assange avait réussi à faire.

Amaelle Guiton : Je n’ai pas assez d’éléments pour tracer, de manière aussi franche, une ligne entre ce qui se passe autour de WikiLeaks et ce qui s’est passé autour d’Aaron Swartz. Je voudrais juste ajouter qu’à l’époque il y a de vraies batailles, qui continuent d’ailleurs à bien des égards, autour de la question de la propriété intellectuelle. Il ne faut pas s’imaginer que la création des licences Creative Commons a fait vachement plaisir à l’époque, notamment aux industries culturelles. On sait que c’est aussi un terrain d’affrontement extrêmement fort ; il l’était à l’époque, y compris parce que la question du partage de la culture était, peut-être d’ailleurs plus qu’aujourd’hui, je pense, quelque chose de très présent dans le débat public. Je dis que ça l’était sans doute plus qu’aujourd’hui, parce que j’ai l’impression que ces questions-là, pour plein de raisons sur lesquelles on reviendra peut-être, sont un peu passées à l’arrière-plan, derrière d’autres luttes peut-être plus difficiles ou, on va dire, plus urgentes. En tout cas, à l’époque, cette question-là était extrêmement forte. Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas comprendre cette procédure judiciaire contre Aaron Swartz en dehors, a minima, de l’affrontement spécifique sur la propriété intellectuelle et des enjeux qui sont évidemment autour, y compris des enjeux économiques très forts.

Flore Vasseur : C’est un débat qu’on aura entre nous, mais franchement, par rapport au poids de l’influence diplomatique des États-Unis dans le monde, je pense honnêtement que ça a pesé moins.
JSTOR a été très éclaboussée par cette affaire. Comme vous l’avez dit Amaelle, eux n’ont pas attaqué, ils se sont retrouvés au milieu de cette affaire, ça n’a pas été génial pour leur marque,d’ailleurs ils ont libéré une partie du contenu derrière.
Je voudrais rappeler que la fondation Bill Gates – Bill Gates qui est quand même le roi de la propriété intellectuelle – a décidé qu’elle n’octroierait plus jamais aucun financement à des associations, à des projets qui ne partageraient pas en libre accès leurs résultats. Cela est éminemment lié, aussi, à ce qui s’est passé autour d’Aaron, sur le combat même de la question de la propriété intellectuelle et de la recherche. Je ne parle pas de l’industrie de l’entertainment, à laquelle, sur cette affaire-là, Aaron ne s’est pas attaqué, il s’est attaqué aux documents de recherche et à la recherche académique dans le monde, à sa capacité à circuler pleinement pour le bien-être de l’humanité. Là-dessus, d’ailleurs, son suicide, sa disparition n’a pas été sans effet.

Gee : Ça me permet de faire la transition. Je ne voulais pas qu’on termine cette émission sans parler de l’héritage d’Aaron Swartz, parce qu’il nous a quittés, on l’a dit, ça fera 10 ans demain. Encore une fois, on va passer très vite sur les aspects techniques ; même si le RSS est abandonné par les GAFAM et compagnie, ça reste quand même une brique très importante d’Internet ; Reddit, sixième site le plus consulté aux États-Unis ; les Creative Commons sont maintenant devenues massivement utilisées, cette émission de radio est sous licence Creative Commons, si je ne dis pas de bêtises.

Frédéric Couchet : Je peux même préciser que les flux RSS sont très utilisés dans les podcasts ; une façon de s’inscrire sur un podcast est liée à un flux RSS.

Gee : L’héritage le plus important, bien sûr, est sans doute tout ce qui est open data. Pas mal de choses ont évolué depuis ce temps-là, Amaelle Guiton, pouvez-vous nous en parler ?

