Conférence sur les brevets logiciels/brevet unitaire par Gérald Sédrati-Dinet

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Fiche technique

  • Intervenant : Gérald Sedrati-Dinet
  • Lieu : La cantine à Paris lors des 15 ans de l’April
  • Date : le 20 novembre 2011 à 14h30
  • Licence : licence Art libre1 version 1.3 ou ultérieure, licence Creative Commons By Sa2 version 2.0 ou ultérieure et licence GNU FDL3 version 1.3 ou ultérieure.
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Transcription

Animateur : And now, ladies and gentlemen, from San Francisco, California, for you today, Gibus !

applaudissements

Gérald Sédrati-Dinet : C’était la partie rigolote ça. Maintenant, c’est la partie un peu moins rigolote, on va niquer, bouter les brevets logiciels hors d’Europe, du monde, et au delà.

Il y a pas mal d’anciens de l’April parmi vous, vous savez tous le danger des brevets logiciels, combien d’entre vous avaient participé à la lutte entre 2003 et 2005 ?

Deux, trois ? Gérald compte les mains levées. Trois ! Ouais, t’as signé une pétition toi !

Donc on peut un petit peu revenir quand même sur le danger des brevets logiciels. Il y a un truc avec les brevets, c’est que quand vous en parlez à quelqu’un qui n’est pas sensibilisé notamment au problème des brevets logiciels, il vous dit « Ouais, c’est génial les brevets, c’est une condition qui est absolument indispensable pour que les entreprises innovent, qu’il y ait du progrès technique, scientifique... ». Et bien, c’est pas vrai.

Il y a une idée reçue qui est que les brevets sont synonymes d’innovation, cette idée elle est tout simplement fausse, on l’a constaté pour les logiciels. On a constaté que, au lieu d’utiliser le brevet pour diffuser la connaissance, développer de nouvelles innovations, les entreprises dans le domaine du logiciel, elles utilisent les brevets comme une arme de guerre économique. Elle déposent des brevets, elles les utilisent pour empêcher des concurrents de venir s’introduire dans un marché.

On en a des exemples en ce moment, qui sont éclatants, qui commencent à péter sérieusement fort aux États-Unis et même en Europe : sur les technologies mobiles, les petits téléphones Android et i-je sais plus quoi... iPhone, sur les tablettes etc. Apple fait un procès à tous ses concurrents qui utilisent Android, a obtenu notamment aux États-Unis mais également aux Pays-Bas l’interdiction pour Samsung de vendre certains téléphones ou certaines tablettes, à cause de brevets logiciels.

Donc les brevets logiciels, ils servent avant tout à empêcher la concurrence libre et non-faussée, dont nous sommes tous adeptes.

Stallman a dit, ça devait être en 2004, ou dans ces eaux-là, que les brevets logiciels, c’était la menace la plus sérieuse pour le Logiciel Libre. Pourquoi, parce que toutes les autres menaces, on peut les contourner. Alors qu’un brevet, on peut jamais contourner cette menace, parce qu’un brevet c’est un droit d’exclusivité à son détenteur de commercialiser, importer, vendre, utiliser, une fonctionnalité.

Donc si on vous empêche d’utiliser le double-clic, vous ne pouvez plus rien développer à côté, en libre ou en pas libre, qui mette en œuvre le double-clic. Voilà pour le gros danger.

Et ces choses-là, on commence à s’en rendre compte, je vous ai parlé des batailles qu’il y avait autour de la téléphonie mobile, des tablettes, etc., entre Apple et les fabricants qui utilisent Android. Et bien ça commence à faire chier sérieusement des entreprises qui sont pas toutes petites, mais par exemple Google, qui déclarait en juillet de cette année, que, justement, le brevet c’était pas une innovation, c’était le droit d’empêcher quelqu’un d’innover, que les brevets étaient des monopoles accordés par le gouvernement, qui sont censés récompenser l’innovation et pourtant c’est pas ce qui se passe.

C’est exactement ce que je vous disais en intro, c’est exactement sur ce combat-là que l’on a mené la lutte en 2003-2005 contre une directive européenne, on va en reparler, c’est que : non, le brevet dans le domaine du logiciel ne sert pas à ce pour quoi il a été mis en place.

Vidéo en anglais

Alors même si le son n’a pas été très fort, c’est sous-titré en français en-dessous donc c’est pas grave. Ce qui est intéressant c’est qui a dit ça, c’est Eric Maskin qui a été prix Nobel d’économie, enfin l’équivalent du prix Nobel. C’est quelqu’un qui a fait une étude, notamment en 2003, avec Jim Bessen, dont on va parler plus tard, qui a prouvé économiquement tout ce que je viens de vous dire. Que le brevet pour les logiciels ne pouvait pas servir à encourager l’innovation. Pourquoi ? Parce que dans un logiciel, la plupart des innovations se font de manière incrémentale. On a un logiciel qui existe et on l’améliore un petit peu. Et par petits incréments, comme ça, on fait évoluer la technologie. Et pour des domaines qui procèdent comme ça par petits pas successifs, le brevet est une arme qui empêche les innovations futures plutôt que les encourager. Et ça c’est superbement démontré économiquement par des universitaires américains notamment, dont Eric Maskin, qui est prix Nobel, qui a un certain poids.

Et dans les dernières études économiques qui sont sorties, on a pu voir ce qu’il se passait aux États-Unis, où les brevets logiciels existent depuis les années 90, donc ça fait vingt ans. Et vingt ans, c’est exactement la durée de vie d’un brevet. Un brevet couvre une invention, pendant un temps délimité, sur un territoire délimité pendant vingt ans. Maintenant que cela fait vingt ans qu’il y a des brevets logiciels aux États-Unis on peut voir ce qu’il s’est passé. Est-ce que finalement cela a été quelque chose de profitable pour l’innovation, ou pas ? Et bien non. Ce dont on se rend compte c’est que ce ne sont pas les entreprises d’informatique qui déposent les brevets, ce sont les entreprises qui fabriquent du matériel avant tout ; que la plupart des brevets logiciels sont détenus par des grosses entreprises alors que l’innovation se fait et encore plus en Europe, par l’intermédiaire des PME. Les plus gros détenteurs, cela reste des grosses entreprises. Et ça, ça prouve ce que je vous disais avant, c’est que le brevet tente d’asseoir une position dominante, de conforter un monopole et d’empêcher des concurrents de rentrer sur le marché.

