- Titre :
- Une année de combats pour vos libertés.
- Intervenante :
- Adrienne Charmet-Alix de la Quadrature du Net
- Lieu :
- Pas Sage En Seine
- Date :
- Juin 2014
- Durée :
- 54 min 05
- Pour visionner la vidéo : Une année de combats pour vos libertés
Description
Un point d’étape sur les actions et évolutions de la Quadrature du Net : neutralité du Net, surveillance, données personnelles, vie privée etc.
Transcription
Bonjour. Je vais vous présenter, enfin vous représenter, parce que j’imagine que beaucoup d’entre vous connaissent la Quadrature [1]. Ou pas ! Je ne sais pas ! Mais, je me suis rendu compte que même en connaissant la Quadrature, ça ne faisait pas de mal de faire un point, au moins une fois par an, sur ce qu’on faisait, ce qu’on allait faire et la raison pour laquelle on avait besoin de vous. Donc, je vais reprendre un peu, si ça vous va, les différents sujets sur lesquels la Quadrature travaille et donc les problématiques, ce qu’on a fait et ce qu’on va faire. Et ensuite, ce que j’aimerais bien, c’est qu’on prenne un peu de temps d’échange, relativement long, sur ce qu’il y a à faire plus tard, parce qu’il y a pas mal de changements à la Quadrature. Un changement assez visible, c’est que je ne suis pas barbue et je ne suis pas un guérilleros du web et donc Jérémie Zimmermann [2] est parti, par exemple, de l’équipe opérationnelle ; ça fait un gros changement. Donc, prendre un peu de temps pour voir comment on va évoluer avec vous, j’espère, et sur les différents sujets. Je vais prendre un peu une année de la Quadrature, entre 2013 et 2014, et aborder plusieurs sujets qui sont les sujets de fond de la Quadrature.
D’abord, sur la neutralité du Net qui est un sujet qui actuellement est très médiatisé et notamment, il y a une vidéo [3] qui a fait le tour du web il y a quinze jours, que vous avez j’espère vue, sur la neutralité du Net. Et un des gros sujets de la Quadrature entre 2013 et 2014, ça a été d’aider, de travailler sur une vraie définition de la neutralité du Net, de la défendre, de la faire avancer et de la faire, si possible, adopter et gagner. Donc, si on reprend strictement ce que c’est que la neutralité du Net, c’est d’abord un principe. Le fait d’une égalité de traitement entre toutes les données qui transitent sur le web. De dire que le transporteur de données n’a pas à discriminer ou inspecter, prioriser ou dé-prioriser ce qu’il transporte pour quelque raison que ce soit. C’est vraiment un principe de, comment dire, d’égalité totale de traitement.
Deuxième point, une application. Donc, pas d’altération de la qualité de distribution. Pas de modification du contenu ou de la manière dont ça se transporte. Pas de discrimination selon ou entre les émetteurs et les récepteurs. Donc, une application assez stricte.
Ensuite, et c’est là qu’on arrive aux actions de la Quadrature, la neutralité du Net qui est un des principes de base de l’Internet, quelque chose qui naturellement se fait depuis le démarrage, est aujourd’hui très largement menacée notamment pas les opérateurs Télécoms qui réclament, alors sous un prétexte, une raison assez fréquemment martelée, qu’il y a une congestion des réseaux, qu’on ne peut plus permettre de tout faire passer à la même vitesse, réclament de pouvoir discriminer ces contenus et, ou, de facturer à l’émetteur ou au destinataire une priorisation de ces contenus. Dans les cas qui sont assez connus, il y a le cas de Netflix aux États-Unis, de SFR avec ses forfaits spécialisés, qui fait un truc assez particulier qui est de la discrimination positive de contenu, c’est-à-dire vous payez pour avoir l’Internet plus Youtube, gratuits et illimités et machin, ou les problèmes bien connus de Free avec Youtube, où si vous êtes un freenaute, vous pouvez toujours courir pour avoir une vidéo qui ne saute pas sur Youtube.
Donc, c’est un risque réel de discrimination des contenus et de non égalité devant l’accès au réseau. Ce n’est pas un fantasme, ce n’est pas idée comme ça, que ça pourrait arriver dans dix ans, dans quinze ans ; c’est quelque chose de bien réel et qui porte un certain nombre de problèmes, qui est dangereux pour un certain nombre de raisons qui sont les trois raisons principales que j’ai mises en dessous.
La première c’est l’innovation. C’est-à-dire que l’Internet et le Web se sont construits sur ce principe d’égalité qui permet à chacun d’avoir accès au réseau de la même façon que les autres sans avoir à payer un ticket d’entrée plus cher que les autres pour pouvoir faire passer ses flux. Et donc, le fait de mettre en place ces systèmes de priorisation est une atteinte à la liberté d’innovation et aux capacités d’innovation des uns et des autres.
Deuxième point : c’est dangereux pour tout l’Internet non marchand, qui est bien réel, contrairement à ce que disent plein de gens qui sont contre la neutralité du Net. Pour vous donner un exemple que je connais bien, si Wikipédia devait payer l’accès au réseau pour que les contributeurs de Wikipédia puissent apporter leurs contenus sur Wikipédia, Wikipédia qui est géré par une fondation à but non lucratif et uniquement financé par les internautes, ne pourrait probablement pas, alors bon, il y a beaucoup de textes sur Wikipédia, mais il y a de plus en plus d’images et on commence à avoir de la vidéo et des sons, ne pourrait probablement pas avoir un accès au réseau aussi facilité que celui qu’il a aujourd’hui. Donc, c’est un aspect du non marchand. Il y a plein d’autres aspects du non marchand. Si vous deviez beaucoup plus payer pour écrire sur un blog, pour mettre en ligne votre site personnel qui n’est pas forcément à vocation marchande, etc., c’est important que le prix ne soit pas déterminé par les choses que vous allez mettre sur Internet, mais éventuellement par d’autres raisons, mais pas parce que vous voulez mettre quelque chose sur le Web.