Amaelle Guiton : C’est probablement le champ dans lequel les choses ont le plus progressé depuis la mort d’Aaron Swartz, la question des publications qu’on appelle en open access, donc en accès ouvert et, de manière générale, l’accès aux publications scientifiques. Il se trouve que j’ai un papier qui sort demain justement là-dessus, j’ai eu un échange assez rapide sur le sujet avec Brewster Kahle, le fondateur de l’Internet Archive. Il a travaillé avec Aaron Swartz sur l’Open Library qui est à la fois un catalogue et une bibliothèque numérique. Il soulignait, à très juste titre, que l’accès ouvert est devenu un élément de politique publique, y compris aux États-Unis avec, je crois, une directive de l’administration en début d’année là-dessus. En gros, à partir du moment où on fait de la recherche publique, il faut publier en accès ouvert. C’est aussi le cas en France avec le plan dit science ouverte [Plan national pour la science ouverte], etc. On voit que, là-dessus, il y a effectivement eu des avancées, en particulier sur l’idée qui, à l’époque, n’était pas tout à fait aussi évidente, que quand on fait de la recherche publique, les résultats, par définition, doivent être publics.

Autant sur d’autres domaines dans lesquels Aaron Swartz est intervenu, il y a eu, on va dire, des retours de bâton, autant, au moins dans ce champ-là, il y a eu de vrais progrès y compris en France, où il y a eu pas mal de discussions là-dessus, il y a quelques années, au moment des débats sur la loi Lemaire [oi pour une République numérique]. Des pas ont quand même été franchis, c’est parfois long, c’est complexe, etc. Par contre, dans d’autres champs, on voit que ça progresse quand même beaucoup moins. En tout cas, de ce point de vue-là, il y a eu de vraies avancées qui ne sont quand même pas des petites victoires.

Gee : Flore Vasseur, vous vouliez réagir à ce sujet.

Flore Vasseur : Je suis d’accord sur l’aspect technique, sur l’héritage et la façon dont le milieu a réagi à ce qui s’est passé pour Aaron. Pour moi, sa disparition a mis en abyme la folie de cette décision de privatiser les fruits de la recherche publique ou de la recherche d’une manière générale. Je dirais que ce n’est pas l’apanage, je reviens là-dessus, ce n’est pas du tout que j’aime Bill Gates, mais franchement, le fait que sa fondation force chacun des chercheurs à publier en accès libre le résultat des recherches financées par elle, c’est quand même assez énorme !

J’ai plus envie de parler de la question de la jeunesse, de la question des fulgurances, de la réaction des adultes et de ce que nous pouvons faire par rapport à ces enfants qui débarquent avec un canal, je ne sais pas, une intelligence, une force, que nous ne savons pas nécessairement décoder, en fait que nous ne voyons pas ! J’ai l’impression qu’ils sont nombreux.
Il a dit un jour qu’il voulait changer le monde, il était d’ailleurs très sérieux sur le sujet. Certains adultes l’ont pris au sérieux et beaucoup ont eu peur de son intelligence. Si le gouvernement a lancé une cabale contre lui, c’est parce qu’il avait peur de ce qu’il ferait de cette intelligence-là.
C’est une histoire qui me vrille ! C’est comme si tout ce qui sort de la médiocrité devenait un problème. Je pense que, là-dessus, nous avons tous une responsabilité. Nous avons tous une responsabilité à accueillir les personnes qui nous sortent de notre confort, y compris de notre confort mental. Et, à nouveau, je trouve que la jeunesse est très puissante là-dessus aujourd’hui, mais on préfère ne pas entendre, on préfère mettre ça sur le comte d’une crise d’adolescence, un moment de rage, un moment de colère, alors que les messages sont stellaires et limpides, c’est ce que Aaron m’a dit.
Quand je me suis rendu compte que le gouvernement, l’administration, y compris ses anciens amis, ne l’avaient pas nécessairement entendu sur son message profond, je me suis dit que je ne voulais plus qu’aucun enfant se suicide de ne pas avoir été entendu. Je suis navrée de finir sur une note négative, mais je pense qu’aujourd’hui ils ne vont pas bien, voire que beaucoup tombent comme des mouches.