Et ça, on a les théories économiques qui nous le prouvent. On n’est pas juste des illuminés communistes même si certaines ont un T-shirt rouge. Tout ça, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que quand on légifère sur le brevet, il faut faire gaffe. Il ne faut pas s’asseoir sur l’idée reçue que le brevet équivaut à de l’innovation. C’est pas vrai. Il faut faire gaffe sur ce à quoi on peut accorder les brevets, sur combien de temps, sur quelles conditions. Bref, quand les législateurs prennent en main une loi, une directive, un règlement européen, n’importe quelle législation qui concerne le brevet...

Coupure

J’ai vu un bouton. C’est le petit zizi qu’on a tendance à tripoter... Ouais j’assume mes propos. Ça ne sortira pas du Net.

Toute la présentation, en fait là et ce pourquoi j’ai tenu à parler aujourd’hui, c’est parce qu’il y a en ce moment un règlement de l’Union Européenne qui touche au brevet et donc tout l’enjeu de ce règlement, de ce transparent c’est qu’il faut dire aux politiques de ne pas faire n’importe quoi. Sinon on va avoir une économie qui privilégie la rente, les acteurs installés et sinon on va avoir des développeurs de logiciel libre vêtus de jaune qui seront très tristes. [Pleurs de bébé] Et des bébés qui pleurent.

Où on en est dans la législation en Europe, a priori les brevets sont interdits sur les logiciels puisque le droit européen, la convention sur le brevet européen (CBE), je vais en reparler, dit clairement « Ne sont pas considérés comme des inventions ,:les programmes d’ordinateur » C’est pour ça qu’il n’y a pas énormément de procès en Europe depuis dix à vingt ans. On en voit quelques uns, je vous ai parlé de Samsung qui a été interdit aux Pays-Bas, c’est un procès qui est encore en cours, ça c’était juste le référé, sur le fond il n’y a pas encore eu de décision.

On a très peu de brevets en Europe, parce que le droit européen interdit bien heureusement les brevets sur les logiciels. Malheureusement en Europe les brevets sont délivrés par l’Office Européen des Brevets, l’OEB, qui est une organisation qui ne fait pas partie de l’Union Européenne, mais qui a été montée par un accord multinational entre les pays européens de l’Union Européenne, tous sont dedans, puis il y en a d’autres, la Suisse, la Turquie, la Norvège.

Et l’Office Européen des Brevets se finance par la délivrance de brevets. À chaque fois qu’on dépose un brevet, on doit payer une taxe. Et pour qu’il dure vingt ans, chaque année on doit repayer une taxe. Et c’est avec ces taxes engrangées, que l’OEB se finance, paye ses examinateurs, ses responsables de la communication qui font du prosélytisme auprès des organes politiques. Donc, intrinsèquement l’OEB a tout intérêt à accorder le plus de brevets possibles. Chaque brevet accordé, il engrange des taxes. S’il les refuse et ben ça fait toujours ça de moins de gagné. Donc l’OEB malgré la loi qu’on a vu dans le transparent précédent qui interdit les brevets sur les programmes d’ordinateurs, petit à petit il en a autorisé. Et, je viens de lire un papier de Munich, du Max-Planck Institute de Munich, qui décrit un petit peu justement l’état du droit sur les brevets en Europe, qui dit qu’il faut arrêter de se la raconter avec des mots, dans les faits, l’Office Européen des Brevets accorde des brevets logiciels.

Alors pour faire ça, effectivement l’Office joue sur les mots. Vous avez sous les yeux la règle qui lui permet d’accorder des brevets. En gros, il considère qu’il y a des logiciels qui sont « en tant que tels, » logiciels juste, et puis il y a des logiciels qui sont pas vraiment que des logiciels, mais qui apportent une « contribution technique », fournissant une solution technique à un problème technique. Et quand quelque chose est technique, on peut accorder un brevet dessus. Parce que le droit dit, les brevets sur les programmes d’ordinateurs sont interdits « en tant que tels. » Donc s’il y a des choses qui sont pas « en tant que tel », là on peut peut-être accorder un brevet.

C’est assez tordu, c’est une jolie acrobatie verbale, mais ça fait qu’aujourd’hui il y a des dizaines de milliers de brevets sur des logiciels qui sont accordés, sur des choses aussi simples que la barre de progression, sur des méthodes d’affaires qui sont mises en œuvre par un logiciel comme la vente en ligne etc. et aujourd’hui on peut plus vendre quelque chose sur le Web sans que ce soit truffé de brevets logiciels.

Vous avez sous les yeux un magasin de vente en ligne et y’a plein de choses qui sont brevetées dessus. Il y a le fait de vendre en ligne simplement, le fait de payer par carte bancaire, le fait d’afficher une vidéo, de faire des codes promotionnels, d’ajouter des choses dans son panier... Tout ça, il y a un brevet qui a été accordé par l’Office Européen des Brevets, je dis bien accordé, c’est pas juste les déposants qui ont fait une demande et puis on en est resté là, l’Office a délivré le brevet et donc les détenteurs peuvent attaquer qui que ce soit qui met en œuvre leurs technologies à n’importe quel moment.

Heureusement, tout ça n’est pas rentré dans le droit européen. Parce que pour le moment on a un Office qui est un peu en roue libre, qui ne fait pas partie de l’Union Européenne, qui délivre malgré le droit des brevets. Mais on sait jamais ce que vont faire les juges. Est-ce qu’ils vont décider que l’Office a enfreint le droit en accordant ces brevets ou est-ce qu’il va confirmer la pratique des Offices, on le sait pas.

Donc pour conforter ça, ceux qui sont pour la brevetabilité du logiciel ont essayé d’introduire une directive en 2005, c’était ma première question pour commencer cette présentation, en 2005 on s’est battu contre une directive et on a réussi à la faire rejeter par 98% du Parlement européen.

