- Titre
- : Interview de Laurent Séguin Président de l’AFUL
- Intervenant
- : Laurent Séguin
- Date
- : septembre 2014
- Durée
- : 06 min 10
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Transription
Qu’est-ce que l’AFUL ?
Je m’appelle Laurent Seguin. Je suis président de l’AFUL, qui est l’Association Francophone des Utilisateurs de logiciels Libres. Francophone pourquoi ? Parce qu’on rayonne sur toute la francophonie, donc que ce soit en Amérique du Nord, en Asie, en Europe, dans les îles du Pacifique, de l’Océan Indien. Utilisateurs, c’est au sens large du terme, ce sont les particuliers, les entreprises, les administrations, etc. Et Logiciels Libres, mais pas que. On a aussi à cœur de promouvoir les œuvres sous licence libre, de promouvoir les ressources pédagogiques sous licence libre, bref tout ce qui est ressources sous licence libre. Et on intervient également pour tout ce qui est service en ligne. On a développé une notion de services en ligne libres et loyaux qui permet, en fait, d’avoir à peu près les mêmes libertés sur un service en mode cloud computing, Software As A Service, que si on installait son logiciel sur son ordinateur.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce domaine ?
Déjà, j’étais internaute assez tôt puisque j’ai commencé en 94. Tout de suite, je me suis intéressé au web. J’ai commencé à faire des petites pages web persos. Et à l’époque, il y avait un réel problème d’interopérabilité, c’est-à-dire qu’il y avait deux web : il y avait le web qui était réservé à Internet Explorer et le web qui était réservé à Netscape, donc, les deux vieux logiciels du web du moment. Et il y avait une certaine balkanisation, en fait, du web. Et ce qui m’a amené à m’intéresser tout de suite au Logiciel Libre ce sont les standards ouverts. Les standards ouverts et l’interopérabilité et du coup, il y a l’AFUL qui avait un groupe de travail interopérabilité, qui s’occupait de ces questions-là, je suis rentré comme ça et à force, petit à petit, on découvre un nouvel univers et on s’implique de plus en plus et on finit président de l’association.
Actuellement quels sont les projets de l’AFUL ?
Alors, les gros chantiers de l’AFUL : on intervient sur plusieurs domaines, notamment le domaine économique. Les entreprises utilisatrices, aujourd’hui, n’ont pas forcément bien intégré ce que c’était que le Logiciel Libre, du moins les effets concrets de la liberté pour elles. Donc, c’est une des missions de l’AFUL d’aller leur parler de ça, de leur faire comprendre qu’il ne faut pas forcément regarder le Logiciel Libre avec les mêmes critères que le logiciel non libre.
Le deuxième volet extrêmement important, qui est aussi un des principes fondateurs de l’AFUL, c’est l’éducation et l’éducation populaire. Donc, là c’est essayer de discuter avec les différents organismes qui font l’éducation populaire, avec les organismes qui gèrent l’Éducation Nationale pour qu’ils enseignent avec du Libre, sur du Libre et du Libre, et notamment là on essaye de faire entrer un peu l’enseignement de la science informatique à l’école et qu’on ne découvre pas, en fait, l’informatique à l’université ou en fin de terminale, qu’on la découvre vraiment plus tôt comme on apprend la science physique ou comme on apprend les mathématiques.
Un autre gros dossier qu’on a à l’AFUL, c’est bien sûr l’action Non aux Racketiciels. Ce sont des logiciels qu’on vous oblige à acheter quand on achète du matériel informatique. C’est probablement l’action la plus visible parce que la plus grand public. D’ailleurs on a une pétition ouverte, il faut absolument la signer. Il faut aller vite voir sur le site de l’AFUL, pour signer la pétition. Et après, bien sûr, on travaille toujours sur l’interopérabilité. On travaille également sur le droit d’auteur et le droit en général avec les licences libres. Et voilà pour les grandes actions. Après, il y a plein de petites actions en détail, mais voilà ça ce sont les grands chantiers qui durent depuis longtemps et sur lesquels on est très attachés.
Aujourd’hui quel serait le rêve de l’AFUL ?
Le rêve de l’AFUL, j’aime bien dire un monde numérique ouvert et loyal. Ouvert ça veut dire qu’on puisse faire confiance à son informatique parce qu’on ne peut faire confiance à ses logiciels que s’ils sont libres et qu’il y ait eu un vrai cercle de confiance, qui avant a audité le logiciel. On a changé d’ère, je pense, début juin de l’année dernière avec les révélations d’Edward Snowden, où on a appris qu’il y avait des portes dérobées dans les grands logiciels non libres. Du coup un des rêves, c’est que l’informatique soit libre, loyale et que vraiment on puisse retrouver la confiance complète dans son informatique, qu’on puisse se partager les codes, qu’on puisse mieux comprendre le code, que les gens ne soient plus naïfs par rapport à l’informatique, que lorsque, quand ils appuient sur une icône de leur tablette, ce ne soit pas quelque chose de magique mais qu’ils comprennent les processus induits et la science qu’il y a derrière. Voilà un des grands rêves de l’AFUL.
Comment s’effectue le travail pour les créations collectives ? Quelles sont selon vous les limites du système ?
Alors, ça dépend du projet. Qu’est-ce c’est qu’une création collective réellement ? En termes de logiciels, on a tendance à croire qu’un bon logiciel a des milliers, voire des dizaines de milliers de développeurs. En fait dans la réalité ça tient sur un noyau de peu de personnes, trois, quatre, cinq, dix s’il y a de la chance. Après, il y a des œuvres collectives qui ne sont pas logicielles, où là il y a beaucoup plus de contributeurs. Si on prend l’exemple de Wikipédia qui a des dizaines de milliers de contributeurs. Comme toute communauté, il faut qu’il y ait des règles sociales, des règles du jeu où les gens savent comment ça fonctionne et comment eux peuvent apporter leur pierre pour construire quelque chose qui va les dépasser. Du coup, c’est vraiment une organisation sociale qui est à bien comprendre. Les œuvres collectives, pour moi, ne peuvent se faire que sous licence libre parce qu’elle permet à chacun d’apporter sa vision, sa façon de faire et sa connaissance des choses tout en permettant à tout le monde de pouvoir réadapter ce qu’on a apporté.