Frédéric Couchet : Puis-je me permettre ? Je vois sur le salon web une question et peut-être que Flore aura une réponse, c’est un peu dans la logique de ce que vous venez de dire. Marie-Odile demande : « Serions-nous capables de comprendre et de protéger un nouvel Aaron aujourd’hui ? »

Flore Vasseur : Merci pour cette question, c’est exactement la bonne question. C’est mon stress, en fait. Que fait-on pour ces personnes qui débarquent nécessairement sans tous les codes, c’est-à-dire sans l’âge nécessaire ? On est habitué à attendre ce genre, je ne dirai pas de prophétie, en tout cas de travail de la part de gens qui sortent avec tels diplômes, etc. Qu’est-ce qui se passe quand ça arrive très vite, que ce n’est pas médié, que ça sort brutalement ? Comment est-on capable de faire ça ? J’aimerais que l’histoire d’Aaron nous serve de leçon. Je pense que c’est d’ailleurs pour ça que j’ai écrit ce livre. En fait, je dédie ma vie à ça : mon film, Bigger than Us, parle exactement de ça. Il n’y a pas que la technologie dans la vie, il n’y a pas qu’à cet endroit que le sort de l’humanité se joue, il se joue à plein d’endroits : sur la sécurité alimentaire, sur la question des migrations, bien sûr sur le climat, sur la question de la corruption, sur la question des conditions faites aux femmes, etc. Et, là-dessus, énormément de jeunes bougent et personne ne les voit, personne ne les entend, à commencer par le système médiatique en général. On écoute, encore et toujours, les mêmes experts avec les mêmes théories, avec les mêmes façons de penser qui sont exactement ces façons de penser contre lesquels Aaron luttait : la propriété privée, la propriété intellectuelle strictement définie, le droit d’auteur complètement galvaudé, tout ça, cette idée de séparation.
Aaron fait partie de ces personnes qui sont venues nous dire que tout était lié, que nous étions liés. Il est venu réincarner une analyse de quelqu’un qui était à des millions, peut-être, de possibilités, de liens, qui est Pierre Teilhard de Chardin, jésuite, paléontologue du début du 20e siècle. Il a eu cette prophétie dès 1930, il a dit : « Un jour il y aura une technologie qui sera comme un cortex mondialisé pour permettre à l’humanité et à l’univers d’avoir une conscience de lui-même ». Aaron a défendu cette idée-là.

Aujourd’hui je vois plein de jeunes qui arrivent, pas nécessairement avec cette portée philosophique-là, et qui se disent « on est dans un moment complètement stratégique de l’histoire de la vie – comme Aaron le savait – il faut que je mette mon corps en travers de la route – comme Lessig le fait. » Je pense qu’il est de notre devoir à tous, qu’on soit libriste, journaliste, écrivain, politique, parent, prof, etc., de protéger ces gens-là.

Gee : Merci beaucoup pour ce message.
Pour rebondir, pour essayer d’être un peu positif malgré tout, on peut se dire que, malgré cet acharnement qui l’a effectivement poussé au suicide et malgré la puissance que peut avoir la machine étatique on va dire — je ne sais pas comment on pourrait dire —, quand elle veut faire barrage à ce genre de personnes, il y a toujours des lanceurs d’alerte, les lanceurs d’alerte existent toujours. Edward Snowden en est un très bon exemple, même si, effectivement, il était plus âgé qu’Aaron Swartz, ça ne l’a pas empêché de faire les révélations qu’on sait. Pour revenir sur la problématique de la science libre, on pourrait parler aussi de Sci-Hub, un site web qui a été créé par une étudiante en neurosciences, au Kazakhstan, Alexandra Elbakyan. C’est un site clairement pirate, illégal dans beaucoup de pays, pour distribuer les articles scientifiques, qui sont normalement payants, de manière complètement libre et gratuite.
Amaelle, pouvez-vous nous en parler ?