Et donc, dans le droit, on en est toujours au même stade. Les brevets logiciels sont interdits.

Il y a eu une autre tentative, qui est puisqu’on ne sait pas ce que vont faire les juges et bien on va essayer d’avoir des bons juges, des juges sympa qui comprennent bien ce que fait l’Office Européen des Brevets et qui le confortent dans ses positions.

Donc l’Office Européen des Brevets a essayé d’instituer un tribunal qui serait le seul en Europe à juger des litiges sur les brevets. Ça s’appelait l’EPLA, pour l’acronyme en anglais European Patent Litigation Agreement (accord sur les contentieux en matière de brevets européens). Et heureusement on a réussi également à faire rejeter ce projet qui émanait de l’office, donc qui n’était pas quelque chose dans l’Union Européenne mais le Parlement européen s’est quand même prononcé contre en 2006. Donc finalement cela a été abandonné. Mais ce que l’on voit malgré ces victoires, c’est que l’on reste quand même avec un problème systémique. Le système des brevets en Europe déconne, il vit dans une bulle qu’on a envie de crever, où tous ceux qui vivent dedans – c’est-à-dire les offices, les avocats, les juges spécialisés en brevets – toujours ont tout intérêt à ce que la bulle enfle, à accorder de plus en plus de brevets, notamment sur les logiciels, et à étendre le domaine de la brevetabilité.

Et si personne ne vient crever cette bulle, elle continuera d’enfler et comme toutes les bulles économiques ça crée des dommages pour la société.

Alors l’Office Européen des Brevets se rend compte lui-même qu’il y a quelque chose qui déconne. La présidente de l’office a demandé en 2009 à la grande chambre de l’Office Européen des Brevets qui est un peu la pseudo-juridiction la plus haute au sein de l’office de dire si en fin de compte les brevets sont interdits ou non puisqu’on a un droit qui les interdit mais une pratique qui les autorise. Et ça a évolué au cours des ans. La réponse à cette question, de la part de la grande chambre de recours c’était que « Non il n’y avait pas lieu à poser la question, c’est une évolution normale de la jurisprudence, on tient compte de l’évolution de la société » et petit à petit les juges internes à l’office ont le droit de tenir de plus en plus compte de ce qui se passe et de changer un petit peu de pratique. Cependant, il y a une phrase qui est lumineuse dans cet avis de la grande chambre qui est celle que vous avez sous les yeux : « Lorsque l’élaboration juridique conduit par la jurisprudence atteint ses limites, il est temps pour le législateur de reprendre la main. » Attention...

Applaudissements

J’ai quarante ans, ça fait vingt ans que je regarde Philippe Risoli. Et cette phrase, elle est géniale pour nous parce que je vous ai un petit peu évoqué qu’en ce moment il y avait quelque chose qui se passait au niveau de l’Union Européenne, le législateur est en train de faire quelque chose sur les brevets. À nous de lui dire que justement tout le monde lui demande de mettre fin à cette ambiguïté qu’on a vu juste avant.

Alors pour comprendre un petit peu justement quelle est cette régulation, je fais un petit point sur comment fonctionne le système des brevets en Europe à l’heure actuelle. Ce qu’il se passe c’est qu’on dépose un brevet à l’OEB, voyez au centre le petit logo rouge de l’OEB et qu’une fois que ce brevet est accordé, il est éclaté en ce qu’on appelle un faisceau de brevets nationaux, c’est-à-dire que le brevet que l’on a déposée à l’OEB, il est valable en France, en Allemagne, au Royaume Uni, en Italie, en Turquie, en Suisse selon les demandes du parti déposant. C’est lui qui dit : « Je veux que mon brevet soit valable dans tous ces pays » et il paye une taxe d’autant plus chère qu’il veut que sont brevet soit étendu à plein de pays. Une fois que le brevet a été délivré, il est régi par le droit national de chaque pays et s’il y a le moindre litige sur un brevet accordé par l’OEB, il est réglé par le tribunal de chacun des pays pour lequel il est en vigueur. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que monsieur Samsung qui a été interdit de vente aux Pays-Bas par monsieur Apple, il est pas du tout interdit de vente en France, pour le moment. Par contre monsieur Apple a fait également un procès en France, on attend de voir ce que ça va donner. Il en a fait en Allemagne, on attend de voir ce que ça va donner. Bien qu’il y ait déjà eu des résultats mais sur d’autres brevets.

Donc ça veut dire que dès qu’il y a un litige sur un brevet délivré par l’OEB, il faut une action en justice par pays pour lequel ce brevet est en vigueur. On se rend compte de l’imperfection du système, on se dit que quand on a un brevet il devrait être valable partout sans payer des taxes à chaque office national, qu’il devrait être applicable en justice partout sans avoir à aller devant chaque tribunal. Donc l’Union européenne réfléchit à fabriquer un brevet unique qui aurait le petit drapeau européen au lieu de plein de petits brevets avec des drapeaux nationaux et un juge unique dont les verdicts s’appliqueraient à l’ensemble de l’Union Européenne et c’est ce qu’on appelait jusqu’à récemment le brevet de l’Union Européenne et le tribunal des brevets de l’Union Européenne.

Or ce projet a connu bien des difficultés, il n’est pas .... [coupure du son]

* Premier problème, c’est que pour faire un brevet qui soit valable sur toute l’Union européenne, les traités exigent l’unanimité des pays membres de l’Union Européenne, il faut qu’ils s’entendent entre eux sur la question des langues. En quelles langues on aura le droit de déposer une demande de brevet qui serait valable pour toute l’Union européenne ? Pour le moment à l’OEB, on peut le déposer en français, en anglais ou en allemand. Ensuite lorsque le brevet passe dans la phase nationale, qu’il est éclaté en faisceau de brevets, ça dépend des pays. Certains exigent une traduction, d’autres non. En France si le brevet a été déposé en anglais ou en allemand à l’office, on n’exige plus de traduction à l’heure actuelle de tout le brevet en français, il sera disponible en anglais.