C’est dangereux pour la diversité aussi, pour une raison assez simple. C’est qu’une des manières de mettre en œuvre une non neutralité du Net, c’est de sectoriser, de faire des offres. Par exemple, on peut à un moment, vous proposer d’avoir juste un accès à Gmail et à Facebook et à Wikipédia, par exemple, pour cinq euros par mois. Et puis, si vous passez à dix euros par mois vous avez en plus Youtube et puis, je ne sais pas, Overblog. Et puis, si vous passez à quinze euros par mois, vous avez accès à d’autres services, et si vous passez à trente euros par mois ou trente-cinq euros par mois, vous avez accès à l’intégralité du Web. Donc, on est assez facilement dans un système qui se retrouve à se refermer en petits univers, en plates-formes. Je ne sais si, par exemple, vous êtes déjà allés sur la plate-forme d’Orange où on vous fait croire que tout le Web peut être contenu dans cette plate-forme d’Orange : vous avez vos mails, vous avez des annuaires, vous avez des actus, vous avez des machins, et on voit très bien ce que ça pourrait donner, que d’avoir, vous avez juste l’offre Orange, vous payez cinq euros par mois et vous n’en sortez pas. Vous tournez en rond dedans et vous ne pouvez pas en sortir. Donc, c’est extrêmement dangereux pour la diversité du Web.
Qu’est-ce qu’on fait face à cette menace ? À la Quadrature, j’en parlerai un petit peu après, il y a un gros travail d’analyse qui est fait, par ma collègue Miriam [Artino, NdT.], notamment, mais pas que, et puis par des gens que vous connaissez peut-être comme Félix [Tréguer, NdT.], etc., et tout ce travail, c’est un travail de définitions assez strictes et assez simples, qui juridiquement tiennent la route, de pédagogie, de sensibilisation, non seulement auprès de, moi ce que j’appelle nos communautés, c’est un peu vous les gens qui sont intéressés par la thématique, éventuellement qui suivent la Quadrature sur Twitter ou autre, ou sur les listes de discussion, et qui sont sensibilisés à ça. Ça, j’aurais tendance à dire que ça ne se passe pas trop mal sur cette partie-là. Mais, on a d’autres étapes à franchir qui sont les étapes du grand public, des médias, et des décideurs politiques où là, c’est beaucoup plus compliqué. Ce sont des concepts qui ne sont pas forcément si simples que ça à comprendre, ou alors on est avec des publics qui se disent « Ouais, mais de toutes façons, moi, à part mon mail, Facebook et Youtube, je ne vois pas trop ce que j’ai à avoir d’autre. Donc pourquoi pas ? Je n’ai pas beaucoup d’argent. C’est la crise, pourquoi pas accepter ce type d’offres ». Et là, c’est un gros travail de pédagogie à faire, qu’on ne fait probablement pas assez pour l’instant. Et si on veut pouvoir peser sur les décideurs politiques français ou européens, si on veut pouvoir se retrouver crédibles et audibles face aux autres lobbies, il faut qu’on sache qu’on a une masse qui comprend et qui nous soutient derrière. Donc, c’est vraiment important de faire ce travail vers le grand public.
Et puis, il y a eu un gros travail de fait que vous avez probablement vu passer au début de l’année 2014, auprès du Parlement européen, puisqu’il y a eu un vote qui, contre toute attente, a été gagné de notre point de vue, pour garantir la neutralité du Net dans le paquet Télécoms, qui est un gros ensemble de règles qui a été voté par le Parlement européen [4] au tout début du mois d’avril. Donc, là avec une grosse campagne d’appels, de sensibilisation, d’explications auprès des parlementaires européens et alors que franchement ce n’était pas du tout gagné, la Quadrature a vu que c’était possible de faire basculer des députés européens du bon côté de la barrière.
Qu’est-ce qu’on a à faire maintenant ? On a à continuer à suivre le processus législatif. Ce n’est pas parce que le Parlement européen a voté la neutralité du Net que la question est finie. Ça revient ensuite au Conseil des ministres de l’Union européenne puis ça repart au Parlement européen, etc. Il y a tout un jeu de navettes et de réécriture de ce paquet télécoms, et aujourd’hui, on se retrouve avec des positions, et notamment la position du gouvernement français, qui n’est absolument pas claire sur cette question de neutralité du Net, qui dit « oui, oui on est pour la neutralité du Net », de toutes façons, tout le monde est pour la neutralité du Net, « mais on aimerait quand même pouvoir garder des services spécialisés qui puissent permettre aux opérateurs de faire leurs propres services, etc. ». Et puis en fait, on se rend compte que les opérateurs de télécommunications ne veulent pas se cantonner à leur rôle de fournisseur d’accès. Ils veulent absolument pouvoir monter leurs propres services, monter leur propre écosystème. Et le gouvernement français est malheureusement très tourné vers ce côté-là, et c’est très difficile d’aller dans l’autre sens. Donc, il y a besoin de continuer à suivre et de continuer à faire pression sur les décideurs politiques sur ce point-là.
Deuxième point. Donc, continuer à sensibiliser auprès du nouveau Parlement européen, où là, on est en train de commencer à préparer une manière de communiquer, de se présenter, de présenter nos volontés, etc., aux nouveaux députés européens. Il y a beaucoup de nouveaux députés, qui ne nous connaissent pas forcément, qui ne connaissent pas forcément ces enjeux-là, qui vont être bombardés par les lobbies sur ces questions-là, et on a vraiment besoin d’aller faire un travail à moyen, long terme, d’explication et de sensibilisation. Et, ce que je disais tout à l’heure, il faut absolument qu’on arrive faire passer ce concept-là, vraiment dans le grand public, et là, c’est un endroit où on peut tous agir de manière très simple et très concrète, dans nos entourages, c’est vraiment un travail de sensibilisation d’une personne à une personne, en allant expliquer. Qu’on puisse à un moment, s’il faut, montrer qu’on est nombreux à soutenir cette neutralité du Net, qu’on ne soit pas cinq mille. On ne fait pas des manifs dans la rue, les geeks, parce qu’on ne sera pas assez nombreux. Mais, il faut qu’on arrive à montrer qu’on est puissants.
Et, dans le reste du calendrier, il y a un projet de loi numérique qui est annoncé par le gouvernement pour la fin 2014, qui pourrait, ou pas, contenir un volet sur la neutralité du Net, ce qui est un peu bizarre, parce que c’est en train de se décider au niveau européen, mais la France en parle aussi. Au départ, c’était un projet de loi liberté numérique, mais ça a l’air de se réduire au fur et à mesure, et s’il y a un volet sur la neutralité du Net, à ce moment-là, il faudra qu’on soit particulièrement actifs.