Amaelle Guiton : J’aurais surtout envie, pour conclure sur une note, entre guillemets, « un peu optimiste », de dire que je trouve toujours assez inspirante la figure de Swartz. D’ailleurs c’est assez frappant, quand on en parle avec des gens qui, entre guillemets, sont « des militants de l’Internet » depuis longtemps, de voir à quel point ils sont toujours attachés à cette figure, à la fois, à mon avis, parce que, comme d’autres, pas tout seul, il a vu venir, je crois, l’Internet dans lequel nous sommes aujourd’hui : il a vu venir l’ultra-centralisation, il a vu venir l’essor des technologies sécuritaires, etc. Même si, effectivement, l’Internet dans lequel on vit aujourd’hui n’est pas forcément satisfaisant, c’est le moins qu’on puisse dire, et tourne quand même au cauchemar, il y a quand même, toujours, cette possibilité de réactiver un certain nombre d’idéaux. J’ai l’impression que cette figure-là reste une espèce de point de repère pour beaucoup de gens, même si les choses évoluent. C’est vrai que c’est assez frappant quand on regarde, quand on observe ces sphères. Depuis quelques années, quand même, je vois une critique de plus en plus forte de l’informatisation massive, de son côté assez aliénant, que toutes nos relations sociales avec les administrations, avec les entreprises, sont aujourd’hui complètement médiées par le numérique. Il y a des gens qui appellent aujourd’hui, d’une certaine manière, à une forme de décroissance. Je ne sais pas ce que quelqu’un comme Swartz en dirait.
Ce qui est certain c’est que même avec toutes ces évolutions, toutes ces mutations et ces lignes de front qui bougent effectivement un peu, la figure de Swartz reste une référence, reste une figure inspirante. En tout cas, les gens à qui j’en ai parlé ont tous insisté sur cette manière de ne jamais décorréler le code de la politique, c’est-à-dire qu’on construit des outils technologiques au service d’objectifs politiques et on construit des outils technologiques dans un cadre éthique.

Gee : Très bien, merci beaucoup.
Pour conclure, je demanderais à chacune, si vous aviez un dernier mot, que voudriez-vous qu’on retienne d’une émission comme celle-ci sur Aaron Swartz ? Flore Vasseur.

Flore Vasseur : Je voudrais à nouveau poindre sur le génie de l’enfance, sur la question de la fulgurance, sur, effectivement, l’emprise de la technologie sur nos vies, sur laquelle Aaron a été l’un des premiers à nous prévenir ; en fait, c’est comme s’il avait vu son rêve se retourner, il l’a vu de ses yeux, très vite, au moment de son adolescence.
Vous parliez d’Edward Snowden. Je vous mets au défi de comprendre ce qu’il est en train de vivre aujourd’hui. Je voudrais juste rappeler combien, malheureusement, je trouve que notre société ne sait pas considérer la chance qu’elle a d’avoir des personnes qui essayent de nous prévenir. Je ne trouve pas, malheureusement, que ça aille vraiment dans le bon sens. Ces personnes-là sont de plus en plus seules et l’indifférence est de plus en plus grande.
Ma grande question, et c’est un message pour cette émission : qu’est-ce qu’on attend en fait ? Qu’est-ce qu’on attend pour sortir de cette aliénation-là, à laquelle la technologie contribue effectivement grandement ?

Gee : Merci beaucoup. Amaelle Guiton.

Amaelle Guiton : Très brièvement. Peut-être, effectivement, retenir cette idée qu’on est dans un monde où le numérique est partout, où il est envahissant, où il est effectivement devenu, pour une bonne part, aliénant, même s’il n’est pas que ça, heureusement.
Ce que raconte le parcours de quelqu’un comme Aaron Swartz, en tout cas ce qu’il a fait très concrètement, ce que ça dit, c’est qu’il faut toujours se demander ce qu’on code, parce que lui, de manière évidente, se demandait, à chaque fois, ce qu’il codait : il codait dans un objectif, il codait aussi à partir d’un cadre éthique et moral. Je crois que, pour le coup, quand on voit aujourd’hui le nombre de formations, de développeurs, etc., on n’arrête pas de parler de la transition numérique, y compris des besoins que ça crée « en ressources humaines », avec des guillemets, il faut aussi que les gens qui codent se redemande à chaque fois : « Qu’est-ce que je code ? À quoi ça sert ? Où est-ce que ça va ? Pour quoi faire ? » À partir du moment où, effectivement, on se demandera un peu plus ce qu’on code, peut-être qu’il y aura des tas de choses qui, en fait, ne verront sans doute jamais le jour.