Petit aparté, c’est que les détenteurs de brevets affirment que ça réduit énormément les coûts, effectivement ils ne sont pas obligés de payer les coûts d’une traduction. Cependant, les coûts ne sont jamais perdus. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Ils sont juste déplacés sur quelqu’un d’autre. Ce quelqu’un d’autre c’est tout le monde. Tout ceux qui ne sont pas détenteurs de brevets. Parce qu’un brevet, en gros c’est un contrat entre le détenteur et le reste de la société. Le détenteur bénéficie d’une exclusivité, d’un monopole pour exploiter son brevet et en échange, il divulgue son invention à toute la société.

Le problème c’est que s’il le divulgue dans une langue qu’on ne connaît pas, cela ne va pas apporter grand chose à la société. Si je suis une petite PME, que je développe quelque chose et que je veux savoir si je risque un procès pour brevet, je suis obligé de connaître les brevets existants. S’ils ne sont pas dans ma langue je suis obligé de les faire traduire. Donc les coûts de traduction, il sont déplacés, pour moi petite société et c’est comme ça pour l’ensemble du tissu économique européen. Les coûts de traduction sont déplacés vers le reste de la société.

Et ce problème de traduction est super important pour les pays européens parce qu’il y a notamment l’Espagne et l’Italie qui disent : « Nous on a une des langues les plus parlées au monde, je vois pas pourquoi les français, les allemands et les anglais seraient privilégiés pour déposer des brevets alors que pas nous. Donc non, on veut pas d’un brevet qui soit valable dans toute l’Union européenne si on peut pas le déposer en espagnol ou en italien. » Problème puisqu’il faut l’unanimité et que l’Espagne et l’Italie ne seront jamais d’accord.

Pour contourner le problème, la Commission et les autres pays ont mis en branle un procédure qui existe dans les traités de l’Union qui est la coopération renforcée. La coopération renforcée avait pour but de... « manger des pommes », c’est Chirac qui a mis ça en place au moment de Maastricht, enfin Mitterrand un peu avant, pour ne pas freiner l’Union européenne alors qu’elle s’étendait à de plus en plus de pays. S’il y a des pays qui veulent avancer sur un point, il ne faut pas qu’ils soient freinés par des petits pays qui sont à la traîne.

Donc ils ont mis en place une procédure qui dit : « Nous qui sommes le moteur de l’Europe, on s’associe ensemble, on fait notre évolution du droit européen, les autres ne sont pas obligés d’y adhérer maintenant mais ils y viendront quand ils seront prêts. » Exemple, les critères de convergence économique pour l’euro, ces choses comme ça, on n’a pas obligé la Grèce avec tous ces feignasses qui dépensent le fric de l’état... je déconne j’ai plein d’amis grecs. Enfin vous voyez un peu l’idée, c’est d’avancer à petit pas pour ceux qui peuvent et que les autres les rejoindront.

Or là, on a une autre utilisation de cette procédure qui est qu’il y en a qui ne sont pas d’accord sur un problème de fond, l’Espagne et l’Italie et on contourne ce désaccord malgré l’exigence d’unanimité et on part sur une procédure de coopération renforcée où on va décider d’une loi sans ceux qui sont pas d’accord. Ça crée d’énormes doutes sur la validité de cette procédure.

Une autre étude, encore du Max-Planck Institut de Munich qui dit que non ce n’est pas légal de faire ça. L’Espagne et l’Italie disent bien évidemment que non ce n’est pas légal de faire ça. Ils ont déposé plainte devant la Cour de justice de l’Union européenne et l’instance est en cours mais la législation dont je suis en train de vous parler depuis déjà beaucoup de temps et j’ai encore un peu de temps à en parler, risque d’être annulée d’un moment à l’autre.

* Deuxième problème, c’est que la Juridiction unifiée, le tribunal unique devant lequel devaient passer les affaires de brevets, la Cour européenne de justice a déjà dit que la manière dont les états membres et la commission voulaient le construire ne correspondait pas aux droits de l’Union. Et ils l’ont dit dans des propos qui sont assez durs. Ils ont dit que, tout bonnement, on était en train d’attenter à la nature même des droits de l’Union en faisant ce projet. Pourquoi ? Parce que l’on construirait un tribunal qui jugerait de tous les litiges en matière de brevets et ce tribunal ne serait pas inséré dans l’ordre juridique de l’Union européenne qui fonctionne très bien pour l’ensemble de la justice.

Quand vous avez un procès sur n’importe quoi, une affaire criminelle, n’importe quoi.. vous avez la justice de votre pays qui vous juge et une fois que c’est passé en dernière instance, en France, Cour de cassation ou Conseil d’État, vous avez toujours la possibilité de déposer un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, voire même devant la cour européenne des droits de l’homme, qui est encore autre chose, pour dire que non la décision de la justice de votre pays est contraire au traité européen.

Et donc on peut poser une question à la Cour de justice de l’Union européenne pour lui demander : « Est-ce que là il n’y aurait pas une mesure du droit de l’Union qui interdirait d’appliquer comme le tribunal national voulait le faire ? » Et si un état membre applique une décision de justice contraire au droit de l’Union, il est condamné et il doit payer des dommages et intérêts à celui qui est victime de cette injustice. Et bien là, dans le tribunal des brevets spécial unifié qu’on voulait mettre en place, il n’y avait pas cette possibilité.

Ça casse un peu toute l’architecture de l’Union européenne. Il faut voir que dans le domaine dont je vous parle, on est en train de jouer les apprentis sorciers. On a une superbe construction, une construction qui est très discutable mais qui est très discutée et qui a pris des dizaines d’années à être mise en place et on veut faire quelque chose de vraiment à part, juste pour le brevet. Pourquoi ? On va le voir plus tard. Mais vous avez déjà une petite idée en voyant la bulle.

Donc en mars de cette année, en mars 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a dit : « Oh là, stop, arrêtez, c’est contraire au traité, il faut revoir un petit peu votre projet et insérer la possibilité de poser un recours devant nous, devant la Cour de justice de l’Union européenne pour le Tribunal unifié des brevets. »

Donc la Commission s’est remise au travail et a pondu un nouveau texte.