Deuxième point important des actions de la Quadrature, c’est tout ce qui concerne la surveillance et les données personnelles. On ne peut pas ignorer qu’il y a un peu plus d’un an, il y a eu un gros choc dans les médias, dans l’opinion publique, un peu partout, qui est les révélations d’Edward Snowden qui montrent, à un moment, que les programmes de surveillance de la NSA sont absolument tentaculaires, etc. J’ai écouté la conf. de Manach [5] tout à l’heure, je ne sais pas si vous l’avez écoutée, elle était absolument passionnante. Je vais éviter de dire des bêtises après lui, mais allez écouter sa conf. dessus, où il parle notamment du fait qu’il ne faut pas se résigner sur ces questions-là, et ce n’est pas parce qu’on a l’impression que c’est absolument massif qu’il faut se résigner, parce que le pire est à venir. Ça, ça a quand même pas mal changé, y compris dans le grand public, la perception qu’on peut avoir du problème de la surveillance. Et donc, de ce qu’on peut laisser sur Internet et de ce qu’on peut savoir de nous sur Internet. Ça, à mon avis, on est rentré dans une période malheureusement assez favorable pour sensibiliser le grand public à ces questions-là et donc il faut qu’on travaille vraiment dessus. Et ça tombe bien parce qu’il y a un règlement européen sur les données personnelles qui est en cours de préparation et qui va devoir régler une partie de ces questions-là, je vais en parler un peu après.
Dans les autres sujets depuis 2013, il y a la loi de programmation militaire qui pour le coup a été un échec, cette fois-ci. Je crois que tout le monde s’est réveillé un petit peu tard sur cette loi de programmation militaire, en découvrant un petit peu tard qu’il y avait un article qui légalisait des pratiques de surveillance massive sans vraiment de garanties judiciaires, avec l’argument que, de toutes façons on le faisait, on le faisait hors de tout cadre légal, eh bien légalisons ce qui était a-légal, Ce qui est un argument quand même assez spécieux. Et là, on a assez rapidement perdu par manque de mobilisation, par manque d’appui auprès des politiques, etc.
Dernier point, eh bien se rendre compte qu’il n’y a pas que la NSA, il y a aussi en France tout un tas de choses un peu louches, notamment entre Orange et la DGSE. Il ne s’agit pas de, comment dire, de dire que les services de renseignements n’ont pas à travailler, mais de savoir faire pression, en disant quel est l’équilibre qu’on doit trouver entre les questions de sécurité nationale, etc., et les libertés publiques. Est-ce que la sécurité nationale justifie n’importe quelle atteinte aux libertés publiques et aux libertés individuelles ? Nous, on considère que non ! On considère qu’il faut des garanties, qu’il faut des garde-fous importants et qu’on a besoin de ne pas, comme ça, légaliser n’importe quoi ou laisser faire n’importe quoi.
Qu’est-ce qu’on fait sur ces questions-là ? Un travail toujours d’information, de pédagogie, etc., avec notamment, un site que vous connaissez peut-être, et si vous ne le connaissez pas je vous invite à aller le voir et à le partager, qui s’appelle controle-tes-donnees.net [6], qui a été fait pas des bénévoles de la Quadrature et qui a pour objectif, d’une part d’expliquer ce que c’est que la protection des données personnelles, de savoir comment se protéger, et de savoir quels outils utiliser, comment est-ce qu’on peut à un moment sécuriser mieux ses données. Il est à mettre à jour, il est à renforcer. Donc, vous êtes bienvenus si vous avez envie de travailler là-dessus. Je le trouve pas mal fait parce qu’il est vraiment accessible à du grand public, au moins pour la compréhension de ce que c’est que la question des données personnelles. Pour ce qui est de la mise en œuvre, est-ce qu’on considère que chiffrer ses mails c’est du grand public ? C’est une autre question. Mais on devrait pouvoir y arriver petit à petit.
Deuxième point. Une action auprès des parlementaires français au moment de la loi de programmation militaire, donc, avec l’échec dont je parlais, et notamment une pression assez forte sur les députés UMP qui était assez lamentable, pour qu’ils ne s’opposent pas à cette loi.
Troisième point. Une coordination avec les associations de défense des droits de l’Homme. Ça, c’est un peu une nouveauté du côté de la Quadrature, de se dire qu’on peut travailler avec de gens qui ne sont pas du tout de notre écosystème, on va dire, et aller travailler avec la Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, etc., qui eux, par contre, ont une ancienneté, une légitimité, sur les questions de liberté, qui est très forte. Et donc, assez régulièrement, tous les mois ou tous les mois et demi, on se réunit avec eux pour travailler sur les différents sujets, suivre un peu les différents sujets. Eux, nous apprennent beaucoup de choses et nous, on leur apprend des choses aussi. Et pouvoir agir ensemble à un moment pour défendre les libertés individuelles.
Et puis, un autre projet de notre ami Guillaume (Skhaen [7], NdT.), notamment, qui est lister et cartographier les programmes de la NSA [8]. Ce qui est important parce que, si on veut justement avoir une vue la plus claire et la plus complète possible, il faut informer, il faut que les gens soient capables de s’informer. Il faut qu’on puisse suivre un petit peu ce qui se fait. Mais, tu vas en parler je crois ? Tu as fait ou tu vas faire une conf. dessus ? Samedi après-midi : Pourquoi cartographier et comment cartographier les programmes de la NSA ?
Qu’est-ce qu’on fait après ? On continue sur le règlement sur les données personnelles où on a eu, au début du mois de juin, une position du Conseil Justice affaires intérieures, sur la protection des données personnelles, où on se rend compte que le Conseil revient en arrière sur ce que le Parlement avait pu décider avant, et sur des questions assez importantes. Je ne sais pas si vous aviez suivi mais le Parlement européen avait voté une résolution pour suspendre le Safe Harbor qui est un accord de transfert de données entre l’Europe et les États-Unis en disant « ça suffit, on ne peut pas dans un contexte post Snowden continuer à envoyer toutes nos données sans réfléchir aux États-Unis ». Et il y a tout un tas d’enjeux sur le transfert des données personnelles des habitants de l’Union européenne vers des pays tiers et notamment vers les États-Unis où les parlementaires européens sont plutôt pour durcir les conditions de transfert de données alors qu’au niveau de la Commission ou du Conseil, on est dans une temporisation en disant « non, non, il suffit qu’ils nous disent qu’ils sont gentils et on peut transférer les données ».
Dans le projet de loi numérique, de la même façon, un volet sur les données personnelles qu’il faudra surveiller attentivement.
Sur le droit d’auteur maintenant. On a eu, il y un an, les conclusions du rapport Lescure sur l’avenir d’Hadopi, avec, ça commence à dater un peu, une poursuite de l’approche répressive, une volonté de « CSA-iser » l’HADOPI, de transférer les compétences de l’HADOPI vers le CSA, où le dirigeant du CSA était tellement content de le dire partout que ça leur a finalement porté tort visiblement parce que ce n’est toujours pas fait. Et tout un concept d’auto-régulation qui est le mot de novlangue pour dire qu’on s’autocensure et on retrouve cette autorégulation dans un rapport de Mireille Imbert-Quaretta, qui est sorti au mois de mai, sur la lutte conte la contrefaçon commerciale en ligne, qui reprend très fortement cette approche d’autorégulation en disant « c’est aux hébergeurs à s’autoréguler. S’ils ne veulent pas qu’on leur tape dessus, c’est à eux de faire en amont la censure sur leurs propres contenus ».