Gee : Je le crois aussi. Merci beaucoup.

Amaelle Guiton : Merci à vous.

Flore Vasseur : Merci.

Frédéric Couchet : Merci à vous, à Gee pour avoir préparé et animé cette édition et à nos deux invitées, Flore Vasseur et Amaelle Guiton.
Pour aller plus loin, je vous renvoie au livre de Flore Vasseur, Que reste-t-il de nos rêves, un livre vraiment passionnant. Et demain, si vous écoutez en podcast ce sera mercredi 11 janvier, la double page d’Amaelle Guiton publiée dans Libération, que vous pourrez lire pour en apprendre encore plus sur un Aaron Swartz.
Gee, tu voulais rajouter quelque chose ?

Gee : Également le film dont on a déjà parlé, The Internet’s Own Boy, L’enfant d’Internet, je crois, en version française, un film sur Aaron Swartz avec pas mal d’images d’archives, des interviews de Lawrence Lessig et de toutes ces personnes-là.

Frédéric Couchet : Tout à fait. Toutes les références sont sur le site de l’émission, sur libreavous.org.
Je préviens Thierry que nous n’allons pas faire de pause musicale pour rattraper le retard, nous allons passer directement au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture », de Marie-Odile Morandi, intitulée « Connaître les biais, cesser d’en être leurs victimes »

Frédéric Couchet : Les choix, voire les coups de cœur de Marie-Odile Morandi, qui met en valeur deux ou trois transcriptions dont elle conseille la lecture. C’est la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice de notre groupe Transcriptions. Le thème du jour : « Connaître les biais, cesser d’en être leurs victimes ».
La chronique a été écrite par Marie-Odile et mise en voix par Laure-Élise Deniel. On se retrouve dans dix minutes.

[Virgule son ore]

Marie-Odile Morandi, voix de Laure-Élise Déniel : Bonjour à toutes, bonjour à tous.
Tout d’abord, comme c’est la coutume en début de mois de janvier, le groupe Transcriptions de l’April, chers auditeurs et auditrices de l’émission Libre à vous !, vous souhaite une excellente année 2023, que vous nous écoutiez en direct ou en podcast.

Il nous arrive de transcrire des podcasts de l’émission La Voix Est Libre, émission proposée par Picasoft, une association amie de l’April, qui s’est donné pour mission de sensibiliser les citoyens et citoyennes aux enjeux du numérique. Cette association fait partie du Collectif CHATONS initié par Framasoft, le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Ce chaton à Compiègne, ouvrez les guillemets, « héberge des services web respectueux de la vie privée, promeut une approche libre, éthique, inclusive et locale du numérique. »
Pour enregistrer ces podcasts, trois amis, Baptiste Wojtkowski, Quentin Duchemin et Stéphane Crozat, se retrouvent régulièrement. Le style de leurs échanges est plaisant. Les thématiques, complexes mais toujours d’actualité, sont abordées de façon agréable avec de nombreux exemples à l’appui. Puissent ces transcriptions redonner le goût de la lecture, intitulé de cette chronique.

Nous avons transcrit récemment l’émission intitulée « Les biais de l’intelligence artificielle » dont nous vous recommandons la lecture. Cette émission a été réalisée il y a un an, mais le thème des biais est toujours réel et c’est le sujet qui va nous intéresser aujourd’hui. Vous trouverez la référence dans la page de l’émission de ce jour.

Quand un algorithme ne répond pas bien à la tâche qui lui est demandée ou qu’il favorise certaines catégories de la population, on parle de biais.

Les algorithmes d’intelligence artificielle sont utilisés partout : sur YouTube, sur les réseaux sociaux – Facebook et Twitter – pour suggérer, ou plutôt choisir, le contenu présenté aux utilisateurs et aux utilisatrices, mais aussi pour profiler, pour assister des décisions de recrutement, de solvabilité bancaire, voire des décisions médicales, juridiques ou politiques. Il existe divers types d’algorithmes et ils ne fonctionnent pas de la même manière, donc, nous dit Baptiste, on est assez vite perdu quand on en parle.