* Troisième problème de ce projet, c’est que l’on a un super exemple avec le États-Unis, les États-Unis depuis 1984 ou 86, enfin le milieu des années 80, ont mis en place un tel tribunal unifié, spécialisé dans les brevets. Et qu’est-ce qu’on a observé c’est que quand on crée quelque chose de spécialisé, il a tendance à vouloir prendre de plus en plus de pouvoir. Ça n’a pas manqué donc la CAFC, la Cour d’Appel pour le Circuit Fédéral américain a tenté d’élargir de plus en plus ses pouvoirs et de délivrer des décisions sur les brevets malgré ce qu’avait pu dire avant la Cour suprême des États-Unis.

Récemment la Cour suprême a un petit peu tapé sur les doigts de ce tribunal spécialisé en lui disant : « Eh oh, t’es bien gentil, tu fais tes propres lois pour les brevets mais faut pas que ça sorte du cadre général de la justice. » Donc on a un exemple qui montre que c’est toujours dangereux de créer des juridictions spécialisées. Et bien c’est avec tous ces écueils qu’il faut que l’Union européenne se démerde. Et elle a pas trente six manières de se démerder. Ce qu’il faut qu’elle fasse c’est que toutes les décisions sur les litiges portant sur les brevets soient soumises à un processus judiciaire normal qui puisse être revu par une cour indépendante. C’est-à-dire, pas spécialisée dans les brevets mais une cour qui est capable justement de faire appliquer un principe de proportionnalité, de faire peser la balance, d’assurer un équilibre entre le droit des brevets et puis d’autres droits qui viendraient en conflit, le droit de la concurrence, les droits et libertés fondamentaux. Enfin de rendre la justice de manière normale, juste. Et c’est ce qu’il va falloir que réalise le projet de brevet unitaire qui est actuellement en discussion.

Ce qu’il va falloir qu’il fasse aussi c’est prendre acte du fait que la plupart des problèmes sont dus au fait que l’Office Européen des Brevets tourne en roue libre. Il n’est soumis à aucun contrôle de la part d’une instance démocratique. Il a ses propres intérêts qui sont discutables mais compréhensibles. Mais il faut qu’à un moment, puisque le brevet est un contrat avec la société, qu’il y ait quelqu’un qui représente la société, c’est-à-dire un législateur, qui contrôle un petit peu les dérives. Et donc le règlement qui est en train d’être élaboré, il va falloir également qu’il respecte ça. Qu’il respecte le droit au législateur de dire : « Ah ben on a vu que les brevets, par exemple sur le logiciel, au hasard, posent des problèmes d’ordre économique, posent des problèmes en tant que liberté, par exemple pour les développeurs de logiciels libres et bien, les brevets sur le logiciels ne servent à rien, on va prendre une décision politique, on en veut pas et il faut que l’Office Européen des Brevets se soumette à cette décision. » Donc voilà la deuxième contrainte qui pèse sur l’élaboration du règlement sur le brevet unitaire.

Ce brevet unitaire, il a été élaboré depuis pas mal d’années et il a été proposé au vote de l’Union européenne en avril de cette année. Il n’y avait pas beaucoup de monde qui avait participé au combat en 2003, donc vous ne connaissez peut-être pas le processus législatif européen. En gros, on a le Parlement européen qui est élu démocratiquement et puis d’un autre côté on a le Conseil qui rassemble tous les États membres, donc des ministres, des représentants des ministères pour un sujet donné et ça fait, en gros, les deux chambres de l’Union européenne qui doivent se mettre d’accord sur une législation. C’est ce qu’on appelle le processus de co-décision, cela se passe en plusieurs lectures, comme entre l’Assemblée Nationale et le Sénat en France. Le Parlement vote une position, le Conseil accepte les amendements du Parlement, ou pas, en propose d’autres éventuellement. S’il y a une différence, on revient en deuxième lecture au Parlement, puis le Conseil est d’accord ou pas et éventuellement une troisième lecture qui est chargée de trancher entre les deux.

On en est au tout début de ce processus législatif, là. La commission a proposé un règlement. Deuxième petit point de droit européen, je suis désolé de faire tous ces trucs techniques mais c’est un point important. C’est qu’il y a, en gros, deux manières de faire une loi européenne, il y a la directive où l’Union Européenne pond un texte et puis ensuite chaque état est chargé de le transposer dans sa législation nationale avec un petit degré de liberté pour adapter certaines dispositions de cette directive et puis il y a le règlement où ce que vote le Conseil et le Parlement européen s’applique directement à tout le monde, à tous les citoyens de l’Union européenne sans qu’il y ait besoin de transposition.

Là, on est justement dans le cadre d’un règlement. Ce règlement, la Commission a fait une proposition au mois d’avril de cette année et l’architecture du brevet unitaire valable sur l’ensemble de l’Union Européenne, que la Commission a proposée, est très particulière.

Jusqu’ici on s’était dit, dans les travaux qu’il y avait eu depuis... ça remonte à cinquante ans. Ça fait cinquante ans que l’Union Européenne réfléchit à faire un brevet qui serait valable pour toute l’Union Européenne.

Jusqu’ici on s’était dit, l’Union Européenne, va créer son brevet à elle - comme il existe un brevet français, un brevet allemand, un brevet... etc. - et puis lorsqu’on déposera une demande à l’OEB, un brevet délivré par l’OEB, au lieu de s’éclater en brevet allemand, français, truc etc. Il s’éclatera en un seul brevet, de l’Union Européenne, voilà, pour tous les pays de l’Union Européenne et éventuellement pour la Turquie, la Suisse, qui ne sont pas membres de l’Union Européenne.