Un autre aspect important, c’est la répression financière : taper sur le portefeuille, c’est-à-dire interdire l’accès à PayPal, travailler avec les groupements de cartes bancaires pour que les plates-formes qui diffusent du contenu, violent le droit d’auteur, ne puissent plus se financer. Donc, on tape à des points qui font très mal. Une approche de liste noire, c’est-à-dire on va lister les sites qui sont massivement contrefaisants, ça peut donner une liste intéressante, et puis une responsabilisation assez importante des intermédiaires avec une obligation de retrait prolongé. C’est-à-dire que vous fournissez, je ne sais pas, une plate-forme de blogs, vous êtes Youtube par exemple. On vous fait une demande de retrait de contenu, vous le retirez, vous êtes dans l’obligation de vous assurer que pendant x mois derrière ce contenu ne revient pas. Ce qui revient, peu ou prou, à marquer, à tagger les contenus ou du moins à se débrouiller pour pouvoir surveiller massivement ce qui est mis sur votre plate-forme, pour vous assurer que ça ne revient pas, sinon vous êtes responsable.
Qu’est-ce qu’on a fait nous ? D’abord, un travail de propositions alternatives parce qu’on ne peut pas être perpétuellement dans la contestation et notamment sur ces questions de copyright où on est assez rapidement accusés de vouloir la mort des artistes. Donc, il faut à un moment travailler à proposer des solutions alternatives, et donc, il y a deux choses qui sont intéressantes, si vous vous intéressez à ça. C’est sur le site de la Quadrature, toute une série de propositions qui s’appelle Éléments pour une réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles liées [9], c’est assez dense, mais ça liste quand même beaucoup de propositions. Et puis, le livre de Philippe Aigrain qui s’appelle ’’Sharing’’ [10] et qui n’est pas traduit en français, si vous voulez vous le faites, qui explique tout le principe de la contribution créative, de comment financer la création tout en étant dans une égalisation complète des échanges non marchands.
Qu’est-ce qu’on va avoir après ? La loi création qui est attendue, mais alors, c’est comme la loi numérique, elle est en train de se réduire petit à petit, où il est fort probable qu’il n’y aura pas de volet numérique parce que ce serait trop compliqué pour le ministère de la Culture, alors qu’il a déjà des intermittents à gérer, etc., de gérer en plus les questions de droit d’auteur et de partage, etc. Si jamais cette loi création intègre les aspects numériques, un de nos gros boulots sera de faire le maximum pour intégrer la fin de la répression des échanges non marchands et de promouvoir, soutenir, pousser, une réforme beaucoup plus globale du droit d’auteur. Ce qu’on a à faire aussi c’est à s’opposer très nettement à la prise en main du CSA sur Internet, sinon on va se retrouver avec une « télévisionisation » d’Internet et ce n’est absolument pas ce que l’on veut et probablement pas ce que vous voulez non plus. Ça, ce sera probablement quelque chose à suivre de très près.
Et puis, ce qu’on va lancer dans pas très longtemps, dès que ce sera terminé de préparer, c’est une analyse des réponses à la consultation sur le droit d’auteur de la Commission européenne, qui est une consultation qui a été faite à l’automne dernier, ça a dû commencer je crois en novembre jusqu’en février, où la Commission européenne a appelé à proposer des choses, des éléments de réforme du droit d’auteur. C’est la consultation qui a reçu le plus de réponses de toute l’histoire des consultations de la Commission européenne puisqu’il y a eu 11000 réponses, et donc c’est extrêmement long à analyser. Sont sorties, il y a quelques jours, des premières fuites d’un livre blanc que la Commission européenne va publier en conclusion de cette consultation. Nous, on doute très fortement que toutes les contributions aient été réellement analysées et ils sortent leur livre blanc sans réellement dire « ça, ça a été soutenu par une part très importante ou par une petite part, ou, etc. ». C’est juste une consultation. On est en train de préparer un système pour crowdsourcer les réponses à la consultation. Donc, en prenant quelques points précis, quelques questions précises de la consultation, et en essayant de faire une typologie des réponses, que tous les internautes qui veulent travailler là-dessus, puissent assez facilement prendre les unes à la suite des autres les réponses à la consultation et cocher les questions clefs, pour qu’on puisse ensuite en tirer une analyse la plus complète possible, en disant « eh bien voilà, on a massivement des réponses qui vont dans ce sens-là pour telle question, massivement des réponses qui vont dans ce sens-là pour telle autre, ou au contraire c’est très partagé, etc. » Ce qui nous permettra d’avoir des arguments face à la Commission européenne sur ce qui est réellement sorti ce cette consultation.
Quatrième point : la censure. En ce moment on a un problème assez général dans le travail législatif en France, c’est que quand on a une loi, en général, très souvent, et notamment quand ça touche à tout ce qui se passe sur Internet, on a, assez systématiquement dans les lois, une demande d’extension de la LCEN. Pour rappeler rapidement, la LCEN, c’est ce qui règle les responsabilités, notamment des hébergeurs de contenus sur Internet. Il y a plein de dispositions, dont une qui nous préoccupe qui est celle des contenus que les hébergeurs doivent signaler, laisser signaler par les internautes, et potentiellement qu’ils doivent faire retirer eux-mêmes par les fournisseurs de contenus. Cette LCEN, qui est née en 2004, au départ, cet article-là ne concernait quasiment que la pédopornographie et l’apologie de la haine raciale. Et puis, petit à petit, au fur et à mesure des années, on a rajouté dedans tout un tas de choses, toutes plus répréhensibles les unes que les autres, les violences faites aux femmes, l’apologie des crimes contre l’humanité, etc. Cette année, on en est quand même à trois propositions de loi qui veulent renforcer encore cette LCEN, une sur l’égalité entre les hommes et les femmes qui rajoute les propos sexistes, homophobes, etc., dans ce paragraphe-là ; une proposition de loi contre le système prostitutionnel qui insère également des mesures sur la lutte contre l’apologie ou contre le proxénétisme en ligne ; et un projet de loi de lutte contre le terrorisme qui va arriver probablement la semaine prochaine. Il y a eu un petit avant-goût avec une proposition de l’UMP, qui a fait un petit aller-retour très rapide il y a quinze jours, où on rajoute le terrorisme dans cet alinéa de la LCEN qui fixe les responsabilités des hébergeurs.