Dans les systèmes experts, le raisonnement se fait par syllogisme et les principes sont écrits à l’avance. Par exemple, tous les libristes sont barbus et mal coiffés ; Quentin est libriste, il est barbu et mal coiffé ; mais, Stéphane est moins barbu et mieux coiffé ! Donc on va avoir un souci ! Les informaticiens entrent ces principes à la main, ce sont des êtres humains avec leurs connaissances sur le monde, leurs préjugés, leurs projections personnelles. Les biais présents sont liés à la structure du programme, à son contexte de fabrication et sont créés par les personnes qui développent ces systèmes.

Les systèmes basés sur de l’apprentissage, le terme anglais utilisé est machine learning, ont besoin que leur soit fournies, en entrée, de grandes quantités de données, pour permettre, justement, cet apprentissage. Baptiste nous explique que leur entraînement change les paramètres : les parcours logiques empruntés pour obtenir les résultats sont constamment réactualisés si bien qu’à la fin personne ne sait vraiment expliquer pourquoi tel résultat a été obtenu, la chaîne de calcul n’étant pas assignée par les développeurs. On est donc face à une espèce de boîte noire particulièrement opaque.

Pour ces systèmes, il est nécessaire que les données fournies à l’algorithme en entrée soient bonnes, bien annotées, on dit correctement étiquetées. Ces données reflètent le monde réel, tel qu’il est, sexiste et raciste. Le résultat fourni en sortie risque de favoriser les personnes fréquemment en position de domination, les hommes par rapport aux femmes, les gens de droite par rapport à ceux de gauche, les personnes blanches, cisgenres, hétérosexuelles, etc.

L’exemple proposé concernant Twitter est parlant. On s’est rendu compte que, de manière générale, si un contenu pouvait plutôt être attribué à un parti politique traditionnel, conservateur, il a plus de chance d’être relayé par l’algorithme et de parvenir aux autres utilisateurs. Rééquilibrer la diversité des messages envoyés sous-entend de savoir, donc de collecter, entre autres, les opinions politiques de la personne qui a diffusé ce contenu. Comment faire ? Le lui demander ? De quelle façon ? Agir à son insu pour obtenir ces informations ?

Les objectifs donnés à l’algorithme, les critères choisis, peuvent mener à une discrimination, on parle alors de biais sur les objectifs, présents, par exemple, dans les algorithmes d’aide au recrutement. Le cas cité concerne Amazon qui cherchait à réduire le coût de ses procédures de recrutement. Le coût de recrutement des femmes ayant été estimé plus élevé que celui des hommes, l’algorithme se montre discriminant à l’égard des femmes à cause de l’objectif initial qui impose, dès le départ, la présence du biais.

Des biais se rencontrent aussi très souvent quand il s’agit d’algorithmes destinés à exécuter des arbitrages comportant une dimension morale. L’exemple donné est celui du projet Ask Delphi, intelligence artificielle à qui l’on peut désormais demander si ce que l’on compte faire est bien ou mal ! C’est très problématique de placer sa confiance dans un tel objet ! Il n’existe pas de réponse universelle simple ou facile à une telle question !

Le constat est flagrant. Les algorithmes d’intelligence artificielle prennent les déformations du monde et, intrinsèquement, les amplifient. Ils ne peuvent pas trouver la vérité de manière magique, ils intègrent ainsi nécessairement des biais sexistes, racistes, discriminatoires, etc. Y aurait-il des solutions de remédiation ?

Certes c’est compliqué, et Stéphane Crozat fait remarquer que tout cela n’est pas très différent du contexte humain normal : les décisions prises par les humains, elles non plus, ne sont pas toujours compréhensibles. Gageure, donc, d’espérer que ces algorithmes soient capables de résoudre des problèmes à notre place, de nous remplacer dans des prises de décision, en se disant que puisqu’ils sont issus de la science ils se montreront rationnels, neutres, capables d’arriver à la perfection. Nous savons que ce sont des personnes qui font ces algorithmes, des développeurs et des développeuses qui ont leur propre conception du monde, et qu’ils risquent de l’y intégrer. Donc, a minima, ces personnes doivent être sensibilisées et formées à toutes ces questions de discrimination et de biais.