Mais pour les pays de l’Union Européenne, il n’y en aura qu’un seul. C’était l’architecture jusque là. Et dans le règlement proposé, c’est pas du tout cette architecture-là. Ils se disent, la proposition de règlement elle dit : « Ben on garde le brevet de l’OEB, juste on lui ajoute un petit flag disant qu’il doit s’étendre à tous les pays de l’Union Européenne. Ça signifie qu’il n’y aura qu’une seule taxe à payer au lieu de la payer à tous les offices nationaux. Mais c’est tout. »

Donc on mélange un petit peu le droit de l’OEB - c’est-à-dire la Convention sur le Brevet Européen, la CBE, qui je vous le rappelle est un accord international, ça ne fait pas partie du droit de l’Union, c’est un accord entre les pays qui participent à l’OEB, et le droit de l’Union puisqu’on est en train de faire un règlement voté par le Parlement et le Conseil. On mélange les deux donc, pour faire... pour élaborer ce brevet unitaire. On ne l’appelle plus brevet de l’Union, on l’appelle brevet unitaire maintenant. Et en ce qui concerne le tribunal chargé de régler tous les litiges sur les brevets, on ne va pas faire non plus un tribunal qui appartiendrait vraiment à l’Union.

L’Union ne ferait pas partie de l’accord international qui va instituer ce tribunal. Ça va être juste les états membres participants qui vont faire un tribunal unique devant lequel passeront tous les litiges sur les brevets.

Une toute petite parenthèse pour expliciter ce dessin. Vous avez vu qu’au lieu d’avoir un gros drapeau de l’Union sur le brevet, maintenant il y a les drapeaux de chacun des pays, c’est un petit peu ce qui se passe. Et sur le tribunal, il y a aussi les drapeaux de tous les pays avec l’Allemagne en plus gros. Pourquoi ? Parce que le système judiciaire qui a été imaginé est calqué sur celui de l’Allemagne. Il y a des spécificités du droit allemand dans les brevets, je ne vais pas m’étendre dessus. Mais ce qu’on prévoit de faire, c’est exactement la même chose. Ce qui veut dire que sur cette affaire on a une lutte, un petit peu, de pouvoir entre les pays de l’Union. On a l’Allemagne qui pousse beaucoup pour étendre à toute l’Union son système et puis l’Italie et l’Espagne qui sont contres et on ravive un petit peu comme ça des tensions nationales.

Tout ça pour vous expliquer le contexte dans lequel se fait ce règlement, qui est assez particulier en fait. Et puis l’architecture que je viens de vous expliquer comporte des trous juridiques, mais énormes. Énormes. Je les ai un petit peu résumés là.

On a fait sur un site qui s’appelle brevet-unitaire.eu, une analyse juridique complète de la proposition de règlement et on a détaillé tous ces trous juridiques. Mais en gros, de mélanger le droit de la CBE - Convention sur le Brevet Européen - et le droit de l’Union, c’est problématique.

D’abord le droit de l’Union, il autorisait l’Union à créer un brevet de l’Union. Ce qu’on avait avant. Or là, ce n’est pas vraiment ce qu’on fait. On fait juste ajouter un petit flag, je vous l’ai dit, au brevet de l’OEB. Donc est-ce qu’on respecte bien le droit de l’Union en faisant ça ?

D’autres part ce petit flag qui est à ajouter, il est permis par la CBE pour un groupe d’états membres participants. Maintenant quand on fait un règlement de l’Union Européenne, une loi de l’Union Européenne, est-ce qu’on a le droit de mettre en œuvre ceci ? Parce que ceci fait partie d’un accord international, ça fait parti du droit international privé.

Un règlement de l’Union Européenne, c’est un acte normatif de l’Union.

Ça ne fait pas vraiment partie du même corpus de droit. C’est assez technique, mais ça montre qu’il y a des doutes.

Et, je vous ai dit que la procédure de coopération renforcée sur laquelle se décide cette législation était déjà attaquée devant la Cour européenne. Est-ce que le règlement qui met en œuvre cette coopération renforcée peut se permettre d’avoir des doutes juridiques ? Ou est-ce que ça ne va pas tout simplement foutre l’ensemble du projet à la poubelle ? Donc on a soulevé ces doutes. On a soulevé ces doutes et on a fait des amendements. Des amendements qui permettent d’une part de corriger les doutes juridiques. Comme ça, ceux qui veulent vraiment l’avènement d’un brevet unitaire sont contents. Ça ne sera pas bloqué par des trous juridiques. Et par ailleurs, on a fait des amendements qui tiennent compte des deux conditions qu’on avait dit avant : il faut qu’il y ait une justice... un tribunal indépendant qui soit au dessus de tout et il faut que politiquement on contrôle ce que fait l’Union Européenne. Et ces amendements permettent de répondre aux deux angles... voyez juridique et politique.

Ces amendements en gros on peut... il y en a trois importants. Il y en a un qui dit : « le brevet unitaire, ça doit être un brevet de l’Union Européenne, faire partie du droit de l’Union Européenne et par conséquent la Cour de justice de l’Union Européenne peut trancher sur des litiges le concernant. »

Deuxième amendement, c’est « il faut arrêter d’utiliser le disposition de la CBE permettant d’ajouter un petit flag au brevet de l’OEB pour dire qu’il est unitaire. » Ça c’est carrément... c’est quasiment sûr que ça se fera retoquer. C’est juste pas possible de mélanger deux corpus de droit comme ça. Mais alors si on a comme ça une disjonction entre l’Union Européenne et l’office Européen des brevets, comment on va faire pour que l’Office Européen des Brevets délivre un brevet qu’on veut ensuite étendre dans toute l’Union ? Et bien on peut le faire tout simplement en terme juridique en confirmant le caractère autonome de ce brevet. Ce qui veut dire que le droit qui s’applique à ce brevet unitaire, c’est le droit de l’Union et c’est toutes les dispositions qui ont servi à faire vivre ce brevet.

Donc lorsque l’Office Européen des Brevets applique les règles de la CBE... vous vous souvenez de celle qu’on a vu au début ? Une règle de la CBE qu’on a vu tout au début, dans le deuxième ou troisième transparent, elle était super importante. Elle disait... nan ? « Les brevets ne s’appliquent pas aux programmes d’ordinateurs. » Elle nous intéresse vachement cette règle-là. On a vu qu’elle était bafouée par l’Office Européen des Brevets. Imaginez qu’elle vienne dans l’Union Européenne ? Que ce soit une règle du droit Européen. Ben ça veut dire qu’un juge indépendant qui aurait aucun intérêt à ce que le domaine du brevet s’étende à tout, pourrait la faire respecter vraiment et dire à l’Office Européen : « Arrêtez vos conneries, il n’y a pas de brevet en tant que tel, des brevets qui seraient techniques... pardon, des logiciels en tant que tel et des logiciels qui seraient techniques. Il y a des logiciels, point. Et le droit dit qu’ils sont interdits. Donc ils sont interdits, point. »

Et c’est l’idée donc, de ce troisième amendement, c’est de faire rentrer, dans le droit de l’Union Européenne les règles telles que celles qui définissent qu’est-ce qui peut être brevetable, qu’est-ce qui ne peut pas être brevetable et sous quelles conditions on peut accorder un brevet.