Pourquoi ça nous pose un problème ? Parce que si on lit très strictement la LCEN, en théorie les hébergeurs ont juste à mettre en place un système de signalement pour que les internautes puissent signaler ces contenus potentiellement illicites, et ensuite on a un service de police judiciaire, qui a une plate-forme qui s’appelle Pharos, qui doit ouvrir ou pas des enquêtes et poursuivre. Il se trouve, qu’en réalité, les hébergeurs, pour se dédouaner de toute responsabilité, font la police eux-mêmes sur ces contenus-là. C’est-à-dire qu’ils ont des juristes qui qualifient les contenus, manifestement illicites ou pas illicites, et qui demandent directement le retrait de ces contenus. Donc, on arrive à une gestion de la liberté d’expression et de l’expression publique qui est faite, de plus en plus massivement, non pas par des autorités administratives ou judiciaires, mais par des hébergeurs privés. C’est assez compliqué pour nous de travailler là-dessus parce qu’on peut facilement nous dire qu’on n’en a rien à faire des propos sexistes, qu’on n’en a rien à faire du terrorisme ou qu’on n’en a rien à faire de l’apologie ou du proxénétisme en ligne. Sauf qu’il n’est pas question de ça ; il est question de faire attention à qui gère la censure de la liberté d’expression en France. Et notamment, dans le projet de loi de lutte contre le terrorisme, on voit arriver, revenir un serpent de mer, qui est également le blocage administratif. La notion de blocage administratif de contenus en ligne, de sites ou d’URL, donc sans juge, est inscrite dans les mesures contre la pédopornographie, mais les décrets d’application n’avaient jamais été publiés. Puis là, on voit arriver, en même temps que ce projet de loi contre le terrorisme, on commence à entendre dire que les décrets d’application seraient quasiment publiés, et on aurait donc un processus de blocage, sans aucun jugement préalable, par les FAI.
Qu’est-ce qu’on fait là-dessus ? De la sensibilisation, toujours, auprès des parlementaires, ce qui n’est pas simple, parce qu’on peut se retrouver avec des réponses du type « oui mais les gens comme vous, vous mettez la liberté d’expression au-dessus de la dignité humaine ». Enfin, on se retrouve avec ce genre de réponse-là. Des propositions d’amendements alternatifs, notamment pour le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. On avait rédigé, re-rédigé complètement un amendement qu’on a publié, etc., et qui a été plusieurs fois re-proposé, soit par le PS, soit par les verts. En général, les députés PS le retiraient juste avant le vote sous pression et on essaye de sensibiliser et de convaincre que le pouvoir de censure doit être un pouvoir judiciaire et non pas un pouvoir privé.
Deuxième point qui est très important un peu dans l’idée de ne pas être toujours dans une pure contestation : travailler avec les associations féministes et LGBT, ce qui a été très bénéfique avec certaines d’entre elles, pour vraiment expliquer nos positions et faire changer leur regard sur les questions de censure sur Internet. Passer de se dire « OK, vous défendez les victimes et vous avez parfaitement raison de le faire. Mais pour autant, cette défense des victimes, ne doit pas emmener à une restriction trop forte des libertés publiques de l’autre côté ».
Qu’est-ce qui arrive ensuite ? La deuxième lecture du projet de loi égalité qui a lieu normalement aujourd’hui en fin d’après-midi. Donc, à voir ce que ça va donner mais on n’a à peu près aucune chance d’avoir quoi que ce soit, parce qu’il y a une pression très très forte du gouvernement. Une deuxième lecture du projet de loi contre la prostitution dont on n’a pas pour l’instant de date, et puis ce projet de loi de lutte contre le terrorisme qui devrait arriver début juillet, parce que le ministre de l’Intérieur a très envie que ça commence à être discuté avant les vacances parlementaires, et où là, il va falloir qu’on fasse beaucoup de bruit avec vous parce qu’il faut absolument qu’ils comprennent que ces questions de blocage administratif et d’extension de la LCEN ne peuvent pas être comme ça, indéfiniment, mises en place. Il faut vraiment qu’on arrive à faire remonter les questions de liberté d’expression à la même hauteur que les autres.
Je termine sur ce qui se passe à l’intérieur de la Quadrature du Net. Ce que tout le monde ne sait pas forcément, c’est que la Quadrature n’était pas une association déclarée, ni rien, depuis sa naissance. Début 2013, il y a une association en bonne et due forme, qui a été crée, avec un conseil d’orientation stratégique, avec tous les cofondateurs de la Quadrature, et qui s’est un petit peu élargie au début de l’année ; une équipe opérationnelle, donc les salariés de la Quadrature, et puis une vaste nébuleuse de bénévoles, qui soit sont juste intéressés, ou qui s’engagent un peu plus, ou qui font carrément des projets complets. Dans les faits marquants de l’année, il y a le départ de Jérémie au début de l’année 2014 ; une réorganisation de l’équipe opérationnelle qui est donc structurée en plusieurs pôles, on va dire. Il y a toute une partie d’analyse juridique et politique qui est faite par Miriam Artino, avec l’aide d’un certain nombre de merveilleux stagiaires. Une équipe de campagne qui est autour de Yoann, que vous connaissez peut-être, et moi-même pour la coordination. Et puis, Marie qui s’occupe de tout ce qui est administratif et de coordination interne.
On se rend compte qu’on a une hausse continuelle des sujets à traiter. C’est-à-dire que tous les quinze jours, on a une nouvelle loi, complètement pourrie, qui nous arrive dessus. Les questions de surveillance, ce n’est pas qu’on ne s’en occupait pas avant, mais les révélations de Snowden ont quand même mis un sacré coup en plus et une sacrée charge de travail en plus. On a vraiment besoin d’avoir plus d’aide, plus de soutien. Moi, je suis arrivée à la Quadrature il y a deux mois, pour coordonner les campagnes, et une des choses qui me tiennent particulièrement à cœur, ce sont les deux points qui sont en dessous : c’est d’étendre, de solidifier énormément l’action bénévole ; d’arriver, peut-être, à avoir des vrais groupes de travail qui puissent se pérenniser, où les gens ne soient pas tout seuls à porter un projet comme des malades en n’en dormant plus la nuit s’ils n’ont pas terminé ; d’être soutenus par les salariés mais aussi assez autonomes ; que le travail de veille et de revue de presse, qui est super bien fait, et je vous invite à participer à la revue de presse de la Quadrature parce que c’est vraiment super bien fait, soit un peu plus soutenu par d’autres bénévoles, parce que ceux qui le font actuellement, parfois ils ont un petit peu de mal à tout suivre ; et puis un aspect un peu de déconcentration et de décentralisation de la Quadrature, qui est une association internationale du 11ème arrondissement de Paris, si je caricature un peu, et qui a peut-être besoin de s’étendre un peu au-delà.