Il faut, ici, rappeler une transcription un peu plus ancienne d’une conférence proposée par Marion Magné, en 2020, intitulée « Pourquoi les développeurs et développeuses ont besoin d’une formation aux questions d’éthique ». Marion est développeuse pour des applications web dans le domaine de la santé. Elle rappelle l’importance de se former à l’éthique : chaque domaine du milieu de l’informatique doit poser un certain nombre de principes auxquels chacun est censé obéir. Il y a toujours un être humain derrière la conception d’un algorithme, même, dit-elle, pour les générateurs automatiques de code qui n’ont pas été créés par d’autres générateurs automatiques de code, mais bien par des êtres humains. Son domaine est la médecine. Des médecins non sensibilisés aux questions de racisme ou aux questions de genre vont traiter différemment leurs patients. Pour elle, c’est la même chose en informatique : un développeur non sensibilisé aura des biais de part son éducation, de part son expérience et risque de les faire ressortir dans son ouvrage.
Dans l’idéal, le développeur doit prendre connaissance du cadre fonctionnel, du contexte technique dans lequel il va devoir exécuter le travail demandé. S’il y a des choses dont il n’a jamais entendu parler, comment pourra-t-il les mobiliser dans son raisonnement ? Certes, nous sommes tous en faveur du progrès technologique mais pas à n’importe quel prix : ces technologies ne doivent pas être utilisées dans le but de nuire, ne doivent pas nuire à la liberté et ne doivent pas renforcer des inégalités, voire en instaurer de nouvelles.

Est-ce honnête d’espérer que l’on va réussir à faire des intelligences artificielles qui ne seront pas biaisées ? Toute décision, tout jugement moral est biaisé par un contexte, un objectif, des contraintes. Nos objets techniques portent notre subjectivité et un biais supplémentaire nous guette : puisque c’est produit par un algorithme, puisque c’est produit par une machine, on a l’impression que ces algorithmes réfléchissent, sont objectifs, qu’ils vont nous aider à trouver des solutions, que la décision qu’ils vont prendre est impartiale, rationnelle voire indiscutable. Où est cette technologie idéale, merveilleuse, qui ferait mieux que l’être humain, qui serait capable de le remplacer en tout point ? Soyons conscients que nous avons là quelque chose d’automatique, d’insondable, qui va se tromper et on ne pourra même pas le lui faire remarquer !

À la fin de leur entretien, les trois amis reviennent sur le cas des réseaux sociaux. Si tout le monde utilise seuls deux réseaux sociaux, Twitter et Facebook, les personnes qui maîtrisent leurs algorithmes ont, en quelque sorte, un pouvoir démesuré. Leur conseil est, bien entendu, de se tourner vers Mastodon, réseau décentralisé et fédéré avec ses nombreuses instances, chacune ayant ses propres règles. Chaque individu pourra choisir l’instance qui lui correspond, choisir la façon dont ordonnancer les contenus. Cette diversité donne la possibilité d’avoir du débat donc de la démocratie.

La quantité de vidéos hébergées sur PeerTube, service libre et décentralisé, est en constante augmentation. Constat est fait qu’une aide à la sélection devient nécessaire, mais, bien entendu, autre que celle de YouTube dont l’objectif est de maximiser le nombre de vues et, ainsi, le temps passé sur la plateforme.
Quentin nous conseille un projet de recherche, tournesol.app, auquel tout le monde peut participer, dont l’objectif est de proposer un système de recommandation éthique, objectif que l’on ne peut que saluer. Sur cette plateforme, libre et collaborative, il est demandé aux contributeurs d’identifier les vidéos dont ils estiment le contenu de qualité, voire d’utilité publique.