Dernière petite règl, on veut enfoncer le clou. Bon c’est déjà dit qu’un logiciel ne peut pas être brevetable, mais il y a ce petit mot « en tant que tel », qui on l’a vu, a fait dériver l’Office Européen des Brevets. Ben on veut le dire encore plus fort et donc on veut mettre dans le règlement sur le brevet unitaire très clairement « les logiciels ne sont pas brevetables ». Ça on a les moyens de le faire. Les moyens qui ont été éprouvés dans la directive sur les brevets logiciels dont je vous ai parlée au début. Le Parlement avait fait voter des amendements en première lecture qui définissaient ça de manière très claire. Ça a été rejeté ensuite par le Conseil et puis en deuxième lecture, les pros brevets logiciels et les anti-brevets logiciels au Parlement Européen se sont dit « On ne va jamais réussir à se mettre d’accord, il vaut mieux rejeter la directive dans son ensemble. »

Mais on avait quand même déjà tous les amendements qui permettaient de le dire clairement. Et ben on a re-foutu ces amendements dans le règlement sur le brevet unitaire. Donc voilà en gros les quatre amendements qui seraient super importants à faire passer et qui nous garantiraient une victoire.

Conclusion, conclusion... il faudrait que tout ce que je viens de raconter arrive. C’est sympa de vous le raconter et en plus personne a omis d’objection encore. Vous êtes super attentifs et vous avez l’air super d’accord et à la fin je suis sûr que vous serez d’accord puisque vous êtes de l’April. Mais maintenant, vous ne votez pas de loi, c’est dommage.

On a un copain qui vote des lois. C’est Christian Engström qui est un député du parti pirate suédois, qui s’est fait élire au Parlement Européen. Hé ben il a déposé nos amendements. Tous ceux qu’on avait élaborés depuis le mois d’avril et que je vous ai expliqués là, il les a déposés. C’est en cours de discussions. Demain, 15h la Commission aux affaires juridiques - qui est la commission qui réfléchit au fond de ce dossier pour ce règlement - va discuter de ces amendements. Problème : il n’y a que lui. Lui et son groupe - donc il est chez les verts - les verts du Parlement Européen vont tous voter pour - aucun problème. Tous les autres, ils ont pas compris. Tous les autres députés européens... on nous marque qu’on leur parle de brevet logiciel.

La bataille qui a eu lieu en 2003-2005 était super intense. Vous avez vu sur l’un des premiers transparents un petit bateau, un petit kayak qui encerclait un gros yacht. Le gros yacht était loué par les agences de communication qui essayaient de faire passer la directive sur les brevets logiciels. Et le petit yacht, il a été loué par nous. Des gens de l’April, des gens de la FFII, enfin des opposants à la brevetabilité logicielle qui ont encerclé ce gros yacht avec leur kayak. Et ça, ça se passait à Strasbourg, pendant que le Parlement européen allait voter justement cette directive et la rejeter. Ils ont vu passer ça.

Et ça faisait 2 ans, 3 ans que tout le monde leur téléphonait, les emmerdait sur ce sujet. C’est devenu la première fois que le Parlement européen a rejeté une directive en deuxième lecture. Bref, c’était un sujet dont on leur a chauffé les oreilles. On leur a dit « Attention, il y a les citoyens qui veulent que vous les représentiez » et clairement ça les a emmerdés. Et ils en ont un peu marre qu’on leur parle de ça.

Et là, la Commission leur présente un projet qui leur dit : « Bon ça va mettre fin à cinquante ans de discussions où on n’a pas réussi à faire un seul brevet pour l’Europe. Tout le monde veut un seul brevet pour l’Europe. Voter tout ce qu’on vous dit sans rien... sans réfléchir si possible. » Et il le font. Ils le font même super bien. C’est fou ce qu’un député peut aimer ne pas réfléchir.

Donc notre tâche, c’est de leur dire. Juste de leur dire. Tous ceux à qui on l’a dit - j’ai parlé des verts et d’un député qui était très proche de nos positions mais il y a d’autres députés quand même. J’ai... j’ai poujadisé en disant que c’était tous des cons mais pas tous. Petit à petit les gens se rendent compte que ce qu’on dit, c’est vrai. On leur avait déjà dit « Vous précipitez pas à voter une procédure de coopération renforcée » - ça c’était en janvier/février de cette année - « parce que le projet de tribunal unifié, la CJUE, la Cour de Justice de l’Union Européenne, doit donner son avis dessus en mars, donc attendez qu’elle donne son avis ». Ben ils n’ont pas attendu, ils ont lancé la coopération renforcée. Et boom, en mars, on l’a vu, la CJUE a dit « non, c’est super contraire à l’ordre de l’Union ce que vous prévoyez. » Donc on a une certaine crédibilité. Elle est assise par des études économiques

... dans le but d’interdire les brevets logiciels. Elle est assise par des études juridiques, quand on soulève des points juridiques d’incompatibilité. Bref, on a raison. On le sait sur plein de trucs du Logiciel Libre on a raison, mais on ne sait pas quand. Enfin on sait qu’on a raison mais en même temps on ne sait pas quand tout le monde va s’en rendre compte. Là c’est un peu pareil mais on a tout ce qu’il faut pour soutenir nos arguments. Je crois que je vais m’arrêter là, j’ai déjà pas mal parlé. Je vais répondre à vos questions et je vais vous inciter à contacter les députés européens. Je ne sais pas si c’est déjà en ligne... donc ça va être mis en ligne lundi. Lundi. Non non, pas dans le vote. Où on indique quels sont les députés à contacter en priorité. Les arguments à leur dire, je viens de vous les exposer. Ils sont détaillés en détail sur le site donc brevet-unitaire.eu ou unitary-patent.eu. Et voilà.