Et à ce propos, je voulais dire que j’ai lancé dans un silence assourdissant jusqu’à maintenant, une proposition de quadr’apéro décentralisé, donc c’est peut-être plus pour les gens qui regardent en stream que pour les gens qui sont dans la salle que je le dis, mais le 4 juillet prochain on a notre prochain quadr’apéro, et si vous avez envie de, symboliquement, ou pas symboliquement, participer, que vous ne pouvez pas être à Paris, mettez sur le wiki de la Quadrature, il y a une sous-page du quadr’apéro, mettez votre ville, mettez le nom d’un bar où vous serez à partir de dix-neuf heures, ou d’un parc, ou d’un place, ou je ne sais pas trop quoi, et puis vous verrez bien : soit vous buvez une bière tout seul, soit il y a des gens qui viennent. Mais ça peut être un bon moyen, ne serait-ce que de se retrouver, ne serait-ce que de faire un peu de cohésion. Je ne suis pas tout seul à faire ce que je fais dans mon coin, il y a d’autres gens qui pensent comme moi, il y a d’autres gens qui font des choses. Moi, je l’ai beaucoup vu dans la communauté où j’étais avant, qui est la communauté des wikimédiens, quand on commence à boire des bières ensemble, assez rapidement on discute de choses importantes et assez rapidement on commence à monter des projets. On continue à boire des bières, mais ça devient de plus en plus productif. Et je trouve que ce serait intéressant qu’on tente ça avec les gens de la Quadrature. On n’est pas obligé de donner son nom, on peut rester sous pseudo pendant dix ans, il n’y a pas de problème. Mais d’essayer de susciter de l’engagement de manière un peu plus diffuse.
Et puis le deuxième point qui me tient particulièrement à cœur, et pas que à moi, c’est de manière générale à la Quadrature, c’est l’aspect de capacitation citoyenne et d’aller vers un plus grand public. Capacitation citoyenne, je pense que vous comprenez ce que ça veut dire, mais en gros, ça veut dire qu’on n’est pas là pour faire tout le boulot à votre place. On a besoin, parfois on peut aller, par exemple nous on travaille à temps plein donc forcément on a le temps d’y aller, mais c’est important que chacun prenne en main sa propre sécurité, sa propre gestion des données personnelles etc. On ne va pas commencer à taper sur les Apple et autres qui vous enferment dans un espèce de système sécurisant pour faire la même chose sur les sujets de la Quadrature. Il faut absolument que les gens se prennent en main tout seuls et se sécurisent tout seuls. Et nous, on accompagne, on donne les billes, on donne le discours, on donne les méthodes, etc, mais c’est aux gens de le faire. Ça pour moi c’est un enjeu majeur. Si on n’arrive pas à aider les gens à se prendre en main tout seuls ils ne nous soutiendront pas derrière. Ils n’auront pas une aussi bonne compréhension des enjeux.
Et sauter le pas du grand public, c’est pareil. Si on a besoin de pouvoir peser sur le politique notamment, ou sur les lobbies, il faut qu’on soit extrêmement nombreux et j’adore l’expression des cinq gus dans un garage, mais alors, un, il n’y a quasiment plus que des femmes dans l’équipe opérationnelle de la Quadrature et deux il faut qu’on arrête d’être cinq. Il faut vraiment être beaucoup plus nombreux que ça et que le garage ne suffise plus.
Donc, s’il y a une action que vous pouvez faire, c’est vraiment ce travail très simple et il ne suffit pas de dire « eh bien protège-toi ! Chiffre tes mails ». Moi, on m’aurait dit ça il y a quatre, cinq ans, je serais partie en courant. Je ne savais même pas ce que c’était qu’un logiciel libre. Non, on ne fait pas ça. On y va tranquillement et voilà. Qu’est-ce qu’il y a ?
Public : Inaudible
A C-A : Je ne chiffrais pas non plus il y a quatre mois mais je savais ce que c’était. C’est bon ? Donc, voilà. Donc, on a besoin de vous et notamment on a commencé notre campagne de dons aujourd’hui, ça tombe bien. C’est fou hein ! On a terriblement besoin de vous physiquement mais aussi financièrement. Moi, j’aimerais beaucoup que les militants, les bénévoles, n’aient même plus besoin de nous aider financièrement parce qu’il y aura tellement de dons du grand public qu’on n’en aurait plus besoin, mais ça n’est pas le cas ! Donc, on a commencé notre campagne de dons. On a besoin de récolter un peu plus de 160 000 euros pour tenir cette année. Et on tient vraiment, c’est-à-dire que c’est juste pour arriver à payer le loyer du local et les salaires et des autocollants. Donc, il faut absolument qu’on arrive à être plus solides financièrement pour pouvoir peut-être recruter des nouvelles personnes pour faire de l’analyse ou de la campagne, etc. ; être moins débordés et pouvoir faire beaucoup plus de choses. Voilà. Je compte sur vous pour massivement relayer cette campagne, et puis pour partager, pour sensibiliser, pour travailler, enfin tout ce que j’ai dit, je ne vais pas me répéter. Et maintenant, si ça vous va, dans le quart d’heure qui reste, comme je vois qu’il y a plein de gens qui connaissent la Quadrature depuis très longtemps ici, j’aimerais bien qu’on discute un peu, justement de ces orientations, et de comment vous verriez des choses pour toucher ce grand public. Voilà !
Personne ne parle. Si, merci !
- Public :
- Moi, c’est Lunar. Un truc qui me manque et qui pourrait être vraiment bien par rapport à une partie du boulot qui est déjà fait dans la Quadrature du Net, c’est de former les gens au discours vers le grand public. Il y a tout un travail qui est fait pour simplifier le langage qui est dans les communiqués de presse, etc., mais en fait, ce qu’il nous faut, aussi, ce sont des ateliers pratiques sur comment est-ce qu’on explique simplement telle chose, avec des jeux de rôles et des choses comme ça, et de multiplier ce genre d’occasions, ça pourrait nous aider. Peut-être.
- A C-A :
- Je pense que c’est une très très bonne suggestion. On ne peut pas dire que les communiqués de presse soient très grand public, mais ils ont besoin aussi d’être super réglo parce qu’ils servent derrière aux gens. C’est une très bonne suggestion. Je ne sais pas si on est prêt à le faire, mais, oui.
- Public :
- Je veux dire, l’UMP, il a ses éléments de langage alors on pourrait avoir les nôtres.