Pour ne plus avoir à composer avec les biais des algorithmes des quelques réseaux sociaux qui concentrent les masses, la solution est probablement d’avoir encore et encore des portées de chatons, comme Picasoft, le chaton de Compiègne, comme le Chapril, le chaton de l’April, qui nous fournissent des services libres et loyaux, deux chatons qui font partie de la centaine de chatons du Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires.

Nous vous encourageons à relire les deux transcriptions mentionnées aujourd’hui et, pourquoi pas, à lire ou relire l’une ou l’autre des 163 transcriptions qui ont été publiées par notre groupe au cours de l’année 2022.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour en direct. Nous venons d’écouter la chronique de Marie-Odile Morandi sur le thème « Connaître les biais, cesser d’en être leur victime ». Marie- Odile a écrit la chronique qui a été mise en voix par Laure-Élise Deniel. Je vous rappelle que, comme toutes les activités de l’April, le groupe Transcriptions est un groupe auquel vous pouvez contribuer : vous allez sur april.org ou, plus simplement, sur le site des transcriptions, libralire.org, vous trouverez les informations pour rejoindre le groupe si ça vous intéresse.

Notre émission se termine, nous allons finir par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Frédéric Couchet : Chères auditrices et auditeurs, nous avons besoin de vous. Nous vous demandons simplement cinq minutes de votre temps. L’équipe de l’émission souhaite en effet vous connaître et vous propose un questionnaire. Vos réponses à ce questionnaire sont très précieuses pour nous. Elles nous permettront d’évaluer l’impact de notre émission et de mieux vous connaître. De votre côté, ce questionnaire est une occasion de nous faire des retours. Il est notamment particulièrement important pour nous d’avoir des réponses de la part de personnes qui nous écoutent actuellement en direct sur la bande FM ou en DAB+. L’émission du jour va se terminer dans quelques minutes. Dès la fin de l’émission, prenez simplement cinq minutes pour répondre au questionnaire. Pour cela, rendez-vous sur le site libravous.org. Participez et, ensemble, continuons d’améliorer notre émission ! Merci à vous.

Les annonces.
Dans les nouveautés, l’April propose maintenant un sous-bock ou un sous-verre avec, d’un côté, le logo de l’émission de radio Libre à vous ! et, de l’autre, une invitation à utiliser les services libres proposés par notre site Chapril, chapril.org. Ce sous-bock, sous-verre, est disponible sur le site enventelibre.org, avec différents autres documents, comme des t-shirts, des dépliants, etc. N’hésitez pas à en commander pour protéger vos tables et mettre vos verres dessus.

Concernant les événements.
À Paris, un atelier de changement de système d’exploitation pour téléphone mobile aura lieu samedi 14 janvier 2023, de 14 heures à 17 heures à Paris.

Du côté de Beauvais, vendredi 20 janvier 2023, une table ronde sur le thème de l’éducation aura lieu en présence de Magali Garnero, présidente de l’April. Vous retrouverez les informations sur le site consacré à l’émission du jour, libravous.org.

Nous avons également publié sur notre site, april.org, un document de synthèse « 10 minutes pour résumer l’activité de l’April en 2022 et poursuivre la dynamique en 2023 ». Cela va vous permettre de comprendre un petit peu et de connaître l’ensemble des activités de l’association, en attendant la publication de notre rapport d’activité complet, prévue pour mars 2023.

Je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec les logiciels libres ou la culture du Libre près de chez vous.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission du jour : Isabelle Carrère, Rémi, Gee, Flore Vasseur, Amaelle Guiton, Marie-Odile Morandi, Laure-Élise Déniel.
Aux manettes de la régie, Thierry Holleville qui a eu beaucoup de travail, notamment avec le téléphone.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujets.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.

Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.

Cette émission est écoutable en podcast, seul, à deux ou à plusieurs, selon vos envies.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.
Si vous avez aimé l’émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 17 janvier 2023, à 15 heures 30, l’occasion d’initier un nouveau format de sujet principal intitulé « Parcours libriste ». L’idée est d’inviter une seule personne pour parler de son parcours personnel et professionnel. La première invitée, mardi 17 janvier, sera Françoise Conil, ingénieure en développement logiciel au CNRS.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 17 janvier et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.