Je vous remercie et je vais répondre à vos questions.

Applaudissements

Est-ce que vous avez des questions ?

Luc Fievet : Ouais quand tu décrivais cette... enfin le fait que l’OEB dépende d’un accord international, donc c’est pas du droit au sens... au sens des lois votées par le Parlement et ce genre de choses si j’ai bien compris.

Gérald : C’est exactement comme l’ACTA

.

Luc Fievet : Voilà, ben c’est à ça que je voulais en venir, c’est que ça me faisait penser à l’ACTA et à ses systèmes de... où on commence à faire du droit extra-judiciaire en quelque sorte, je ne sais pas si ça veut dire grand chose.

Gérald : Bon, c’est exactement comme l’ACTA, mais c’est aussi comme l’OMC

. C’est comme l’OMPI. C’est du droit international privé. C’est un droit dans lequel vos représentants, les chefs d’états, sont habilités à conclure des contrats avec des autres chefs d’états. C’est quelque chose qui est peut-être discutable, je pense, mais ça existe. Et ça se fait sans arrêt. Et pour mettre en place l’Union Européenne, il a fallu ça. Il a fallu que les chefs d’états s’accordent entre eux pour construire l’Union.

Oui ?

Aprilien : Merci. Juste un petit commentaire. Parce que tu disais qu’on avait un grand copain au Parlement Européen Christian Engström...

Gérald : Pour les brevets.

Aprilien : Oui par contre j’en ai un deuxième qui va arriver... ou plutôt une deuxième

Gérald : Améliaaaaaaaaaaaaaaa

Aprilien : Normalement, à partir du premier janvier, elle devrait siéger au parlement Européen

Gérald : C’est pas décembre ?

Aprilien : C’est possible. J’ai peut être dit une bêtise.

Gérald : Enfin c’est très bientôt.

Aprilien : Voilà très bientôt on va avoir une deuxième amie là-bas.

Gérald : Ouais, et qui est encore mieux que Christian. Y a rien de sexiste là-dedans, mais elle est vraiment bien Amélia.

Christian Engström a été président de la FFII Suède, pendant que moi j’ai été président de la FFII France dans un moment d’égarement. Et heu... C’est enregistré ? Merde ! J’assume... Et Christian est extrêmement sensibilisé au problème des brevets, mais il reste assez isolé au sein du Parlement européen et il n’ose peut-être pas toujours faire valoir ses positions en étant isolé. Ça s’est passé notamment sur le paquet télécom où il a accepté des compromis que... s’il n’avait pas été au milieu de tous les autres et encore activiste, il aurait défendu des positions beaucoup plus tranchées que ça.

Amélia est plus jeune et plus... prête à moins de concessions.

Et ça me permet de faire un point sur le calendrier. Ce règlement, il est... donc les amendements sont discutés sur la Commission au fond demain. Après demain, mardi, cette même commission au fond, aux affaires juridiques

va voter un mandat pour que les rapporteurs de cette commission puissent discuter avec le Conseil et la Commission pour essayer de rapprocher les opinions de chacune de ces institutions pour qu’on converge le plus vite possible vers une loi votée par les deux chambres - entre guillemets - de l’Union Européenne.

Et mercredi, c’est une commission à l’industrie qui est nommée pour avis simple sur ce règlement qui va voter les amendements. Là aussi, nos amendements, les mêmes que ceux déposés en commission aux affaires juridiques ont été déposés par les verts et vont être votés ou rejetés mercredi, entre 10h et midi je crois. Ensuite, a priori la commission sur le fond aux affaires juridique votera les amendements au mois de décembre - début décembre - mi-décembre. Et ça passera en séance plénière soit en janvier, soit en février 2012. Donc le parlement aura adopté sa position en première lecture à ce moment-là.

Le Conseil, soit ben justement le Parlement a voté des choses qui sont allées dans le sens des discussions informelles qui sont en cours et le Conseil avalisera ce qu’a voté le parlement. Soit on est super forts, on a réussi à faire passer nos amendements qui changent quand même pas mal l’architecture sur lequel le Conseil s’est pas prononcé. A priori ne sera pas d’accord tout de suite et donc il y aura un aller-retour entre les deux chambres et ça peut continuer comme ça pendant encore 1 an à 1 an et demi. Entre temps, on ne sait pas quand est-ce que la Cour de Justice de l’Union Européenne dira si il était légal ou non de faire ça selon la procédure de coopération renforcée. C’est pareil, ça peut prendre 2 à 3 ans et ça peut tomber à n’importe quel moment et tout annulé. On ne sait pas.

D’autres questions ?

Frédéric Couchet : Alors nous allons pouvoir faire une petite pause mais d’abord tu vas nous mettre une vidéo, c’est ça ou ?

Gérald : Non non, juste le son pour dire qu’on a un super super argument là-dedans, c’est que tout ce qu’on veut, c’est que le Parlement européen prenne le pouvoir. Qu’il dise : « Vous discutez des trucs entre le Conseil et la Commission là, mais nous, on a peut-être une vue qui est un peu différente et qui apporte des choses. » Qu’ils disent : « L’Office Européen des Brevets décide des choses mais nous, on représente les citoyens et on veut faire voter des choses contraignantes pour l’Office. » D’où la petite chanson qui vient égailler la fin de cette présentation qui dit :

« Power to the parliament », qui a été faite par deux musiciens qui ont joué avec l’assistant actuel de Christian Engström de la musique dans leur jeunesse et qui s’appelle « Power to the parliament ». Le son est joli.

forget its speaks

this is a donut

for the price of the donut

consumer donut

I’m underpaid

I work long hours

I work all day

who got the power ?

Power to the parliament, is it democratic ?

Power to the parliament, it’s democratic.

we are a million

in this airspace

what right have I ?

in this airplace

I’m giving bars

I’m....

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.