- A C-A :
- Tu penses qu’il y a une agence qui pourrait nous aider ou on fait tout seuls ?
- Public :
- Eh bien, il y a justement des gens qui peuvent vous aider, c’est Franck Lepage et je pense qu’il serait tout à fait d’accord pour venir vous aider.
- Public :
- Oui, Franck Lepage fait des conférences gesticulées dans une SCOP. On m’a expliqué qu’elle n’existait plus mais je ne sais pas exactement. Si, si, me dit-on à ma droite. Bref, Franck Lepage a fait le site Inculture. Ce sont des conférences gesticulées, donc ce sont des pièces de théâtre, mais qui sont des conférences et qui ne sont pas barbantes. Ce qui ne veut pas dire que la tienne était barbante, non Adrienne, désolé. Mais c’est vraiment très intéressant. Il a un travail sur la communication qui est très très très intéressant et son but c’est justement de faire des formations sur comment passer de l’information différemment et efficacement.
- A C-A :
- Y compris par écrit ou pas ?
- Public :
- Comment ?
- A C-A :
- Y compris par écrit ?
- Public :
- Je ne pense pas, c’est surtout de l’oral.
- A C-A :
- Bon. On note, on note. Personne ne veut parler.
- Public :
- Merci Adrienne. Je me considère dans la cible grand public. Enfin !
- A C-A :
- Toi tu signes des bouquins ! C’est bon quoi !
- Public :
- Oui mais justement. En fait, il se trouve que dans les locaux de la Quadrature, il y a un scanner à livres qui est hébergé parallèlement aux activités de la Quadrature qu’Adrienne a montrées. Mais ça faisait des années que je suivais la Quadrature sur Internet, vraiment au moins plus de cinq ans. Et je n’avais jamais sauté le pas d’aller et venir vous voir, de découvrir que tiens, ah oui, quand on fouille le wiki du site on peut trouver qu’il y a des quadr’apéros et que si on refouille bien ou si on s’abonne à la liste on va peut-être trouver la date du prochain et je n’avais pas jamais sauté le pas. Et c’est plutôt, moi, via le book scanner que je suis arrivée dans les locaux donc j’ai commencé à rencontrer des gens. Et je me suis dit « Oh ce sont des gens bien ! » Je le savais déjà, mais voilà, c’est là où ça m’a fait sauter le pas, et du coup j’ai pu aller chercher la date du prochain quadra. Après, c’est peut-être voulu aussi que ce ne soit pas crié sur les toits, je ne sais pas.
- A C-A :
- Non non, non, ce n’est pas voulu.
- Public :
- Parce que du coup l’information, il faut vraiment la vouloir pour la chercher. C’est tout bête. Pour des gens hors du cercle, entre autres.
- Public :
- Si on veut que les gens connaissent l’information, il ne faut pas faire en sorte que l’information soit difficile à trouver, enfin que l’information vienne à eux plutôt que l’inverse, plutôt qu’ils ne cherchent l’information. Ça signifie faire une campagne peut-être de sensibilisation et de publicité ou « attachage » de presse.
- A C-A :
- Ouais. On n’a pas forcément les moyens de faire ça, de se payer des AdWords. Après, on a la complexité d’avoir, par exemple, un site qui est essentiellement de l’analyse ou des réactions et est-ce qu’on met la date du quadr’apéro sur le site de la quadrature ? Ou pas ? On est à la fois dans de la communication complètement externe où, pour le coup, les politiques et les journalistes, la date du prochain quadr’apéro ils n’en n’ont rien à faire, et une communauté qui en a besoin par contre, ou des gens qui en ont besoin. Donc, c’est assez complexe. Mais oui, la question de l’information est cruciale. Oui.
- Public :
- Donc, ça signifie deux portails, en fin de compte. Un pour les journalistes et pour l’information et l’autre pour les gens qui souhaitent venir. Diviser les choses de cette manière, a priori.
- A C-A :
- Probablement, oui.
- Public :
- Je suis un peu la Quadrature mais la question que je me pose c’est est-ce que, depuis le départ de Jérémie, il y a un visage ou un représentant de la Quadrature ? D’une certaine manière, est-ce que vous envoyez très régulièrement des communiqués de presse aux rédactions pour dire que s’ils on besoin d’un expert sur tel ou tel sujet, que vous pourriez les aider, ou en tout cas répondre à des questions, ou étayer un certain nombre de choses ? Peut-être que c’est ça qui aiderait, justement, à populariser un peu la Quadrature, c’est d’avoir un peu une personne qui fasse le tour des plateaux ?
- A C-A :
- Dans la réorganisation, il y a notamment le fait qu’il n’y a plus un seul porte-parole pour la Quadrature. C’est plus distribué entre le conseil d’orientation stratégique, Miriam qui fait l’analyse juridique ou moi, etc. Et c’est voulu aussi, parce que chacun a ses spécificités et parfois une très grande compétence sur un sujet. Donc, c’est important aussi de profiter à fond de ça. Maintenant, les journalistes ont assez facilement le réflexe de venir nous chercher, d’ailleurs même parfois pour des trucs où vraiment ça ne nous concerne même pas, ou ce n’est pas notre boulot, et là, nous on va les orienter vers la bonne personne. Mais l’entrée de la presse vers la Quadrature se fait relativement bien. Après, faire le tour des rédactions, je pense que ce n’est pas inutile. Je ne suis pas sûre que ça passe très bien. Mais connaissant un petit peu, je ne suis pas sûre que ça passe très très bien. En tout cas développer ce type de relations en étant incontournable, c’est important, et moi j’ai été assez contente d’entendre des gens, il n’y a pas très longtemps genre Edwy Plenel dire « Moi quand je me pose des questions sur le numérique, sur les libertés publiques, ma boîte à idées c’est la Quadrature ». Ça, ça fait plutôt plaisir. Je pense que là-dessus on est relativement bien identifié, il y a besoin que ça aille encore plus loin. Maintenant, de toutes les manières, il n’y a pas suffisamment de presse sur ces sujets-là, ça ne creuse jamais assez profond, c’est souvent trop léger. Mais, c’est à travailler aussi.
- Public :
- Typiquement l’idée d’avoir une personne identifiable, pour le coup, ça ne s’adressera pas vraiment à la presse mais plutôt au public, au grand public, d’avoir une personne identifiable qui serve de porte d’entrée après pour le reste de la Quadrature, avec un discours cohérent. Si toutes les personnes savent qu’il faut chercher tel nom sur Internet, pour savoir ce qu’est Internet, et justement pour la sécurité et tout ça, sur Internet, avec une étiquette journaliste ou une étiquette presse visible, qu’on verra sur les plateaux ou un truc comme ça, ça peut être une excellente idée, je pense pour la suite, qui, quitte à ce qu’elle change une fois par an ou un truc comme ça.
- A C-A :
- Ça ne marche pas comme ça. C’est à la fois une force et une faiblesse. Tu fais aussi reposer sur le dos d’une personne une responsabilité trop lourde, je pense, et qu’on ne peut pas tenir. Mais si ça change, ça ne marche pas, il faut tellement de temps pour installer. À mon sens, c’est une force mais elle n’est pas suffisamment importante par rapport à toute la fragilité que ça peut avoir de mettre tout sur le dos d’une personne. Et si on est dans la capacitation, etc., on n’est pas dans l’identification totale à une personne. Je vois bien ce que tu veux dire sur le fait d’avoir quelqu’un d’identifiable. Ça me semble plus important que les gens sachent qu’en tapant « la Quadrature » ils vont avoir plein d’informations, que de se dire il faut taper tel nom ou tel autre ; ça me semble beaucoup plus dangereux comme concept.
Il n’y a plus personne.
- Organisateur :
- Pas de questions ?
- Public :
- Du coup, tu as parlé tout à l’heure du fait que la Quadrature commençait à travailler avec d’autres associations et notamment des associations LGBT, féministes, etc. Et moi, je me demande si la Quadrature a envie de prendre vraiment une position politique là-dessus, parce qu’il y a différents courants féministes, il y a différents courants LGBT. Tu as parlé de la loi sur le système prostitutionnel. Il y a des groupes qui se mobilisent contre cette loi dans son entièreté et pas seulement sur ces paragraphes-là. Et du coup, je me demande est-ce que la Quadrature a vraiment envie de rester neutre et de faire copain copain avec un peu tout le monde ? Ou est-ce que la Quadrature a vraiment envie de prendre des choix politiques sur ces questions-là en fait ?
- A C-A :
- Il y a ces points-là sur le féminisme et sur la prostitution. Il y a aussi beaucoup de choses autour de tout ce qui est vivant et libre, enfin tu vois tout ce qui est semences, etc. C’est quelque chose, on en a déjà discuté, mais je pense qu’il y a encore besoin d’aller plus loin dans la réflexion commune. Des quelques discussions qu’on avait eues, notamment avec le conseil d’orientation stratégique, moi j’en ai retenu quand même une idée un peu générale, de se dire, est-ce que c’est à nous de prendre des positions tranchées sur ces questions-là qui sont beaucoup plus vastes que celles qu’on traite, nous ? Ou est-ce que notre boulot ce n’est pas plutôt d’aller sensibiliser ces différentes associations quelles qu’elles soient, ou tel et tel mouvement quel qu’il soit, sur nos sujets de manière générale, et ensuite ils l’intègrent de la manière qu’ils veulent, ou pas, dans leurs propres discours ? Est-ce que par exemple on doit s’engager contre les OGM et pour les semences libres ? Et intégrer ces sujets-là ? Pour ou contre la prostitution, alors je fais des caricatures énormes, et intégrer ça dans notre série de points ? Ou est-ce que l’important pour nous, c’est que les gens qui s’intéressent à ces sujets-là, et qui travaillent sur ces sujets-là, et qui militent sur ces sujets-là, ne racontent pas n’importe quoi sur Internet, les libertés, etc. Mon avis personnel, mais je pense que je ne suis pas tout à fait la seule à le partager, peut-être on a déjà énormément de sujets à traiter, il faut peut-être qu’on soit assez solides sur ces choses-là ; que ces associations-là sachent qu’elles ont, en venant nous voir, ou quand on va les voir, des gens qui savent ce qu’ils pensent et qui ont des positions très sensées, et qu’ensuite elles les mettent en œuvre.
Je ne sais plus quand, j’écoutais à la radio, Rokhaya Diallo qui parlait de tout ce qui était harcèlement sur Internet, je l’entendais et je sentais dans son discours les arguments de la Quadrature et elle parlait, elle était invitée en tant que féministe, etc., je me dis là on a réussi quelque chose. Si, dans l’ensemble de son discours et de son militantisme féministe, elle intègre les positions de la Quadrature, c’est bien. Nous, on se retire et on la laisse avec toute sa légitimité, ou pas si tu considères qu’elle n’en n’a pas, travailler sur ces sujets-là. Tu vois ce que je veux dire. Moi, je me positionnerais plutôt là-dessus. On ne peut pas prendre tous les sujets du monde à la Quadrature. Voilà.
Tout le monde dort. C’est bon ?
- Organisateur :
- Une dernière question.
- Public :
- Bonjour. Juste un petit point pub par rapport à la Quadrature du Net. Si vous voulez vous faire un bon argumentaire et avoir des bonnes qualités rédactionnelles ensuite, n’hésitez pas à rejoindre l’équipe de la revue de presse sur Freenode, sur l’IRC Freenode ; vous allez sur #lqdn-rp et là vous pourrez rejoindre l’équipe de la revue de presse. Ça permet de pas mal s’informer, d’avoir un bon argumentaire et de bien communiquer ensuite.
- A C-A :
- C’est vrai.
- Public :
- Si vous voulez travailler sur NSA observer. Je suis là aussi.
- A C-A :
- C’est open bar, quoi.
- Public :
- En gros, on est entre quatre et six à bosser dessus. C’est ultra chiant à faire.
- A C-A :
- Mais ne dis pas ça !
- Public :
- En fait, c’est ultra chiant au premier abord, parce que c’est plein de termes techniques. Et puis, en fait, après ça, vous commencez à pouvoir agrafer des programmes, à voir ce que ça fait, etc. Donc, vous devenez paranos, vous aimez encore plus. Ah non, en fait, c’est vachement bien à faire. On a deux cent pages à éplucher la semaine prochaine, donc si vous voulez venir nous aider, c’est vraiment une super bonne idée.
- A C-A :
- Et si je continue sur la pub, j’ai donné des choses à manger à un groupe traductions, qui n’était pas très actif, qui est en train de traduire un truc chouette qui est un rapport, sur un an, de mesures gouvernementales ou de réactions gouvernementales post Snowden, qui est une étude d’une centaine de pages qui a été faite par Privacy International et qui prend deux trois pages par pays et qui analyse tout ce qui a été fait pendant un an après Snowden. Donc, si vous voulez vous prendre un pays, ça fait trois pages. On traduit ça sur le wiki de la Quadrature. Allez-y quoi, c’est chouette.
- Organisateur :
- Merci beaucoup.
- A C-A :
- De rien.
Applaudissements
[footnotes /]